Divorces franco-algériens : aspects de droit algérien et de droit international privé (fr)

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Compte-rendu de la réunion de la Commission internationale Algérie du barreau de Paris, 5 novembre 2013,

Commission ouverte : Algérie,
Co-responsable : Chems-Eddine Hafiz, avocat au barreau de Paris,

Intervenants : Alain Devers, avocat au barreau de Lyon et Maître de conférences à l'Université de Lyon (Lyon 3), Chems-Eddine Hafiz, avocat au barreau de Paris,


Aspects de droit international privé (compétence juridictionnelle / loi applicable)

par Alain Devers

L’introduction en France d’une procédure de divorce franco-algérien impose de résoudre successivement deux questions : la première est relative à la compétence directe des juridictions françaises (1) et la seconde est relative à la loi applicable devant le juge français (2). Ces questions échappent à la convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l’exequatur et à l’extradition pour relever de règles le plus souvent européennes.


I. Vérification de la compétence des juridictions françaises

En matière internationale, la compétence du juge aux affaires familiales français doit être morcelée et évaluée demande par demande. La convention franco-algérienne ne comportant aucune règle de compétence directe, il convient de faire application des règles européennes de compétence qui constituent désormais les règles de droit commun.

A. Principe du divorce

S’agissant du prononcé du divorce, la compétence du juge français est déterminée sur la base du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (ci-après le règlement Bruxelles II bis : entrée en vigueur le 1er mars 2005).

Le règlement II bis s’applique quelle que soit la nationalité des époux. La Cour de cassation a ainsi censuré une décision ayant refusé d’appliquer le règlement Bruxelles II bis pour évaluer la compétence du juge français du divorce s’agissant d’un couple franco-algérien marié au Maroc (Cass. 1re, 10 octobre 2012, n° 11-12621).

Le juge français est compétent pour statuer sur le principe du divorce :

- lorsque les époux sont de nationalité française (règl. Bruxelles II bis, art. 3, § 1, pt b) ou

- lorsque se trouve sur le territoire français (règl. Bruxelles II bis, art. 3, § 1, pt a) :

- la résidence habituelle des époux, ou

- la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore, ou

- la résidence habituelle du défendeur, ou

- en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux, ou

- la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande.

- la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est français.

S’agissant des conséquences du divorce (compensation du divorce et intérêts patrimoniaux des époux), le règlement Bruxelles II bis n’est en revanche pas applicable. En effet, en préambule, il précise que « les obligations alimentaires sont exclues du champ d’application du présent règlement car elles sont déjà régies par le règlement (CE) n° 44/2001 » du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (règl. Bruxelles II bis, préambule, cons. 11). Le règlement Bruxelles II bis écarte également de son champ d’application « les effets patrimoniaux du mariage » (règl. Bruxelles II bis, préambule, cons. 8).


B. Conséquences du divorce

1. Compensation du divorce

S’agissant de la compensation du divorce (la « prestation compensatoire »), la compétence du juge français est déterminée sur la base du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires (ci-après règlement (CE) n° 4/2009 sur les obligations alimentaires : applicable à compter du 18 juin 2011).

Comme le règlement II bis, le règlement (CE) n° 4/2009 sur les obligations alimentaires s’applique quelle que soit la nationalité des époux.

Le juge français est compétent pour statuer sur la compensation du divorce :

- lorsque se trouve sur le territoire français (règlement (CE) n° 4/2009, art. 3, pts a et b) :

- le lieu où le défendeur a sa résidence habituelle, ou

- le lieu où le créancier a sa résidence habituelle, ou

- lorsque le juge français est compétent pour statuer sur le principe du divorce, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d’une des parties (règl. (CE) n° 4/2009, art. 3, pt c).

Compétent sur la base du règlement Bruxelles II bis pour statuer sur le principe du divorce, le juge français sera le plus souvent compétent sur la base du règl. (CE) n° 4/2009 sur les obligations alimentaires pour statuer sur la compensation du divorce.

2. Intérêts patrimoniaux des époux

La liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux n’entrent dans le champ d’application ni du règlement Bruxelles II bis ni du règlement (CE) n° 4/2009 sur les obligations alimentaires. De même, le règlement (CE) n° 44/2001 » du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après le règlement Bruxelles I) exclut de son champ d’application « les régimes matrimoniaux » (règl. Bruxelles I, art. 1, § 2, pt a). En l’état, il n’existe aucune règle européenne de compétence en matière de régimes matrimoniaux. La situation pourrait évoluer si venait à être adoptée la proposition de règlement du conseil relatif à la compétence la loi applicable la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux (COM(2011) 125 final, du 16 mars 2011).

