Liban - Peine de mort - Affaire Nasser Al F. (lb) (int)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.

Mai 2014

France & Liban > Droit international >  Droit pénal 


Auteur : Me Pierre-Olivier SUR, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris

Mots Clefs : Peine de mort, Déclaration universelle des droits de l'Homme, Association Justice et Miséricorde, Pacte international relatif aux droits civils et politiques





"Monsieur le Président, Messieurs les hauts magistrats de la Cour,

Il n'y a pas de plus redoutable honneur pour un avocat libre, que de plaider pour un homme seul, étranger, criminel - qui a commis un crime atroce contre un homme bien né, soutenu par toute une famille et toute une communauté - sauf peut-être...l'honneur de plaider contre la peine de mort.
L’honneur, si j’osais, de mettre mes pas dans ceux de Victor Hugo et d'Albert Camus, de Jaurès et de Badinter. L'honneur de prendre comme référence les valeurs les plus élevées, qui placent la Justice non pas en tant qu'instrument de vengeance privée, mais en tant qu’oeuvre sociale d'intérêt général.

Messieurs les hauts magistrats, vous n'êtes pas là au nom de la victime, mais au nom de la société toute entière, au nom de tous les hommes et de toutes les femmes qui passent par le Liban, qu’ils soient puissants ou misérables. Gandhi disait « qu’à trop appliquer la maxime oeil pour oeil… l'humanité deviendrait aveugle ». Alors, ouvrons les yeux !

Mais qui suis-je en tant que Français pour oser soutenir cela devant vous, en plaidant pour un réfugié Syrien, contre ce qui représente l’une des clés de voûte de votre système judiciaire Libanais : la peine de mort ?

Je suis avocat. C'est une fonction universelle. « Advocare » veut dire « parler pour ». Parler pour les sans voix, parler pour les hommes et les femmes qui ont tout perdu, sans doute par leurs fautes, mais souvent aussi par la faute des circonstances, parler pour tous ceux qui disent au secours. « Au secours », c'est la seconde étymologie du mot avocat : « advocatus ». Personne ne pourra m’interdire de parler, ni devant devant votre Cour, ni en dehors.

Et je salue mes confrères libanais de l’AJEM qui m'ont demandé d'être à leurs côtés, et leur bâtonnier (son rôle n’est pas facile) qui m'y a autorisé. La place du bâtonnier de Paris est traditionnellement celle de la défense des libertés publiques partout dans le monde. J'ai reçu comme vous, en cadeau de la vie, l'Histoire commune de nos deux pays qui n'en font qu'un, depuis que les Phéniciens ont appris au monde à écrire et à voyager à travers la Méditerranée.

Alors, dans votre kaléidoscope de cultures et de religions - qui sera un jour un modèle d'intégration pour toutes les civilisations, car la paix reviendra - permettez que je vous propose, contre la guerre et contre la mort, le droit qui reconstruit et fait progresser l’humanité.

Tournons le dos à l’obscurantisme ! Bannissons une Justice qui tue!

C'est ce que j'ai le devoir de plaider devant vous maintenant.

Oui, condamner à mort de sang-froid, est une atrocité.

Ne s'agit-il pas :

• comme plaidait Badinter devant les Assises de Troyes, en évoquant la guillotine, de « couper, un homme vivant, en deux »?

• ou comme nous le rapporte la presse américaine, de faire une injection létale qui ne réussit pas toujours du premier coup ?

• ou comme le prévoit votre Code pénal, d’affronter la pendaison, à moins qu'il ne s'agisse du peloton d'exécution ?

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, que le Liban vise dans le Préambule de sa Constitution (à la suite d'un amendement voté en 1990), proscrit tout acte qui serait contraire à la « dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine ».

« Dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine », la formule est magnifique. Elle se poursuit naturellement par l'article 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l'homme « Tout individu a droit à la vie » et par l'article 5 « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou à des traitements inhumains ou dégradants ».

Ce sont les mêmes termes qui figurent dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Liban a adhéré en 1972, et ce sont encore les mêmes termes que reprend la Charte arabe des droits de l'homme, ratifiée par le Liban en 2008.

Or ces textes internationaux sont d'application directe en droit interne libanais, puisque l'article 2 alinéa 1er de votre Code de procédure civile dispose : « Les tribunaux sont tenus de respecter la hiérarchie des normes. En cas de contradiction entre les dispositions de conventions internationales et celles relevant du droit interne, les premières priment. » C’est donc la Déclaration Universelle des droits de l’homme qui s’appliquera : « Nul ne sera soumis à des peines ou à des traitements inhumains. »

Ainsi la peine de mort, diamétralement opposée au « droit à la vie » doit-elle être considérée par votre Haute juridiction comme contraire à vos engagements internationaux.

Si donc condamner à mort est une atrocité, que serait-ce lorsqu'il s'agit de condamner à mort, un tout jeune homme ?

Quel était son âge... 22 ans ?

Quel était son mobile... La misère ?

Comment s'y est-il pris... L'acte compulsif d'une bête qui cherche à manger ?

Le malheur.

Je pense évidemment, d'abord, encore, toujours, à la victime…

A sa famille, à sa femme, à ses enfants et à ses petits-enfants.

Oui le malheur. Mais n'ajoutons pas un malheur au malheur.

Car d'un point de vue pédagogique, disons « utilitariste », la peine de mort n'a aucune vertu d'exemplarité... Au contraire, le recours à la peine capitale rapproche paradoxalement la société qui la pratique de ses criminels, quand elle n’en fait pas des martyrs.

• La preuve aux Etats-Unis : les États abolitionnistes n'ont pas plus de criminalité sanglante que les États qui la pratiquent encore, et ainsi en est-il partout dans le monde…Les chiffres parlent. Songez que dans la plupart des Etats qui ont aboli la peine de mort, le taux d’homicide a diminué, comme si l’abolition, en légitimant la paix, rendait la société plus douce.

• La preuve dans notre affaire : le passage compulsif à l'acte n'a pas été évité, en dépit du risque de condamnation à mort… Au moment du premier coup de couteau, ce jeune homme ne pense ni au Code pénal, ni à l'avocat, ni à ceux qui seront ses juges. Il est en proie à l'aveuglement de la misère, au désespoir et à l'absurde. Alors, comme dans Dostoïevski lorsque Raskolnikov tue l'usurière, il dit « ce n'est pas moi qui ai tué, c'est le diable ». En pleine folie meurtrière, la conscience de la peine n'existe pas chez celui qui tue.

Que reste-t-il ?

Trois séries d’articles de vos Codes et trois éléments de fait.

• D’abord les articles 76 et suivants, et 238 du Code de procédure pénale libanais. L'accusé a été entendu par la police, par le juge d’instruction et lors de ses premières comparutions devant la Cour criminelle, sans avocat. C’est une irrégularité incontournable, flagrante, péremptoire, d’ordre public. L'accusé ne pourra être condamné à mort dans ces conditions !

• Ensuite, l’article 549 du Code pénal suppose la préméditation pour prononcer la peine de mort. Or, en l’espèce, il n’y a pas eu de préméditation. Si l'accusé avait passé deux heures à surveiller les lieux, comme il est dit dans les procédures d’enquête et d’instruction (sans avocat), il aurait immédiatement remarqué la caméra de vidéosurveillance qui conduira à son arrestation quelques heures plus tard. Si l'accusé avait planifié le crime, il aurait organisé sa fuite du Liban, échappant ainsi à votre justice. Et s’il était porteur d’un couteau, c’est parce qu’il s’agit de son outil de travail, de défense et de misère…sans qu’en aucune façon il l'ait spécialement acquis et caché avec le dessein de s’en servir pour tuer. La préméditation n’est donc aucunement caractérisée. L’accusé ne pourra être condamné à mort dans ces conditions!

