Licenciement économique individuel : à quand le bons sens (fr) (uk)

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Auteur : Alain-Christian Monkam,
Avocat au barreau de Paris
Publié le 6 mai 2014 dans la revue Jurisprudence Sociale Lamy n°365
Blog de droit du travail anglais (Blog de Monkam Solicitors)


Mots clefs : Droit social, droit du travail, licenciement économique individuel, entreprise, employeur, suppression de poste, "redundancy"


Selon une enquête-statistique de la DARES (Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques) de février 2014, il y a eu 153 000 licenciements pour motif économique sur l’année 2012 en France, ce qui a représenté 2,6 % des entrées cumulées à Pôle emploi. Ce taux de licenciements économiques est demeuré stable avec les années car, selon une autre enquête de la DARES de janvier 2014, il a été enregistré au mois de décembre 2013 dernier, 12 700 licenciements pour motif économique sur 471 600 ruptures de contrat de travail, ce qui donne un taux de 2,7 %.
On observe également que les licenciements pour motifs personnels sont quatre fois plus nombreux car ils représentent 8,4 % des départs des entreprises (les ruptures conventionnelles étant autour de 11 %). En d’autres termes, en période de crise économique prolongée, de fortes difficultés financières des entreprises voire de faillites en cascades, les entreprises françaises se détournent paradoxalement de la procédure de licenciement pour motif économique qui est pourtant censée les assister.


Si la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a réformé les licenciements collectifs pour motif économique, elle a malheureusement laissé de côté les procédures individuelles qui en auraient bien besoin. En effet, le licenciement individuel pour motif économique devrait être l’outil de référence permettant aux entreprises, surtout aux TPE, de traverser les périodes de difficultés économiques. Sans abuser de chiffres, il convient de rappeler que, toujours selon la DARES, 20 % des salariés du secteur concurrentiel (c’est-à-dire 3 millions de personnes) sont employés par 1 million d’entreprises ayant un effectif compris entre 1 et 9 salariés. C’est donc là que se situent les gisements de croissance ; c’est également là que devraient se trouver les gisements de flexibilité en matière de licenciement pour motif économique puisque ces TPE sont plus exposées que les grandes entreprises aux rigueurs de la crise. À cet égard, alors que la France persiste à vouloir conserver une grande rigidité depuis une vingtaine d’années en la matière, le Royaume-Uni (dont les prévisions de croissance économique sont de 2,9 % pour cette année 2014 en tête de l’Union européenne) a adopté un droit du licenciement économique individuel très souple qui favorise à terme les embauches. C’est ainsi que pour chacun des pays, nous examinerons ci-après l’état du droit concernant le motif économique ainsi que les règles relatives à la procédure individuelle de licenciement avant de conclure par une perspective.

• Le motif économique

En France

Le motif économique du licenciement est principalement encadré en France par deux textes : l’article L. 1233-3 du Code du travail d’une part, l’article L. 1233-4 du même Code, d’autre part. L’article L. 1233-3 du Code du travail apporte la définition stricto sensu du motif économique du licenciement qui apparaît comme « le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques [...] ». L’article L. 1233-4 du Code du travail a apporté à la validité du licenciement économique l’exigence de l’obligation préalable de reclassement et des efforts de formation puisqu’il énonce que « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ».

Ces textes s’appliquent aveuglément quelque soit la taille de l’entreprise, qu’il s’agisse d’une boucherie de 2 personnes ou d’une multinationale de 10 000 salariés. Ces textes s’appliquent également quelque soit le projet de l’employeur puisqu’il concerne tant le licenciement économique individuel, objet de la présente étude, que le licenciement collectif portant sur 3500 salariés (avec des obligations complémentaires en cas de licenciement collectif). Par ailleurs, la jurisprudence n’a cessé depuis 25 ans d’interpréter ces textes dans un sens très restrictif en y mettant beaucoup de zèle, qu’il s’agisse par exemple du niveau d’appréciation des difficultés économiques qui peut passer de l’entreprise au secteur d’activités du groupe (de l’arrêt « Vidéocolor » du 5 avril 1995 à l’arrêt « Hutchinson » du 26 juin 2012), de l’étendue et des modalités de l’obligation de reclassement qui peut aller jusqu’à des recherches en dehors du territoire national pour les groupes de sociétés ou de l’extension de la notion d’employeur et le recours au co-emploi (Cass. soc., 18 janv. 2011, JSL n° 294 ; Cass. soc., 12 sept. 2012, n° 11-12.343).

