Egalité homme femme et congés (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Auteur : Gilles Courtois, Juriste
Juillet 2017


Selon un arrêt rendu par la Cour de cassation, chambre sociale, le 12 juillet 2017, un accord d’entreprise peut réserver aux seuls salariés de sexe féminin une demi-journée de congé à l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes du 8 mars. Cette mesure vise à établir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances de ces dernières.


Dès 2015, la haute juridiction a opéré un virage jurisprudentiel important en introduisant une présomption de justification des différences de traitement opérées par voie conventionnelle entre des salariés relevant de catégories professionnelles distinctes(Cass. soc., 27 janvier 2015).


Particulièrement commenté à l’époque, cet arrêt est né de la volonté de la Cour de cassation de redonner aux organisations syndicales une plus grande latitude pour définir les conditions collectives de travail au sein de l’entreprise.


Dans l’arrêt de la Cour de cassation, était posée la question de savoir si un accord collectif peut, sans contrevenir au principe de l’égalité de rémunération, réserver aux seuls salariés de sexe féminin une demi-journée de congé à l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes du 8 mars.


Un salarié a été engagé à compter du 3 novembre 2008 en qualité de conducteur de bus par une société. Il s’est porté candidat aux élections professionnelles du 5 avril 2012. Par la suite, il a été licencié le 26 octobre 2012.


Ce salarié s’estimant victime d’une inégalité de traitement a saisi le conseil de prud’hommes.


La cour d’appel d’Aix en Provence, par arrêt en date du 1er septembre 2015, va faire droit en parti aux demandes du salarié mais limiter à une certaine somme le montant des dommages-intérêts alloués pour non-respect du principe de l’égalité de traitement.


Contestant le montant alloué au titre des dommages-intérêts, le salarié va alors se pourvoir en cassation.


Le salarié à l’appui de son pourvoi va notamment arguer que :

- que le principe d’égalité interdit de traiter de manière différente des situations comparables, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée ;

- qu’il faisait l’objet d’une différence de traitement injustifiée au regard de l’octroi aux seules femmes de l’entreprise d’une demi-journée de repos à l’occasion de la journée de la femme.


La Cour de cassation va rejeter le pourvoi formé par le salarié en affirmant que « en application des articles L. 1142-4, L. 1143-1 et L. 1143-2 du Code du travail, interprétés à la lumière de l’article 157, paragraphe 4, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, un accord collectif peut prévoir au seul bénéfice des salariées de sexe féminin une demi-journée de repos à l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes, dès lors que cette mesure vise à établir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes »


La note jointe à l’arrêt permet de saisir plus efficacement le raisonnement suivi par les juges.


Celle-ci souligne que si la journée du 8 mars dépasse, en réalité, le périmètre du travail des femmes dans les entreprises, elle le concerne aussi très directement. Cette journée permet de susciter une réflexion sur la situation spécifique des femmes au travail et sur les moyens de l’améliorer.


Fort de ce raisonnement, « la chambre sociale considère qu’il existe dès lors un lien entre cette journée et les conditions de travail, légitimant cette mesure, en faveur de l’égalité des chances prévue par un accord collectif ».


Il faut donc en retenir qu’un accord d’entreprise peut réserver aux seuls salariés de sexe féminin une demi-journée de congé à l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes du 8 mars. Cette mesure vise en effet à établir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances de ces dernières.


Si l’arrêt renforce les compétences des organisations syndicales en prenant le soin de rendre sa décision sur le visa des articles L. 1143-1 et L. 1143-2 du Code du travail, il laisse néanmoins en suspens certaines questions.


Faut-il imaginer que toute mesure positive négociée dans l’entreprise au seul bénéfice des femmes doit être présumée répondre à l’objectif d’amélioration des chances des femmes dans le milieu professionnel ? L’avenir nous le dira.