Les obligations du banquier liées à l’encaissement d’un chèque (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.

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Auteur : Anthony Bem, avocat au barreau de Paris

Août 2017


La loi prévoit que l’opération de paiement par chèque correspond juridiquement à un mandat de payer.


Il s’agit, d’un mécanisme à quatre personnes :


​- le tireur : la personne (débiteur) qui va émettre le chèque pour payer


​- le tiré : la banque du ​débiteur qui va réaliser l’opération de transfert d'argent à partir du compte


​- le bénéficiaire : le destinataire du chèque (déposant)


​- la banque du bénéficiaire du chèque (banque présentatrice)


En principe, dès sa réception, le banquier doit encaisser le chèque qu’il reçoit et procéder au transfert des sommes sur le compte du bénéficiaire (déposant).


Cependant, les banquiers sont tenus au respect de plusieurs obligations de vérifications des chèques qui leur sont remis à l'encaissement.

D’une part, l’article L.131-38 du Code monétaire et financier prévoit que le banquier (tiré) qui paye un chèque est obligé de vérifier que le chèque a bien été signé au dos par son bénéficiaire.

Cette vérification se limite à une simple vérification de l'existence de la signature du bénéficiaire.

De ce fait, le banquier n’est pas tenu de vérifier que la signature correspond exactement à celle du bénéficiaire.

C’est donc logiquement que, le 17 septembre 2013, la Cour de cassation a censuré un arrêt de la Cour d’appel de Basse-Terre, au motif que :

​« la banque tirée est tenue de vérifier, le cas échéant, la régularité de la suite des ​endossements mais non la signature des endosseurs (…) » (Cour de cassation, ​Chambre commerciale du 17 septembre 2013, pourvoi n°12-18202 12-20198)


D’autre part, le banquier du bénéficiaire (banque présentatrice) est tenu de vérifier les anomalies apparentes des chèques. En effet, le banquier doit procéder aux vérifications d’usages rendues obligatoire par sa qualité de mandataire.

La jurisprudence définit l’anomalie apparente comme « l’anomalie qui ne doit pas échapper à la vigilance naturelle dont le banquier doit faire preuve ».

Il est ainsi possible de distinguer deux catégories d’anomalies :

​- les anomalies matérielles qui viennent affecter le chèque lui-même (absence de ​signature de celui qui émet le chèque, erreur sur le nom de la personne bénéficiaire, ​défaut d’indication de la date et du lieu du paiement)

​- les anomalies intellectuelles qui résultent d’une analyse du banquier de facteurs ​intellectuels (multiplication de chèques, montant anormalement élevé par rapport aux ​chèques habituels du débiteur)

Si le banquier encaisse le chèque alors que ce dernier présente une anomalie matérielle, la banque engagera automatiquement sa responsabilité.

L'anomalie intellectuelle présente un caractère subjectif que les juges devront apprécier au cas par cas pour éventuellement sanctionner ou non la banque.

Enfin, il est important de préciser qu’en cas de refus d’encaisser un chèque pour l’une des anomalies susvisées, le banquier est tenu d’en informer auparavant le dépositaire, à défaut de quoi il engagera sa responsabilité.

C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 14 juin 2016 en considérant que :

​« Le préjudice du dépositaire (…) consiste en la perte de la chance, pour le titulaire ​du compte, d'approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis et échapper aux ​conséquences qui résultent du refus de paiement du chèque » (Cour de cassation, Chambre commerciale du 14 juin 2016, pourvoi n°14-19742)

Les juges ont considéré qu’en l’absence d’information, le dépositaire risque de ne pas régulariser sa situation bancaire et encourt de graves sanctions (pénalités, frais, signalement auprès de la Banque de France, inscription au Fichier Central des Chèques).