Filmer des personnes dans la rue sans leur consentement est illégal: des méthodes d'interviews sauvages qui violent la vie privée (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris
Mars 2019


La méthode est malheureusement connue et est utilisée par des personnes peu scrupuleuses pour obtenir quelques clics putassiers sur internet.


Un individu suit dans la rue un personnage connu et le filme en l'interpellant pour obtenir des réponses à ses questions. Buzz garanti.


Le journaliste Jean-Michel Apathie en avait déjà été récemment victime, tout comme Bernard Tapie, Franck Dubosc, François de Rugy, Laurent Wauquiez, Chantal Jouanno ou encore Mounir Mahjoubi et c'est aujourd'hui l'animateur de France 2 Laurent Ruquier qui est la cible désignée par l'autoproclamé "journaliste gilet jaune" Marc Rylewski.


Ce dernier s'est fait une spécialité de traquer les people pour leur soutirer, sous la contrainte de sa caméra omniprésente et non sollicitée, une interview non consentie.


Mais le présentateur de l'émission "On N'est Pas Couché" ne se laisse pas faire et des passants se sont interposés pour éviter que la situation ne dégénère.


C'est alors qu'un confrère qui passait par-là expose très opportunément au paparazzi qu'il est interdit de "prendre à leur insu les gens en photo dans la rue".


Bien vu ! Nous ne publierons pas cette vidéo qui viole la vie privée de la personne harcelée, mais tenons à rappeler les règles les plus élémentaires en matière de tournage dans la rue.


Le principe est le suivant: toute personne a, sur son image et sur l'utilisation qui en est faite, un droit exclusif qui lui permet de s'opposer à sa reproduction sans son autorisation expresse et spéciale.


C'est ainsi que l'article 226-1 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende le fait de photographier ou filmer sans son consentement, une personne se trouvant dans un lieu privé ou de transmettre l'image ou la vidéo (même sans diffusion) si la personne n'était pas d'accord pour qu'on la photographie ou la filme.


L’article 226-8 du Code pénal punit pour sa part d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec l’image d’une personne sans son consentement.


Par ailleurs, l'article 9 al 1 du Code Civil dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée»'.


Dans un lieu public, la diffusion de l'image d'une personne n'est donc pas permise si celle-ci a été individualisée.


L'image non cadrée d’une personne prise dans le public sera en revanche autorisée, de même qu'un tournage effectué sur le fondement d'un droit à l’information, ce qui est plus que douteux dans le cas de la prise de vue de Laurent Ruquier.


Une autorisation écrite et précise sera donc obligatoirement nécessaire quel que soit le lieu, public ou privé, dans lequel la personne a été prise en photographie ou filmée et l’intéressé doit bien avoir été informé de l’utilisation qui va en être faite.


A défaut d’autorisation expresse et préalable, la victime pourra alors légitimement demander judiciairement, et obtenir le plus souvent, la condamnation de l’auteur de la diffusion litigieuse.


On comprendra donc sans ambiguïté que tenter de filmer de la sorte une personne sans son accord et par surprise pour tenter d'extorquer des images est un délit.