La Cour d'Appel de Paris précise le champ d'application de l'art. L. 212-8 du Code du sport, CA Paris, 04 juillet 2014, n° 11/08481 (fr)

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Auteur : Antoine Séméria
Avocat au barreau de Paris
Publié le 09/07/2014 sur le AVOSPORT blog de Me Antoine Séméria


CA Paris, 04 juillet 2014, n° 11/08481


En mai 2011, la Confédération nationale des éducateurs sportifs (CNES) a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris plusieurs fédérations agréées délégataires d'une mission de service public, pour voir faire injonction à ces dernières de ne plus utiliser ni laisser utiliser les titres protégés par les articles L 212-1 et L 212-8 du code du sport, d'entraîneur et d'animateur, pour la mise en place de diplômes fédéraux d'enseignement.

Par jugement en date du 6 novembre 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté la fin de non-recevoir opposée par les fédérations délégataires à raison de la prescription de l'action et fait injonction à celles-ci de ne plus faire usage dans l'intitulé de ses diplômes fédéraux d'un des titres protégés au sens des articles L 212-1 et L 212-8 du code du sport et de ne plus en faire usage sur leurs sites internet ainsi que sur tous documents utilisés, sous astreinte de 150 € par infraction constatée.

Pour en arriver à une telle condamnation, le Tribunal de grande instance a retenu que le texte de l'article L.212-8 du code du sport interdisant à toute personne d'exercer contre rémunération l'une des fonctions de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d'une activité physique ou sportive ou de faire usage de ces titres ou de tout autre similaire sans posséder la qualification requise au I de l'article L 212-1, incluait l'interdiction d'user de ces titres protégés, même sans rémunération. Les fédérations ont interjeté appel de cette décision le 4 décembre 2012.

Par arrêt en date du 7 juin 2013, la cour, a ordonné la transmission à la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L 212-8 du code du sport.

Par décision en date du 7 août 2013, la Cour de cassation a déclaré la question prioritaire irrecevable.

En cause d’appel, les fédérations sportives maintenaient leur position et sollicitaient de la Cour qu’elle constate que l'incrimination d'usage de titres protégés prévue à l'article L 212-8 du code du sport ne s'appliquait qu'à l'enseignement du sport contre rémunération, de sorte qu’elles étaient fondées à faire usage des titres visés par ce texte pour dénommer leurs diplômes d'enseignement bénévole. Quant à la CNES, elle sollicitait la confirmation du jugement rendu en première instance.

La Cour d’appel de Paris, au terme de son arrêt en date du 4 juillet 2014, constate que le litige opposant les parties repose sur une interprétation différente de l’article L.212-8 du code du sport. S’agissant d'un texte de nature pénale, la Cour estime qu’il convient d’en faire une interprétation stricte.

La Cour relève à cet effet que les juges de première instance "ont envisagé deux hypothèses distinctes et séparé par la conjonction 'ou' dans lesquelles les sanctions pénales devaient s'appliquer, la première tenant en l'exercice contre rémunération des fonctions de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d'une activité physique ou sportive, la seconde tenant en l'usage de ces titres ou de tout titre similaire, sans condition de rémunération".

Pour la Cour « cette analyse est contredite par l'emplacement de la mention « sans posséder la qualification requise au I de l'article L 212-1 » dont il n'est pas discutable qu'elle se rapporte bien aux deux termes précédents, à savoir l'exercice contre rémunération et l'usage des titres, faisant donc de l'incrimination un tout indivisible en lien avec l'article L 212-1 I qui réglemente l'enseignement contre rémunération ».

La Cour ajoute que « l'article L 212-8, qui conclut la section I intitulée 'Obligation de qualification', constitue le volet pénal des dispositions relatives à l'obligation de qualification qui n'est imposée que pour l'enseignement d'une activité physique ou sportive rémunérée, l'enseignement dispensé de façon bénévole n'impliquant pas la possession d'un diplôme ou titre particulier ; qu'il doit être déduit de l'ensemble de ces éléments que le champ d'application de cet article est limité aux seules activités nécessitant une qualification et donc aux seules activités d'enseignement exercées contre rémunération, à l'exclusion de celles exercées à titre bénévole ».

La Cour rappelle enfin que « l’article L.211-2 du Code du sport prévoit expressément la possibilité pour les fédérations de délivrer des diplômes d'enseignement différents selon que l'activité d'enseignement est exercée de manière rémunérée ou de manière bénévole, de sorte qu'il ne peut être considéré que l'usage de l'un des titres qualifiant l'enseignement sportif par des enseignants bénévoles, titulaires du diplôme fédéral délivré par les fédérations en application de l'alinéa 3 de cet article, serait un usage sans droit ».

Le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris en date du 6 novembre 2012 est infirmé et la CNES débouté de l’ensemble de ses demandes.

Voir aussi

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