En l’absence de règle européenne de compétence, la compétence du juge français résulte – dans un premier temps – de l’extension de la règle de compétence territoriale interne de l’article 1070 CPC. Il en résulte que le juge français est compétent pour statuer en matière de régimes matrimoniaux lorsque se trouve sur le territoire français :

- la résidence de la famille ;

- si les parents vivent séparément, la résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d’exercice en commun de l’autorité parentale, ou la résidence du parent qui exerce seul cette autorité ;

- dans les autres cas, la résidence de l’époux défendeur.

A défaut d’être compétent en vertu de l’extension de l’article 1070 CPC, le juge français peut encore être compétent sur la base des articles 14 et 15 du Code civil : en tant que juge de la nationalité français de l’époux demandeur ou de l’époux défendeur.


II. Détermination de la loi applicable

La convention franco-algérienne ne comportant aucune règle de conflit de lois, il convient là encore de faire application des règles européennes qui constituent désormais les règles de droit commun.

A. Principe du divorce

S’agissant du prononcé du divorce, la loi applicable est déterminée sur la base du règlement (UE) n° 1259/2010 du 20 décembre 2010 remettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps ci-après le règlement Rome III : applicable à compter du 21 juin 2012).

Comme le règlement II bis et le règlement (CE) n° 4/2009 sur les obligations alimentaires, le règlement Rome III s’applique quelle que soit la nationalité des époux. Il précise d’ailleurs qu’il a un « caractère universel, c’est-à-dire qu’il devrait être possible, en ce qui concerne ses règles uniformes de conflit de lois, de désigner la loi d’un État membre participant, la loi d’un État membre non participant, ou la loi d’un État non membre de l’Union européenne » (règl. Rome III, préambule, cons. 12 et art. 4).

En vertu du règlement Rome III, les couples franco-algériens peuvent conclure des conventions de choix de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps (règl. Rome III, art. 5). La loi choisie par les époux peut être :

« a) la loi de l’État de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention; ou

b) la loi de l’État de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que l’un d’eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention; ou

c) la loi de l’ ’un des époux au moment de la conclusion de la convention; ou

d) la loi du for. »

À défaut de choix de la loi applicable conformément à l’article le divorce est soumis à la loi de l’État :

a) de la résidence habituelle

b) de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux résidé encore da défaut,

c) dont la juridiction est saisie » (règl. Rome III, art. 8).

La loi algérienne peut ainsi être applicable en France au divorce d’époux algériens ou franco-algériens.

Le droit algérien du divorce réserve certaines causes de divorce à l’homme (art. 48 du Code de la famille algérien) et d’autres à la femme (art. 53 et 54 du Code de la famille algérien). La question se pose de savoir si le droit algérien est, sur ce point, conforme à l’article 10 du règlement Rome III. Il prévoit, en effet, que « lorsque la loi applicable en vertu des articles 5 ou 8 … n’accorde pas à l’un des époux en raison de son appartenance à l’un ou l’autre sexe, une égalité d’accès au divorce ou à la séparation de corps, la loi du for s’applique ». Le jeu de l’article 10 pourrait ainsi conduire à écarter en France la loi algérienne au profit de loi française qui offre aux époux les mêmes causes de divorce. Une telle solution serait regrettable : « par là même, on constate que la promotion d’une égalité absolue des sexes supprime l’esprit de relativisme et de compréhension des systèmes étrangers attaché au droit international privé. Cette évolution conduira à prononcer des divorces sur le fondement de la loi du for au motif que le droit étranger désigné est abstraitement inégalitaire, y compris lorsque son application aurait conduit à un résultat identique (par exemple un divorce pour faute prononcé au profit d’une épouse). Ce lex forisme sans nuance fait fi de l’idée qu’un divorce prononcé sur le fondement de la loi étrangère commune aux époux a plus de chance d’être reconnu dans leur pays d’origine » (A. DEVERS et M. FARGE, Le nouveau droit international privé du divorce. – À propos du règlement Rome III sur la loi applicable au divorce : JCP G 2012, doctr. 778, n° 28).


