Les nouveautés pour les sites e-commerce à partir du 1er janvier 2022

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Rachel Ruimy, Jessica Moraly, avocats au barreau de Paris et Virgile Servant Volquin [1]
Janvier 2022




A l’ère du digital, le secteur du e-commerce connaît une croissance exceptionnelle. Les acteurs du commerce en ligne sont ainsi devenus les grands gagnants des événements comme le Black Friday [2], le Cyber Monday, la période de Noël et la prochaine période des soldes.


Les e-commerçants sont toutefois contraints de veiller au respect de la réglementation applicable vis-à-vis des acheteurs en ligne. Les législateurs français et européens agissent conjointement dans cette optique pour protéger les consommateurs des risques auxquels ils sont exposés.


Dans ce contexte, l’Ordonnance du 29 septembre 2021 [1] est venue modifier diverses dispositions du Code de la consommation en transposant deux directives européennes du 20 mai 2019 [2].


Cette réforme porte notamment sur les aspects suivants :


  1. L’ajout de définitions importantes dans l’article liminaire du Code de la consommation ;
  2. La clarification des règles en matière d’information des consommateurs ;
  3. Le renforcement des possibilités laissées au consommateur en cas de manquement du professionnel à son obligation de délivrance du bien ;
  4. La refonte de la garantie légale de conformité;
  5. L’ajout de nouvelles dispositions s’agissant des « contenus et services numériques»

Conformément à l’article 21 de l’ordonnance [3], ces nouvelles dispositions seront applicables pour les situations et contrats conclus à partir du 1er janvier 2022.


Les nouveautés de l’article liminaire du Code de la consommation

La refonte du Code de la consommation a vocation à étendre la protection des consommateurs et ce dans un contexte de diversification des produits pouvant être achetés en ligne.

C’est dans cette optique que plusieurs définitions ont été ajoutées à l’article liminaire du Code de la consommation [4] afin qu’elles soient rigoureusement appréhendées par les nouvelles dispositions protectrices.

Parmi ces nouvelles définitions, figurent :

  • Les « biens comportant des éléments numériques» qui désignent tout bien meuble corporel qui intègre ou est interconnecté avec un contenu ou un service numérique. Pour être considéré comme tel, le bien ne doit pas pouvoir remplir ses fonctions sans ledit contenu ou service numérique.
  • Un «contenu numérique » qui fait référence aux données produites et fournies sous forme numérique.
  • Un « service numérique» qui désigne un service permettant au consommateur de créer, traiter, stocker des données sous forme numérique ou d’y accéder, ou un service permettant le partage ou toute autre interaction avec des données sous forme numérique qui sont téléversées ou créées par le consommateur ou d’autres utilisateurs du service.


En sus, l’article liminaire fixe les définitions de concepts techniques tels que : la compatibilité, le support durable, ou encore l’interopérabilité.


Ces définitions servent de base à de nouvelles dispositions visant à la fois à réduire l’empreinte environnementale du numérique et à garantir que l’intérêt du consommateur soit protégé dans le numérique [5].


Le renforcement de l’obligation d’information

Avant de conclure un contrat de vente en ligne, les cybermarchands sont tenus de délivrer des informations permettant aux consommateurs de faire un choix éclairé avant de procéder à l’achat du produit en ligne. L’obligation d’information précontractuelle a donc été renforcée sur différents aspects.


Dans l’optique de favoriser la connaissance du numérique et de réduire l’illectronisme, des informations spécifiques au regard des contrats comportant des éléments numériques ont été instituées.


Parmi ces nouvelles obligations, il semble important d’évoquer les suivantes :


  • Le droit pour le consommateur à être informé et à recevoir les mises à jour qui sont nécessaires au maintien de la conformité du bien [6];
  • Le droit pour le consommateur à être informé sur les fonctionnalités, la compatibilité ainsi que l’interopérabilité du bien [7].


Ces informations devront par exemple figurer sur les fiches des produits de votre site e-commerce.

Ainsi, le renforcement de l’obligation d’information à la charge du professionnel permettra de faciliter la meilleure compréhension de ces concepts par un consommateur moyen.

