La justesse du cadre de la médiation familiale face à la coparentalité dans la tourmente de la séparation des couples (fr)
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Auteur: Shabname Meralli-Ballou Monnot, Avocate, Médiatrice et Enseignante en médiation dans les contextes de diversité et en gestion de conflits à l’Université Paris-Dauphine et à l’Institut Catholique de Paris
Date: 18 juillet 2015
Mots-clés: séparation, rupture conjugale, médiation familiale, rôle du juge, fondamentaux du référentiel métier du médiateur familial, présence des avocats en médiation, co-construction du protocole d'accord, homologation du protocole d’accord, collaborative law et procédure participative.
La présente communication apporte une contribution sur la question de la médiation familiale à partir d’une pratique réflexive. L’écart est perpétuel entre d’une part les textes, la décision du juge et d’autre part la réalité des tensions binaires vives permanentes et récurrentes dans la séparation des couples, au sujet de leur coparentalité. L'approche de la médiation familiale porte en elle une dimension ternaire dynamique et opérante afin de permettre aux protagonistes de passer, en toute connaissance de cause, d’un contexte conflictuel sous tendu par des ressentis toujours à fleur de peau d'une histoire conjugale passée à l’inclusion progressive de la coparentalité co-construite par les parties elles-mêmes pour l'avenir. Le recours judicieux à la médiation familiale dans la tourmente de la séparation des couples. La médiation familiale : L'espace approprié de la pédagogie sur la co construction de la coparentalité respectueuse au long court de la traversée de la séparation parfois bien houleuse.
Les préconisations légales
La loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale dispose dans l'article 372-2-10 du Code civil: " le juge peut leur proposer une mesure de médiation et après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder".
La loi du 26 mai 2004 relative au divorce donne un rôle essentiel au juge dans le recours à la médiation familiale, ainsi qu'il résulte de l'article 255 du code civil:
• 1° Proposer aux époux une mesure de médiation et après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur pour y procéder
• 2° Enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation…
L'article 1108 du nouveau Code de procédure civile prévoit précisément l'information sur la médiation familiale qui est jointe à la convocation pour l'audience de conciliation.
Le législateur a bien compris qu'il ne suffit pas de décréter la coparentalité pour qu'elle advienne dans les couples qui se séparent.
L'observation des parties avant pendant et après les conflits de rupture
La médiation va contribuer à faire advenir en chacune des parties la prise de conscience du respect dû à l'altérité de l'Autre après la rupture du couple conjugal dans la considération des droits respectifs de chacune des parties.
Le dialogue binaire apaisé est une quête sincère car au-delà de la séparation douloureuse, difficile, avec de la souffrance de part et d'autre, il y a des affects, des ressentis qui rendent les contacts biaisés, conflictuels et fragiles.
En effet, la coparentalité, quelles que soient les modalités de la rupture, ne peut pas être seulement décrétée et ordonnée. la spécificité structurelle du médiateur familial, tiers neutre et impartial permet de créer à travers le cadre et le processus de médiation, les conditions d'une rencontre entre des adversaires, hier en couple et parents et aujourd'hui séparés et parents toujours et à vie.
La séparation est une étape au cours de laquelle les personnes ont envie, par définition, de se séparer. Par principe, elles ont envie d’être libres de leurs choix, notamment en matière d’éducation, et dans la définition et la conception de leur rôle et de leur place. Par conséquent, insérer le dialogue dans un processus de séparation, puisque la spécificité de la parentalité oblige les deux protagonistes à garder le contact, relève de la gageure. C’est bien souvent parce que le dialogue était devenu impossible que les personnes se séparent !
Il peut arriver que l’un des parents soit prêt au dialogue, mais pas l’autre… et il faut traverser parfois de longues années de procédure et que les personnes aient fait l’expérience des effets délétères de l’absence de dialogue, pour qu’elles acceptent, en toute humilité, la médiation. C’est en cela que la place des avocats et du juge est déterminante pour amener les parents à dialoguer dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Celle des intervenants sociaux également, en cela qu’ils font connaître aux parents ce dispositif.