B. Conséquences du divorce

1. Compensation du divorce

S’agissant de la compensation du divorce (la « prestation compensatoire »), la loi applicable est déterminée sur la base du règlement (CE) n° 4/2009 sur les obligations alimentaires (applicable à compter du 18 juin 2011).

Sans résoudre lui-même le conflit de lois, il précise que « la loi applicable en matière d’obligations alimentaires est déterminée conformément au protocole de La Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires (ci-après dénommé "le protocole de La Haye de 2007") pour les États membres liés par cet instrument » (règl. (CE) n° 4/2009, art. 15).

Quant à lui, le protocole de La Haye de 2007 prévoit que « sauf disposition contraire du Protocole, la loi de l’État de la résidence habituelle du créancier régit les obligations alimentaires » (protocole de La Haye de 2007, art. 3 § 1). Ainsi, lorsque l’épouse qui réclame une compensation du divorce réside habituellement en France, la loi française est applicable et il s’agit d’une demande de prestation compensatoire.

Pour échapper à la loi française de la résidence habituelle de l’épouse, le mari peut invoquer le bénéfice de la clause échappatoire de l’article 5 du protocole de La Haye de 2007 : « en ce qui concerne les obligations alimentaires entre … des ex-époux … l’article 3 ne s’applique pas lorsque l’une des parties s’y oppose et que la loi d’un autre État en particulier l’État de leur dernière résidence habituelle commune présente un lien plus étroit avec le mariage. Dans ce cas la loi de cet autre État s’applique ». Il faut alors démontrer que cette autre loi – la loi algérienne – présente une lien plus étroit avec le mariage que la loi française de la résidence habituelle de l’épouse.

2. Intérêts patrimoniaux des époux

S’agissant des intérêts patrimoniaux la loi applicable est déterminée sur la base de la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux (applicable aux époux mariés à compter du 1er septembre 1992).

Ce texte impose de raisonner en deux temps.

Premier temps : le régime matrimonial est soumis à la loi interne désignée par les époux avant le mariage (conv. La Haye 1978, art. 3).

Cette loi peut être :

1. la loi d'un Etat dont l'un des époux a la nationalité au moment de cette désignation ;

2. la loi de l'Etat sur le territoire duquel l'un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation ;

3. la loi du premier Etat sur le territoire duquel l'un des époux établira une nouvelle résidence habituelle après le mariage.

À défaut de choix de la loi applicable conformément à l’article 3 le régime matrimonial est soumis à la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel les époux établissent leur première résidence habituelle après le mariage (conv. La Haye 1978, art. 4, al. 1). Toutefois, dans certaines hypothèses particulières, le régime matrimonial est soumis à la loi interne de l'Etat de la nationalité commune des époux (conv. La Haye 1978, art. 4, al. 2). À défaut de résidence habituelle des époux sur le territoire du même Etat et à défaut de nationalité commune, leur régime matrimonial est soumis à la loi interne de l'Etat avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, il présente les liens les plus étroits (conv. La Haye 1978, art. 4, al. 3).

Second temps : au jour de la procédure de divorce il convient de s’assurer que la loi initialement applicable l’est encore autrement dit qu’aucune mutation de la loi n’est survenue. La convention de La Haye de 1978 envisage deux cas de mutabilité de la loi applicable au régime matrimonial : la mutabilité volontaire de l’article 6 qui a un caractère rétroactif et la mutabilité automatique de l’article 7 qui n’a pas un caractère rétroactif. Les époux ont pleinement conscience de la première alors que la seconde se produit sans qu’ils en aient connaissance.

S’agissant de la mutabilité automatique elle s’applique aux époux qui n'ont ni désigné la loi applicable, ni fait de contrat de mariage. La loi interne de l'Etat où ils ont tous deux leur résidence habituelle devient applicable, aux lieu et place la loi initialement applicable à leur régime matrimonial : « 1. à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si la nationalité de cet Etat est leur nationalité commune, ou dès qu'ils acquièrent cette nationalité, ou 2. lorsque, après le mariage, cette résidence habituelle a duré plus de dix ans, ou 3. à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si le régime matrimonial était soumis à la loi de l'Etat de la nationalité commune uniquement en vertu de l'article 4, alinéa 2, chiffre 3 ». La Cour de cassation a ainsi récemment souligné que « il résulte des articles 4, 7, alinéa 2-1°, et 8 de la Convention de La Haye, du 14 mars 1978, sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, que lorsque les époux n'ont ni désigné la loi applicable, ni fait de contrat de mariage, la loi interne de l'Etat où ils ont tous deux leur résidence habituelle devient applicable à leur régime matrimonial, aux lieu et place de celle à laquelle celui-ci était initialement soumis, à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si la nationalité de cet Etat est leur nationalité commune, et, que ce changement de la loi applicable n'a d'effet que pour l'avenir, les biens appartenant aux époux antérieurement n'étant pas soumis à la loi désormais applicable » (Cass. 1re civ., 12 avril 2012, n° 10-27016 : Bull. civ. I, n° 90).


