Absence prolongée ou absences répétées du salarié perturbant un service essentiel d’une entreprise (Cass. soc. 23/05/2017 n°14-11929)
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Auteur : [[Auteur::Me Stéphane VACCA]]
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2017, 14-11.929, Inédit
L’article L.1132-1 du code du travail qui fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.
Tel est le principe juridique d’abord rappelé par la Cour de cassation dans cet arrêt du 23 mai 2017.
Préalablement, on rappellera que :
- l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié peuvent constituer un motif réel et sérieux de licenciement aux deux conditions cumulatives :
- qu’elles perturbent le fonctionnement de l’entreprise,
- et qu’elles rendent nécessaire le remplacement définitif du salarié, la charge de la preuve incombant à l’employeur,
- qu’elles perturbent le fonctionnement de l’entreprise,
- étant précisé que la perturbation du seul secteur d’activité du salarié, ou d’un service de l’entreprise, ou d’un seul magasin, ou d’un seul service juridique, n’était pas suffisante pour être retenue comme une cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 13/05/2015 n°13-21026 ; Cass. 02/12/2009 n°08-43486 ; Cass. soc. 19/05/2016 n°15-10010 ; Cass. soc. 01/02/2017 n°15-17101), puisque pour la Cour de cassation, l’employeur devait démontrer que la perturbation frappait l’entreprise dans son ensemble. On comprendra que plus grande était la taille de l’entreprise, plus difficile il était pour l’employeur de démontrer que les absences désorganisaient l’entreprise.
Toutefois, l’arrêt du 23 mai 2017 semble apporter un assouplissement à ces principes.
Car dans cette affaire, une salariée appartenant au service de « prospection et de fidélisation de la clientèle » longuement absente, avait été licenciée parce que son absence perturbait le fonctionnement de ce service, et non de l’entreprise.
Et la cour d’appel donna raison à l’employeur, rejetant la demande de la salariée en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, relevant que l'employeur justifiait d’absences de la salariée (dont la dernière de plus de sept mois au moment du licenciement et autres périodes d'absence prolongée), sans visibilité pour l'avenir au moment du licenciement, et la perturbation du service de « prospection et de fidélisation de la clientèle » au-delà des solutions provisoires de remplacement temporaire assurées successivement par deux conseillers volants, d’autant plus qu'était établie l'effectivité du remplacement définitif de la salariée par le recrutement d'un salarié, rapidement après la fin du préavis de trois mois suivant le licenciement de la salariée.
Or, la Cour de cassation n’a pas cassé cet arrêt au motif qu’il n’était pas démontré que les absences perturbaient le fonctionnement de l’entreprise, mais parce que la cour d’appel, en se déterminant ainsi, et en relevant une perturbation du seul service de « prospection et de fidélisation de la clientèle », n’avait pas constaté le caractère essentiel de ce service dans l'entreprise, et avait donc privé sa décision de base légale au regard de l’article L.1132-1.
Y aurait-il ainsi assouplissement de la jurisprudence de la Cour de cassation, passant de la désorganisation de l’entreprise dans son ensemble, à la désorganisation d’un seul service pour autant que soit démontré son caractère essentiel ?