La compétence justifiée du médiateur familial, résultant du Décret n° 2003-1166 du 2 décembre 2003 portant création du diplôme d’Etat de médiateur familial.
« Article 1 : Il est créé un diplôme d'Etat de médiateur familial qui atteste des compétences nécessaires pour intervenir auprès de personnes en situation de rupture ou de séparation afin de favoriser la reconstruction de leur lien familial et aider à la recherche de solutions répondant aux besoins de chacun des membres de la famille ».
L’arrêté du 19 mars 2012 relatif au diplôme d'Etat de médiateur familial organise et réactualise le contenu de la formation :
« La formation préparant au diplôme d'Etat de médiateur familial comporte 595 heures dont 105 heures de formation pratique. Elle se déroule sur une période maximale de trois ans…. »
« Le médiateur familial est garant du cadre et du déroulement du processus.
Pour ce faire, le médiateur familial investit une posture de tiers, qui s'inscrit dans une relation ternaire. Il n'exerce aucun pouvoir de décision.
Le médiateur familial intervient dans un cadre éthique caractérisé par les principes d'altérité, d'impartialité, d'indépendance, de confidentialité, de neutralité, d'équité. »
Le médiateur, lui, il n’a pas de projection ni de représentation sur les parties : il est neutre par essence, il fait un travail sur ses propres projections en supervision. Il est impartial, il donnera la même qualité d'attention tant à l'un qu'à l'autre. Il est qualifié pour que les personnes réalisent que la coparentalité peut être abordée sous l’angle du dialogue plutôt que sous l’angle du déni de l’autre. Ainsi, une fois le dispositif du cadre mis en place, le médiateur va créer cet espace où les parents vont être amenés, ipso facto , à redonner la place à l’autre, en l’écoutant, en formulant chacun des observations au sujet de l’enfant, et en s’appropriant à nouveau un dialogue dans la séparation. Il arrive souvent que les parents suivant l'âge des enfants informent leurs enfants qu’ils se rencontrent pour dialoguer et chercher des solutions ensemble. C’est souvent un grand soulagement pour les enfants.
Pour le médiateur, la tâche consiste à faire prendre conscience aux parents qu’ils sont peut-être séparés, mais qu’ils sont parents à vie. Et que la coparentalité à élaborer va les concerner tout au long du chemin de leur vie durant. Qu’à chaque nouvelle étape de leur développement, leurs enfants vont venir les questionner, tous les deux. Et qu’en l’absence de dialogue, le réel est extrêmement complexe.
Le protocole de médiation permet de faire en sorte que les parents, à l’issue d’un certain nombre de rencontres, parviennent à des ententes mutuelles qui pourront être finalisés avec les avocats.
IL se peut que le protocole d’accord ne corresponde plus à la réalité à un moment donné au fil du temps …, s’il y a une clause de médiation prévue dans le protocole en cas de difficultés, les personnes pourront s’adresser d’abord au médiateur, plutôt que d’enclencher à nouveau une procédure. La démarche de validation des accords obtenus revient aux parents.
Dans la pratique, on observe qu’une fois que la médiation est engagée, elle devient l’espace de parole des parents. Ce qu’il est intéressant d’observer, c’est que les parents ont appris à dialoguer, et que tout nouvel élément peut, grâce au dispositif, être abordé sans affect, en trouvant dans une intelligence collective une réponse appropriée. Cela évite au juge d’avoir à trancher, et d’imposer une décision qui peut-être, ne conviendrait ni à l’un, ni à l’autre parent…
Aujourd’hui, le dialogue apparaît comme une nécessité dans une société en crise où les situations économiques sont extrêmement fragiles. Par exemple dans le cas où à l’issue de la séparation, l’un des parents habite dans une résidence trop modeste pour pouvoir y accueillir l’enfant, ou soit logé de façon précaire, il arrive que les parents mettent en place la résidence alternée dans le domicile qui était auparavant la résidence de la famille. A ce moment-là, ce sont eux qui viennent y habiter en alternance une semaine sur deux auprès de l’enfant. C’est bien ici le dialogue qui permet de trouver la solution la plus judicieuse compte-tenu du contexte économique. Ce qui est primordial dans la médiation, c’est de permettre de faire activer l’intelligence situationnelle des personnes pour que la réponse la plus adaptée puisse venir d’elles-mêmes, et qu’elle ne leur soit pas imposée.