• Enfin, cinq circonstances atténuantes selon l’article 253 du Code pénal. Le jeune âge de l’accusé - l’absence d’antécédents criminels - l’aveu du crime - le repentir et la demande de pardon - l’état de choc post-traumatique à l’idée de ce qu’il a commis - sont autant de circonstances exonératoires de la peine capitale selon la jurisprudence de votre Cour de cassation. L’accusé ne pourra être condamné à mort dans ces conditions !

Ce sont donc trois arguments juridiques en droit interne qui interdisent en l’espèce la condamnation à mort.

Pour finir, revenons au Liban, au droit international et à l'Histoire…

D'une part, à titre accessoire mais essentiel, la Convention de Vienne du 24 avril 1963 ratifiée par le Liban, imposait que l'accusé fût informé de son droit de bénéficier de la protection consulaire.

D'autre part, prononcer la peine de mort au Liban s'agissant d'un crime de droit commun viole le principe d'égalité devant la loi. Car le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL), compétent à l'égard des responsables de l’attentat du 14 février 2005, ayant entraîné la mort de l'ancien Premier Ministre Rafic Hariri, écarte la peine de mort des sentences applicables. Un choix qui honore votre pays.

Mais, sauf à créer une « distinction » entre les citoyens, en violation de l'article 2 de la Déclaration Universelle des droits de l'homme, et du principe constitutionnel d'égalité, vous ne pourrez prononcer la peine de mort pour un crime de droit commun, puisque le TSL l’écarte pour l’un des crimes les plus graves.

Je ne dis pas que la vie de l’ancien Premier ministre vaut plus que la vie du propriétaire du bureau de change de la ville de Saïda, mais je dis que s’il n’y a pas de peine de mort possible pour les terroristes qui l’ont assassiné de sang-froid et avec préméditation, dans le cadre d’un complot vous ne pouvez condamner à mort ce malheureux (l’accusé).


                                                                                    ***


L’arrêt que vous allez rendre s’inscrit dans le combat abolitionniste. Et si le Liban ne sera pas le premier pays à abolir la peine de mort, il pourrait être - grâce à votre décision emblématique - le premier pays, dans une région en proie à la guerre, à écarter la peine capitale. Comme s'il fallait un geste fort pour signifier que la mort ça suffit !

Vous avez une certaine conception de la justice. Vous êtes des hommes d'Etat, conscients de votre responsabilité dans un dossier si douloureux pour la ville de Saïda.

Chacun l’a compris, la question ne se pose plus en termes de loi du talion « oeil pour oeil », ni en termes d’exemplarité ou d’effet dissuasif, mais en droit et en morale.

N'occultez pas les engagements internationaux du Liban et le sens de l’Histoire.

Et dans 5 ans, dans 10 ans, vous pourrez fièrement dire à vos enfants et à vos petits-enfants : « c'est nous qui l'avons fait ! »

En cet instant dont chacun d'entre vous mesure la portée, j’en appelle à ce que vous avez de plus profond - votre culture, vos religions, votre sens du droit - et je vous demande, Messieurs les hauts magistrats, d'écarter la peine de mort."

                                          ARRET
                                 Au nom du peuple libanais

Cour de cassation Chambre correctionnelle, composée des juges :

Joseph S, président Ghada A, Assesseur Sabouh S, Assesseur

En référence à la décision de cassation, en date du 4 avril 2013

La Cour de cassation a remplacé par le résultat de son jugement, l'arrêt de la cour d'assises au Liban-sud.

Après vérification et analyse, Conformément à la décision de l'instance d'accusation du Liban sud, numéro 73, en date du 23 mars 2012, et au réquisitoire du ministère public, interjeté au Liban sud le 22 mars 2012,

Il est reproché à l'accusé :

Monsieur A.F., de sa mère Latifa, né en 1990, de nationalité syrienne, arrêté contradictoirement le 28 février 2012, détenu,

D'avoir commis, depuis un temps non-prescrit, l'homicide volontaire de Mohamad Mahmoud NATOUT, gérant du bureau de change, moyennant un couteau dont le port est illégal, et volé de l'argent de son local. Les deux crimes sont sanctionnés par la loi conformément aux articles 549, 638/(2), (3), et 640 du code pénal, et d'avoir commis un délit réprimé par l'énoncé de l'article 73 relatif aux armes.

                                  Sur quoi la Cour juge publiquement

LES FAITS

Attendu que le 28 février 2012 à 01h45, Monsieur H. est arrivé au bureau de change, de Monsieur N.(la victime), dans la nuit, pour retirer un mandat, étant donné qu'il travaille jusqu'à des heures tardives, il a vu la porte fermée et la voiture du gérant à l'extérieur...lorsqu'il a regardé à l'intérieur du local, il a aperçu le gérant au sol, derrière le comptoir...suite à quoi il a appelé les secours au numéro 112...et la croix rouge.
Une ambulance est arrivée et des agents du commissariat du vieux Saïda et quelques voisins se sont rassemblés et ont appelé Monsieur MN. (fils de la victime), pour le questionner sur le propriétaire du local.
A l'ouverture de la porte, Monsieur N. a été retrouvé au sol, un corps inerte, gisant dans le sang après avoir reçu plusieurs coups de couteaux...à proximité du corps, un couteau de cuisine à poignée en bois, revêtu de traces de sang, a été retrouvé...les agents de la croix rouge ont transporté le corps à l'hôpital Hmoud, où il a été examiné par le médecin légiste, Dr.K, qui a établi un rapport affirmant que l'expertise clinique révèle :

I. La présence d'une plaie de couteau, avec des extrémités acérées, hémorragique, verticale au niveau supérieur de la joue droite et une plaie de couteau verticale, au niveau inférieur de la joue droite, d'une longueur de 4 centimètres ;
II. La présence d'une plaie de couteau, avec des extrémités acérées, ayant causée une hémorragie, horizontale d'une longueur de 4 cm, dans la partie inférieure gauche du début de la nuque, laissant entrevoir l'artère et la veine de la clavicule complétement sectionnées.
III. Une plaie de couteau d'une longueur de 3 cm, avec des extrémités acérées, irrégulière au milieu du début de la poitrine au niveau de la partie supérieure de la cage thoracique, sa partie supérieure est vers la gauche tandis que sa partie inférieure s'oriente vers la droite.
IV. La présence d'une plaie de couteau, horizontale, avec des extrémités acérées, hémorragique d'une longueur de 3 cm au niveau de la partie droite de la poitrine, au milieu de la clavicule droite de 5cm.
V. La présence d'une plaie superficielle, une section de la peau sans hémorragie, avec des extrémités acérées, au niveau de la partie supérieure droite de l'aisselle.
VI. La présence d'une plaie avec des extrémités acérées, d'une longueur de 3cm, irrégulière et hémorragique au milieu de la partie droite du ventre, duquel sort un bloc de gras de couleur jaune.
VII. La présence d'une plaie de couteau d'une longueur de 2.5cm, hémorragique au milieu de l'arrière de la nuque, avec deux plaies, horizontaux, hémorragiques au niveau de la partie supérieur interne de l'épaule gauche, d'une longueur de 2.5cm. toutes les plaies sont horizontales, hémorragique et en ligne droite.
VIII. La présence d'une plaie de couteau acérée, hémorragique d'une profondeur de 1.5cm au dos de la main droite, entre le pouce et l'index, en plus d'une éraflure de couleur brune de 2.5 x 1.5cm au niveau de la partie supérieure faciale de la jambe droite.

Vu ce qui précède, le rapport a conclu que la victime, Mohamad N., né en 1945 à Saïda, est décédé le 28 février 2012 à 00h30 ; que la cause de la mort est une hémorragie extrême du corps, notamment des artères gauches du cou, après avoir reçu 11 plaie de couteau aux lieux indiqués ci-dessus. Le Dr K. a estimé que le premier coup a été au niveau supérieur de l'os de cage thoracique et que le coup mortel a été porté au niveau inférieur de la face de la nuque, qui a causé une section de l'artère carotide commune gauche et la veine jugulaire gauche, provoquant une hémorragie d'environ 4.