Présentation des aspects de droit interne algérien du droit divorce

par Chems-Eddine Hafiz

Le droit de la famille en Algérie s’inspire des préceptes musulmans, l'islam ayant été introduit pour la première fois en 670 par le général Arabe Oqba Ibn Nafaa, envoyé par les Omeyyades. Ce que l’on appelle le droit musulman ou droit coranique, système basé sur des enseignements religieux dans lequel le droit (fiqh) s’imbrique avec les prescriptions du Coran, de la sunna et de sources dites secondaires, fondées sur la raison humaine, qui comprennent : - le consensus des juristes (ijma), - le raisonnement analogique (qiyas), - et l'interprétation (ijtihad).

La coutume ('urf) et la loi ne sont pas officiellement sources de droit, mais ont permis d'adapter le droit d'origine religieuse à la diversité des pays et des situations. Une jurisprudence diverse s'est développée selon les régions, en fonction des quatre (04) principales écoles juridiques (madhhab) pour le sunnisme, et deux autres pour le chiisme. Il s’agit :

•L'école hanafite d'Abu Hanifa qui est la plus ancienne. Elle se trouve surtout chez les peuples turcs, indo-pakistanais, afghans et chinois.

•L'école malikite a été fondée par Mâlik ibn Anas. L'Espagne musulmane (al-andalus) était le bastion du sunnisme malikite. Elle reste présente dans les pays du Maghreb.

•L'école chaféite est particulièrement répandue en Égypte, Arabie, Yémen, Koweït, Indonésie, Malaisie, Viêt Nam, Philippines et Thaïlande.

•Le hanbalisme est l'école inspirée par l’imam Ahmed Ibn Hanbal est majoritaire dans la péninsule arabique, notamment en Arabie saoudite.

L’islam permet aux hommes comme aux femmes de divorcer en islam.

Mais s'il est une chose possible, le divorce, ne doit se produire qu'en dernier recours.

Le Coran qualifie le mariage de "pacte solide" (Coran 4 / 21-22), et parle de la relation entre époux en ces termes: « Elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles » (Coran 2 / 187). Le mariage est un lien entre époux et leurs relations s’effectuent dans le cadre de la concertation (Coran 2/233) et sur un fond « d'affection et de bonté » (Coran 30/21) qui soutient l'ensemble de cette relation.

Le Coran a consacré une sourate « Le divorce » (65) à cette question majeure qui avait déjà été abordée dans la sourate 2 « La Vache ».

En 1830, lorsque la France colonise l’Algérie, le traité d'Alger prévoit que nul ne peut porter atteinte à la liberté de culte des habitants.

Il y a des tribunaux de droit musulman qui ont compétence pour connaître des litiges de statut personnel.

A l’indépendance de l’Algérie en 1962, le statut personnel n’est pas vraiment une priorité dans la construction de l’Etat et de la société postcoloniale. Le discours politique révolutionnaire et moderniste laisse entendre à un système égalitaire entre homme et femme, cette dernière devant prendre sa pleine place dans l’action, comme elle l’a été durant la guerre de libération.

Mais à côté de ce discours d’égalité, il en était tenu un autre qui rappelait que le socle fondamental de la société algérienne était de nature islamique et de coutumes traditionnelles. C’est pourquoi que la Constitution Algérienne rappelait constamment que l’islam est religion d’État.

Après deux tentatives avortées suite à un fort rejet de la population, en 1966 et en 1981, le Code de la famille algérien est adopté par la loi n°84-11 du 9 juin 1984.

En 2005, une Ordonnance est venue modifier la loi de 1984. C’est l’Ordonnance n°05-02 du 27 février 2005.

I. Les différentes procédures de divorce

Le code de la famille algérien distingue trois (03) procédures de divorce. (Articles 48 et suivants).