Ce parcours de médiation se révèle hautement pédagogique dans la mesure où c’est en empruntant cette voie que les personnes prennent conscience de l’égalité des droits et des traitements de chacune des parties. Qu’elles prennent conscience également des valeurs de respect, d’égalité, de respect de la dignité et de la diversité. Par conséquent, chemin faisant, elles se découvrent les outils pour prendre des engagements, d’autant plus qu’elles ont accepté d’être là !
Ainsi, la médiation accompagne la création d’un univers de sens dans la coparentalité au-delà de la séparation. Quelle que soit la nouvelle reconfiguration de la famille, l’enfant a toujours les mêmes parents qui vont situer sa cellule familiale. La médiation familiale permet d’affirmer cette coparentalité de façon simple et forte.
Il arrive parfois que les personnes demandent que les nouveaux conjoints fassent partie de la médiation. Cela permet notamment, s’il en était besoin, de prendre de conscience que les nouveaux conjoints ne sont pas là en qualité de remplaçants dans une famille. Et même si ce dispositif est parfois susceptible d’augmenter le potentiel conflictuel, la médiation familiale va permettre à chacun de se replacer dans sa réalité.
Ainsi, au-delà de sa fonction évidente de « re-médiation » à la situation de tension, la médiation est aussi un principe de précaution face à la complexité du réel. Grâce au dialogue de la médiation familiale, les dispositifs de la vie courante se trouvent fluidifiés. Il va pouvoir arriver, par exemple, qu’un enfant puisse, à titre exceptionnel, rejoindre celui de ses parents chez qui il n’est pas en résidence, à l’occasion d’un événement familial ou festif important. Les parents sont en mesure de dialoguer pour trouver cet accord, qui tombe finalement sous le sens, dès lors que chacun est en mesure d’anticiper la probabilité de la symétrie d’une telle dérogation.
Il est intéressant de mettre en perspective l’évolution des pratiques depuis dix ans. Il y a dix ans, il n’y avait que peu ou pas de dialogue. La séparation du couple signifiait l’arrêt du dialogue effectif sur la coparentalité. C’est-à-dire que chaque parent était parent de son côté. Or, avec la médiation familiale, la coparentalité devient un concept, un dispositif reconnu, intégré, vécu. Et elle est essentielle, car, juridiquement, quand bien même l’enfant n’est pas sous le toit de l’un des parents, ils restent tous les deux, en tant que coparents, responsables de leur enfant devant la loi, quoiqu’il advienne.
L’expérience des permanences d’information à la médiation familiale à la Chambre 4 Pôle 3 famille
Les parties sont convoquées à venir rencontrer le médiateur familial de permanence. Les médiateurs familiaux de l’AME « Association des Médiateurs Européens » participent à ce dispositif qui permet aux justiciables de recevoir une information accessible et intelligible sur le dispositif.
Si les parties acceptent et donnent leu accord, une ordonnance est rendue parle Président de chambre désignant le médiateur. Les parties ne se déplacent bien souvent et adressent par courrier d’avocat qu’ils n’envisagent pas la médiation.
La synergie des avocats et des médiateurs et des juges à l’aune de la justice du 21 ème siècle est aujourd’hui une réalité.
Rien n’est plus évident que lorsque les séparations interviennent, elles percutent de plein fouet le cadre juridique des modalités de l’union : mariage, pacs, concubinage … Les protagonistes ont besoin d’être restaurés dans tous leur droit du fait même de la séparation.
Le médiateur mobilise des compétences adaptées aux situations de crise, au sein desquelles s'expriment fortement des affects, des tensions et des enjeux divers.
