Convention collective Artistes musiciens de la production cinématographique du 1er juillet 1964 (fr)

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L’utilisation de la musique dans les œuvres cinématographiques n’a pas toujours été systématique. En effet, c’est dans les années 20 qu’on commença à composer de la musique pour le cinéma. A partir de cette époque la musique prend une place à part entière dans les œuvres cinématographiques, elle permet de mettre en valeur les images et de donner de l’émotion aux films.

Dès lors certaines productions n’hésitent pas à débourser de grosses sommes d’argent pour la musique de leur film. En effet, au fils du temps la musique de film est devenue très populaire et parfois plus que le film lui-même. Les bandes originales de Star Wars, Les dents de la mer et de Ghost pour ne citer qu’eux sont des exemples marquant.

La musique de film a donc pris une ampleur de plus en plus importante dans la production cinématographique. Toutefois, durant de longues années le statut particulier des artistes musiciens de la production cinématographique était inexistant dans le droit. En effet, ces artistes particuliers puisqu’à mi chemin entre artistes de l’ édition phonographique et artistes de la production cinématographique ont du attendre les années 1960 pour que leur statut soit réglementé par des protocoles d’accord et une convention collective de 1964.

En effet, la convention collective du 1er juillet 1964[1] vient apporter des règles spécifiques quant aux conditions de travail des artistes musiciens de la production cinématographique. Des protocoles d’accord y sont aussi attachés et plus particulièrement, le protocole d’accord sur l’utilisation secondaire des enregistrements de la musique de film du 27 juillet 1960 et celui sur les du 1er octobre 1969 qui ont été étendu à ces artistes au statut particulier.

Objet de la convention collective

La convention collective de 1964 règle donc le régime spécifique des artistes musiciens en énonçant dans une première partie les conditions générales de travail de ces salariés particuliers puis en second lieu, elle fixe le barème des rémunérations de ces artistes.

Les artistes musiciens comme leurs homologues du secteur du spectacle bénéficient d’un régime général plus spécifique lié à l’originalité du secteur dans lequel ils travaillent. Le plus souvent titulaires de CDD d’usage, ils sont soumis à des règles spécifiques notamment concernant les salaires, le temps de travail, la durée du contrat de travail, etc. autant de mesures qui permettent une flexibilité indispensable dans ces secteurs.

Par ailleurs, des conventions collectives viennent poser des règles spécifiques à chacune des professions du secteur, c’est d’ailleurs l’objet de la convention collective que nous allons étudier.

Il est toutefois utile de rappeler que les conventions collectives permettent de s’adapter à un secteur d’activité spécifique mais n’ont aucunement pour objet de déroger à la loi et aux règlements et ne peuvent prévoir un régime plus lourd pour le salarié.

La convention collective de 1964 concerne donc « les artistes musiciens qui sont engagés par des productions cinématographiques dans le but d’effectuer l'enregistrement sonore de leurs interprétations ou l’exécution d’œuvres musicales destinées à être incorporée à une oeuvre cinématographique déterminée susceptible d’être exploiter dans le monde entier » comme l’énonce le préambule de la convention collective.

Définitions des activités visées par la Convention Collective du 1er juillet 1964

Selon son préambule, la convention collective du 1er juillet 1964 aura donc pour objet de régir les relations de travail entre les artistes musiciens et leurs employeurs lorsque ceux-ci seront engagés pour exécuter ou fixer leurs interprétations et œuvres musicales dans le but d’insérer celles-ci dans une œuvre cinématographique. La convention collective ne définie pas à proprement parler la notion d’artiste musicien, toutefois elle exclue de son champs d’application deux procédés pratiqués régulièrement dans la production phonographique. En effet, les articles 1 et 2 de la convention délimitent les domaines d’application de la convention. L’article 1 exclue tous les enregistrements qui auraient un autre objet que l’incorporation des ceux-ci dans le film, ici les rédacteurs ont voulu strictement délimiter le champs d’application de la convention collective afin qu’elle ne puisse pas être appliquée dans d’autres domaines qui ne justifieraient pas l’application de telles règles. Ensuite, dans son article 2, la convention exclue l’activité de "re-recording" dans le champ d’application de celle-ci. L’activité de « re-recording » a pour objet d’enregistrer en plusieurs fois des interprétations dans le but de les assembler au moment du mixage. Cette technique permet alors de reproduire une même voix à l’infini ou de reproduire plusieurs morceaux de musique jouer par un seul musicien.