A. Les trois formes possibles de divorce

1. Le divorce par consentement mutuel (Article 48)

Ce type de dissolution du mariage peut intervenir de deux manières :

- Il peut être demandé par l’un des deux époux et accepté par l’autre

- Ou par requête conjointe des deux époux.

Le nombre de séparations de couples faites à l’amiable reste considérable. A titre indicatif, 14 000 sur les 40 000 divorces enregistrés en 2008 ont été faits à l’amiable. 17 000 sur 50 000 en 2011 et autant en 2012.

Jadis considéré comme tabou, le divorce se «démocratise» pour ne pas dire qu’il se banalise.


2. Le divorce à l’initiative de l’époux

La répudiation islamique (Talâk) remonte au VIIème. Mais, en Algérie, du fait de l’article 48 du code de la famille qui énonce « Le divorce est la dissolution du mariage. Il intervient par la volonté de l'époux… », cette volonté de l’époux de divorcer ne peut être intervenir que par un jugement précédé d’une tentative de conciliation du juge.

L’article 51 du code de la famille prévoit que: « Tout homme ayant divorcé son épouse par trois fois successives ne peut la reprendre qu’après qu’elle ne s'est mariée avec quelqu’un d’autre, qu’elle en soit divorcée ou qu’il meurt après avoir cohabité ». Cette disposition reprend certes le droit coranique d’antan, mais sous le contrôle du juge.

Peut-on parler de répudiation ? Il ya lieu de signaler un arrêt de la 1ère Chambre civile de la cour de cassation du 23 octobre 2013 qui casse et annule un arrêt de la cour d’appel d’Orléans du fait qu’une décision unilatérale de l’époux de divorce était contraire à la conception française de l’Ordre public international.


3. Le divorce à l’initiative de l’épouse

L’épouse peut prendre quant à elle l’initiative du divorce, selon deux (02) dispositions légales :


3.1. L’article 53 du code de la famille donne à l’épouse le droit de divorcer pour l’une des causes suivantes :

1 - Pour défaut de paiement de la pension alimentaire prononcée par jugement à moins que l'épouse eût connu l'indigence de son époux au moment du mariage,

2 - Pour infirmité empêchant la réalisation du but visé par le mariage,

3 - Pour refus de l'époux de partager la couche de l'épouse pendant plus de quatre (04) mois,

4 - Pour condamnation du mari pour une infraction de nature à déshonorer la famille et rendre impossible la vie en commun et la reprise de la vie conjugale,

5 - Pour absence de plus d'un (01) an sans excuse valable ou sans pension d'entretien

6 - Pour tout préjudice légalement reconnu comme tel par l’article 8, touchant à la polygamie

7 - Pour toute faute immorale gravement répréhensible établie

8- Pour désaccord persistant entre les époux

9- Pour violation des clauses stipulées dans le contrat de mariage

10- Pour tout préjudice légalement reconnu

3.2. Le divorce par le versement de la Khol’â par l’épouse : (Article 54)

L’épouse a également le droit d’engager la procédure de divorce sans l’accord de son conjoint moyennant le versement d’une somme (khol'â). En cas de désaccord sur le montant, le juge ordonne le versement d'une somme dont le montant ne saurait dépasser la valeur de la dot de parité (sadaq el mithl) évaluée à l'époque du jugement.

C’est un fait nouveau en Algérie. Le khol’â est ainsi passé, selon les chiffres du ministère de la Justice, de 2466 cas en 2007 à 4465 en 2009 et à 7559 en 2011.

De nombreuses femmes choisissent le khol’â pour obtenir leur divorce, préférant ainsi racheter leur liberté et perdre tous leurs droits plutôt que d’utiliser d’autres procédures.

Les femmes sont de plus en plus souvent obligées de recourir au khol’â « pour se libérer d’une vie conjugale infernale » commente la journaliste Salima Tlemçani dans le quotidien algérien El Watan.


II. La procédure de divorce

1) La saisine du Tribunal (Article 49)

C’est par voie de requête que la « section du statut personnel » du Tribunal du lieu du domicile conjugal des époux ou du lieu d’enregistrement de leur mariage qui est saisie sur requête.

2) Le rôle du juge

Le juge s’assure de la volonté de l’époux qui a pris l’initiative du divorce. Il constate et qualifie les causes du divorce.

La tentative de conciliation est obligatoire.

Le juge entend chacun des époux séparément puis ensemble. Si les époux le demandent, un membre de la famille peut assister et participer à la tentative de conciliation.