Les enjeux de l’obligation de délivrance du bien

Même si la « livraison » est désormais remplacée par la notion de « délivrance » [3], il ressort toujours de l’article L.216-1 du Code de la consommation qu’à défaut d’indication ou d’accord avec le consommateur ou le non-professionnel, le professionnel est tenu de délivrer le bien ou de fournir le service sans retard injustifié au plus tard 30 jours après la conclusion du contrat.


Cette obligation de délivrance est renforcée par les différentes actions laissées au consommateur ou au non-professionnel en cas de manquement du professionnel, à savoir [4] :


  • Notifier au professionnel la suspension du paiement de tout ou partie du prix jusqu’à ce que le professionnel s’exécute ;
  • Résoudre le contrat après mise en demeure du professionnel restée infructueuse.


Dans certains cas, le consommateur ou le non-professionnel peut également immédiatement résoudre le contrat. Le professionnel sera ainsi tenu de rembourser le client au plus tard dans les 14 jours suivant la date à laquelle le contrat a été dénoncé [5]

Il est donc recommandé au e-commerçant d’encadrer strictement à titre précontractuel les délais de délivrance du bien.


La refonte de la garantie légale de conformité

La garantie légale de conformité est une mesure de protection instituée au profit des consommateurs dans leurs relations avec les vendeurs professionnels. Elle oblige le vendeur à livrer un bien conforme au contrat et à répondre des défauts de conformité existant lors de sa délivrance pendant 2 ans.


L’ordonnance du 29 septembre 2021 a apporté des modifications significatives à cette mesure.


Champ d’application

Les vendeurs professionnels devront être particulièrement attentifs également à la qualité de leur co-contractant car dorénavant, la garantie légale de conformité est applicable vis à vis des consommateurs mais également aux contrats conclus avec des non-professionnels.


> Le non-professionnel désigne « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ». [6] Par ailleurs, le champ d’application de la garantie légale de conformité a été étendu afin d’intégrer les nouvelles catégories de contrats comportant des éléments numériques.


Enfin, la garantie légale de conformité s’applique à tout contrat à titre onéreux indépendamment de la nature de la rétribution payée par le consommateur, qu’il s’agisse d’un avantage ou d’un prix [8].

> A titre d’exemple : la contrepartie reçue par le vendeur au lieu ou en complément d’un prix peut être la valorisation des données à caractère personnel collectées auprès d’un consommateur.

Appréciation de la conformité et régime de sanction

Les critères d’évaluation de la conformité des biens ont été revus et sont désormais fixés en fonction :

  • De critères subjectifs prévus dans le contrat comme la description du bien, son adéquation à l’usage spécialement recherché par le consommateur, la délivrance de ses accessoires [9].
  • Des critères objectifs comme l’usage habituellement attendu du bien par un consommateur moyen, ou les qualités que le vendeur a présenté au consommateur avant la conclusion du contrat [10].

Les dispositions relatives à la garantie légale de conformité devront ainsi être renforcées au sein de vos Conditions Générales de Vente BtoC.

Enfin, le régime de sanction du manquement à la garantie légale de conformité a été renforcé par l’ordonnance [11] :

  • Des sanctions civiles sont prévues [12] , notamment lorsqu’un vendeur professionnel fait obstacle de mauvaise foi dans la mise en œuvre de la garantie de conformité ;


Concernant les sanctions civiles, la DGCCRF peut notamment demander à la juridiction saisie de prononcer une amende civile dont le montant ne peut excéder 300.000 euros, étant précisé que le montant de l’amende peut être porté de manière proportionnée aux avantages tirés des pratiques en cause, à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel.


  • Des sanctions administratives [7] pouvant aller de 000 euros à 75.000 euros selon la gravité du manquement de la société aux obligations relevant de la garantie de conformité.

References

  1. 1 Ordonnance n°2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques
  2. 2 Directive (UE) 2019/770 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques et la directive (UE) 2019/771 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, ainsi que les mesures d'adaptation et de coordination de la législation liées à cette transposition
  3. 3 « On entend par délivrance d’un bien, le transfert au consommateur de la possession physique ou du contrôle du bien. Dans le cas d’un bien comportant des éléments numériques, la délivrance inclut également la fourniture de ces éléments au sens de l’article L.224-25-4 »
  4. 4 Article L.216-6 du Code de la consommation
  5. 5 Article L.216-7 du Code de la consommation
  6. 6 2° article liminaire du code de la consommation
  7. 7 Article L.241-8 et suivants du Code de la consommation