Attendu que le local de la victime est équipé de caméras de vidéosurveillance,que les photos prises montrent que l'agresseur est entré au local de façon normale, par la porte, et a discuté pendant un moment avec la victime avant de lui asséner un coup de couteau et lui voler une somme d'argent, puis de prendre la fuite.

Les photos ont été extraites et remises à l'un des agents des forces de la sécurité intérieure à Saïda.

Les forces de la sécurité de l'armée ont réussi à arrêter l'agresseur dans la zone Kahala ; il se dénomme ------ (Monsieur A.F.), de nationalité syrienne.

Monsieur A.F. a déclaré, le 28 février 2012 à 10h00, lors de son interrogatoire par la police militaire, avoir pris la fuite vers 3 heures du matin vers la Syrie, en emportant sur lui, une somme d'argent qu'il a volée au bureau de change à Saïda, situé au carrefour de Elia, après avoir tué le gérant avec un couteau de cuisine qu'il portait sur lui. Une patrouille des forces de la sécurité intérieure l'a interpellé à Kahalla, l'argent se trouvait dans un tiroir du bureau.

Il a quitté le bureau de change et s'est dirigé vers la mosquée Hariri, puis il s'est lavé les mains du sang de la victime dans un magasin de pneus ; il est parti à la place de l'étoile à Saïda où il a pris un taxi de type Mercedes blanc à destination de Beyrouth — le port. Puis il est monté dans un véhicule Cadillac à destination de la Syrie.

Il a précisé qu'il est arrivé au Liban depuis 10 jours, qu'il a résidé à Beyrouth — Manara chez Monsieur B., chez qui il a travaillé dans un commerce de poules pendant une semaine avant de repartir à Saïda pour chercher du travail. Il dormait dans un bâtiment abandonné, face au terrain municipal.

Le 28 février 2012, alors qu'il traversait l'autoroute Est vers le carrefour d'Elia, un bureau de change a attiré son attention, il le connaissait, depuis deux années, car il transférait l'argent à la Syrie par son intermédiaire, quand il a travaillait chez Monsieur S. dans un commerce de poules.

Il a guetté le bureau de change du lieu d'en face, à partir de 22h00.

Vers 01h00 du matin, il est entré au bureau de change, après s'être assuré qu'il n'y avait plus personne d'autre, et a demandé au gérant s'il est possible de faire un transfert vers la Syrie. Le gérant est parti chercher un formulaire de transfert lorsqu'il a été poignardé à l'épaule gauche avec un couteau.

Le gérant du bureau de change s'est écroulé par terre et a commencé à crier. L'agresseur l'a assailli à nouveau et à 3 reprises dans le ventre, mettant fin ainsi à ses cris. Puis, il a ouvert le tiroir et a volé une somme d'argent.

Monsieur A.F. a affirmé qu'il était seul, que c'est la première fois qu'il commettait un tel acte, qu'il n'a observé le bureau de change que le jour du vol, que le couteau, objet du crime est resté dans le bureau de change.

Attendu que A.F a été pris alors qu'il portait sur lui les sommes suivantes : 2 428 000 livres libanaises et dinars ; et un demi bahreïni, 120 couronnes suédoises, 5 dirhams émiratis, 2 dinars jordaniens, 5 lires syriennes, 1 riyal saoudien, 800 baisas omanis, 5 livres égyptiens, 1 974 dollars américains, 100 000 livres libanaises de la fausse monnaie, 100 couronnes, 20 Roupies sri-lankais, 1 Roupie indienne et 1000 livres libanaises.

Attendu que Monsieur KA, chauffeur de taxi a pu reconnaître la photographie du criminel, prise par les caméras de la vidéosurveillance sur le lieu de crime, qu'il a déclaré au commissariat, de police du vieux Saïda.

Que la photographie prise, est celle d'un syrien qui lui a demandé, vers 01h00 du matin de le transporter de la place de l'étoile à Saïda vers Beyrouth, moyennant la somme de 30 000 livres libanaises, qu'il lui a demandé sur le chemin de JIA — de l'emmener dans un lieu où il y a des filles, qu'il veut passer un moment de plaisir sexuel, qu'il lui a augmenté le prix de la course à 75 000 livres libanaises.

Le chauffeur de taxi l'a transporté dans la zone Hazmieh où il est resté 3 heures puis il l'a transporté à la station Charles HELOU où il est parti à pied...

Que deux minutes plus tard, il a reçu un appel du colonel S., chef du bureau des forces de la sécurité intérieure, que ce dernier l'a questionné sur une personne de profil syrien ayant commis un homicide, à ce moment, le chauffeur de taxi est retourné sur les lieux et a tenté de l'arrêter mais ce dernier a résisté et a pris un autre taxi, le chauffeur a participé avec les services de la sécurité intérieure à la poursuite de A.F, jusqu'à son arrestation, dans la zone alkahala.

Le chauffeur Monsieur F. a déclaré, lors de son audition, qu'une personne lui a demandé vers 04h15 de l'emmener à Damas contre 2 000 lires syriennes ; qu'il s'est arrêté sur le chemin à Kahala, après avoir reçu un appel de son collègue qui a dit avoir oublié son portefeuille dans le taxi, que les forces de la sécurité intérieure sont arrivées et ont arrêté ce monsieur, que ce dernier a déclaré être le propriétaire d'un commerce de poulets à alhamra, et qu'il est venu pour percevoir une somme d'argent de son associé.

Attendu que pendant l'enquête préliminaire, et après lecture faite de ses droits, A.F. a demandé la poursuite de l'enquête sans avocat.

A.F a reconnu les crimes qui lui sont reprochés, il a réitéré sa déclaration première en précisant qu'il est arrivé au Liban en 2009, qu'il a travaillé chez Monsieur S., à Saïda dans la vente de poules, qu'il connaît le bureau de change de la victime, qu'il a déjà transféré de l'argent en Syrie par son intermédiaire, qu'il est rentré à Saïda, à la fin de son service militaire, qu'il a travaillé pendant 10 jours dans le commerce de Monsieur S., puis dans une station service durant un mois et demi avant de rentrer dans son pays.

Qu'il est retourné au Liban, il y a 10 jours, où il a travaillé dans un commerce de poulets dans le quartier alhamra à Beyrouth, qu'il est retourné à Saïda il y a 3 jours et réside dans un bâtiment abandonné,

Qu'il a essayé en vain de chercher du travail, que l'idée de braquer des bureaux de change lui est arrivée pendant son séjour dans un bâtiment abandonné.

Qu'il est parti à Saïda le 28 février 2014 à 22h30, et a acheté de la mankoucha et l'a mangée, puis il a surveillé le local de la victime pendant 2h30, et ce jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de clients, Qu'aux alentours de 01h30, il a frappé à la porte, le propriétaire lui a ouvert la porte, A.F. lui a demandé s'il était possible de faire un transfert d'argent vers la Syrie, la vitime lui a répondu par oui... A.F. lui a demandé le nom et le numéro du bureau de change, il cachait, sous la ceinture de son pantalon, un couteau de cuisine qu'il gardait sur lui depuis 3 jours après l'avoir pris de son lieu de son ancien lieu de travail, le commerce de poulets d'alhamra.

La victime a écrit le nom du bureau de change. L'accusé a pris le papier de sa main gauche et a sorti le couteau de sa main droite et l'a poignardé dans son épaule droite, la victime a commencé par crier... A.F est passé derrière le comptoir par une porte latérale et lui a asséné trois coups, jusqu'à ce que sa voix s'estompe et s'arrête.

