Les droits attachés aux différents types de jetons numériques créés par la technologie de la blockchain

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
France > Droit privé > Droit de l'informatique


Anthony Bem, avocat au barreau de Paris [1]
Janvier 2022




Quels sont les droits attachés aux différents types de jetons numériques ou tokens créés par la technologie de la blockchain ?


Une blockchain [2] constitue concrètement une base de données informatique partagée. Elle gère une liste d'enregistrements envoyés par les utilisateurs d’un réseau, sous la forme d’une chaîne de blocs.


Ainsi, une blockchain, ou une chaîne de blocs est une technologie informatique de stockage et de transmission d'informations cryptées.


La blockchain se matérialise comme un livre de comptes numérisé, immuable et distribué dans lequel sont répertoriées toutes les transactions réalisées par le réseau depuis l’origine, et ce sur des dizaines de milliers d’ordinateurs dans le monde entier.


Concrètement, grâce à ce canal, chaque personne possède une clé privée et chaque future transaction ne peut être effectuée que si les clés des deux parties signent.


Ceci constitue un moyen de consensus sur le fait que la transaction a été approuvée pour être exécutée par les deux parties.


La notion de consensus est déterminante de l’existence même de la chaîne de block.


Techniquement, la chaîne de block répond à un consensus prédéterminé informatiquement qui matérialise le consentement des parties sur leur accord.


La nature cryptographique du réseau fonde aussi la confiance dans le processus.


En outre, la nature cryptographique de la technologie blochchain permet de disposer de jetons cryptographiques ou numériques (token en anglais) qui sont des titres de propriétés sécurisés et immuables d’un nouveau genre.


La blockchain avait pour but originel de créer un système d’échange de valeur alternative qui s’affranchit des banques et des États [3].


La nature technologique du système a ainsi permis de mettre en place un canal de paiement pour l’envoi de fonds de manières instantanée, sécurisée, garantie, peu coûteuse, universelle et décentralisée.


L’objectif de ce système était aussi de proposer une monnaie numérique fonctionnant intégralement sans intermédiaire ni organisme de gestion centrale, selon un consensus propre.


La technologie blockchain a ainsi donné naissance au Bitcoin qui est le premier moyen de paiement natif de l’Internet, international, universel, décentralisé, transparent, sécurisé et ouvert à tous partout, 24h/24 et 7j/7.


Les bitcoins constituent des jetons cryptographiques appelés aussi « jetons crypto », « cryptomonnaie » ou «  crypto-actifs » qui sont des actifs numériques exploitant la blockchain.


L’une des caractéristiques fondamentales du Bitcoin est le nombre d’unité disponibles sur le marché limité à 21 millions.


Cette limitation lui donne une valeur intrinsèque mais les unités de Bitcoin sont divisibles jusqu’à huit chiffres après la virgule, de sorte qu’il est possible d’acheter ou de s’échanger un millionième de bitcoin.


Si le bitcoin possède sa propre blockchain dédiée, d’autres jetons numériques fonctionnent ou s'appuient sur une autre blockchain existante, comme l'Ethereum.


Autrement dit, si les jetons peuvent être natifs à une blockchain, par exemple le Bitcoin, ils peuvent aussi être hébergés sur une autre blockchain.


En effet, il existe de nombreuses blockchains qui permettent de créer des jetons rapidement et facilement.


On parle d’ « altcoins » pour désigner toutes les autres cryptomonnaies que le Bitcoin et l’Ethereum.


Il en existe plus de 8 000 différents.


Les jetons sont des objets similaires aux pièces de monnaie mais à la différence de ces dernières ils n'ont pas de cours légal.


En principe, les jetons n’ont que peu valeur mais celle-ci peut être très élevée si la communauté ou l’écosystème qui les utilise est d'accord pour leur utilisation et leur échange.


A l’origine, les jetons étaient des pseudo-monnaies qui étaient destinés à être utilisés en remplacement de la monnaie fiduciaire.


Alors que la blockchain Bitcoin est entrée en service le 3 janvier 2009, ce n’est qu’après l’émergence de plateformes d’échanges des bitcoins contre des dollars qu’un cours est né en fonction de l’offre et de la demande.


Lorsqu’un acheteur et un vendeur sont d’accord sur un prix du jeton, une transaction s’effectue et le cours est fixé au prix auquel a eu lieu cette dernière transaction.


Le 12 octobre 2009, 5050 bitcoins étaient échangés pour 5,02 dollars, soit environ 0,001 dollar l’unité, en 2021 au plus haut niveau de son cours il dépassait les 60.000 dollars par unité.


Aujourd’hui, grâce à la technologie blockchain, de nombreux projets choisissent de lancer des jetons pour leur financement.


Le prix de ces jetons varie en fonction de l'offre et de la demande mais surtout selon l'évolution réelle du projet auquel le jeton est lié.


En novembre 2021, la capitalisation des actifs numériques a atteint 3000 milliards de dollars.


A présent, il existe de plus en plus de familles d’actifs dont les caractéristiques, les usages, les objectifs, les modes d’émission, les possibilités d’échange ou encore les droits associés diffèrent.


Il convient de bien distinguer les différents types d’actifs numériques [4], à savoir :


  • les jetons de protocole (currency tokens) qui sont des crypto-actifs qui ont principalement vocation à être utilisés à des fins de paiement, mais qui à ce stade servent souvent à des fins spéculatives.


  • des jetons de service (utility tokens) qui sont des actifs numériques qui confèrent un statut ou un droit d’utilisation à leur propriétaire et lui octroient un accès privilégié à un bien ou un service.


  • les security tokens regroupent les actifs assimilables à des titres financiers inscrits sur une blockchain et qui nécessitent de se conformer au droit financier en ce qu’ils représentent des produits financiers telles que des actions, obligations, dettes ou titres de propriété. Ils donnent droit à une rémunération et sont soumis aux mêmes règles que les produits classiques. Ces jetons ont comme particularité de ne pas pouvoir être transférés librement car une tierce partie est responsable d’autoriser ou non le transfert afin de respecter les lois et réglements étatiques gérant les sous-jacents qu’ils représentent.


  • les actifs numériques stables (stablecoins) qui sont conçus pour que la volatilité de leur cours par rapport à une monnaie légale ou un autre actif de référence soit la plus faible possible. Utilisés comme une valeur refuge par les investisseurs en actifs numériques, les stablecoins contribuent à l’arrivée massive de liquidité sur le marché des crypto-actifs. La capitalisation totale du marché des stablecoins est en forte augmentation, de 16 milliards de dollars en août 2020 à plus de 120 milliards de dollars en août 2021.


  • les jetons non fongibles (non‑fungible tokens ou NFT) qui sont des actifs numériques rendus uniques et non interchangeables par le biais d’une blockchain. Les jetons non-fongibles représentent un objet numérique doté de caractéristiques uniques : un numéro de série, un nom, des caractéristiques de personnages ou d’objets de jeux. Les NFT sont non réplicables et détiennent un numéro d’identification numérique qui leur sert de certificat d’authenticité. Ils ne peuvent ni être répliqués, ni subdivisés en fractions de jeton. On ne peut donc qu’en posséder une unité entière. Les jetons non-fongibles suscitent un intérêt croissant dans des domaines de plus en plus variés : les cartes de collection, les jeux vidéo, les ventes d’œuvres numériques… Dans le domaine sportif, ils sont même utilisés pour rémunérer certains joueurs professionnels. Les ventes de NFT ont atteint près de 2,5 milliards de dollars au cours du premier semestre 2021, contre à peine 14 millions de dollars sur la même période en 2020.