Le vélo gagne du terrain avec la loi d'orientation des mobilités (LOM) (fr)

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Louis Le Foyer De Costil, avocat au barreau de Paris
Source: Revue Le moniteur [1]
Janvier 2020


Précisée par une jurisprudence exigeante, l’obligation de créer des pistes cyclables est étendue par le législateur.



L’article L. 228-2 du Code de l’environnement consacre depuis plus de vingt ans une obligation, pesant sur les gestionnaires de voirie, de créer des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants.


Cette obligation naît à l’occasion des réalisations ou des rénovations de voies urbaines et doit être satisfaite en fonction des besoins et contraintes de la circulation.


Cette disposition, précisée au fil des ans par la jurisprudence, fait aujourd’hui l’objet d’une réécriture par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite « LOM ».


Une jurisprudence exigeante

Les juges ont tout d’abord affiné le périmètre d’application de l’obligation.


Celle-ci ne s’applique, en vertu de l’article L. 228-2 du code, qu’aux voies urbaines à l’exclusion des autoroutes et voies rapides.


Les voies hors agglomération sont donc logiquement exclues. Les aménagements indissociables des accès à une autoroute ont été assimilés par la jurisprudence aux autoroutes et ont donc été exclus du champ d’application de l’article précité (CAA Versailles, 20 septembre 2018, n° 17VE00563).


  • Notion extensive de la rénovation


La notion de « rénovation d’une voie » a également été précisée, mais dans un sens extensif.


Il s’agit « de tous travaux, quelle qu’en soit l’ampleur, qu’une collectivité est amenée à réaliser sur la voirie dont l’entretien est à sa charge, dès lors que ces travaux sont de nature à modifier les conditions de circulation sur ces voies, soit par modification de leur profil, soit par adjonction ou suppression d’éléments de voirie, soit encore par réfection du revêtement ou du marquage de ces voies » (TA Marseille, 25 avril 2017, n° 1403742).


Constituent ainsi une rénovation les travaux d’aménagement de la viabilité de la chaussée, des trottoirs, des bateaux d’accès riverains, des signalisations verticales et horizontales, et le remplacement des arbres d’alignement.


  • Besoins et contraintes de circulation


La question s’est posée de savoir si les gestionnaires de voirie pouvaient s’exonérer de cette obligation en invoquant les besoins et contraintes de la circulation.


Les réponses diffèrent selon les juridictions.


Certaines l’ont en effet admis (par exemple, CAA Lyon, 28 juillet 2003, n° 99LY02169) ; d’autres ont, au contraire, considéré que ces circonstances ne permettaient de justifier que le choix de l’aménagement, c’est-à-dire l’alternative entre des pistes, des marquages au sol ou des couloirs indépendants (CAA Douai, 30 décembre 2003, n° 02DA00204).


Il a également été jugé que ni le besoin de stationnement, ni un trafic dense, ni même des contraintes de sécurité et de configuration des lieux tenant à l’étroitesse des rues ne permettaient d’échapper à l’obligation de créer un itinéraire cyclable (CAA Marseille, 10 octobre 2016, n° 15MA00331).


  • Maîtrise du foncier.


Les gestionnaires de voirie ne peuvent pas davantage se prévaloir de l’absence de maîtrise du foncier, le manque d’assiette disponible sur le domaine public ne pouvant justifier l’absence de mise au point d’itinéraire cyclable (CAA Douai, 30 décembre 2003, n° 02DA00204).


En outre, l’obligation demeure alors même que l’aménagement « réalisé sur la voie nouvelle ne serait éventuellement pas prolongé par des aménagements de même nature sur la voirie préexistante » (CAA Marseille, 21 mars 2011, n° 08MA03960).


La présence d’un itinéraire cyclable alternatif ne permet pas en principe non plus de s’exonérer de son obligation (CAA Nantes, 30 avril 2019, n° 17NT00346).


  • Impossibilité matérielle.


Finalement, seule une impossibilité matérielle avérée pourrait permettre de justifier une dérogation à l’obligation d’aménager un itinéraire cyclable.


Cette impossibilité a notamment été retenue pour un tronçon de route, « dont le gabarit est limité à une largeur de vingt-sept mètres de façade à façade, [qui] forme un goulet d’étranglement sur lequel la circulation automobile est dense, alors qu’il constitue une voie de substitution lors de la fermeture de l’autoroute A 86 à l’occasion des travaux de maintenance qui y sont effectués et est emprunté par des convois exceptionnels ».