Les artistes musiciens pratiquant cette technique lors de l’enregistrement de leurs interprétations seront donc excluent du champs d’application de la convention collective quand bien même ils enregistreraient une musique de film. On peut donc en déduire que cet accord concernera tous les artistes musiciens enregistrant leurs prestations un par un ou en orchestre dans un studio selon la technique traditionnelle dans le but d’incorporer le résultat des enregistrements dans œuvre cinématographique. Par conséquent, l’enregistrement des prestations des artistes musiciens nécessite l’organisation de séances.


Organisation et modalités des séances d’enregistrement

L’organisation des séances d’enregistrement est très importante dans ce secteur, ce qui justifie le fait que la convention collective les réglemente au travers de 6 articles. En effet, l’organisation des séances constitue une part importante de la réglementation du secteur de la production phonographique et tient souvent une part importante dans les contrats d’artiste.


Cette convention collective pose des règles strictes quant aux modalités de convocation des artistes musiciens aux séances. Ces règles sont d’autant plus importantes que les salaires plus communément appelés « cachet » seront versés en contrepartie de la participation des artistes à ces séances. De plus, la pratique contractuelle a amené les sociétés de production à mettre à la charge des artistes les frais engendrés par leurs absences aux séances, voir à justifier une résiliation de contrat d’artiste.

Les organisations syndicales ont donc voulu éclaircir ces points lors de la rédaction de la convention collective afin que la pratique contractuelle ne débouche pas sur des abus de droits de la parts des employeurs, elle tente donc d’équilibrer les relations du travail.

En effet, alors que l’article 4 rappelle les obligations auxquelles l’artiste musicien est tenu au titre du contrat de travail qui le lie au producteur cinématographique tel que l’obligation d’être présent aux séances accepté par lui et l’interdiction de se substituer une autre personne pour l’exécution dudit travail, l’article 3 de la convention met à la charge de l’employeur l’obligation de convoquer l’artiste musicien selon des modalités strictes. L’employeur doit faire parvenir à l’artiste, au minimum 48 heures avant la séance, une convocation comportant la nature du travail demandé et le nombre de séances prévues. En conséquences, l’employeur ne pourra pas demander à l’artiste d’être présent à deux séances d’enregistrement successives si celles-ci n’étaient pas prévues dans la convocation. De plus dans l’hypothèse où il supprimerait ou repousserait une séance pour une quelconque raison et dans un délai inférieur à 24 heures, l’employeur devra verser à l’artiste musicien une indemnité de la moitié ou de totalité du cachet de base, en contrepartie du manquement à son obligation.
Les programmations des séances d’enregistrement pour les musiques de films nécessitent donc des formalités strictes tout comme leur exécution. En effet, comme les salariés des entreprises traditionnelles qui doivent « pointer », les artistes doivent signer une feuille de présence pour chaque séance à laquelle ils participent et à l’article 7 de préciser que l’artiste musicien doit être présent 5 minutes avant la séance et tout mettre en œuvre pour que la réalisation de l’enregistrement ait lieu dans les meilleures conditions possibles. De plus, la convention collective rappelle que l’artiste musicien engage sa responsabilité dans l’hypothèse où il n’exécuterait pas le travail pour lequel il a été engagé.


Les articles 3 à 8 de la convention mettent donc à la charge des employeurs et des artistes musiciens des obligations strictes permettant un meilleur équilibre dans leur relation. Ce qui paraît logique puisque l’organisation des séances d’enregistrement constitue un point essentiel de l’organisation du travail dans ce secteur.


Répartition du temps de travail : la recherche de l’équilibre entre rigueur et flexibilité

La notion de service

La convention collective du 1er juillet 1964 règlemente le temps de travail des artistes musiciens sur la base de la notion de "service".

