Invalidation de permis de conduire : 48SI envoyé à une résidence secondaire, CE, 29 janvier 2014, N° 356812 (fr)

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Auteur : Jean-Baptiste le Dall
Avocat au barreau de Paris
Publié le 02/05/2014 sur le blog de Maître Jean-Baptiste le Dall



Conseil d'État, 5ème et 4ème sous sections réunies, 29 janvier 2014, N° 356812 


La notification d’une invalidation de permis de conduire à la résidence secondaire d’un conducteur est régulière


Il ne fait pas bon avoir plusieurs adresses si l’on souhaite pouvoir se battre pour récupérer son permis de conduire. C’est en tout cas ce qu’un juriste pourrait expliquer au profane à la lecture de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 29 janvier 2014. Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat revient sur la problématique de la régularité de la notification d’une décision administrative. Derrière la question de la régularité se profile immédiatement celle des délais et voies de recours.

Comme toute décision administrative, l’invalidation du permis de conduire, ou moins grave une simple décision de retrait de points, est soumise au délai de recours contentieux de 2 mois.

En d’autres termes, un automobiliste qui souhaite attaquer l’invalidation de son permis que cela soit devant la juridiction administrative ou par le bais d’un recours gracieux, a deux mois pour le faire à compter de la notification de cette décision.

La notification de la décision d’invalidation de permis de conduire s’opère par le biais d’un courrier référencé 48SI envoyé au conducteur en recommandé avec accusé de réception.

Le conducteur qui choisirait de ne pas réceptionner le pli recommandé ne pourra pas alléguer une irrégularité de la décision, la date à prendre à compte pour la computation du délai de recours contentieux n’est autre que la date de présentation (voir, par exemple, sur ce point : CE, 2 juillet 2007, n° 303498 : « Monsieur A. s'étant abstenu d'aller le retirer au bureau de poste dans le délai de quinze jours imparti pour ce faire, la notification de la décision litigieuse doit être réputée intervenue le 13 octobre 2006, date de l'avis de passage »).

Mais dans bien des cas, l’absence de réception du courrier recommandé n’est pas imputable à une mauvaise volonté de la part du conducteur. La première difficulté en matière de notification réside tout simplement dans l’adresse à laquelle est envoyé le fameux courrier.

Le Conseil d’Etat avait, déjà, eu l’occasion de se pencher sur cette problématique de la régularité de la notification notamment lorsque le courrier 48SI est retourné à l’expéditeur avec la mention NPAI « n’habite pas à l’adresse indiquée ».

Certaines juridictions administratives et notamment du second degré avaient estimé qu’un envoi à une mauvaise adresse valait néanmoins notification et permettait de faire courir le délai de recours de deux mois. Ces juridictions s’appuyaient, en fait, sur une disposition du Code de la route imposant aux propriétaires de véhicules d’informer l’administration du changement d’adresse. La notification à une adresse erronée serait donc due à un comportement fautif du conducteur et ce dernier ne pourrait s’en prévaloir.

Ce ne fut pas la position du Conseil d’Etat qui, au contraire, rappela qu’ «aucun principe général, ni aucune disposition législative ou réglementaire, ne fait obligation au titulaire d'un permis de conduire de déclarer à l'autorité administrative sa nouvelle adresse en cas de changement de domicile. Il en résulte qu'alors même qu'il n'aurait pas signalé ce changement aux services compétents, la présentation à une adresse où il ne réside plus du pli notifiant une décision relative à son permis de conduire et prise à l'initiative de l'Administration n'est pas de nature à faire courir à son encontre le délai de recours contentieux » (CE, 18 septembre 2009, n° 327027).

Les conducteurs les plus fâchés avec les démarches administratives auront, donc, été soulagés d’apprendre qu’il ne pourrait leur être reprochés de ne pas avoir fait modifier leurs adresses sur leurs permis de conduire.

Doit-on, pour autant ne pas se soucier de la chose ?

De nombreux automobilistes pensent, à tort, que de toute façon l’administration possède la bonne adresse puisque des courriers de relance ne manquent pas d’arriver au moindre retard de paiement…

Mais, attention, si l’administration parvient toujours à toucher ses administrés lorsqu’il s’agit de renflouer les caisses de l’Etat, de tels efforts ne seront pas nécessairement déployés pour informer un conducteur de l’évolution de son capital de points. Car, comme le Conseil d’Etat l’avait déjà souligné, fichier permis de conduire et fichiers cartes grises sont deux choses différentes et peuvent donc parfaitement faire mention de deux adresses différentes.

Aux adeptes de la politique de l’autruche, il sera rappelé qu’outre l’invalidation il peut se révéler utile de connaître son solde de points pour éventuellement décider de suivre un stage de récupération de points.

Les ayatollahs du volatile pourraient objecter qu’ils pourront toujours, en dernier recours, exercer… toutes les voies de recours. Mais avant d’arriver à de telles extrémités, il ne sera pas inutile de rappeler que l’avis du Conseil d’Etat de septembre 2009 doit être lu au sens littéral.

La notification à une adresse où l’on ne réside « plus » n’est pas régulière, par contre la notification à une adresse où l’on réside plus en ce moment ou en d’autres termes pas en permanence est, elle, parfaitement régulière.

Et c’est ce que vient de poser le Conseil d’Etat dans un arrêt du 29 janvier 2014 : « la notification d'une décision relative au permis de conduire doit être regardée comme régulière lorsqu'elle est faite à une adresse correspondant effectivement à une résidence de l'intéressé ; que, pour confirmer l'ordonnance du président du tribunal administratif de Dijon, la cour administrative d'appel de Lyon a jugé " qu'en se bornant à soutenir, comme il le faisait en première instance, que cette notification n'aurait pas été faite à l'adresse de sa résidence principale mais à celle de sa résidence secondaire, le requérant ne justifie pas pour autant que ladite notification aurait été faite à une adresse où il ne résiderait plus " ; qu'elle en a déduit que cette notification devait être regardée comme régulière ; qu'en statuant ainsi, la cour, devant laquelle il n'était pas soutenu que la décision en cause aurait été notifiée à une adresse qui n'aurait pas été celle d'une résidence de l'intéressé, n'a pas commis d'erreur de droit ni méconnu le droit à un procès équitable garanti par le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Ainsi le conducteur qui ne réside que dix jours ans dans une bicoque héritée d’une lointaine grand-tante pourra être notifié de son invalidation de permis de conduire à cette adresse… Il n’est, peut-être, pas, dès lors, inutile de se soucier de l’adresse que l’administration a retenue pour son permis de conduire…


Voir aussi

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