Il serait vain de tenter de dresser un tableau exhaustif de ce que les tribunaux français acceptent comme pouvant constituer ou non un motif économique de licenciement car le lecteur pourrait s’y perdre : si des difficultés financières réelles et persistantes peuvent caractériser les difficultés économiques (Cass. soc., 24 avr. 1990, n° 88-43.744 ; Cass. soc., 1er févr. 2011, n° 09-68.039), le simple souci de réaliser des économies ne l’est pas (Cass. soc., 22 oct. 1991, n° 90-41.680), ni la volonté de réduire des frais fixes sur un site de travail (Cass. soc., 12 juin 2001, n° 99-41.571), ni le seul but d’économiser le salaire afférent au poste considéré(Cass. soc., 30 sept. 2003, n° 01-42.945), ni en soi la seule perte d’un marché (Cass. soc., 8 juin 2005, n° 03-41.410). De même, si l’informatisation d’une entreprise peut constituer une mutation technologique justifiant une suppression de poste (Cass. soc., 30 juin 1992, n° 91-4.823), le simple changement du logiciel ne l’est pas (Cass. soc., 13 mai 2003, n° 00-46.76).

Autres exemples, si la Cour de cassation rappelle volontiers que la sauvegarde de la compétitivité peut justifier le licenciement économique (Cass. soc., 20 mars 2007, n° 05-40.629), elle note parallèlement que tel n’est pas le cas quand la fermeture d’un site entraîne des licenciements alors que le secteur d’activités du groupe est particulièrement rentable (http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000025437766&fastReqId=1113455612&fastPos=1Cass. soc., 28 févr. 2012, n° 10-21.050]).

Si d’aventure l’employeur parvient à justifier d’un motif économique, le licenciement peut néanmoins être invalidé s’il apparait qu’il n’a pas « proposé au salarié concerné un ou des emplois disponibles de même catégorie, ou à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification substantielle des contrats de travail ». Il sera ici juste de rappeler qu’en principe, l’obligation de reclassement « doit s’apprécier à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités ou l’organisation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel » (Cass soc., 13 déc. 2011, n° 10-21.745).

À l’instar de nombreux chefs d’entreprise et de TPE, la lecture rapide du tableau de jurisprudence ci-dessus permet de se demander si le licenciement pour motif économique, en particulier le licenciement individuel, est possible en France. Bien entendu, le juge français est souvent doté de bon sens dans l’application de la jurisprudence, mais ne faudrait-il pas discriminer dans la loi entre le motif économique en cas de licenciement individuel et le motif économique en cas de licenciement collectif qui d’évidence, n’obéissent pas à la même logique ni aux mêmes contraintes ni à de mêmes échelles ? À cet égard, le droit du travail anglais peut donner des exemples de flexibilité dont le droit français pourrait s’inspirer.


En Angleterre

Le droit du travail anglais, fidèle à sa tradition de flexibilité, prévoit deux situations dans lesquelles le licenciement pour motif économique peut valablement s’intégrer.

- 1ère situation : la section 139 de l’Employment Rights Act (ERA) 1996 pose la définition du licenciement économique entendu au sens stricte (« redundancy ») comme suit :

« an employee who is dismissed shall be taken to be dismissed by reason of redundancy if the dismissal is wholly or mainly attributable to—

(a) the fact that his employer has ceased or intends to cease—

(i) to carry on the business for the purposes of which the employee was employed by him, or
(ii) to carry on that business in the place where the employee was so employed, or

(b) the fact that the requirements of that business—

(i) or employees to carry out work of a particular kind, or
(ii) for employees to carry out work of a particular kind in the place where the employee was employed by the employer, have ceased or diminished or are expected to cease or diminish ».

Le motif anglais du licenciement économique est ainsi défini comme une suppression de poste (ou transformation d’emploi) résultant :

  • soit du fait que l’employeur a cessé ou envisage de cesser tout ou partie des activités pour lesquelles le salarié était employé ;
  • soit du fait que l’employeur a fermé ou envisage de fermer le site sur lequel le salarié était employé ;
  • soit du fait que l’employeur n’a plus le besoin (ou a moins le besoin ou envisage d’avoir moins le besoin) d’employer le salarié pour ses tâches habituelles ;
  • soit du fait que l’employeur n’a plus le besoin (ou a moins le besoin ou envisage d’avoir moins le besoin) d’employer le salarié pour ses tâches habituelles sur le lieu habituel de travail.