Si la mésentente s’aggrave entre les deux époux et si le tort n’est pas établi, le juge désigne deux arbitres pour les réconcilier, l’un est choisi parmi les proches de l’époux, et l’autre parmi ceux de l’épouse, ils sont tenus de présenter un rapport au juge dans un délai de deux mois.

Cette procédure de conciliation est constatée par procès-verbal établi par le greffier sous le contrôle du juge.

Le divorce est établi par jugement à la suite de plusieurs tentatives de conciliation, au cours d’une période n’excédant pas un délai de trois mois à compter de l’introduction de la requête. La mère et l’enfant sont maintenus dans le domicile conjugal pendant la procédure de divorce. Durant cette période, la reprise de l’épouse par le mari ne nécessite pas un nouvel acte de mariage par contre lorsque le divorce est prononcé, un nouvel acte est exigé.

Le juge peut statuer en référé, par ordonnance sur requête, sur toutes les mesures provisoires, notamment sur celles relatives à la pension alimentaire, au droit de garde, au droit de visite et au logement. Le jugement est transcrit obligatoirement à l’état civil, à la diligence du procureur de la république.

3) Les voies de recours

Les jugements rendus en matière de divorce par consentement mutuel, de divorce par répudiation, de divorce à la demande de l’épouse ou par le versement du « khol’â » ne sont pas susceptibles d’appel sauf dans leurs aspects matériels ou en matière de droit de garde de l’enfant.

Un pourvoi en cassation est possible devant la Cour suprême.

III. Les effets du divorce

A. Les effets du divorce sur l’épouse

1. La retraite légale (‘Idda) (Chapitre II – Articles 58 à 61)

La femme divorcée et dans le cas ou elle n’est pas enceinte est tenu d’observer une retraire légale dont la durée est de trois périodes de pureté menstruelle, à partir de la date de déclaration du divorce. Dans le cas de la femme enceinte, la retraire légale dure jusqu’à sa délivrance, la durée maximale de la grossesse est de dix mois à compter du jour du divorce. (Article 60). La femme divorcée ne doit pas quitter le domicile conjugal durant sa période de retraite légale qu’en cas de faute immorale dument établie. Elle se voit verser une pension alimentaire durant cette période de ‘Idda.

2. La pension alimentaire (Articles 74 à 80)

Si le père n’a pas le droit de garde, il doit verser une pension alimentaire, jusqu’à l’âge adulte ,19 ans, pour les enfants mâles, jusqu’au mariage pour les filles. Il demeure soumis à cette obligation si l’enfant est physiquement ou mentalement handicapé ou s’il est scolarisé. Le non-paiement de la pension alimentaire est passible de trois ans d'emprisonnement et d’une amende (article 331 du code pénal). Pour évaluer l’entretien, le juge tient compte de la situation des conjoints et des conditions de vie. Cette évaluation ne peut être remise en cause avant une année après le prononcé du jugement. L'entretien est dû à compter de la date d'introduction de l'instance.

3. La liquidation des biens

En droit Algérien le régime légal est celui du régime de la séparation des biens. Au moment du prononcé du divorce, chacun reprend des époux conserve son propre patrimoine. Toutefois, si les époux ont convenu par écrit et devant notaire de la communauté des biens acquis durant le mariage, les époux reçoivent, au prononcé du divorce, les proportions revenant à chacun d’eux déterminées dans l’acte de mariage ou dans l’acte authentique.

4. Les dommages et intérêts

La contrepartie des divorces unilatéraux et des répudiations infondés consiste dans le versement de dommages-intérêts pour le préjudice subi.

Ainsi, en cas de l’abandon du domicile conjugal par l’un des deux époux, le juge accorde le divorce et le droit aux dommages et intérêts à la partie qui subit le préjudice.

Pour le divorce par répudiation, si le juge constate que le mari a abusivement usé de sa faculté de divorce, il accorde à l'épouse des dommages et intérêts pour le préjudice qu'elle a subi.

Le juge peut accorder à l’épouse des réparations pour le préjudice qu’elle subit dans le cadre de la procédure du divorce par la volonté de l’épouse.


