Droits des passagers aériens, Retard du vol, Indemnisation, Notion de « circonstances extraordinaires » (eu)
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Date: Février 2016
Mots clés : Règlement (CE) No 261 2004, transport aérien, indemnisation , assistance
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Arrêt du 17 septembre 2015, van der Lans, aff. C-257/14
Saisie d’un renvoi préjudiciel par le tribunal d’Amsterdam (Pays-Bas), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété le règlement 261/2004/CE établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol (ci-après « le règlement »).
Dans le litige au principal, une passagère aérienne disposait d’une réservation d’un billet d’avion sur un vol en provenance de Quito (Equateur) à destination d’Amsterdam (Pays-Bas). Le départ à l’heure prévue n’a, toutefois, pas eu lieu et l’avion utilisé pour ledit vol est arrivé à Amsterdam avec un retard de 29 heures. Selon la compagnie, le retard était dû à un problème technique consistant en une panne de moteur de l’appareil concerné, due à la défectuosité de certaines de ses pièces. La passagère a saisi le tribunal d’Amsterdam d’un recours tendant à ce que lui soit octroyée une indemnité en raison de ce retard.
Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 5 §3 du règlement, qui prévoit une dérogation au principe du droit à indemnisation des passagers en cas de « circonstances extraordinaires », doit être interprété en ce sens qu’un problème technique, tel que celui en cause au principal, qui est survenu inopinément, qui n’est pas imputable à un entretien défectueux et qui n’a pas non plus été décelé lors d’un entretien régulier, relève de la notion de « circonstances extraordinaires », au sens de cette disposition.
● Sur la recevabilité des questions préjudicielles
La Cour rappelle que le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible, notamment, que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que la disposition du droit de l’Union européenne soumise à l’interprétation de la Cour ne peut trouver à s’appliquer. A cet égard, la Cour précise, notamment, qu’en vertu de l’article 3 §1, sous b), du règlement, ce dernier s’applique aux passagers qui voyagent au départ d’un pays tiers vers un Etat membre à condition, d’une part, que le transporteur aérien effectif qui réalise le vol soit un transporteur de l’Union et, d’autre part, que les passagers concernés ne bénéficient pas de prestations ou d’indemnisations et d’une assistance dans ce pays tiers.
En l’espèce, s’agissant de la première condition, la Cour constate que la compagnie en question est bien un transporteur de l’Union. S’agissant de la deuxième condition, la Cour admet des divergences des différentes versions linguistiques de l’article 3 §1, sous b), du règlement. En effet, certaines versions pourraient être lues comme n’excluant l’application de ce règlement que dans le cas où les passagers concernés ont effectivement obtenu des prestations ou une indemnisation et une assistance dans le pays tiers concerné. En revanche, d’autres versions linguistiques suggèrent plutôt que l’application du règlement est d’emblée exclue dans le cas où les passagers concernés bénéficient d’un droit à des prestations ou à une indemnisation et à une assistance dans ce pays tiers, indépendamment du fait qu’ils ont ou non effectivement obtenu celles-ci.
La Cour considère que la nécessité d’une interprétation uniforme d’une disposition du droit de l’Union exige, en cas de divergences entre les versions linguistiques de celle-ci, que la disposition en cause soit interprétée en fonction du contexte et de la finalité de la règlementation dont elle constitue un élément. A cet égard, elle note que ledit règlement vise à garantir un niveau élevé de protection des passagers et que, dès lors, il ne saurait être admis qu’un passager puisse être privé de la protection accordée par le règlement dans la seule hypothèse où il est susceptible de bénéficier d’une certaine indemnisation dans un pays tiers, sans qu’il soit établi que cette dernière répond à la finalité de l’indemnisation garantie par ce règlement et que les conditions auxquelles le bénéfice de celle-ci est soumis ainsi que les différentes modalités de sa mise en œuvre sont équivalentes à celles prévues par ledit règlement. En l’absence d’éléments suffisants dans le dossier soumis à la Cour, il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas. Partant, la Cour admet que la question préjudicielle est recevable.
