Prescription de l'action en paiement d’une créance matrimoniale point d'imprescriptibilité à l'horizon

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

15 septembre

18 mai 2022 Cour de cassation Pourvoi n° R2020725

Un arrêt rendu hier par la Cour de cassation est l’occasion de clarifier le régime de l’action en paiement d’une créance matrimoniale. Selon que l’on y voit une action en paiement d’une créance ou une forme d’action en partage, on y appliquera soit la prescription quinquennale, soit l’imprescriptibilité.

Deux époux mariés sous le régime de la séparation de biens divorcent en 2012. En 2009, un jugement avait ordonné l’ouverture des d’opérations de partage de l’indivision existant entre eux. En 2018, le notaire établit un acte de partage faisant apparaître une créance de 850.000 euros de l’ex-épouse sur son ex-mari, au titre des créances entre époux. La créancière est autorisée en 2018 à pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de son ex-époux. Ce dernier conteste la mesure, invoquant la prescription de la créance.

La cour d’appel retient que la créance d’un époux séparé de biens contre son ancien conjoint n’est pas soumise à la prescription quinquennale. Pour les juges du fond, « dès l'ordonnance de non-conciliation, le régime matrimonial devient une indivision post-matrimoniale et que l'action aux fins de partage est imprescriptible ».

Cassation : ces créances ne président aucune particularité. Leur règlement « ne constitue pas une opération de partage », de sorte qu’elles se prescrivent par cinq ans, comme toute action personnelle (art. 2224 C. Civ.).

Plus loin, la Cour fixe le point de départ de cette prescription. Combinant l’article 2224 précité, qui prend en compte le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et l’article 2236, qui prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, la Cour en déduit que la prescription de l’action en paiement des créances entre époux en matière personne ou mobilière commence à courir le jour où le divorce a acquis force de chose jugée.

Au cas d’espèce, ce point de départ est fixé au 1er mars 2012 et non au jour du projet de partage (ce qu’avait retenu la cour d’appel). Comme l’expose la Cour, « le fait générateur de la créance alléguée par Mme [L] était le transfert de valeurs depuis son patrimoine vers celui de M. [F] et ne pouvait être recherché dans le projet de partage qui en établissait le compte ».