En des termes simplifiés, le motif économique en droit anglais est constitué par le seul fait de la disparition totale ou partielle du poste du travail du salarié. Il s’agit d’une notion pragmatique et objective qui vise intrinsèquement l’emploi du salarié sans s’attarder sur des considérations extérieures propres aux finances de l’entreprise. La loi permet ainsi à l’employeur d’écarter de l’entreprise le salarié qui, pour des raisons diverses, « est en trop à un moment donné ».

La jurisprudence anglaise réaffirme cette approche régulièrement : a été considérée comme une « redundancy » valable le fait de licencier une institutrice non répertoriée après le changement de la loi exigeant désormais l’enregistrement administratif des instituteurs (Kleboe v Ayr County Council 1972 ITR 201, NIRC) ; un conducteur après la fermeture du dépôt de bus où il officiait (Kentish Bus and Coach Co Ltd v Quarry EAT 287/92) ; un plombier après qu’il eût apparu que l’employeur avait désormais besoin d’un plombier effectuant également des tâches d’ingénierie (Murphy v Epsom College 1985 ICR 80) ; un manager d’un hôpital dont les fonctions ont été reprises par le directeur général (McCrea v Cullen and Davison Ltd 1988 IRLR 30, NICA) ; des managers après la perte d’un contrat commercial majeur à laquelle leur activités étaient attachées (Short v PJ Hayman and Co Ltd EAT 0379/08) ; un chef comptable après la redistribution de ses fonctions entre ses adjoints (Sutton v Revlon Overseas Corporation Ltd 1973 IRLR, NIRC).

- 2nde situation : si d’aventure l’employeur ne parvient pas à justifier d’une situation qualifiable de « redundancy », il peut toujours recourir à la notion « d’autres raisons substantielles justifiant un licenciement » (« dismissals for some other substantial reason SOSR »), laquelle est définie par la section 98 de l’Employment Rights Act (ERA) 1996. L’employeur peut faire entrer dans cette catégorie tout licenciement résultant d’une réorganisation dès lors que celle-ci résulte d’une « sound business reason », c’est-à-dire de l’intérêt sérieux de l’entreprise, par exemples : le licenciement d’une secrétaire après une opération de transfert d’entreprise car « il n’y avait plus de besoin » (Burstal v Compass Cleaning Ltd Case n°1402457/02) ou bien le licenciement d’un salarié pour rendre le « business viable » (Warner v Adnet Ltd 1998 ICR 1056, CA).

Enfin, il est bon de signaler que textuellement la loi britannique ne crée aucune obligation générale de reclassement préalable pesant sur les employeurs en cas de « redundancy » ; toutefois, le fait de ne proposer aucun poste de reclassement alors qu’ils étaient disponibles peut rendre un licenciement économique abusif. Il relève des tribunaux anglais de prendre en compte, au cas par cas, la taille et les ressources de l’entreprise afin de déterminer si les efforts accomplis ont été suffisants (Thomas and Betts Manufacturing Ltd v Harding 1980 IRLR 255, CA). La recherche de reclassement « peut » s’étendre aux autres sociétés du groupe en cas « de forte intégration des affaires et procédures des sociétés en cause » (Euroguard Ltd v Rycroft EAT 842/92).

Quand bien même un employeur rechercherait des postes de reclassement dans d’autres sociétés du Groupe, ces sociétés demeurent libres de rejeter la candidature du salarié licencié s’il est établi que lesdites sociétés jouissent « d’une autonomie et d’une indépendance » (Parfums Givenchy Ltd v Finch EAT 0517/09).

Par ailleurs, dans certaines situations, l’employeur peut même légitimement s’abstenir d’offrir au salarié un poste de reclassement d’une catégorie inférieure « s’il estime par avance que ce salarié va refuser le poste » (Barratt Corporation Ltd v Dalrymple 1984 IRLR 385, EAT).

Comparé au droit français, le droit du travail anglais offre indéniablement une grande souplesse qui permet à une entreprise ayant conjoncturellement un surplus de personnel, de procéder à la rupture du contrat de travail d’un salarié sans besoin de se lancer dans une étude précise de sa situation économique (et encore moins de construire une justification complexe comme en France). Cette flexibilité s’étend également à la procédure individuelle de licenciement.