L'accusé a ajouté qu'il ne se souvient plus du nombre des coups de couteau portés, mais qu'ils étaient nombreux, il a posé le couteau sur les tiroirs, il en a ouvert un et pris de l'argent qu'il y avait dedans.., des dollars et des devises qu'il a mis dans un sac plastique noir avant de quitter le bureau de change de la porte, laissant derrière lui le couteau. L'opération a duré 2 minutes. Il s'est ensuite dirigé vers un magasin de pneus où il a pu laver ses mains du sang de la victime discrètement et à l'abri du regard du propriétaire des lieux, puis il s'est dirigé vers la place de l'étoile à pied et pris un taxi ;

Il a promis au chauffeur 30 000 livres libanaises pour le transporter à la place Charles HELOU, à proximité du port de Beyrouth pour rentrer en Syrie. Cependant, il a changé d'avis et lui a demandé de l'emmener dans un bar pour avoir une relation sexuelle. Le chauffeur l'a emmené à la station Hazmieh où il lui a présenté une personne qui assure les filles... puis il a attendu à l'extérieur.

A.F a eu, une relation sexuelle, avec deux filles, contre 170 dollars pour la première et 150 000 livres libanaises pour la deuxième. Deux heures plus tard environ, le chauffeur l'a transporté à la station Charles HELOU après avoir perçu 100 000 livres libanaises. A.F est monté dans un véhicule de marque Cadillac à destination de la Syrie. Il y avait dans ledit véhicule deux jeunes syriens à qui il a déclaré être associé dans un commerce de poulets, qu'il est venu de la Syrie pour percevoir ses bénéfices...au moment de son arrestation, il a été saisi sur lui, un sac d'argent et une montre qui lui appartient.

Attendu que l'accusé a demandé, à l'audience tenue le 30 avril 2012 devant la Cour d'assises, la désignation d'un avocat pour sa défense. Cette demande a été retenue à l'audience du 09 mai 2012 où il a été représenté par l'avocate Suzanne El-Hachem, sur réquisition faite par le bâtonnier de l'ordre des avocats de BEYROUTH. L'accusé a été interrogé lors de cette audience et a reconnu les faits qui lui sont reprochés ; il a précisé qu'il ne surveillait pas le local de la victime précisément mais il se baladait sur le boulevard en mangeant un sandwich... pour sa part, Monsieur KA. a déjà aperçu l'accusé avant de commettre le crime.

Attendu que l'accusé a déclaré qu'il n'a pas été conscient lorsqu'il a commis l'acte qui lui est reproché,qu'il ne voyait plus rien quand il a vu les sommes d'argent, puis il a ajouté qu'il est entré dans le bureau de change, une première fois avant le crime et a demandé au gérant s'il faisait le change car il comptait transférer de l'argent en Syrie, à sa perception de la somme de 100 000 livres libanaise que lui doit Abou H.

Il a ajouté qu'il est de coutume que les employés des commerces de poules portent sur eux des couteaux,que le couteau — outil du crime, lui appartient et le garde habituellement sur lui, qu'il a pris ce couteau du commerce des poulets à Manara où il a travaillé, Que lorsqu'il est entré au local de la victime, il n'a pas résisté à la vue des tiroirs d'argent, sans toutefois savoir s'il y avait de l'argent dedans ou pas, or, étant donné que c'est un bureau de change, il est prédictible à ce qu'il y ait de l'argent.

A.F a nié avoir la volonté de tuer la victime cependant, il avait besoin d'argent, il n'avait pas d'argent? et puis il ne sait pas pourquoi il a laissé le couteau sur le lieu du crime, il était stressé et ne voyait plus rien.

Attendu que lors du jugement en cassation devant la Cour :

> les héritiers du défunt Monsieur N., ont été représentés à l'audience du 18 juin 2013, par Mohamad C. et Mohamad AJ, ont maintenu leur requête:

Attendu que l'accusé a été emmené escorté et sans liens, accompagné de l'avocate Lina A., désignée par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Beyrouth, sur demande de l'accusé et sur réquisition de la Cour. Après les mises en garde, la lecture du réquisitoire et l'exposition de tous les procès-verbaux pour débat public, le représentant du ministère public a précisé les motifs de l'accusation, tout en rectifiant ses références, en indiquant les articles 639 et 640 du code pénal et au lieu de 638 et 640 du code pénal comme dit précédemment, et en lisant la liste des témoins du droit commun.

La Cour a synthétisé à l'accusé les faits criminels et chefs d'accusation qui lui sont imputés, avant de l'auditionner.

L'accusé a reconnu les faits qui lui sont reprochés, en rappelant qu'il était en état d'ébriété, qu'il n'était pas conscient de ses actes, qu'il avait bu une demi-bouteille de whisky de marque Granada.

Puis il a motivé la non-indication du fait, qu'il ait bu de l'alcool dans ses auditions précédentes, par des menaces qu'il a reçu, avant son audition par le juge d'instruction, et dont il n'ose pas parler devant la Cour d'assises.

Il a ajouté qu'il ne répétait pas souvent ses déclarations d'une audition à l'autre, parce qu'il a été battu avant sa présentation devant le juge d'instruction à Saïda, il a nié être l'auteur du vol de l'argent de la victime, qu'il ne se rappelle plus pourquoi il est allé ni à quel moment il est entré dans ledit bureau de change.

Qu'il a vu cela dans la vidéo et ne se souvient plus de ce qu'il a fait lorsqu'il a commis ce crime, qu'il n'avait pas conscience de ce qu'il a fait lorsqu'il est monté dans le véhicule de Monsieur KA, qu'il n'était pas conscient.

Ensuite, il a déclaré qu'il est irrationnel qu'une personne se dirige dans un bar après avoir commis un crime !

A la question sur le motif d'apporter un couteau de Beyrouth à Saïda, il a répondu que sur le lieu de son ancien travail se trouvaient plusieurs couteaux, qu'il en a pris un seul sans motif spécifique, qu'il n'a pas l'habitude de porter des couteaux ni des armes sur lui...

> Attendu qu'il a été décidé de ne pas auditionner les témoins, avec l'accord de toutes les parties

> Attendu qu'à l'audience, du 20 mai 2014, le requérant a été représenté par les deux avocats Mohamad J. et Ahmad S. ;

Attendu que Maître J. a demandé la condamnation de l'accusé des faits qui lui sont reprochés, de le condamner de payer dix millions de dollars américains à titre d'indemnité du préjudice et de dédommagement. Pour sa part, Maître S. a affirmé que les éléments de l'homicide volontaire sont réunis,

Attendu que l'accusé a dû patienter 10 heures en surveillant le local de la victime jusqu'à son assurance de l'absence des passants du boulevard et des clients du bureau, avant d'entrer au local et commettre son crime en quelques minutes ; qu'il a poignardé la victime, à 11 reprises jusqu'à la mort ; qu'il lui a volé de l'argent qui se trouvait dans le tiroir et est sorti comme si rien ne s'était passé.

Attendu qu'il a pris un taxi et a demandé au chauffeur de l'emmener à la station Charles HELOU pour voyager en Syrie, qu'il a changé d'avis sur le chemin et a demandé au chauffeur de lui indiquer des lieux de bordel ; le chauffeur l'a emmené à Hazmieh où il a dû se déplacer d'un cabaret à l'autre avant de donner au chauffeur 100 000 livres libanaises au lieu de la somme convenue de 30 000 livres libanaises.

Après quoi, le chauffeur l'a emmené à la station Charles HELOU où il est monté dans un véhicule à destination de la Syrie. Cependant, la volonté de Dieu a décidé à ce qu'il soit arrêté sur la route.

Attendu que ce crime a suscité un émoi considérable parmi la population de Saïda en raison de la nature abominable du crime sans motif, qui confirme la présence des éléments requis par l'article 549 du code pénal, conformément auquel l'accusé devrait être jugé. Pour sa part, Maître S. a maintenu les demandes de Maître J. en matière du droit personnel.

