Brexit dur : Quelles conséquences pour les consommateurs (eu)

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Cabinet Fidal
Février 2019




Le Royaume-Uni a jusqu’au 29 mars 2019 pour adopter un accord de sortie de l’Union européenne, à défaut duquel se poseront de nombreuses questions, notamment celle de la protection des consommateurs français et européens.


En effet, de nombreuses dispositions protectrices des consommateurs sont issues des règlements et des directives européennes intégrés au droit des Etats membres.


En cas de rupture brutale liée au No Deal, les autorités britanniques pourraient apporter des modifications à leur droit de la consommation.


On pense spécialement au formalisme informatif et au droit de rétractation dans les ventes de biens et de services, aux garanties et recours en cas de défaut de conformité ou de défaut de sécurité des produits vendus, à la médiation de la consommation, aux droits des passagers aériens, au géoblocage applicable au sein de l’Union européenne depuis décembre 2018.


Cependant, pour ne pas priver les consommateurs britanniques de la protection dont ils bénéficient actuellement et pour continuer à intéresser les consommateurs des autres Etats membres, le Royaume-Uni n’a pas intérêt à revenir pas sur les principes fondamentaux du droit de la consommation de l’Union européenne.


C’est ce qui a été décidé avec le vote du EU Withdrawal Act du mois de juin dernier qui prévoit en son article 2 que, à la date de sortie de l’Union européenne, la législation nationale dérivée du droit européen (directives) reste d’application et en son article 3 que les textes européens directement applicables (règlements ou décisions) sont intégrés dans la législation nationale.


En revanche pour l’avenir, les règles issues des nouveaux textes européens (ne s’appliqueront pas au Royaume-Uni, sauf dispositions contraires qui pourraient être décidées dans le cadre d’un inévitable accord à venir qui régira la relation entre l’UE et le Royaume-Uni.


Le législateur britannique sera aussi libre d’apporter les modifications qu’il souhaite à la législation européenne qui aura été transposée en droit britannique lors de la sortie de l’UE.


Lorsque l’on prend acte que d’importantes modifications issues du New Deal for consumers publié par la Commission européenne en avril 2018 sont actuellement en cours de négociation entre les Etats membres et que certaines d’entre elles devraient être adoptées avant la fin de la présidence Juncker à la Commission européenne et les élections européennes de mai 2019, on mesure l’impact qu’aurait le No Deal pour les consommateurs européens.


Certes, côté français, les consommateurs sont protégés par le Règlement Rome I (Régl. CE n° 593/2008 du 17 juin 2008, JOUE 4 juil. 2008, L. 177/6), sous réserve que le contrat ait été conclu à l’initiative du professionnel britannique.


L’article 6 du Règlement Rome I prévoit en effet que le consommateur bénéficie de la protection de la loi de son Etat membre de résidence habituelle et que, si les parties dérogent à ce principe en insérant au contrat une clause désignant un droit d’un autre Etat, la loi désignée ne peut s’appliquer que si elle accorde au consommateur une protection supérieure à celle que lui offre la loi de son Etat de résidence habituelle.


Le Règlement Rome I ne sera cependant plus obligatoire pour le juge anglais en cas de Brexit dur.


D’où l’importance de la juridiction compétente en cas de litige.


Selon l’article 18 § 1 du Règlement Bruxelles 1 bis (Régl. UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012), le consommateur domicilié en France peut agir devant le juge de son propre domicile (juge français), quand bien même le professionnel défendeur serait domicilié dans un Etat non-membre de l’Union européenne, tel le Royaume-Uni.


Et, en vertu de l’article 18 § 2, si l’action en justice est intentée par le professionnel britannique, les seules juridictions compétentes sont celles de l’Etat membre du domicile du consommateur, soit les juridictions françaises pour un consommateur français.


Malgré cette compétence de la juridiction française, la reconnaissance de la décision de justice obtenue et son exécution seront régies par la législation nationale.


Et les consommateurs européens perdront aussi l'avantage des procédures européennes simplifiées telles que l'injonction de payer européenne et la procédure de règlement des petits litiges.