• Procédure

En France

Il est peu dire que la procédure individuelle de licenciement pour motif économique en France est corsetée dans une procédure formelle et formaliste qui peut apparaître totalement inadaptée aujourd’hui à la gestion d’une TPE. On pourrait même croire que loin de n’assurer que la protection du salarié, les différentes étapes de cette procédure ont pour objet de contraindre l’employeur à la faute de procédure.

L’employeur doit dresser et appliquer les critères de l’ordre des licenciements pour sélectionner le salarié dont le licenciement sera envisagé, le cas échéant après consultation des représentants du personnel s’ils existent. Il sera juste rappelé qu’à défaut de stipulations conventionnelles contraires, ces critères comprennent obligatoirement les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ; la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés; les qualités professionnelles appréciées par catégorie. Ces critères sont appliqués dans le cadre de l’entreprise à l’ensemble des salariés appartenant à la même catégorie professionnelle dont relèvent les emplois supprimés (Cass. soc., 28 sept 2010, n° 09-65.118).

A priori, les représentants du personnel ne sont pas consultés en cas de licenciement individuel pour motif économique sur le projet de licenciement (mais cette solution est discutée par certains auteurs, cf. M. Cohen « Le droit des comités d’entreprise et des comités de groupe », p. 586).

L’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement économique en respectant le délai (5 jours ouvrables) et le formalisme prévus par les articles L. 1233-11 et R. 1232-1 et suivants du Code du travail.

Lors de l’entretien préalable, outre discuter du projet de licenciement et des éventuelles possibilités de reclassement, l’employeur doit proposer au salarié le contrat de sécurisation professionnelle (entreprise de moins de 1 000 salariés) ou l’informer de son congé de reclassement.

Si l’employeur maintient son projet de licenciement, il doit notifier la rupture du contrat de travail au salarié après l’expiration d’un délai de 7 jours ouvrables (ou de 15 jours pour les cadres).

La rédaction de la lettre de licenciement est chargée car elle doit notamment suivre le formalisme prescrit par l’article L. 1233-16 du Code du travail (énoncé du motif économique, priorité de réembauchage, etc.). D’ailleurs, la jurisprudence est très abondante sur la manière d’exposer le motif économique, sous peine de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : nécessité d’énoncer « la nature » des motifs économiques (Cass. soc., 19 déc. 2007 n° 06-41.817) ; nécessité de « préciser » le motif économique (Cass. soc., 6 avr. 2011 n° 09-71.508) ; nécessité de décrire « de façon individualisée » l’incidence du motif économique sur l’emploi (Cass. soc., 11 juin 2002, n° 00-40.214).

Enfin, dans un délai de 8 jours, l’employeur doit prévenir l’administration du licenciement intervenu.

Sauf à avoir suivi des études sérieuses de droit (et s’être actualisé régulièrement), le simple bon sens montre que le dirigeant d’une TPE est parfaitement incapable de procéder à un licenciement individuel pour motif économique sans recourir aux conseils d’un expert. Il est rappelé que, selon une étude OpinionWay du 30 janvier 2014, 69 % des contrats de sécurisation professionnelle sont signés par des personnes qui travaillent dans les entreprises de moins de 50 salariés. On peut a fortiori en déduire que la grande majorité des licenciements individuels pour motif économique visent des moyennes et petites entreprises (qui ont souvent peu de ressources juridiques internes).


En Angleterre

La procédure britannique présente les caractéristiques de la souplesse et d’un faible encadrement légal afin que l’entreprise puisse procéder rapidement au licenciement individuel pour motif économique. Se substituant à la loi qui demeure quasiment silencieuse en matière d’exigence procédurale, la jurisprudence (Williams and others v Compair Maxam Ltd 1982 ICR 156, EAT) a posé depuis longtemps le principe de « procédure juste » (« procedural fairness ») que l’employeur doit observer s’il souhaite procéder à un licenciement pour motif économique, ce qui signifie :

  • appliquer des critères objectifs d’ordre de licenciement ;
  • consulter un syndicat s’il en existe un dans l’entreprise ;
  • consulter le salarié intéressé sur l’imminence de la mesure de licenciement ;
  • proposer un poste de reclassement s’il est disponible.

