Droit au paiement de la rémunération variable après un licenciement nul (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


 France > Droit privé > Droit social >  Droit du travail 

Fr flag.png


Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris
Date : 13 juin 2020


La nullité du licenciement rend inopposable au salarié la condition de présence à la date de clôture de l'exercice qui était exigée.


Un salarié fait l’objet depuis plusieurs mois d’un harcèlement moral continu de la part de son supérieur hiérarchique, qui finit par le licencier pour insuffisance professionnelle.

Son contrat de travail prévoyait le versement d’une rémunération variable à objectifs atteints et imposait, comme souvent, pour que l’intéressé puisse en bénéficier, qu’il soit présent dans l’entreprise à la date de fin d’exercice.

Or, le salarié est licencié avant que l’exercice soit clos et l’employeur le prive ainsi de ce complément de salaire dont le montant promettait d’être conséquent.

De sorte que non seulement le salarié perd son emploi, mais également une part importante de ses revenus annuels… la double peine !

Il saisit alors la juridiction prud’homale de la contestation de son licenciement et fait valoir que celui-ci est nul en raison du harcèlement moral qu’il a subi, l’insuffisance professionnelle alléguée par l’employeur constituant en réalité une fausse cause.

Il soutient à cet égard que par un surprenant concours de circonstance, près de 15 jours avant d’être convoqué à un entretien préalable à son licenciement, il avait adressé un courriel à un des cadres dirigeants de l’entreprise pour dénoncer les dérives managériales du directeur général et en substance le harcèlement moral dont il faisait l’objet.

Cette concomitance n’avait pas échappé à la Cour d’appel, qui avait constaté que l’employeur ne s’était livré à aucune vérification et qu’il n’avait pas davantage diligenté d’enquête, préférant tout bonnement ignorer la plainte de l’intéressé.

Elle avait par ailleurs relevé que la prétendue insuffisance professionnelle n’était pas établie.

Considérant que la dénonciation du harcèlement moral par le salarié constituait le véritable motif de rupture, les magistrats ont prononcé la nullité du licenciement.

Rappelons que la Chambre sociale de la Cour de cassation juge en effet que le licenciement d’un salarié qui relate des faits de harcèlement moral est nul, sauf si cette dénonciation est faite de mauvaise foi, celle-ci ne pouvant alors résulter que de la connaissance par l’intéressé de la fausseté des faits qu’il dénonce.

Le salarié obtient satisfaction sur la rupture de son contrat de travail et est indemnisé de la nullité de son licenciement.

Reste que la Cour d’appel le déboute de sa seconde demande relative au paiement de sa rémunération variable.commissions dues au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse Appliquant à la lettre le contrat de travail, elle retient que cette rémunération ne pouvait lui être versée que s’il avait atteint ses objectifs et s’il était toujours salarié au terme de la période de référence ; or à l’échéance prévue, ayant été licencié, il ne pouvait plus être présent dans l’entreprise, et donc, prétendre au paiement de sa part variable.

La rudesse de l’interprétation des juges du fond pénalise lourdement le salarié victime des manœuvres de l’employeur, qui imaginant faire d’une pierre deux coups, réussit pour partie son pari.

Mais elle est heureusement contredite par la Cour de cassation qui avait déjà eu à se prononcer sur la situation d’un salarié licencié dans de telles conditions.

Reprenant le même raisonnement, applicable cette fois-ci à un licenciement nul, la Cour régulatrice énonce que « la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement et qu’ayant jugé nul le licenciement du salarié prononcé en cours d’exercice, la condition de présence à la clôture de cet exercice ne pouvait être opposée au salarié » (Cass. Soc. 27 mai 2020 n° 18-20156).

Ainsi, l’absence de paiement de la rémunération variable résultait de la manœuvre de l’employeur, qui a empêché la présence du salarié dans l’entreprise, et partant, le versement du complément de salaire qu’il lui devait en le licenciement pour un faux motif avant la date de référence.

La nullité du licenciement rebat les cartes et rétablit le salarié dans son droit au paiement de sa rémunération dont il a été injustement privé.

Où quand le droit et la morale finissent (parfois) par se rejoindre…