Comment peut-on changer de nom de famille ? (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Auteur : Cora Valéry Olivera Angel, avocate au barreau de Paris
Date : janvier 2019



En France, la loi permet à toute personne qui justifie d’un intérêt légitime à changer de nom de famille, dit nom patronymique. En effet c’est l’article 61 du Code civil qui octroi cette possibilité à une personne majeure qui souhaiterait changer son nom par un autre. Cependant, avant de se lancer dans cette démarche, il est important d’avoir toutes les clefs en main pour avoir des chances d’obtenir gain de cause.

Il est tout d’abord à noter que cette demande doit se faire auprès du Ministre de la Justice, garde des Sceaux.

Mais il est également primordial de connaître les différents intérêts légitimes reconnus par la loi et la jurisprudence que vous pourriez invoquer au regard de votre situation propre pour effectuer votre demande de changement.

Ainsi, il n’est pas possible de demander au Garde des Sceaux de porter un autre nom que celui de sa naissance juste par convenance personnelle.

Quels sont les différents intérêts légitimes reconnus à l’heure actuelle et quelles sont les étapes de cette procédure spécifique ?

Cet article a pour but de vous donner un aperçu de cette procédure qui comporte des spécificités en France.


Les intérêts légitimes existant pour changer son nom patronymique

L’usage constant et prolongé dans le temps d’un autre nom

Ce peut être le cas si dans la vie quotidienne, vous portez et êtes connu sous un autre nom que celui qu’on vous a attribué à la naissance et vous souhaiteriez donc substituer ce nom d’usage à votre nom de famille. A noter qu’il est également possible de demander l’adjonction de ce nom d’usage à son nom de naissance et non pas sa substitution pure et simple.

Pour invoquer cet intérêt légitime, il est primordial que le nom d’usage soit porté depuis plusieurs années et de manière continu (sans interruption).

Il faudra donc prouver au Ministre de la Justice ce port du nom d’usage en lui adressant toutes preuves objectives et claires. Par exemple, vous pourrez lui communiquer les pièces suivantes : bulletins de salaire, contrats d’abonnement, carte vitale, diplôme, courriers, etc… bien évidemment ces éléments devront être au nom souhaité et en grande quantité. Il est également possible de demander à votre entourage privé et/ou professionnel d’effectuer des attestations sur l’honneur manuscrites indiquant, de manière circonstanciée, qu’il vous connaît bien sous le seul nom d’usage en question.


Le ridicule ou la difficulté de prononciation du nom patronymique

Cet intérêt légitime est plus évident pour le Ministre de la Justice dès lors qu’une personne se dénomme à titre d’exemple « connard », « salop », « putain »… Ou bien lorsque votre nom est composé de plusieurs consonnes à la suite du type « cnm » et qu’il est donc très difficile pour les tiers de le prononcer. Dans d’autres cas, le ridicule ou la difficulté de prononciation ou du port d’un nom de famille est moins évident, et il faudra alors apporter de manière plus concrète les preuves de votre intérêt légitime. Pour le Ministre de la Justice, cet intérêt légitime est de manière générale, facilement accepté dès lors qu’il considère que la personne subit ou a subi un préjudice en portant son nom patronymique.

A noter qu’une francisation de votre nom est également possible s’il comporte une consonance étrangère et que cela vous porte préjudice.


Le relèvement d’un nom d’un ancêtre

Selon l’article 61 du Code civil, « La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. »

Ce motif légitime nécessite un vrai travail de la part d’un généalogiste.

En effet, il s’agira de démontrer au Garde des Sceaux que le nom que vous souhaitez porter va s’éteindre ou s’est déjà éteint. Il faudra donc rassembler tous les actes de naissance, de mariage et de décès des ascendants ou des collatéraux permettant de se rendre compte que le nom invoqué s’est bien éteint ou va forcément s’éteindre.

Il est à préciser que le nom que vous souhaitez relever doit forcément avoir été porté par un de vos ascendants ou collatéraux jusqu’au quatrième degré. Ainsi, en ligne directe, vous pourrez prendre le nom de ses arrières-arrières grands parents au maximum ; et en ligne collatéral le nom de vos grands-oncles/tantes, cousins germains…


Le motif affectif ou les circonstances exceptionnelles pour changer de nom

Cet intérêt légitime a été consacré de manière plus récente que les autres, par la jurisprudence du Conseil d’Etat en date du 31 janvier 2014 où il a été jugé ceci : « Considérant que des motifs d’ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l’intérêt légitime requis par l’article 61 du Code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que (...) ont été abandonnés brutalement par leur père en 1987, alors qu’il étaient âgés respectivement de 11 ans et 8 ans ; Qu’après avoir quitté le domicile familial, celui-ci n’a plus eu aucun contact avec eux, de même que sa famille ; Qu’il n’a subvenu ni à leur éducation ni à leur entretien, alors pourtant qu’il en avait l’obligation en vertu du jugement prononçant son divorce, et n’a jamais exercé le droit de visite et l’hébergement qui lui était reconnu par ce même jugement ; que les requérants souffrent de traumatismes physiques et psychologique depuis cet abandon ; qu’ils souhaitent ne plus porter le nom de leur père et se voir attribuer celui de leur mère, qui les a élevés ; que des circonstances exceptionnelles sont de nature à caractériser l’intérêt légitime requis pour changer de nom ; que, par suite, en leur déniant un tel intérêt, le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a fait une inexacte application des dispositions de l’article 61 du Code civil. »

Il ressort donc de cette décision que la personne qui souhaite changer son nom de naissance peut invoquer des circonstances exceptionnelles dans sa vie personnelle tel l’abandon brutal d’un de ses parents.

Cependant, cette jurisprudence s’est durcie au fur et à mesure du temps et il est désormais important de démontrer au Garde des Sceau non seulement la gravité des circonstances alléguées (des violences par exemple), mais également le préjudice que vous avez subi.

Le fait d’invoquer la circonstance particulière de n’avoir plus de nouvelles de la part de l’un de ses parents depuis longue date, ne sera pas suffisant pour faire droit à la demande de changement de nom.


La procédure à suivre pour effectuer une demande de changement de nom

La première étape est de se faire conseiller par un avocat spécialisé dans ce domaine.

L’avocat pourra vous indiquer si vous avez bien un intérêt légitime à changer de nom, vous préciser quelles sont les chances de succès de votre demande et vous guider et vous assister dans vos démarches.

Dès lors que vous aurez rassembler les documents nécessaires, la première condition pour que votre demande soit recevable est de faire publier votre demande de changement de nom au sein du Journal Officiel et d’un journal d’annonces légales du lieu de votre résidence.

Puis, deux mois après cette publication, si personne ne s’est opposée à votre demande, vous pourrez l’adresser au Ministre de la Justice avec toutes les pièces.


Dans l’hypothèse où le Ministre ferait droit à votre demande, le changement de nom sera publié par décret et vous pourrez alors demander à l’état civil d’effectuer le changement sur vos actes d’état civil (acte de naissance, de mariage). A noter sur ce point que dans le cas où vous auriez des enfants mineurs de moins de 13 ans, ce changement de nom serait automatique pour eux également. Les jeunes enfants de plus de treize ans devront quant à eux indiquer s’ils s’opposent à ce que leur nom soit changé.

Dans l’hypothèse où votre demande de changement de nom serait rejetée, vous aurez la possibilité de faire des recours (gracieux ou contentieux ou les deux), et ce, sous un certain délai.