B. Les effets relatifs à la garde de l’enfant.

1) Le droit de garde. (Hadana) Articles 62 et suivants

Le droit de garde (hadana) consiste en l’entretien, la scolarisation et l’éducation de l’enfant dans la religion de son père ainsi qu’en la sauvegarde de sa santé physique et morale. Selon l’article 64, le droit de garde est dévolu d'abord à la mère de l'enfant, puis au père, puis à la grandmère maternelle, puis à la grand-mère paternelle, puis à l tante maternelle, puis à la tante paternelle, puis aux personnes parentes au degré le plus rapproché, au mieux de l'intérêt de l'enfant. En prononçant l'ordonnance de dévolution de la garde, le juge doit accorder le droit de visite à l'autre partie. La garde de l'enfant de sexe masculin cesse à dix ans révolus et celle de l'enfant de sexe féminin à l'âge de sa capacité de mariage. Le juge prolonge cette période jusqu'à seize ans révolus pour l'enfant de sexe masculin placé sous la garde de sa mère si celle-ci ne s'est pas remariée. Toutefois, il sera tenu compte,dans le jugement mettant fin à la garde, de l'intérêt de l'enfant. Si la titulaire du droit de garde se remarie avec une personne non liée à l’enfant par une parenté de degré prohibé, elle est déchue de son droit de garde. Le droit de garde peut aussi cesser en cas d’incapacité du bénéficiaire à subvenir aux besoins de l’enfant tels que définis dans l’article 62 du code de la famille (entretien, scolarisation, et éducation ainsi que la sauvegarde de sa santé physique et morale). Le fait que la femme travaille ne peut constituer un motif de déchéance de la garde. Le bénéficiaire du droit de garde perd son droit s’il met plus d’une année à le réclamer, dans le cas ou il décide de s’installer dans un pays étranger, c’est le juge qui décide du maintien ou non du droit de garde, selon l’intérêt de l’enfant. Le parent qui n’a pas la garde à un droit de visite et d’hébergement qui doit être respecté sous peine d’un emprisonnement de 5 ans (article 327 du code pénal)

2) La tutelle sur l’enfant

Toute personne du fait de on jeune âge est légalement représenté par un tuteur légal qui en principe le père. (Article 87). Mais, en cas de divorce, le parent bénéficiant du droit de garde exerce aussi le droit de tutelle sur l’enfant, ainsi lorsque la mère obtient le droit de garde, elle devient la seule tutrice de l’enfant. Lorsque les parents de l’enfant sont mariés, le père, en tant que tuteur, est le seul à pouvoir librement quitter l’Algérie avec l’enfant. La mère qui voyage seule avec l’enfant doit avoir l’autorisation paternelle de sortie du territoire. Lorsque les parents sont divorcés, le titulaire du droit de garde exerce également la tutelle (Article 87 alinéa 3). La mère qui, par jugement de divorce, obtient la garde et la tutelle des enfants n’a donc plus besoin de l’autorisation paternelle pour quitter avec ses enfants mineurs le territoire algérien. Elle devra produire une copie du jugement de divorce aux services de la police des frontières.

3) Le droit au logement.

L’épouse a en principe la garde des enfants et doit retourner auprès de son tuteur matrimonial ; si celui-ci n’accepte pas ce retour, il incombe au père d’assurer un logement décent ou un loyer. L’épouse est maintenue dans le domicile conjugal jusqu’à l’exécution par le père de la décision judiciaire relative au logement. Toutefois, la femme divorcée perd ce droit une fois remariée ou convaincue de faute immorale dûment établie


CONCLUSION

En Algérie, le nombre des divorces explose. Selon les dernières données, les divorces sont en constante augmentation. Ils ont, en effet, connu une hausse de 60% en cinq ans, passant de 34 000 en 2007 à plus de 55 000 en 2012. La première explication donnée à cette hausse vertigineuse est d’ordre socio-économique. De nombreux divorces sont liés au chômage et à la crise du logement. Ce sont essentiellement les hommes qui sont à l’origine du divorce. Les violences faites aux femmes, à l’infidélité et à l’incapacité de l’époux de fournir un logement indépendant sont autant de motifs de divorce. Dans un pays qui vit pourtant depuis de nombreuses années au rythme de l’effervescence religieuse, les femmes n’hésitent plus à saisir le juge pour engager une action en divorce.


Notes et références


- Dalloz Action Droit de la famille 2014/2015, P. MURAT (dir.), Dalloz, 5e éd., 2013 : application du droit international privé au couple (chap. 521 à 526) et à l’enfant (chap. 532 à 535) par A. DEVERS. - Les praticiens et le droit international privé européen de la famille : Europe 2013, chron. 9.


Voir aussi

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