Attendu que les deux Maîtres J. et S. ont déposé un mémoire solidaire par écrit, à titre de défense orale (plaidoirie), sollicitant le rejet des demandes de l'accusé ; sa condamnation à la peine de mort, pour motif de l'absence d'empêchement à cette peine dans le code pénal libanais et dans les obligations internationales du Liban ; sa condamnation à payer 10 millions de dollars américains à titre d'indemnité du préjudice et de dédommagement.

Attendu que, le représentant du ministère public a exposé son réquisitoire et relaté les faits de l'affaire, qu'il a fait observer que, l'accusé travaillait en tant que boucher, qu'il est venu à proximité du lieu de la victime, qu'il la surveillait jusqu'à ce que l'occasion lui soit présentée, qu'il est entré au local sous prétexte de faire le change de devises, qu'il a asséné un premier coup de couteau à la victime, dans la nuque, puis 3 autres coups dans la poitrine, suivis de plusieurs coups dans plusieurs parties de son corps, au total 11 coups de couteau ; qu'il a ouvert le tiroir et pris l'argent qui s'y trouvait, qu'il en a dépensé une partie pour ses plaisirs, que la présence d'une caméra dans le local l'a démasqué ; que suite à son arrestation, il a avoué son crime pendant l'enquête ; que l'accusé explique son acte, devant la présente Cour, par la consommation de l'alcool, qu'il se trouvait en état d'ébriété.

Cependant, cela n'empêche pas l'application de la loi libanaise, notamment que la consommation de l'alcool a été volontaire ;

Le ministère public a conclu par demander l'application de la loi et la condamnation de L'accusé pour crime d'homicide, conformément à l'article 549 du code pénal, et po ite,,dgf onformément à l'article 638 du code pénal, et au délit, pour port d'arme illégal, conformément à l'article 73.

Pour sa part, le ministère public a abordé la sanction de la peine de mort et a observé que certaines sociétés la considèrent comme nécessaires pour éviter des réactions de vengeance de la part de la famille de la victime. Cependant l'application de la sanction au Liban est une décision politique, aux mains du pouvoir exécutif, alors que le rôle du juge se limite dans son jugement à appliquer de la loi, sur quoi porte notre réquisition devant la présente Cour. L'accusé a été emmené sous escorte et sans liens ; il a été assisté de ses avocats Lina A. et Ziad A. et le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, Maître Pierre-Olivier Sur et Maître Clémence Witt ;

Maître A. a plaidé, en exposant l'état familial de l'accusé, qu'il est venu au Liban plus d'une fois, en quête de travail, que le jour du crime il se trouvait sans emploi, vagabond depuis 3 jours, qu'il a échoué à obtenir ses 100 000 livres libanaises que lui doit son ancien employeur, qu'il est parti se balader à Saïda, après avoir acheté une bouteille d'alcool, est arrivé devant le bureau de change de la victime, et la suite est arrivée ; que les caméras de surveillance ont filmé ce qu'il a fait.

Maître A. a exposé, le témoignage du chauffeur Monsieur KA. jusqu'à l'arrestation de l'accusé, puis elle a fait remarquer que les photos prises ont été diffusées sur internet, ce qui est contraire à la loi et à la discrétion de l'enquête,

Que l'accusé a subi la torture pendant l'enquête ; que la décision d'accusation a été adoptée à l'issue de 3 semaines, avant que l'accusé ne soit renvoyé devant la Cour d'assises, qu'il est resté jusqu'au 9 août 2012 sans bénéficier d'assistance juridictionnelle, date à laquelle un avocat s'est présenté pour le défendre ; que la Cour d'assises a arrêté sa décision à l'issue de deux mois seulement, du début du jugement, en condamnant l'accusé à la peine de mort.

L'avocate A. a confirmé que l'accusé n'a pas d'antécédents criminels, qu'il est actuellement de bonnes moeurs et exerce le métier de menuisier à la maison d'arrêt, sous la supervision des responsables pentières, qu'il ne souffre d'aucune pathologie, et a indiqué que l'expert a constaté la présence des symptômes de stresse post-traumatiques, avec un sentiment profond de culpabilité.

L'avocat Ziad A. a plaidé en insistant sur les circonstances socioéconomiques de l'accusé, qu'il est jeune et ait vécu une enfance difficile à cause du tempérament de son père qui exerçait le métier de forgeron, que ce dernier a forcé son fils à travailler à l'âge de 10 ans, que l'accusé a exercé plusieurs métiers avant de devenir boucher de la volaille ;

Ces circonstances sévères l'ont conduit à Saïda, 3 jours avant le crime, où il a habité dans un bâtiment abandonné, qu'il cherchait du travail, qu'il avait consommé, le jour du crime, de l'alcool et par voie de conséquence, a commis l'interdit.

Cependant, rien dans les faits ne confirme la réunion de l'élément psychologique volontaire, à savoir la sérénité, l'esprit zen, la préméditation, et la préparation des outils d'exécution au préalable ; que les circonstances d'avant, pendant et après le crime écartent la volonté de tuer. D'autre part, l'absence de tout lien ou haine entre l'accusé et la victime,

L'idée du vol ne traduit pas nécessairement la volonté de tuer. D'ailleurs, l'accusé n'a pas fait attention à la présence des caméras de surveillance dans le local et n'a pas planifié sa fuite après le crime, quant au couteau c'est un outil de travail, et il l'a toujours porté sur lui.

La multiplication des coups de couteaux et le fait d'avoir laissé le couteau sur le lieu du crime, confirment l'état de stress et de frustration de l'accusé, que rien dans les faits ne confirme que l'accusé a prémédité son acte sur le lieu de la victime.

Le déroulement des faits après le crime est la preuve de l'absence de préméditation... d'autant plus qu'il n'y a pas de décalage temporel entre la préparation, la planification et l'exécution ce qui annule l'homicide volontaire.

Maître A. a demandé l'écartement de l'article 549 du code pénal et d'accorder à l'accusé le bénéfice des circonstances atténuantes,

Maîtres A&A ont présenté, un mémoire écrit à titre de plaidoirie, émargé par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, et reprenant les deux plaidoiries précédentes relatives aux motifs et réquisitions,

Les deux avocats insistait dans leur mémoire sur l'illégalité de la peine de mort, à la lumière des obligations internationales du Liban, qui prévalent le droit national, notamment l'introduction de la déclaration universelle des Droits de l'Homme déclarant le droit à la vie et l'égalité entre les humains,

D'autre part, la peine de mort est une sentence inhumaine et dégradante, que la condamnation d'un étranger à cette peine est une violation de la convention de Vienne relative aux relations consulaires du 24 avril 1964, ratifiée par le Liban, le 20 mars 1975,

Que la peine de mort est sans effet sur le taux de criminalité et non persuasive.

Il a été joint au mémoire le témoignage du chef de la prison Roumieh certifiant de la bonne conduite de l'accusé et un rapport psychologique établi par la psychiatre Johanna I.

Attendu que le mémoire et ses pièces jointes ont été mis en débat public, que les avocats requérants ont renoncé au droit de débattre des pièces fournies, que le ministère public, a laissé cela à l'appréciation de la Cour.

Attendu que, pour des fins d'arabisation de la plaidoirie du bâtonnier de l'ordre des avocats français, Maître SUR, la traductrice assermentée Samia Sami B, s'est présentée et a prêté serment conformément à l'article 34 du code la procédure judiciaire ;

Le bâtonnier a plaidé en insistant sur l'illégalité de la peine de mort notamment au regard de la déclaration universelle des droits de l'Homme ratifiée et inscrite à l'introduction de la Constitution libanaise conformément à l'article II, Alinéa ter du code la procédure civile.

