Important : 5 années au lieu de 10 pour agir contre le constructeur à défaut de réception

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Christophe Buffet, avocat au barreau d'Angers [1]
Octobre 2021






Cet arrêt important juge qu'en cas de défaut de réception des travaux, l'action contre le constructeur se prescrit par cinq ans à compter de l'apparition du dommage.


LE MONITEUR.gif


Tableau : le Moniteur [2]

"La société des Iris, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-12.372 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2019 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [T] [S], domicilié [Adresse 5],

2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société Ruaux technique énergie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La société Ruaux technique énergie a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

M. [S] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La société Ruaux technique énergie, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

M. [S], demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.


Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de Me Brouchot, avocat de la société des Iris, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. [S] et de la société Allianz IARD, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Ruaux technique énergie, après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,


la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Désistement partiel


1. Il est donné acte à la société des Iris du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Axa France IARD.

Faits et procédure


2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 24 octobre 2019), la société des Iris a commandé à la société Ruaux technique énergie (société Ruaux), assurée auprès de la société Axa France IARD, la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques à intégrer à la toiture d'un bâtiment agricole.


3. Les panneaux, fournis par la société Quénéa énergies renouvelables, ont été posés par M. [S], assuré auprès de la société Allianz IARD.


4. Des infiltrations affectant la couverture du bâtiment sont apparues en mars 2010.

5. Par actes des 2, 3, 4, 5 et 6 mai 2016, la société des Iris a assigné aux fins d'expertise les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs.


Examen des moyens

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi incident de M. [S] et les trois moyens du pourvoi incident de la société Ruault, ci-après annexés


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen unique du pourvoi principal


Enoncé du moyen


7. La société des Iris fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir prononcer la réception tacite de l'ouvrage et à voir retenir la responsabilité de la société Ruaux et de M. [S] sur le fondement de l'article 1792 du code civil, alors :


« 1°/ que la réception tacite de nature à engager la garantie décennale des constructeurs est caractérisée lorsque le maître de l'ouvrage prend possession de l'immeuble et manifeste une volonté non équivoque en ce sens ; que dans ses conclusions d'appel, la société des Iris avait fait valoir qu'elle avait pris possession de l'ouvrage litigieux constitué par la pose panneaux solaires photovoltaïques ce qui résultait de la vente de l'électricité produite par ces panneaux ; qu'en affirmant que des infiltrations persistantes affectaient de manière constante l'ouvrage livré, pour en déduire que la société des Iris n'aurait pas pris possession de l'ouvrage réalisé, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance strictement inopérante tirée de la persistance d'infiltrations affectant l'ouvrage, n'a pas procédé à la recherche qui lui était demandée quant à la prise de possession de l'ouvrage par la société des Iris, maître d'ouvrage, au regard de l'article 1792-6 du code civil ;


2°/ la réception tacite ouvrant droit à la garantie décennale des constructeurs au profit du maître d'ouvrage est caractérisée en cas de prise de possession des lieux et de paiement, même seulement partiel, des travaux facturés ; que tout en constatant que la société des Iris avait réglé partiellement les factures de travaux des locateurs d'ouvrage mais avait refusé pendant une certaine période de régler le solde, pour cause d'infiltrations persistantes, la cour d'appel qui a considéré que la réception tacite ne pouvait donc être retenue à défaut de règlement intégral des travaux, a ajouté une condition non prévue par la loi à la réception tacite, violant ainsi l'article 1792-6 du code civil. » Réponse de la Cour


8. La cour d'appel a constaté que les infiltrations, apparues en mars 2010, avaient donné lieu à trois rapports d'expertise amiable, que la société des Iris n'avait pas soldé les travaux au 18 juin 2013 comme elle le prétendait, puisqu'elle restait devoir une somme à ce titre au 29 juillet 2015, et avait persisté en son refus de signer l'attestation de bonne fin des travaux qui lui était réclamée.


9. Ayant souverainement retenu que ces circonstances établissaient le refus de la société des Iris d'accepter l'ouvrage affecté des désordres, le 18 juin 2013 ou à toute autre date ultérieure, elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la demande tendant à voir constater la réception tacite ne pouvait être accueillie.


10. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.


Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident de M. [S]


Enoncé du moyen

11. M. [S] fait grief à l'arrêt de déclarer non prescrite l'action de la société des Iris à son encontre, alors « qu'en l'absence de réception, la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur, de même que la responsabilité délictuelle du sous-traitant, sont soumises à la prescription quinquennale de droit commun ; qu'en jugeant néanmoins que la responsabilité de M. [S] était soumise à la prescription décennale prévue par l'article 1792-4-3 du code civil, tandis que ce texte n'est applicable que lorsque l'ouvrage a été réceptionné, et qu'ainsi, en l'absence de réception, M. [S] faisait à juste titre valoir que la prescription de cinq ans à compter de la manifestation des infiltrations, en mars 2010, était acquise à la date de l'assignation en référé, délivrée en mai 2016, la solution étant la même s'il était qualifié de sous-traitant du vendeur, la cour d'appel a violé l'article 1792-4-3 du code civil, par fausse application, et l'article 2224 du code civil, par refus d'application. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 1792-4-3 et 2224 du code civil :

12. Selon le premier de ces textes, qui ne saurait recevoir application lorsqu'aucune réception de l'ouvrage n'est intervenue, les actions en responsabilité contre les constructeurs et leurs sous-traitants, à l'exception de celles qui sont régies par les articles 1792-3, 1794-1 et 1792-4-2 du même code, se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.


13. Selon le second, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.


14. Pour déclarer recevable l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage à l'encontre du sous-traitant, l'arrêt retient que l'absence de réception de l'ouvrage n'en laisse pas moins subsister la responsabilité délictuelle du sous-traitant, laquelle se prescrit par dix ans à compter de l'exécution des travaux.


15. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de réception, l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage à l'encontre du sous-traitant se prescrit par cinq ans à compter de la manifestation du dommage, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen relevé d'office


16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.


Vu les articles 1792-4-3 et 2224 du code civil :


17. Selon le premier de ces textes, qui ne saurait recevoir application lorsqu'aucune réception de l'ouvrage n'est intervenue, les actions en responsabilité contre les constructeurs et leurs sous-traitants, à l'exception de celles qui sont régies par les articles 1792-3, 1794-1 et 1792-4-2 du même code, se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.


18. Selon le second, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.


19. Pour déclarer recevable l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage à l'encontre de l'entreprise principale et écarter la fin de non-recevoir tirée de l'acquisition de la prescription quinquennale, l'arrêt retient que l'absence de réception de l'ouvrage n'en laisse pas moins subsister la responsabilité contractuelle du constructeur, laquelle se prescrit par dix ans à compter de l'exécution des travaux.


20. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de réception, l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage à l'encontre de l'entreprise principale se prescrit par cinq ans à compter de la manifestation du dommage, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


Portée et conséquences de la cassation


21. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.


22. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :


CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes dirigées contre la société Quénéa énergies renouvelables, mis hors de cause la société Axa France IARD, jugé que M. [S] a la qualité de sous-traitant de la société Ruaux technique énergie et rejeté les demandes tendant à constater la réception tacite de l'ouvrage et retenir la responsabilité décennale du constructeur et de son sous-traitant, l'arrêt rendu le 24 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;


DIT n'y avoir lieu à renvoi ;


Déclare irrecevable, pour prescription, la demande d'expertise formée par la société des Iris ;


Dit n'y avoir lieu de modifier les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;


Condamne la société des Iris aux dépens des pourvois, en ce compris les dépens exposés en appel ;


En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyen produit au pourvoi principal par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour la société des Iris


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société des Iris de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que l'ouvrage réalisé par la société Ruaux technique énergie et M. [S] a fait l'objet d'une réception tacite et relève de la garantie décennale des constructeurs et d'AVOIR en conséquence débouté la société des Iris de sa demande tendant à la consécration de la responsabilité in solidum du constructeur et de son sous-traitant sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;