Un service constitue selon la convention, une séance d’enregistrement consacrée à la répétition ou à la fixation des interprétations d’une durée de 3 heures indivisibles comprenant un repos de 20 minutes.
Cette notion de service permet de fixer le salaire minimal de base qui sera versé aux artistes musiciens en contrepartie du travail fournit durant les séances d'enregistrement de la musique de film. Ces salaires qui sont appelé dans le pratique « cachet » seront versés par l’employeur au terme de l’engagement, ce versement fera l’objet d’un bulletin de salaire conformément aux dispositions générales du droit du travail.


La convention collective distingue deux catégories de services. En effet, compte tenu de la spécificité du travail fourni, le temps de travail pourra être aménagé de façon plus flexible selon les besoins de la profession. Toutefois, cette flexibilité ayant pour but de permettre la réalisation de la musique film dans les meilleures conditions donnera lieu à des rémunérations supplémentaires.

On distingue donc le service dit « normal » pour lequel l’artiste sera rémunéré sur la base d’un salaire minimum de 10€ (dix euros). Ce salaire s’applique donc aux artistes musiciens participant à un ou plusieurs enregistrements sonores dans une tranche horaire précise (9 heures et 20 heures). La convention collective précise d’autre part que la rémunération pour "services normaux" s’applique uniquement pour les séances en présence de tous les interprètes et exécutants nécessaires à l’enregistrement. Elle exclu donc du champs d’application du « service normal » les séances ne réunissant qu’une partie des artistes musiciens nécessaires à l’enregistrement de la musique du film. Toutefois, ces séances seront rémunérées sur la base du salaire minimum fixé pour les séances dites « exceptionnelles ».


L’enregistrement de musique et notamment de musique de film nécessite une adaptation du droit à la pratique. En effet, le droit doit pouvoir être adapté à des situations imprévues et imprévisibles, liées notamment à la longueur des morceaux de musique et du nombre d’artistes musiciens requis, qui surviennent lors de la fixation des interprétations des artistes musiciens. C’est pourquoi, les organisations syndicales ont envisagé ces situations et aménagé des clauses spécifiques en définissant la notion de « séances exceptionnelles ».


Les services « exceptionnels » sont définie par la convention collective comme:

  • les séances organisées avant 9 heures et après 20 heures ;
  • les séances dans lesquelles tous les artistes musiciens nécessaire à la fixation de l’enregistrement ne sont pas présents ;
  • les séances organisées durant des jours fériés
  • les séances durant lesquels les aristés musiciens sont filmés.

Ces séances dite « exceptionnelles » donnent droit à une rémunération plus importante pour les artistes musiciens compte tenu du fait qu’elles ont lieux dans des circonstances particulières. En effet, en contrepartie de leur présence à ces séances exceptionnelles, les artistes musiciens bénéficieront du versement du salaire de base appliqué aux séances normales majoré de 25 à 50% selon les situations à l’exception de l’hypothèse de l’artiste musicien filmé qui lui verra son salaire doublé.


Des limites quant à la durée de la musique

La convention collective pose une autre restriction quant aux conditions de rémunération des artistes musiciens de la production cinématographique. En effet, chaque séance ayant pour objet de fixer effectivement un titre ayant une durée excédant 20 minutes donnera lieu à une rémunération supplémentaire pour l’artiste.
Cette situation envisagée par l’article 13 de la convention permet aux artistes musiciens de voir leur rémunération majorée de 5% du cachet de base pour chaque minute supplémentaire.


Des aménagements nécessaires à la pratique

Bien que la convention collective pose des règles strictes dans l’organisation du travail des artistes musiciens de la production cinématographique, elle a du aménager certaines dispositions dans un souci d’adaptation du droit à la pratique. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, la convention collective permet une certaine flexibilité tout en protégeant les droits des artistes musiciens de la production cinématographique. Dans le même ordre d’idée, la convention collective prévoit la possibilité d’allonger la durée des séances d’enregistrement au delà des 3 heures indivisibles par tranche d’un quart d’heure sans que l’artiste musicien puisse s’y opposer. Toutefois, ces prolongations ne peuvent excéder trois quart d’heure au totale et donnent droit à des rémunérations supplémentaires pour les artistes musiciens. Ces prolongations par tranche d’un quart d’heure correspondent à du temps de travail supplémentaire qui sera du aux artistes à un taux de 20% du cachet de base par quart d’heure supplémentaire.