Par conséquent, il est requis de considérer, l'introduction de la Constitution libanaise, prévalent la loi ordinaire, d'autant plus que la convention de Vienne de l'année 1963, n'a pas été respectée lors de l'enquête, puisque l'accusé n'a pas bénéficié de la protection consulaire,

D'autre part, le Tribunal Spécial pour le Liban, créée pour juger les assassins du président HARIRI, a exclu la peine de mort des sentences applicables, nonobstant l'importance du crime d'homicide commis...

Maître SUR a observé que l'accusé n'a pas bénéficié de l'assistance d'un avocat pendant l'enquête préliminaire et primaire, en violation des dispositions des jugements correctionnels, qu'il n'a pas bénéficié de ce droit non plus, durant une partie du jugement aux assises, ce qui consiste une violation des droits de la défense, et par conséquent, requiert la non-application de la peine de mort. Il a poursuivi en plaidant, la non-réunion des conditions d'homicide volontaire. Il s'est appuyé dans ce point sur les motifs fournis par les avocats de la défense, Maîtres A., et a demandé la non application de la peine de mort et a fourni un mémoire en langue française à titre de plaidoirie.

La parole a été donnée à l'accusé en dernier. L'accusé a demandé le pardon à la famille de la victime et a demandé la pitié et la clémence.

Attendu que le requérant Monsieur MN., fils de la victime, présent dans la salle de la Cour, a demandé la parole a dit :

Concernant le vol, on peut récupérer l'argent volé, mais il s'agit d'un meurtre, comment ressusciter la victime ! Puis il a considéré la peine de mort comme sentence réservée à une catégorie de gens qui ont besoin d'un châtiment sévère, que si la peine de mort était vraiment appliquée, le criminel n'aurait jamais pu commettre un tel crime, qu'il aurait dû réfléchir profondément avant de le commettre, que la nature de la société libanaise, la propagation des vagues de crimes de toute sortes, requiert la nécessité de réprimer les criminels de sentences les plus élevés.

Attendu que le bâtonnier SUR a répondu qu'il comprend la position de la victime, que le juge devrait surpasser l'intérêt privé pour s'élever à l'intérêt public et aux valeurs humanistes qui considèrent désormais, la peine de mort, comme une sentence primitive.

Pour sa part, l'accusé a réitéré ses excuses à la partie requérante et a demandé la pitié et la clémence.

Ces faits ont été appuyés par :

L'accusation, l'aveu de l'accusé et l'indication de l'intégralité de ses déclarations, les enquêtes préliminaires notamment, le rapport de l'office des accidents de Saïda en date du 28 février 2012, le procès-verbal de la police militaire à la date précise, le procès-verbal du commissariat du vieux Saïda n°302/578 à la date précitée, le rapport du médecin légiste, la saisie du couteau, outil du crime, une partie des fonds volés sus-indiqués, et l'intégralité de l'enquête.

Conformément à la loi :

Attendu qu'il résulte de l'intégralité des faits, exposés précédemment, que l'accusé Monsieur A.F. est entré, le 28 février 2012 après minuit, au bureau de change de la victime à Saïda — Douar Elie, en vue de commettre un vol,

Attendu que pour préparer son vol, il a déclaré au gérant vouloir transférer de l'argent à son pays — la Syrie, avant de lui asséner, soudainement, 11 coups moyennant un couteau de cuisine, aiguisée, qu'il cachait sous ses vêtements, selon ce qu'est décrit dans le chapitre des faits et dans le rapport du médecin légiste précité ;

Attendu qu'il a procédé, après s'être assuré de sa mort, au vol de l'argent, retrouvé ultérieurement sur lui, qu'il est sorti du local et s'est lavé les mains, du sang de la victime, dans un magasin de pneus,

Attendu qu'il s'est dirigé, à pieds, vers la place de l'étoile à Saïda, où il a pris un taxi à destination de Beyrouth, afin de rentrer en Syrie,

Attendu qu'il a demandé, pendant qu'il était sur le chemin, au chauffeur de l'emmener dans un lieu où il y aurait des filles de joie,

Attendu que le chauffeur l'a emmené dans un lieu de nuit à Hazmieh où il a eu des relations sexuelles avec deux filles pendant 2 heures avant de ressortir et partir à la station Charles HELOU à destination de la Syrie... comme si rien ne s'était passé, alors que le sang de la victime n'était pas encore sec.

Attendu que si la Cour admet par supposition, la non-réunion des conditions matérielles et psychologies d'homicide volontaire, alors qu'il en demeure néanmoins des doutes quant à leur réunion, il est tout de même certain que l'accusé a tué la victime dans le but de lui voler son argent. Cet acte est sanctionné par l'énoncé de l'alinéa 2 de l'article 549 du code pénal, et par conséquent il faut le condamner à ce titre.

Attendu que l'accusé transportait sur lui un couteau aiguisé, que ses déclarations sur son origine et les circonstances de son port ont été multiples selon le chapitre des faits, que ce couteau était prédisposé pour commettre un crime conformément à l'article 73 du code des armes et des munitions,

Par conséquent, il est requis la condamnation de l'accusé pour le délit susmentionné,

Attendu que le vol concerne l'argent d'un bureau de change, que ce crime est sanctionné par le texte de l'alinéa 2 de l'article 638 du code pénal et non pas le texte de l'article 639 qui porte sur la non réunion de ses conditions.

Attendu que l'énoncé de l'article 640 du code pénal, préconise des circonstances aggravantes du crime aux assises, énoncé par l'article 639 du code pénal, et par conséquent il faut écarter de jumeler son application avec l'article 638 du code pénal, et écarter ses dispositions.

Attendu que les deux crimes et le délit susmentionnés constituent un ensemble matériel, que la Cour est en mesure d'apprécier le choix de sentence, selon l'article 205 du code pénal, en optant pour la sentence la plus sévère qui peut être infligée à l'accusé ;

Attendu que, malgré les reproches qui ont été formulés à l'égard des allégations de la défense, relatives à l'enquête préliminaire, primaire et sur le bénéfice de l'accusé de la protection consulaire, pour la simple raison qu'il est de nationalité syrienne,

Attendu qu'il est de fait que ses droits lui ont été lus, conformément à l'enquête préliminaire, lorsqu'il a demandé d'être assisté par un avocat ce qui est acte dans le procès-verbal établi à son audition devant le premier juge d'instruction dans le sud.

Ce procès-verbal est un document officiel nonobstant l'allégation faite par la défense, qualifiant ce document de faux, d'autant plus que, cette présence d'avocat n'est pas légale car la loi libanaise n'autorise pas la présence d'avocat pendant l'enquête préliminaire, devant l'officier judicaire

Attendu que l'adoption de la décision d'accusation a été faite alors qu'aucun recours n'a été formulé contre cette accusation, ce qui exempte ce dossier et toute insuffisance ayant tachée des enquêtes précédentes,

Attendu que l'intégralité des procédures et indices qui chargent l'accusé font l'objet d'investigation et de débat public devant le tribunal de base qui recadre et sélectionne ce qui va avec ses convictions, conformément au principe de la liberté de la preuve dans le champ pénal en vigueur dans le code libanais.

Attendu que, les principes du contradictoire, de la plaidoirie et de publicité courant le jugement vont permettre à l'accusé de débattre et écarter tout fait ou indice qu'il souhaite.

Attendu que la Cour d'assises n'a commencé effectivement qu'après la désignation d'un avocat pour défendre l'accusé, conformément à sa demande,

Par conséquent, il est requis de rejeter ce qui a été dit et attrait à l'illégalité des enquêtes et procédures, pour motif de non fondement et d'illégalité,

Attendu que, si on admet par supposition, l'allégation de l'accusé ou de la défense, portant sur la consommation de l'alcool, avant le crime, nonobstant que la véracité de ce fait est tachée de doutes, notamment par ce que l'accusé n'a pas fait part de ce fait auparavant, qu'il ne l'a fait qu'une fois devant cour d'assises,

Il en demeure néanmoins que l'énoncé de l'article 235 du code pénal stipule que : l'empoisonnement à l'alcool n'exempte pas son auteur de la responsabilité pénale sauf si la consommation de l'alcool a été faite, involontairement ou pour un motif d'urgence ou sans la préméditation de commettre le crime, ou si cette consommation a causé la perte totale de conscience et privé son auteur de la volonté complète, Le cas échéant ne s'applique dans la présente affaire, en raison de la précision et la rapidité de l'exécution du crime, que l'accusé jouissait bien, lors de son acte criminel, de toute sa conscience et capacité requise.