AUX MOTIFS QUE la société des Iris demande à la cour de "dire et juger que l'ouvrage réalisé par la société Ruaux et M. [S] a fait l'objet d'une réception tacite par prise de possession et paiement à 100 % du montant des travaux, relève de la garantie décennale des constructeurs et subsidiairement de la responsabilité contractuelle des différents intervenants de 10 ans et que le désordre dont il est demandé réparation apparaît après le paiement à 100 % des ouvrages" ; que les infiltrations constatées ont donné lieu à l'établissement par M. [C] du cabinet Eurexo-PJ, expert mandaté par l'assureur protection juridique de la société des Iris, à trois réunions d'expertise amiable et à trois rapports d'expertise ; que dans le rapport n° 1 daté du 14 août 2013 et faisant suite à la réunion du 14 mai 2013 l'expert attribuait la cause des infiltrations à l'absence de joints solidarisant les lés d'alvéoles en vue de contenir la remontée des eaux pluviales lors de montée en charge de leur écoulement et M. [S] acceptait de mettre en oeuvre la solution préconisée pour y remédier et consistant à poser un joint butyle au niveau du recouvrement des lés ; que ce rapport indique en page 4 : "la société [S] couverture rappelle accessoirement que la facture de réalisation des travaux lui a été réglée récemment, partiellement avec une retenue de garantie de 1.000 euros" et restitue l'avis du Gaec des Iris dans les termes suivants : "M. [D] s'en remet à l'avis des experts sur la solution présentée par la société [S] couverture et souhaite pouvoir disposer dans le délai le plus bref possible d'un bâtiment exempt d'infiltrations" ; que la date limite d'exécution des travaux de reprise était fixée au 15 septembre 2013 ; qu'il ressort du second rapport en date du 9 février 2015 faisant suite à une seconde réunion d'expertise en date du 3 novembre 2014 qu'à l'occasion de la réalisation par M. [S] de ces travaux dont la date exacte d'exécution n'est pas précisée, ce dernier a découvert que les infiltrations avaient une autre cause tenant au fait que "le matériau constituant l'isolant alvéolaire n'a pas le coefficient de dilatation compatible avec les matériaux de charpente (bois) sur laquelle il est posé de telle sorte qu'il se déchire au niveau de l'accroche du panneau solaire où il est percé et censé rester étanche au moyen d'une rondelle souple" ; que selon l'expert de l'assureur protection juridique de la société des Iris, la responsabilité de la société Yandalux, fabricant du matériau devrait être recherchée ; que le rapport du 9 février 2015 restitue à nouveau l'avis du Gaec des Iris dans les termes suivants : "il souhaite que les opérations aboutissent à la réparation définitive de son installation" ; que la troisième réunion d'expertise organisée par l'assureur protection juridique de l'appelante s'est tenue le 27 mai 2015 et a donné lieu à l'établissement d'un rapport en date du 29 juillet 2015 dont l'auteur écrit en page 5 "A ce jour rien n'a évolué. Les infiltrations perdurent à l'identique" ; que dans l'avis de la "société" [S] repris par ce rapport celle-ci "indique par conséquent ne pas émettre d'objection à une reprise des désordres dont elle ne serait pas chargée mais puisque sa responsabilité est de fait écartée, elle exige d'être intégralement réglée du solde de sa prestation effectuée contre la signature par le GAEC des Iris d'une attestation de bonne fin des travaux, toujours non régularisée" ; que l'avis du GAEC des Iris est restitué par le troisième rapport dans les termes suivants : "Le GAEC des Iris ne peut que réitérer son exigence d'être en possession d'un ouvrage exempt des désordres constatés. Peu lui importe la solution mise en oeuvre pour le peu qu'elle rétablisse le plus rapidement possible la situation" ; qu'in fine le rapport du 29 juillet 2015 précise que "le GAEC des Iris a régularisé l'attestation de bonne fin des travaux réalisés par la société [S] et s'est engagée à solder les sommes restant dues au titre de la prestation réalisée par cette société" ; que la société des Iris ne produit toutefois aucune pièce probante du paiement intégral de la prestation réalisée et facturée par M. [S] pour un montant total de 32.292 euros TTC, la pièce n° 4 produite pour l'établir concernant en réalité le paiement de la prestation de fourniture des équipements réalisée et facturée par la société Ruaux pour un montant total de 182.988 euros TTC, le cumul de ces deux montants correspondant au montant du bon de commande du 30 novembre 2009 ; que ces éléments et notamment les trois avis émis par la société des Iris démontrent que contrairement à ce qu'elle soutient les infiltrations constatées en mars 2010 n'ont jamais cessé, que l'intervention de M. [S] n'y a pas mis un terme mais a au contraire révélé qu'elles auraient une autre cause que celle initialement retenue, que la société des Iris n'a pas soldé les travaux au 18 juin 2013 comme elle le prétend puisqu'elle restait débitrice de M. [S] au 29 juillet 2015, date du dernier rapport, que la formulation par l'appelante, à l'occasion de chacune des trois réunions d'expertise, de l'exigence "d'être en possession d'un ouvrage exempt des désordres constatés" et son refus persistant de signer l'attestation de bonne fin des travaux exigée par M. [S] prouvent qu'elle n'a jamais entendu accepter l'ouvrage en cause que ce soit le 18 juin 2013 ou à une autre date précisément parce qu'il reste à ce jour affecté des désordres constatés dès le mois de mars 2010 ; qu'il est ainsi établi que la société des Iris n'a jamais entendu réceptionner même tacitement l'ouvrage litigieux ; que l'absence de réception au sens de des dispositions de l'article 1792-6 du code civil fait obstacle à la mise en oeuvre de la garantie décennale due par les constructeurs en application des dispositions de l'article 1792 du même code et la société des Iris doit être déboutée de sa demande tendant à la consécration de la responsabilité in solidum du constructeur et de son sous-traitant sur ce fondement ;


