Droit des CDD : L’imprécision du motif d’un CDD entraîne sa requalification en CDI (fr)

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Auteur : Frederic Chhum, avocat au barreau de Paris

Juillet 2017


Dans un arrêt du 9 juin 2017 (n°15-28599), la Cour de Cassation a requalifié un CDD en CDI en raison de l’imprécision de son motif de recours.

Cette jurisprudence est classique.


Rappel : le CDI est le contrat de travail de droit commun et le CDD l’exception

Tout d’abord, l’article L.1221-2 du code du travail pose le principe selon lequel « le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail ».

Le contrat de travail à durée déterminée n’est alors qu’une forme exceptionnelle de la relation de travail, le législateur souhaitant éviter le plus possible cette situation de précarité. Ainsi, le CDD doit être soumis à des règles strictes au stade de la conclusion.

Par ailleurs, aux termes de l’article L.1242-1 du Code du travail, « le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».

L’article L.1242-2 du même Code ajoute qu’« un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants » :

- Remplacement d’un salarié en cas d’absence, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail ayant fait l’objet d’une saisine du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe, ou en cas d’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

- Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

- Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

Cet article exclu donc toute forme générale et permanente de la relation de travail.

Enfin, l’article L.1242-12 du même Code dispose que « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ».

Ainsi, l’employeur qui embauche un salarié par contrat à durée déterminée en violation des exigences légales et réglementaires ainsi formulées, s’expose en effet à une requalification dudit contrat en contrat à durée indéterminée.

Dans ce cas, le salarié peut saisir la juridiction prud’homale d’une action en requalification judiciaire du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.


Le contrôle minutieux de la Cour de cassation sur le motif de recours des CDD

En l’espèce, il s’agissait d’une salariée qui avait conclu avec la société DYNEFF six contrats à durée déterminée entre le 29 janvier 1996 et le 30 septembre 2003. Elle a ensuite été embauchée en contrat à durée indéterminée le 16 janvier 2004, et licenciée le 27 novembre 2012.

A la suite de ce licenciement, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes de requalification de chaque contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ainsi que de demandes relatives à la rupture du dernier contrat de travail.


L’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise est un motif précis de recours au CDD

Sur le premier moyen du pourvoi, la Cour de cassation considère que le surcroit d’activité lié à l’augmentation de la couverture téléphonique constitue un motif précis tel qu’exigé par les articles L.1242-2 et L.1242-12 du code du travail.

Sur ce point, la jurisprudence de la Cour de cassation considère que cette situation recouvre les augmentations accidentelles ou cycliques de la charge de travail que l’entreprise ne peut pas absorber avec ses effectifs habituels.

Si ce surcroit n’est pas nécessairement exceptionnel, il doit être néanmoins inhabituel et précisément limité dans le temps.

Les motifs d’« Opération de télé vente et permanence téléphonique » et de « réorganisation du service de transport » sont des motifs imprécis de recours au CDD (article L. 1242-12 du code du travail)

Sur les deuxième et quatrième moyens réunis, la Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier au visa de l’article L.1242-12 du code du travail.

Elle rappelle dans son attendu de principe que « le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif ».

La Haute juridiction considère donc que les motifs de recours suivants : « une opération de télé vente et permanence téléphonique » et « la réorganisation du service de transport », ne constituent pas l’énonciation d’un motif précis.

En effet, ces formulations sont trop générales et imprécises pour pouvoir justifier la conclusion d’un contrat à durée déterminée.

De plus, ils ne renvoient à aucun des cas de recours au contrat de travail à durée déterminée limitativement énumérés à l’article L.1242-2 du code du travail.


Recours impossible au CDD pour remplacer plusieurs salariés absents (article L. 1242-12 1° du code du travail)

Sur le troisième moyen du pourvoi, la Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier au visa de l’article L.1242-12 1° du Code du travail.

Dans son attendu de principe, elle confirme l’arrêt du 28 juin 2006 (n°04-40.455) et précise que « le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour le remplacement d’un seul salarié en cas d’absence ».

La Cour d’appel de Montpellier avait retenu que Madame X avait été engagée pour remplacer UNE salariée permanente absente, et l’avait de ce fait déboutée.

Or, le contrat à durée déterminée énonçait comme motif : « des remplacements partiels successifs durant les congés payés de la période estivale », ce qui suggère le remplacement de plusieurs personnes absentes.

C’est en raison de cette contradiction que la Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel, s’attachant plus à la rédaction du motif de recours au CDD, qu’à la réalité de son exécution.

En outre, la Cour de Cassation considère que les employeurs peuvent avoir recours au CDD que pour remplacer un salarié absent, mais aussi que s’ils indiquent dans le motif le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée.

Il faut saluer cet arrêt.


Source légifrance : c. cass. 9 juin 2017, 15-28599