Cependant, la consommation d'alcool après le crime afin de renforcer la confiance en soi est une circonstance aggravante selon le dernier alinéa de l'article 235 du code pénal,

Par conséquent, il est requis de rejeter les allégations de la défense sur ce point.

Attendu que, la demande d'écarter la peine de mort, a été formulée pour motif du bénéfice de l'accusé des circonstances atténuantes, au regard des preuves et motifs susmentionnés, il s'impose par conséquent, d'exposer les faits suivants :

> Les objectifs de la peine de mort peuvent être résumés en trois points :

1/ Une Sentence qui empêche la récidive du crime par le criminel ; répressive contre des tiers personnes qui tentent d'imiter ce criminel. Cette catégorie de personnes peut être encouragée par la prononciation de sanction atténuante contre le criminel, notamment pour tout ce qui est crimes graves et en premier lieu l'assassinat, car toute personne a le droit à la vie.

2/ Le criminel règle son dû à la victime et à la société en général, notamment lorsqu'il s'agit d'une violation des valeurs morales et sociales en quelles croit la société, et porte atteinte à l'ordre public, à la sécurité, à la sérénité des personnes et à leur besoin à la stabilité et à la vie calme, sans crainte de faire l'objet d'une agression visant leur vie, leurs biens ou leurs droits fondamentaux.

3/ La réhabilitation du criminel par l'exécution de la peine, afin qu'il redevienne un bon individu pour la société.

'> Attendu que le législateur libanais a concédé au juge pénal un pouvoir discrétionnaire étendu dans la détermination des sanctions pénales quantitativement et qualitativement', dans la limite de la légalité de la sentence, qu'elle soit entre sa limite maximale et minimale lorsque la peine est provisoire, et par le bénéfice des circonstances atténuantes estimatives dans la limite de l'article 253 et suivant du code pénal.

> Attendu que, l'abstention d'octroyer à l'accusé, le bénéfice des circonstances atténuantes, en prononçant la peine de mort, qui est une sentence maximale qui supprime l'accusé condamné de l'existence, démontre implicitement que, la Cour a abouti au fait que le criminel est profondément dans le crime au point qu'il n'y a aucun espoir de le réhabiliter comme bon citoyen, que son existence consiste un danger réel et permanent pour la société, pour ses valeurs, ses individus et ses intérêts,

Qu'il n'y a pas de sanction autre qui puisse réaliser la justice, aucune sentence suffisante au regard de son crime, de ses circonstances et des conséquences qui en découlent.

> Attendu que les éléments fondamentaux que, le juge doit prendre en compte habituellement, afin de déterminer la sanction, dans le cadre laissé au pouvoir discrétionnaire, se résument dans les points suivants:

  • La gravité matérielle du crime qui résulte de la mesure du dommage infligé à la victime, à ses proches et à ses biens.
  • L'importance du droit ayant fait l'objet de l'agression, et dans ce cas le droit à la vie est considéré comme le droit le plus précieux et devance le droit à la propriété,

Par conséquent, l'homicide consiste le crime le plus grave et requiert un traitement ferme avec son auteur ou toute personne ayant participé à ce crime, notamment lorsque l'état traverse une phase d'insécurité, où les crimes se multiplient notamment ceux qui ciblent la vie des personnes, leur intégrité physique et leur liberté, que la réaction officielle se caractérisait généralement par la faiblesse et l'insuffisance.„ voir l'abdication et la négligence.

  • La gravité de l'acte d'agression, à la lumière des circonstances du crime, la dangerosité des outils, des instruments utilisés et le mode opérationnel. Ces derniers révèlent la dangerosité du criminel, sa cruauté, son non-respect des valeurs et principes religieux, moraux, sociaux et humaines, sa négligence du droit commun et de toutes les conventions internationales ou déclarations des droits de l'Homme de toute nature et de toute importance.
  • La dangerosité de certaines catégories de criminels telles que : le criminel d'habitude, le criminel récidiviste ou le criminel qui tue pour des motifs matériels négligeables en espérant un gain matériel. Ce type de criminels mérite une sanction punitive et répressive, par l'adoption d'une sentence sévère.
  • Les relations privées et familiales et les liens de parenté entre le criminel et la victime : une relation de parenté ou relation de travail (employeur/employé) qui peuvent consister des circonstances aggravantes (conformément aux articles 548 et 549 du code pénal pour les crimes d'homicide volontaire.).
  • Le degré de faute commise par la victime et sa contribution à l'arrivée du crime.
  • La probabilité des sanctions et ses multiples impactes sur le condamné et l'importance de sa recevabilité de la peine, en plus des circonstances personnels du point de vue l'âge, le sexe, l'état de santé ou mental, la profession et l'environnement.

Attendu que, nous relevons des faits criminels exposés précédemment,

- l'absence de toute faute de la victime, de l'inexistence d'aucun lien de parenté entre ce dernier et l'accusé,
- la cruauté démontrée par l'accusé dans son crime, de son mode opératoire, de sa négligence du droit à la vie des autres, de sa négligence de la vie de la victime et de l'émoi du crime sur les proches de la victime, qu'il s'est lavé les mains du sang de la victime, après avoir commis son crime, qu'il n'a eu à l'esprit que de fuir
- le fait qu'il a assouvi ses plaisirs sexuels en ayant une relation sexuelle pendant deux heures avec deux filles de joie... comme si rien ne s'était passé, ce qui montre la dangerosité de l'accusé et sa diminution de tout sentiment humain ; la Cour ne peut motiver ces actes, par des circonstances familiales, matériels et professionnels de l'accusé, car nonobstant que ses circonstances soient mauvaises, misérables et déprimantes, ils ne peuvent lui accorder le bénéfice des circonstances atténuantes ;

Par conséquent, logiquement, moralement et factuellement, il n'existe aucun motif à ce crime abominable.

Attendu que la question, objet de cette étude, porte non pas sur la peine de mort qui est au sommet des sanctions criminelles, selon l'article 37 du code pénal, mais plutôt sur la possibilité que la Cour retrouve ce qui motive d'accorder à l'accusé des circonstances atténuantes pour un crime horrible et abominable ayant eu un impact profond sur la société ;

Comment accorder à l'accusé le bénéfice des circonstances atténuantes face aux proches de la victime et la société, en l'absence d'éléments dans le dossier qui motivent cette faveur à un criminel meurtrier qui a égorgé sa victime pour des motifs matériels égoïstes, qu'il s'est précipité à avoir une relation sexuelle et dépenser l'argent volé sur ses plaisirs.

Attendu que, les gens qui vivent en sécurité, vaquent à leur travail et à leur vie ordinaire, dans le cadre des valeurs et principes humaines, religieux et moraux, sont prioritaires au bénéfice de la protection et des garanties stipulées par le droit naturel et les lois et conventions internationales et constitutionnels.

Attendu que, à la lumière que ce qui a été annoncé précédemment, concernant l'appréciation de la Cour de certaines preuves et prétextes versés par la défense, visant à 'accorder à l'accusé, le bénéfice des circonstances atténuantes,

La Cour ne retrouve pas, parmi les données de la requête, ce qui autorise cela, par conséquent la cour rejette cette demande.