1) ALORS QUE la réception tacite de nature à engager la garantie décennale des constructeurs est caractérisée lorsque le maître de l'ouvrage prend possession de l'immeuble et manifeste une volonté non équivoque en ce sens ; que dans ses conclusions d'appel, la société des Iris avait fait valoir qu'elle avait pris possession de l'ouvrage litigieux constitué par la pose panneaux solaires photovoltaïques ce qui résultait de la vente de l'électricité produite par ces panneaux ; qu'en affirmant que des infiltrations persistantes affectaient de manière constante l'ouvrage livré, pour en déduire que la société des Iris n'aurait pas pris possession de l'ouvrage réalisé, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance strictement inopérante tirée de la persistance d'infiltrations affectant l'ouvrage, n'a pas procédé à la recherche qui lui était demandée quant à la prise de possession de l'ouvrage par la société des Iris, maître d'ouvrage, au regard de l'article 1792-6 du code civil ;


2) ALORS QUE la réception tacite ouvrant droit à la garantie décennale des constructeurs au profit du maître d'ouvrage est caractérisée en cas de prise de possession des lieux et de paiement, même seulement partiel, des travaux facturés ; que tout en constatant que la société des Iris avait réglé partiellement les factures de travaux des locateurs d'ouvrage mais avait refusé pendant une certaine période de régler le solde, pour cause d'infiltrations persistantes, la cour d'appel qui a considéré que la réception tacite ne pouvait donc être retenue à défaut de règlement intégral des travaux, a ajouté une condition non prévue par la loi à la réception tacite, violant ainsi l'article 1792-6 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. [S],


M. [S] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action de la société des Iris contre M. [S], d'avoir jugé que ce dernier avait la qualité de sous-traitant de la société Ruaux technique énergie et d'avoir ordonné une expertise.


1°) Alors qu' en s'abstenant de caractériser un lien de droit entre M. [S], entrepreneur de couverture, et la société Ruaux technique énergie, vendeur de panneaux solaires, tandis que, d'une part, elle aurait dû tenir compte, comme elle y était invitée par M. [S] (concl., p. 3 § 1 et 2), de ce que la société des Iris, maître de l'ouvrage, avait fait valoir dans son assignation en référé-expertise du 6 mai 2016 (p. 3 § 1) qu'elle avait « passé commande auprès (?) de [M.] [S] (?) pour la pose de capteurs photovoltaïques sur un bâtiment agricole » et que l'expert de la société des Iris avait fait le même constat, d'autre part, elle a relevé que la société des Iris avait payé l'essentiel de la facture de M. [S] (arrêt, p. 4 § 5), seul un solde restant impayé, ce dont il résultait que M. [S] était le cocontractant du maître de l'ouvrage, et non le sous-traitant du vendeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147, devenus 1103 et 1231-1, du code civil ;


