Etat de droit en Pologne, réformes nationales du système judiciaire (eu)

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Recommandation la Commission européenne
Juillet 2017






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La Commission européenne a présenté, le 26 juillet 2017, une recommandation concernant l’Etat de droit en Pologne.Celle-ci vient compéter deux recommandations antérieures, adoptées les 27 juillet et 21 décembre 2016,relatives à la réforme du Tribunal constitutionnel polonais. Elle s’inscrit dans le cadre de la sauvegarde de l’Etat de droit dans l’Union européenne.


La recommandation vise quatre actes législatifs, dont les dispositions concernent, respectivement, la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature (dont deux lois ont fait l’objet d’un veto opposé par le président de la République, le 24 juillet 2017), l’organisation des juridictions de droit commun (dont la loi a été signée par le président le 25 juillet 2017 et actuellement en attente d’entrée en vigueur) et l’Ecole nationale de la magistrature (dont la loi est entrée en vigueur le 13 juillet 2017). Selon la Commission, ces lois risquent d’ébranler structurellement l’indépendance du pouvoir judiciaire en Pologne et risquent d’avoir une incidence immédiate et significative sur le fonctionnement indépendant de la justice.


Sur les dispositions concernant la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature

Cour suprême

L’article 87 de la loi sur la réforme de la Cour suprême prévoyait, dès son entrée en vigueur, la révocation de tous les juges de la Cour suprême et leur mise à la retraite anticipée. L’article 88 de la même loi prévoyait, également, que les nouveaux juges de la Cour suprême seraient désignés par le Ministre de la Justice et qu’il revenait ensuite au président de la République de nommer ceux autorisés à rester en exercice. En outre, la réforme envisageait d’instaurer une chambre disciplinaire, afin d’évaluer les arrêts des juges, voire de sanctionner ces derniers. Selon la Commission, la révocation des juges de la Cour suprême accroît sérieusement la menace systémique pesant sur l’Etat de droit en Pologne et suscite de vives inquiétudes au sein de l’Union européenne.


Conseil national de la magistrature

Le Conseil national de la magistrature a un impact direct sur l’indépendance des juges en Pologne, notamment au regard de leur évolution professionnelle. Dès lors, il est particulièrement important de le préserver d’influences extérieures, telles celles du gouvernement ou du Parlement. Cette position est également partagée par le Conseil de l’Europe qui, dans une recommandation émise en 2010 par le Comité des Ministres, stipule qu’au moins la moitié des juges composant le Conseil national de la magistrature doivent être choisis par leurs pairs, en respectant les formes du pluralisme au sein du système judiciaire. La Commission rappelle donc que si les Etats membres sont libres d’organiser leur système judiciaire, l’indépendance du Conseil national de la magistrature doit néanmoins être garantie, conformément aux standards européens. En outre, la Commission exprime des inquiétudes, d’une part, quant à l’article 5(1) de la loi réformant le Conseil national de la magistrature qui met prématurément fin au mandat des juges actuellement membres du Conseil et, d’autre part, quant à l’article 7(1) de cette même loi qui prévoit une politisation du Conseil en y introduisant une assemblée composée de membres du Parlement.


Sur les dispositions concernant les juridictions de droit commun

Les articles 1(26)b-c et 13(1) de la loi sur les juridictions de droit commun disposent que l’âge légal de départ à la retraite sera respectivement abaissé de 67 à 65 ans pour les hommes et de 67 à 60 ans pour les femmes. En outre, la décision de prolonger le mandat d’un juge – jusqu’à l’âge de 70 ans – revient au Ministre de la Justice, sur la base de critères relativement flous. La Commission observe que ces nouvelles règles portent atteinte au principe d’inamovibilité des juges et que, de surcroît, elles constituent un outil supplémentaire à disposition du Ministre de la Justice afin d’influencer ceux-ci. Par ailleurs, les articles 1(6), 17(1) et 18(1) de cette même loi précisent, également, les critères concernant la nomination et la révocation des présidents des tribunaux. La Commission explique que ces nouvelles règles portent atteinte à l’indépendance des juges dans la mesure où le Ministre de la Justice peut nommer ou révoquer ces derniers de manière arbitraire, et que cette décision est insusceptible de recours.


Sur les dispositions concernant l’Ecole de la Magistrature

Les articles 2(1) et 2(36) de la loi concernant l’Ecole de la magistrature disposent que les juges assistants se verront confier les mêmes tâches que les juges judiciaires pour une durée de quatre ans et seront autorisés à siéger en formation de juge unique. Néanmoins, leur statut n’étant pas prévu par la Constitution, cela signifie que les garanties entourant leur indépendance peuvent être modifiées par une loi ordinaire.


La Commission souligne, également, qu’outre ce manque de garanties, la nomination des juges judiciaires relève d’une décision prise par le Ministre de la Justice et le président de la République, ce qui rend les juges assistants particulièrement vulnérables aux pressions extérieures.


Sur la base de cette recommandation, la Commission a invité le gouvernement polonais à répondre aux préoccupations exposées. Les autorités polonaises n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour pallier les lacunes recensées par la Commission, celle-ci a décidé d’envoyer, le 12 septembre 2017, un avis motivé à la Pologne au sujet de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun. Les autorités polonaises disposent désormais d’un mois pour se conformer à cet avis.

A défaut, la Commission pourrait décider de saisir la Cour de justice de l’Union européenne.


(C(2017) 5320 final)