Attendu que, le droit personnel à la lumière des données du dossier et conformément au droit d'appréciation de la Cour stipulé dans les obligations des articles 132 et 134 du code pénal,

La Cour fixe l'indemnité du préjudice requis par la défense à la suite de l'homicide de son héritier au montant de 5 millions livres libanaises, répartis entre les requérants à parts égales.


POUR CES MOTIFS

LA COUR DECIDE A LA MAJORITE :

1. La criminalisation de l'accusé , dont l'identité est ci-dessus indiquée, du crime stipulé dans l'énoncé de l'article 549 alinéa 2 du code pénal, et le CONDAMNE A LA PEINE DE MORT.
2. La criminalisation de l'accusé du crime sanctionné par l'énoncé de l'Alinéa 2 de l'article 638 du code pénal et le CONDAMNE A 10 ANS DE TRAVAUX FORCES,
3. La condamnation, de l'accusé, à 6 MOIS DE PRISON FERME, pour avoir commis UN DELIT, sanctionné par l'article 73 relatif au port illégal d'arme,
4. La Cour adopte, L'EXECUTION DE LA PREMIERE PEINE, pour motif qu'elle est la plus sévère.
5. La PRIVATION de l'accusé de ses DROITS CIVIQUES stipulés dans l'article 49 du code pénal.
6. La CONFISCATION DU COUTEAU, outil du crime
7. Contraindre l'accusé, à payer aux requérants, LA SOMME DE 5 MILLIONS DE LIVRES LIBANAISES ; à titre d'indemnité du préjudice et dédommagement, à répartir entre eux à parts égales
8. REJETER TOUTE DEMANDE SUPPLEMENTAIRE OU SURPLUS
9. CONDAMNER L'ACCUSE AUX DEPENS JUDICAIRES

En foi de quoi, le présent arrêt est arrêté, publiquement, le ter juillet 2014, en présence du représentant du ministère public, à la Cour de cassation, le magistrat Imad Q.


OPINION DISSIDENTE

Attendu que je ne partage pas l'avis de la majorité quant au résultat ayant abouti à la condamnation de l'accusé A.F., à la peine de mort, et ce pour les motifs suivants :

- Attendu que l'introduction de la Constitution libanaise stipule que, le Liban est engagé par les chartes de l'organisation des nations unies, notamment celle relative à la Déclaration universelle des droits de l'Homme ; Que l'Etat libanais s'engage à concrétiser ses principes en matière de droits dans tous les domaines, alors que l'application de la sentence de la peine de mort qui consiste à la suppression de l'auteur du crime de l'existence est contraire au principe même de cette déclaration qui affirme dans son article III « le Droit de chaque individu à la vie »,

Par conséquent, la peine de mort est contraire à la Constitution libanaise.

Attendu que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté en 1966, ratifié par le Liban comporte dans son article 6 ce qui suit : « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine »,

Attendu que la loi doit protéger ce droit, qu'il ne convient pas de priver, abusivement, qui que ce soit de la vie. Il est certes indiqué dans l'alinéa du même article qu'il est possible que la condamnation à la peine de mort soit appliquée dans les pays où cette peine n'a pas été annulée pour les crimes les plus élevés.

Attendu que la Charte arabe nouvelle des droits de l'homme, adoptée le 23 mai 2004, ratifiée par le Liban le 05 septembre 2008 stipule, dans son article V, que le droit à la vie appartient à toute personne ; Que cette charte stipule dans son article VI, que la loi doit protéger ce droit, qu'il ne faut pas priver une personne de la vie de façon abusive ; Qu'il ne faut pas juger de la sentence de peine de mort que dans les crimes les plus dangereux, conformément aux législations en vigueur au moment du crime, et après un jugement définitif, arrêté par une cour spécialisée, que le condamné est en droit de demander le pardon et le remplacement de cette peine de mort par une sentence plus légère.

Attendu que, conformément aux textes des conventions susmentionnées ratifiées par l'Etat libanais, la condamnation à la sentence de peine de mort est une condamnation exceptionnelle, car elle est contraire au droit à la vie, stipulé dans la Constitution libanaise, et requiert par conséquent, à ce qu'elle soit restreinte aux crimes les plus graves,

Par conséquent, il est requis une interprétation du texte de l'article 549 du code pénal, à la lumière des textes des conventions susmentionnées qui prédominent l'ordre pyramidal des lois ordinaires,

Attendu qu'il faut vérifier la réunion de l'élément de la dangerosité criminelle chez le meurtrier avant de le condamner à la peine de mort, de l'importance du crime pour lequel il est poursuivi, ce qui requiert des appuis de l'ensemble des circonstances et données relatives à chaque affaire.

Attendu que, vu les faits de la requête actuelle, je considère,contrairement à la majorité de cette cour, l'obligation de concéder à l'accusé, les circonstances atténuantes, conformément aux données légales et factuelles suivantes:

1. La non réunion de l'élément de préméditation dans l'acte de l'accusé susmentionné. L'intention s'enracine dans l'idée de vouloir donner la mort dans l'esprit de son auteur, en toute sérénité et calme, et ce après avoir préparé les outils et les moyens pour commettre son crime, alors qu'il s'avère des pièces du dossier que l'idée du meurtre n'est pas née chez l'accusé depuis un moment suffisant pour qu'elle soit considérée comme une préméditation sur le lieu de la victime, en vue de préparer son crime.

Il est certain qu'il n'a pas planifié son crime, avec conscience et sérénité, qu'il a commis son crime, sous pression instinctive de survie suite à l'interruption de son travail, (son moyen de subsistance), son vagabondage, son besoin important d'argent.

Cela explique aussi le fait qu'il n'a pas préparé au préalable un crime, qu'il a utilisé un couteau dont il a pris l'habitude de se servir en coupant les poules, qu'il n'a pas fait attention aux indices qu'il pourrait laisser sur la scène du crime ni aux caméras.

2. Le jeune âge de l'accusé au moment du crime. Attendu que son âge n'a pas dépassé les 22 années, qu'il n'a pas d'antécédents judicaires ni d'autres actes qui montrent son habitude à commettre des crimes.
Son aveu clair dès son interpellation ; sa rédemption, son sentiment de culpabilité et son bon comportement en prison, ce qui le rends favorable au redressement,
Son statut social qui résulte de son vagabondage et la rupture des moyens de subsistance, lors du crime.

Attendu que, la sentence de la peine de mort, ne peut être imposée, pour motif de vouloir venger la victime, car la cruauté du crime, ayant donné la mort à la victime - le défunt Monsieur N., requiert une prise en considération, des droits de sa famille, de leurs sentiments, leur droit de demander l'application de la peine la plus élevée sur l'accusé. Cependant, cela ne doit pas empêcher le droit d'appréciation du juge, et son devoir de chercher la sentence la plus adéquate à la situation de l'état psychologique, mental et social de l'accusé, suivant le degré de sa dangerosité sur la société et l'importance du crime.

L'application de la sentence ne vise pas seulement d'assoir la justice et l'indemnisation matérielle et morale des proches de la victime, mais elle vise aussi l'exécution d'une politique pénale, dont l'objectif la protection de la société et les droits des proches de la victime et la réhabilitation du criminel conforment aux conventions internationales susmentionnées et acceptées par le Liban.

Par conséquent, l'article 549 du code pénal doit être interprété à la lumière des textes de ces conventions.

Le criminel reste avant tout « un être humain », il a le droit à la dignité inhérente à la personne humaine.

POUR CES MOTIFS

J'ai un avis contraire, à celui de la majorité, car dans cette requête, je trouve des circonstances suffisantes pour justifier l'octroi à l'accusé, le bénéfice des circonstances atténuantes, conformément à l'article 253 du code pénal, comme indiqué ci-dessus, et j'estime la nécessité de remplacer la sanction de la peine de mort par les travaux forcés à perpétuité.

Fait le 1er juillet 2014, par L'assesseur, Ghada A.