2°) Alors qu' en l'absence de réception, la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur, de même que la responsabilité délictuelle du sous-traitant, sont soumises à la prescription quinquennale de droit commun ; qu'en jugeant néanmoins que la responsabilité de M. [S] était soumise à la prescription décennale prévue par l'article 1792-4-3 du code civil, tandis que ce texte n'est applicable que lorsque l'ouvrage a été réceptionné, et qu'ainsi, en l'absence de réception, M. [S] faisait à juste titre valoir que la prescription de cinq ans à compter de la manifestation des infiltrations, en mars 2010, était acquise à la date de l'assignation en référé, délivrée en mai 2016 (concl., p. 4 § 1), la solution étant la même s'il était qualifié de soustraitant du vendeur, la cour d'appel a violé l'article 1792-4-3 du code civil, par fausse application, et l'article 2224 du code civil, par refus d'application. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Ruaux technique énergie


PREMIER MOYEN DE CASSATION


L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;


EN CE QU' il a décidé que M. [T] [S] avait la qualité de sous-traitant de la SARL RUAUX TECHNIQUE ENERGIE (p. 7, § 6) ;

AUX MOTIFS TOUT D'ABORD QUE « suivant bon de commande du 30 novembre 2009, la SARL DES IRIS a fait poser par la SARL RUAUX TECHNIQUE ENGERGIE (ci-après la SARL RUAUX) assurée par la Société AXA FRANCE IARD et M. [T] [S] assuré par la Société ALLIANZ des panneaux photovoltaïques fournis par la Société QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES (ci-après la Société QUENEA) en intégration sur la toiture d'un bâtiment à usage agricole situé à [Localité 1] » ;


ET AUX MOTIFS QU' « il est constant que le 30 novembre 2009 la SARL DES IRIS a commandé à la SARL Ruaux la "fourniture et pose de panneaux solaires photovoltaïques en intégration sur la toiture" de l'un de ses bâtiments à usage agricole situé à [Localité 1], que monsieur [T] [S] a effectué la pose de ces panneaux solaires fournis par la société Quénéa et que dès le mois de mars 2010 le maître de l'ouvrage a constaté l'existence d'infiltrations affectant la couverture du bâtiment ; que le paiement direct par la SARL DES IRIS de l'essentiel de sa facture à Monsieur [S] ne suffit pas à caractériser l'existence d'un lien contractuel entre eux ; que les pièces produites prouvent au contraire que le bon de commande du 30 novembre 2009 lie exclusivement la SARL DES IRIS et la SARL Ruaux à laquelle il confie la totalité des prestations de fourniture et de pose des matériaux et qui a elle-même confié cette dernière prestation à Monsieur [S], ce dont il résulte que ce dernier a la qualité de sous-traitant de la SARL Ruaux » ;


ET AUX MOTIFS ENCORE QU' « La SARL des iris ne produit toutefois aucune pièce probante du paiement intégral de la prestation réalisée et facturée par monsieur [S] pour un montant total de 32 292 € TTC, la pièce nº 4 produite pour l'établir concernant en réalité le paiement de la prestation de fourniture des équipements réalisée et facturée par la SARL Ruaux pour un montant total de 182 988 € TTC, le cumul de ces deux montants correspondant au montant du bon de commande du 30 novembre 2009 ».


ALORS QUE, premièrement, en décidant que M. [T] [S] avait la qualité de sous-traitant de la SARL RUAUX TECHNIQUE ENERGIE quand elle n'était saisie d'aucune demande en ce sens, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des article 4 et 5 du code de procédure civile ;


ALORS QUE, deuxièmement, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties sous forme de dispositif ; que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en décidant que M. [T] [S] avait la qualité de sous-traitant de la SARL RUAUX TECHNIQUE ENERGIE quand les parties n'avaient formulé aucune demande en ce sens dans le dispositif de leurs dernières conclusions, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a décidé que M. [T] [S] avait la qualité de sous-traitant de la SARL RUAUX TECHNIQUE ENERGIE (p. 7, § 6) ;

AUX MOTIFS TOUT D'ABORD QUE « suivant bon de commande du 30 novembre 2009, la SARL DES IRIS a fait poser par la SARL RUAUX TECHNIQUE ENGERGIE (ci-après la SARL RUAUX) assurée par la Société AXA FRANCE IARD et M. [T] [S] assuré par la Société ALLIANZ des panneaux photovoltaïques fournis par la Société QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES (ci-après la Société QUENEA) en intégration sur la toiture d'un bâtiment à usage agricole situé à [Localité 1] » ;