Les avocats doivent avoir méthodologie étape par étape afin de préparer les parties à participer à une médiation familiale à la suite de leur rupture
Tel est l’ ’objectif de l’Ecole de la médiation du barreau de Paris et de l’EIMA
« Choisir une solution amiable pour résoudre un désaccord entre des parties présente de nombreux avantages : gain de temps, réduction de coût, désengorgement des tribunaux, confidentialité…
S’engager dans cette voie implique d’avoir toutes les connaissances nécessaires pour conseiller aux mieux ses clients.
C’est pourquoi, le Barreau de Paris et l’EFB proposent aux avocats en exercice, dans le cadre de leur formation continue, de suivre un enseignement qualifiant de 130 heures, »
Les ateliers de médiation de l’AME à Campus 2015, ont permis à travers un atelier de deux heures de donner la démonstration des savoirs, savoirs faire et savoir être de professionnels qualifiés autour d’un cas de médiation judiciaire.
Le débriefing en fin de séance a pu permettre aux participants de prendre conscience du potentiel dynamique de l’espace de la médiation où les protagonistes ont pu dépasser leurs positions arrêtées pour exprimer leurs valeurs mutuelles.
Les autres modes de règlement amiable
Il est intéressant d’observer qu’à côté de la médiation familiale, il y a aujourd’hui la Collaborative Law, qui permet aux avocats formés d’amener les parties à co-construire des conventions de consentement mutuel en tenant compte de toutes les difficultés relatives à la coparentalité : « En signant un contrat collaboratif, les avocats et leurs clients s’engagent ensemble à ne pas porter leurs différends devant les tribunaux et à respecter des obligations de transparence dans la communication des informations pendant toute la durée des négociations et des obligations de confidentialité renforcée en cas d’échec du processus. » « Dans ce contrat les avocats s’engagent plus particulièrement à être garant du processus collaboratif et à se désister en cas d’échec. »
http://adpci.org/
« Il peut lui donner toutes les informations juridiques et l’informer de ses droits, de telle sorte que le client se sente totalement libre de négocier en maîtrisant son risque juridique. En même temps, l’avocat collaboratif va permettre à son client d’avancer vers la solution optimale en dépassant sa position de départ qui ne prend pas en compte toutes les données qui lui sont favorables ».
Il existe encore un autre dispositif permis par le législateur, et qui se met progressivement en place, qui s’appelle la procédure participative.
L’article 2062 du Code de procédure civile en donne la définition :
« La convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend. »
L’article 1560 du Code de procédure civile prévoir :
« Lorsque les parties ne sont parvenues qu'à un accord partiel et à moins qu'elles ne demandent que son homologation conformément à l'article 1557 du Code de procédure civile , elles peuvent saisir le juge à l'effet qu'il statue sur le différend résiduel soit conformément aux règles régissant la procédure applicable devant lui, soit par une requête conjointe signée par les avocats les ayant assistées au cours de la procédure participative dans les conditions prévues par le présent paragraphe ».
Le conseil national des barreaux organise une formation des avocats à la procédure participative, http://cnb.avocat.fr/
Conclusion
La médiation apparaît comme un espace spacio- temporel approprié pour activer et favoriser l’intelligence collective des personnes en situation de séparation et de conflit, et qui néanmoins ont des intérêts communs à régler sur le long cours. Ils trouvent alors dans la médiation familiale le terreau naturel pour activer ou réactiver le dialogue. En effet, lorsque les couples se séparent, ils n’ont qu’une demande, c’est celle de tourner la page. L’aide d’un médiateur qualifié permet de revenir à nouveau en arrière sans que ce soit douloureux. Néanmoins, à l’impossible nul n’étant tenu, si le dispositif échoue, il y sera mis fin. Et si c’est le cas, ce sera parce que tout le monde se respecte. Loin d’être un constat d’échec, ce sera la démonstration de la prégnance de la dimension de respect dans la tentative de résolution des conflits. Tel nous semble être le fondement et l’esprit du Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends qui dispose :
Article 18 : « Le dernier alinéa de l'article 56 du code de procédure civile est remplacé par les deux alinéas ainsi rédigés : 'Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Elle vaut conclusions.' »
Article 19 : « Le dernier alinéa de l'article 58 du même code est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
'Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
Elle est datée et signée'. »