La jurisprudence a, dans cette hypothèse, reconnu la possibilité « d’opérer une dissociation partielle de l’itinéraire cyclable et de la voie urbaine réaménagée, lorsque la configuration des lieux l’impose au regard des besoins et contraintes de la circulation » (CAA Paris, 22 février 2018, n° 16PA02825).


En revanche, s’appuyer sur un plan local d’urbanisme (PLU) qui imposait de conserver les arbres « dans la mesure du possible » n’a pas été jugé suffisant pour exempter la commune, dès lors que faire passer la piste du côté opposé obligeait « à traverser à deux reprises la route à forte fréquentation, générant des risques importants pour la sécurité publique » (CAA Bordeaux, 20 décembre 2018, n° 16BX02848).


En tout état de cause, les juges sont exigeants en matière de preuve de l’impossibilité et ne se contentent pas de simples allégations d’une collectivité, concernant par exemple la largeur d’une rue prétendument insuffisante (TA Marseille, 25 avril 2017, n° 1403742).


Seule une impossibilité matérielle avérée pourrait permettre de justifier une dérogation. 


Une obligation renforcée par la loi LOM

La loi LOM procède à une réécriture partielle de l’article L. 228-2 du Code de l’environnement et renforce encore l’obligation de création de pistes cyclables.


La palette des aménagements possibles permettant d’y satisfaire est précisée.


Ainsi, aux pistes et bandes cyclables sont ajoutées les voies vertes et zones de rencontre.


Les « marquages au sol » seront en revanche cantonnés aux seules chaussées à sens unique à une seule file.


  • Plan de mobilité.


Les itinéraires cyclables devront tenir compte des orientations du plan de mobilité, lequel se substitue au plan de déplacements urbains.


Ce plan de mobilité fera d’ailleurs une plus large place au vélo, puisqu’il intégrera un volet relatif à la continuité et à la sécurisation des itinéraires cyclables et piétons qui définit les principes de localisation des zones de stationnement des vélos à proximité des gares, des pôles d’échanges multimodaux et des entrées de ville.


Ce plan devra également définir les outils permettant d’accroître les informations à destination des piétons et des cyclistes, notamment la mise en place d’une signalétique favorisant les déplacements à pied.


  • Voies en site propre.


S’agissant des voies réservées, la jurisprudence considérait jusqu’alors que l’obligation ne s’appliquait pas à « la création d’un nouvel itinéraire de transport en commun majoritairement en site propre » (CAA Paris, 16 novembre 2017, n° 16PA01034).


La loi LOM prévoit désormais que « si l’emprise disponible est insuffisante pour permettre de réaliser ces aménagements », « l’obligation de mettre au point un itinéraire cyclable peut être satisfaite en autorisant les cyclistes à emprunter cette voie, sous réserve que sa largeur permette le dépassement d’un cycliste dans les conditions normales de sécurité prévues au Code de la route ».


  • Voies hors agglomération, voies rapides et autoroutes.


La création d’itinéraires cyclables sur les voies hors agglomération, les voies rapides et les autoroutes n’est quant à elle toujours pas obligatoire, mais la loi LOM en prévoit dorénavant la possibilité.


Ainsi, le gestionnaire de la voirie, lors de la réalisation ou du réaménagement de ces voies, devra évaluer le besoin de réalisation d’un itinéraire cyclable ainsi que sa faisabilité technique et financière.


En cas de besoin avéré, cet aménagement ou itinéraire cyclable devra alors être réalisé, sauf impossibilité technique ou financière (art. L. 228-3 C. env.).


Enfin, à l’issue d’un chantier de construction ou réhabilitation d’infrastructures de transport terrestre ou fluvial et en cas de besoin avéré et de faisabilité technique et financière, la continuité des aménagements existants destinés à la circulation des piétons et des cyclistes devra être maintenue (art. L. 228-3-1 C. env.).


Au vu de ces précisions et nouvelles règles, les gestionnaires de voirie devront donc redoubler de vigilance dans le respect de cette obligation encore assez largement méconnue.


Ce qu’il faut retenir

  • L’article L. 228-2 du Code de l’environnement met à la charge des gestionnaires de voirie une obligation de créer des itinéraires cyclables lors des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, hors autoroutes ou voies rapides.
  • Le juge veille à ce que les gestionnaires de voirie ne puissent s’exonérer de leur obligation en se prévalant des besoins et des contraintes de la circulation. Seule une impossibilité juridique ou matérielle avérée permet de s’y soustraire.
  • La loi d’orientation des mobilités élargit et précise la palette des aménagements permettant de satisfaire à l’obligation de création d’itinéraire cyclable.
  • Sans le rendre obligatoire, elle étend le principe de création d’itinéraire cyclable aux voies hors agglomération, aux voies rapides et aux autoroutes.