● Sur la notion de « circonstances extraordinaires »
La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 5 §3 du règlement, un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 de ce règlement s’il est en mesure de prouver que l’annulation est due à des « circonstances extraordinaires » qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. Elle précise que, constituant une dérogation au principe du droit à indemnisation, cet article doit être interprété strictement.
La Cour admet que des problèmes techniques rencontrés par un avion peuvent être comptés au nombre des défaillances imprévues pouvant affecter la sécurité du vol et étant susceptibles de relever de telles circonstances. Cependant, celle-ci relève que les circonstances entourant la survenance de ces problèmes ne sauraient être qualifiées d’« extraordinaires » au sens de l’article 5 §3 du règlement que si elles se rapportent à un évènement qui n’est pas inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappe à la maitrise effective de celui-ci du fait de sa nature ou de son origine.
Or, selon la Cour, le fonctionnement des avions faisant inéluctablement apparaître des problèmes techniques, les transporteurs aériens sont, de manière ordinaire, confrontés, dans le cadre de leur activité, à de tels problèmes. A cet égard, des problèmes techniques révélés lors de l’entretien des avions ou en raison du défaut d’un tel entretien ne sauraient constituer, en tant que tels, des « circonstances extraordinaires » visées à l’article 5 §3 du règlement. Cependant, la Cour admet que certains problèmes techniques sont susceptibles de relever de ces « circonstances extraordinaires ». Il en serait ainsi, par exemple, en présence de dommages causés aux avions par des actes de sabotage ou de terrorisme.
En l’espèce, la compagnie précise que le problème technique en cause consiste en une panne de moteur de l’appareil concerné, due à la défectuosité de certaines de ces pièces, lesquelles n’ont pas dépassé leur durée de vie moyenne et pour lesquelles le fabricant n’a pas donné d’indications concernant des vices pouvant survenir dans le cas où elles atteindraient une certaine durée de vie. A cet égard, la Cour relève qu’une panne, telle que celle en cause au principal, constitue certes un évènement inopiné mais demeure intrinsèquement liée au système de fonctionnement très complexe de l’appareil, celui-ci étant exploité par le transporteur aérien dans des conditions, notamment météorologiques, souvent difficiles, voire extrêmes, étant entendu, par ailleurs, qu’aucune pièce d’un avion n’est inaltérable.
Elle considère, dès lors, que dans le cadre de l’activité d’un transporteur aérien, cet évènement inopiné est inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien, ce transporteur étant confronté, de manière ordinaire, à ce type de problèmes techniques imprévus. Par ailleurs, la Cour admet que la prévention d’une telle panne ou la réparation occasionnée par celle-ci n’échappent pas à la maîtrise effective du transporteur, dès lors que c’est à ce dernier qu’il incombe d’assurer l’entretien et le bon fonctionnement des avions qu’il exploite aux fins de ses activités économiques.
Par conséquent, la Cour estime qu’un problème technique, tel que celui en cause au principal, ne saurait relever de la notion de « circonstances extraordinaires » au sens de l’article 5 §3 du règlement. Enfin, la Cour précise que, même si, selon les circonstances, un transporteur aérien juge pouvoir invoquer la faute du fabricant de certaines pièces défectueuses, l’objectif du règlement, qui vise à garantir un niveau élevé de protection des passagers, s’oppose à ce que ce transporteur puisse justifier son éventuel refus d’indemniser les passagers ayant subi des désagréments sérieux en invoquant, à ce titre, l’existence d’une « circonstance extraordinaire ». Les obligations acquittées en vertu du règlement le sont sans préjudice pour ledit transporteur de demander réparation à toute personne ayant causé le retard, y compris des tiers, ainsi que le prévoit l’article 13 du règlement. Une telle réparation est, dès lors, susceptible d’atténuer, voire d’effacer, la charge financière supportée par le même transporteur en conséquence de ces obligations.
Partant, la Cour conclut que l’article 5 §3 du règlement doit être interprété en ce sens qu’un problème technique, tel que celui en cause au principal, qui est survenu inopinément, qui n’est pas imputable à un entretien défectueux et qui n’a pas non plus été décelé lors d’un entretien régulier, ne relève pas de la notion de « circonstances extraordinaires » au sens de cette disposition.