Bail commercial et obligation de payer les loyers en dépit de la crise sanitaire : le Tribunal judiciaire de Paris donne quelques clés
France > Droit privé > Droit civil > Droit des contrats spéciaux
Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris
Un jugement du Tribunal judiciaire de Paris (TJ. Paris, 20 janvier 2022, n° 20/06670) prend position sur une question désormais classique : celle du paiement des loyers pendant la période de crise sanitaire.
Le preneur avait cessé de payer ses loyers en avril 2020, excipant de la fermeture des locaux. Le fonds de commerce avait pour objet la vente sur place et à emporter de produits de boulangerie. Assigné en paiement par son bailleur, le preneur formulait plusieurs moyens de défense. Aucun ne trouve grâce aux yeux du tribunal judiciaire.
Celui-ci rappelle tout d’abord que la législation d’exception de 2020 n’a pour effet ni de dispenser le preneur de son obligation de payer les loyers, ni d’en suspendre l’exigibilité.
Sur le fondement de la bonne foi, le tribunal relève que le preneur n’avait pas tenté de renégocier avec son bailleur mais prétendait lui imposer un abandon de loyers, ce que ne permet pas l’article 1134 al 3.
L’exception d’inexécution est pareillement balayée : d’une part, l’impossibilité d’exploiter le fonds de commerce n’était pas imputable au bailleur mais aux décisions gouvernementales ; d’autre part, le preneur pouvait jouir des locaux pour y stocker sa marchandise et y préparer des plats à emporter durant toute la période de crise sanitaire.
L’article 1722, que l’on sollicite beaucoup en ce moment (v. l’analyse de Maître André Jacquin à l’Argus de l’Enseigne novembre 2021) ne fournit pas davantage de prise à la demande. Le jugement retient que l’impossibilité alléguée d’exploiter les locaux « résulte bien en l'espèce d’une partie de la nature de l'activité économique exercée dans les lieux loués et non de la chose louée elle-même, qui n'est détruite ni en totalité, ni partiellement ».
Quant à la force majeure, elle n’existe pas en matière d’obligation de sommes d’argent, rappelle le tribunal.
La force obligatoire l’emporte ici avec éclat.