Concernant les critères d’ordre de licenciement, la loi britannique ne pose aucune liste indicative ou obligatoire des critères mais la jurisprudence exige seulement que la méthode choisie soit objective et juste : tel n’est pas le cas quand le salarié a été sélectionné sur la seule base « du manque d’implication » sauf s’il s’agit d’un critère clairement défini et mesurable (Everitt v Sealine International Ltd ET Case n° 1313646/09), tel n’est pas non plus le cas si le salarié a été choisi sur le seul critère de « celui qui permettra les meilleures économies » (KGB Micros Ltd v Lewis EAT 573/90). En revanche, dès l’instant où les critères choisis apparaissent objectifs, ils ne sont plus soumis à la critique du juge qui n’a pas à préférer tel critère plutôt qu’un autre ni à en désigner d’autres de son goû (British Aerospace plc v Green and others 1995 ICR 1006, CA). Les critères sont appliqués par « pool », c’est-à-dire par groupe de salariés dont l’employeur estime qu’ils effectuent des fonctions similaires. Les critères d’ordre de licenciement les plus souvent utilisés par les entreprises apparaissent très personnalisés afin de désigner pour le licenciement d’abord le salarié « le moins productif »: performances et compétences du salarié ; capacité d’adaptation ; dossier disciplinaire ; absentéisme. L’important est que ces critères soient mesurables objectivement. Il est intéressant de noter que le critère de l’ancienneté est, contrairement à la France, peu utilisé en matière de licenciement économique anglais car les tribunaux estiment qu’il peut constituer un élément de discrimination indirect envers les femmes ou les minorités ethniques qui, pour des raisons diverses, ont une ancienneté de service souvent plus courte (cf. Hampson v Department of Education and Science [1990] IRLR 302, HL).

Concernant la consultation, il est à observer que traditionnellement, les syndicats anglais (lorsqu’ils existent dans une entreprise) assurent les missions d’information et de consultation qui sont dévolues aux délégués du personnel ainsi qu’au comité d’entreprise en France. Ce rôle traditionnel des syndicats a été bousculé sous l’influence de l’Union européenne. En effet, consécutivement à la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 sur l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, le Royaume-Uni contraint désormais ses entreprises d’au moins 50 salariés d’adopter des mécanismes permanents de consultation du personnel (d’où la présence aujourd’hui de worker councils - équivalent du comité d’entreprise - dans de nombreuses entreprises).

Concernant la consultation avec le salarié, il n’y a ni formalisme ni délai comme en France. Le droit anglais encourage le bon sens des parties en présence. Il appartient à l’employeur d’informer le salarié du licenciement imminent, des raisons pour laquelle il a été sélectionné, des éventuels postes de reclassement possible.

Concernant enfin la notification du licenciement économique, il n’existe en droit du travail anglais aucune obligation de motiver la lettre de rupture du contrat de travail ni aucun formalisme de notification du licenciement. C’est valable pour tous les licenciements, économiques ou personnels. La loi (section 92 of Employment Rights Act ERA 1996) se contente juste de prévoir que le salarié ayant 2 ans d’ancienneté peut, après la rupture du contrat de travail, demander à son employeur les raisons de son licenciement (« written statement giving particulars of the reasons for the employee’s dismissal »), ce dernier disposant alors de 14 jours pour répondre. En tout état de cause, la règle française selon laquelle « la lettre de licenciement fixe les limites du litige » n’a pas d’équivalent en Angleterre car tout peut être rediscuté devant les tribunaux en fonction des faits.


• Perspective

À l’heure où la crise continue de frapper les États européens, il apparaît que la France se refuse à réformer son droit du licenciement individuel pour motif économique qui donnerait pourtant plus de latitude à ses TPE et PME, sources créatrices d’emplois. Notre droit apparaît trop formel, trop rigide et bien trop savant pour être utilisé sans inquiétude par nos entreprises. Pourtant, à à peine 50 kms de Calais, l’Angleterre applique un droit du licenciement économique individuel dont l’objectif n’apparaît pas de punir ou de sanctionner l’employeur en surprotégeant le salarié mais de l’aider au plus vite à adapter ponctuellement ses effectifs tout en accordant aux salariés des garanties essentielles.

Alors que la crise ne connait pas de frontière, le législateur et la jurisprudence française continuent ainsi de privilégier une approche purement nationale de l’arbitrage nécessaire à opérer entre la flexibilité accordée aux entreprises et la préservation des droits du salarié en temps de difficultés économiques.


Voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.