La création d'indemnités supplémentaires

Les artistes musiciens de la production cinématographique sont souvent dépendant de l’instrument qu’il pratique et son transport entraine des frais pour celui-ci, c’est pourquoi la convention collective envisage la situation et prévoit des indemnités de transport et de location d’instruments dues aux artistes en contrepartie de leur déplacement en vue de participer aux séances d’enregistrement. Ces indemnités diffèrent selon la taille de l’instrument. Toutefois, lorsque les instruments sont trop imposants pour faire l’objet de transports répétés, la convention collective prévoit que l’employeur est tenu de l’obligation de fournir les instruments tels que piano, harpe, etc. La convention collective envisage ensuite dans son article 20 des situations dans lesquels les artistes musiciens auront droit à rémunération supplémentaire selon la fonction qu’ils occupent. En effet, les chefs d’orchestre, solistes, groupes de solistes, les artistes tenus de jouer à plus de deux instruments et les régisseurs d’orchestre voient leurs rémunérations majorées de 10 à 75% du cachet de base.

La convention collective envisage donc toutes les situations afin de ne pas permettre un déséquilibre dans les relations de travail qu’entretiennent les employeurs du secteur et les artistes musiciens dans le cadre de l’enregistrement de la musique de film.

La création d’une commission paritaire intersyndicale de conciliation

L’article 23 de la convention collective engage les différentes organisations syndicales parties à la convention à créer une commission paritaire ayant pour objet de régler les conflits du travail entre les employeurs et les artistes avant toute cessation du travail ou toute action judiciaire. La création de telle commission est devenu pratique courante dans le secteur du spectacle et de la communication et permet parfois d’éviter les conflits devant les juridictions qui peuvent s’avérer couteux et long.


L’utilisation secondaire de la musique dans les disques du commerce

L’étude de la convention collective ne serait pas complète si elle n’évoquait pas le protocole d’accord du 29 juillet 1960 qui envisage l’utilisation secondaire des enregistrements de la musique de films pour la fabrication de disque du commerce. En effet, ce protocole d’accord annexé à la convention collective du 1er juillet 1964 prévoit des indemnités compensatrices dues aux artistes musiciens ayant participé à l’enregistrement objet du disque de commerce pour l’utilisation de la bande d’enregistrement de la musique de film. Le protocole d’accord précise que ces indemnités compensatrices seront à la charge du producteur ayant pris la responsabilité de l’enregistrement. Toutefois, elles seront réparties aux musiciens par la société de perception et de distribution des droits, en l’occurrence la société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse (SPEDIDAM).

Ces indemnités seront calculés en fonction du nombre d’artistes composant l’orchestre selon un barème établie par les organisations syndicales.

Il est nécessaire, cependant de rappeler que ces indemnités compensatrices ne seront les seuls rémunérations dues aux artistes musiciens de la production cinématographique en contrepartie de la fixation de leurs prestations.

La retraite complémentaire

Le protocole d’accord du 1er octobre 1969 qui a pour objet de fixer le taux de cotisation pour les retraites complémentaires dans le secteur de la production cinématographique s’applique aux artistes musiciens exerçant dans ce secteur et rentrant dans le champ d’application de la convention collectives du 1er juillet 1964. Par conséquent, ces cotisations sont fixés à 6% de la tranche A du plafond de la sécurité sociale et seront versées pour la première moitié par l’employeur et pour la seconde par l’artiste musicien lui-même.


La convention collective du 1er juillet 1964 régie donc toutes les conditions de travail de l’artiste musicien dans le cadre d’enregistrement de musique de film en permettant toutefois une certaine flexibilité du travail.

voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.

Liens externes



Notes et références