La clause de « buy or sell » : validité et conditions de mise en œuvre

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Ines Khanfir, avocate au barreau de Paris et Zoe Moreau [1]
Avril 2025

Cass.com 12 février 2025 n°23-16.290 [2]

Intégrée dans certains pactes d’associés, la clause d’offre alternative ou de « buy or sell » a pour ambition de permettre de résoudre des situations persistantes de conflit ou de blocage entre associés en organisant la sortie de l’un au moyen du rachat de ses titres par l’autre.

Par le biais de ce mécanisme, l’associé initiateur s’engage à céder ses titres à l’associé bénéficiaire selon des modalités dont les contours auront été préalablement arrêtés dans la clause. L’associé bénéficiaire dispose alors de la faculté d’acquérir les titres aux conditions proposées et, à défaut, est contraint de céder ses propres titres à l’associé initiateur aux mêmes conditions, qui s’oblige dans une telle situation à les acquérir.

Compte-tenu du contexte dans lequel intervient sa mise en œuvre, cette clause se trouve paradoxalement être elle-même régulièrement source de conflit entre les parties, en particulier s’agissant de ses conditions de déclenchement et des paramètres de fixation du prix de cession, ce qui nécessite de redoubler de vigilance lors de sa rédaction.

Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 février 2025[1]illustre à nouveau ces difficultés à l’occasion d’un litige impliquant deux associés d’une SARL ayant conclu un pacte d’associés contenant une clause de « buy or sell » quant à l’exécution de celle-ci.

La clause litigieuse prévoyant que « en cas de désaccord grave et persistant susceptible d’entraîner une paralysie dans le fonctionnement de la société et de porter atteinte à l’intérêt social, chaque associé pourrait proposer à l’autre associé de lui céder la totalité de sa participation au sein de la société aux prix et conditions précisés dans son offre, le bénéficiaire de l’offre disposant de trente jours pour lever l’option.

À défaut, ce dernier sera alors tenu de céder ses propres titres à l’associé ayant pris l’initiative de la procédure aux prix et conditions déterminés dans l’offre initiale ».

L’un des associés avait mis en œuvre la clause et l’autre s’y opposait considérant que (x) les conditions de déclenchement de la clause n’étaient pas établies, (y) que le pacte d’associés ne fixait pas le prix de cession ni ne le rendait pas déterminable par des éléments objectifs ne dépendant pas de la seule volonté de l’associé initiateur et que (z) la clause n’avait pas été exécutée de bonne foi, l’associé initiateur ne lui ayant pas communiqué les éléments pertinents lui permettant d’apprécier le prix proposé.

La haute juridiction rejette le pourvoi et valide l’analyse retenue par la Cour d’appel d’Angers dans son arrêt du 7 mars 2023 [2]énonçant tout d’abord que c’est en vertu d’un engagement synallagmatique librement consenti par des associés pour régler une situation de blocage que la vente a lieu et que les modalités prévues pour la mise en œuvre de la clause permettent la détermination du prix, en ce que « le prix est déterminable à partir du prix proposé par le potentiel vendeur, qui sert de prix de référence au bénéficiaire de l’offre qui choisirait finalement de ne pas racheter les titres du premier et qui, dès lors, s’engage à vendre ses propres titres aux conditions de prix fixées dans l’offre de vente, que lui a faite l’autre associé ». La chambre commerciale précise à cet égard qu’il est nécessaire que la situation de fait déterminant le déclenchement de la clause soit caractérisée par des conditions objectives, ce qui était bien le cas en l’espèce.

En second lieu, l’arrêt souligne de façon inédite que sauf stipulation différente dans la clause d’offre alternative, il ne peut être exigé de l’associé qui la met en œuvre une communication spontanée de tous les documents utiles à l’appréciation de l’offre. En l’espèce l’application de la clause n’était soumise à aucune condition tenant à des vérifications quelconques et aucune demande en ce sens n’avait été formulée à l’associé initiateur.

Enfin, la Cour de cassation précise qu’il est nécessaire que la clause soit mise en œuvre de bonne foi, rappelant ainsi sa jurisprudence antérieure selon laquelle l’exécution de mauvaise foi empêche l’accomplissement de la condition assortissant l’obligation.

En définitive l’arrêt s’inscrit dans la continuité de la position déjà adoptée par la jurisprudence s’agissant des conditions de validité de la clause de « buy or sell », tout en précisant les obligations s’appliquant à l’associé initiateur de l’offre en ce qui concerne sa mise en œuvre.

Références

  1. Cass.com 12 février 2025 n°23-16.290
  2. Cour d’appel d’Angers RG n° 22/01628