ET AUX MOTIFS QU' « il est constant que le 30 novembre 2009 la SARL DES IRIS a commandé à la SARL Ruaux la "fourniture et pose de panneaux solaires photovoltaïques en intégration sur la toiture" de l'un de ses bâtiments à usage agricole situé à [Localité 1], que monsieur [T] [S] a effectué la pose de ces panneaux solaires fournis par la société Quénéa et que dès le mois de mars 2010 le maître de l'ouvrage a constaté l'existence d'infiltrations affectant la couverture du bâtiment ; que le paiement direct par la SARL DES IRIS de l'essentiel de sa facture à Monsieur [S] ne suffit pas à caractériser l'existence d'un lien contractuel entre eux ; que les pièces produites prouvent au contraire que le bon de commande du 30 novembre 2009 lie exclusivement la SARL DES IRIS et la SARL Ruaux à laquelle il confie la totalité des prestations de fourniture et de pose des matériaux et qui a elle-même confié cette dernière prestation à Monsieur [S], ce dont il résulte que ce dernier a la qualité de sous-traitant de la SARL Ruaux » ;


ET AUX MOTIFS ENCORE QU' « La SARL des iris ne produit toutefois aucune pièce probante du paiement intégral de a prestation réalisée et facturée par monsieur [S] pour un montant total de 32 292 € TTC, la pièce nº 4 produite pour l'établir concernant en réalité le paiement de la prestation de fourniture des équipements réalisée et facturée par la SARL Ruaux pour un montant total de 182 988 € TTC, le cumul de ces deux montants correspondant au montant du bon de commande du 30 novembre 2009 ».


ALORS QUE, premièrement la sous-traitance suppose un lien contractuel entre l'entreprise désignée comme entreprise principale et l'entreprise désignée comme sous-traitant ; qu'elle est exclue si l'entreprise présentée comme sous-traitant a contracté directement avec le maître d'ouvrage ; qu'en décidant que Monsieur [S] avait la qualité de sous-traitant de la SARL RUAUX, sans rechercher si la société DES IRIS n'était pas liée à M. [S] par un marché en date du 23 juillet 2009, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1710 et 1792-1 du code civil ;


ALORS QUE, deuxièmement, la sous-traitance suppose un lien contractuel entre l'entreprise désignée comme entreprise principale et l'entreprise désignée comme sous-traitant ; qu'en décidant que Monsieur [S] avait la qualité de sous-traitant de la SARL RUAUX sans constater qu'il existait entre eux un contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1710 et 1792-1 du code civil.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;


EN CE QU'il a, avant dire droit sur les responsabilités éventuellement encourues par la SARL RUAUX TECHNIQUE ENERGIE et M. [S], ordonné une expertise ;


AUX MOTIFS TOUT D'ABORD QUE « l'absence de réception de l'ouvrage n'en laisse pas moins subsister la responsabilité contractuelle du constructeur et celle délictuelle de son sous traitant, lesquelles se prescrivent par dix ans en application des dispositions de l'article 1792-4-3 du même code et non par cinq ans comme retenu à tort par le premier juge, le délai de dix ans courant à compter de l'exécution des travaux à défaut de toute réception soit en l'espèce à compter du 4 mars 2010, date de la facturation de la pose des panneaux solaires photovoltaïques par monsieur [S] ; que l'assignation introductive d'instance ayant été délivrée les 2,3,4,5 et 6 mai 2016 l'action dirigée par la SARL des iris contre la SARL Ruaux, monsieur [S] et son assureur doit être déclarée recevable, le jugement déféré étant par conséquent infirmé ; que la cour ne disposant pas des éléments d'appréciation suffisants de la cause des désordres, des moyens d'y remédier et des responsabilités éventuellement encourues par la SARL Ruaux et monsieur [S] doit, avant dire droit, recourir à une mesure d'expertise aux frais avancés de la SARL des iris, l'expert se voyant confier la mission reprise au dispositif du présent arrêt ».


ALORS QUE, dès lors que le chef relatif à l'expertise est fondé sur l'existence d'une relation de sous-traitance entre M. [S] et la société RUAUX, la cassation à intervenir sur la base du premier ou du deuxième moyen ne pourra manquer d'entraîner, par voie de conséquence, et en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt relatif à l'expertise."