Obligation du respect d’un formalisme de la déchéance du terme d’un crédit en cas d’impayés (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.

France >

Fr flag.png

Auteur : Anthony Bem
7 Juillet 2017



Le 22 juin 2017, la Cour de cassation a jugé que lorsque le contrat de prêt prévoit que la défaillance de l'emprunteur entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Cour de cassation, Première chambre civile, 22 juin 2017, n° de pourvoi : 16-18418)

En l'espèce, la banque Crédit Agricole a consenti à un emprunteur un prêt immobilier, remboursable, à taux fixe, en deux cent quarante mensualités (20 ans).

Suite à des échéances mensuelles de remboursement du prêt demeurées impayées, la banque a fait jouer la déchéance du terme du prêt.

La déchéance du terme d'un prêt est la situation dans laquelle la banque demande à l'emprunteur de rembourser immédiatement la totalité du prêt et des intérêts.

Or, ceci n'est juridiquement possible que lorsque le formalisme de la rupture du crédit a été respecté par le banquier, ce qui n'est pas toujours le cas en pratique.

En effet, les modalités de signification de la défaillance du terme peuvent être viciées, de sorte que la banque ne puisse pas valablement demander le paiement immédiat de la totalité du prêt octroyé et des intérêts.

A cet égard, les contrats de prêt peuvent prévoir que la déchéance du terme sera constituée après la réception d'une mise en demeure restée sans effet.

Certains contrats prévoient notamment des modalités de notification de la déchéance du terme et un délai de règlement par l'emprunteur suite à la réception d'une mise en demeure d'avoir à payer la dette.

Au cas présent, le contrat de prêt prévoyait que la déchéance du terme était subordonnée à l'envoi d'une mise en demeure à l'emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception, manifestant l'intention de la banque de se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance.

Selon le principe posé par la Cour de cassation, lorsque le contrat de prêt prévoit que la défaillance de l'emprunteur entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant notamment le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

L'envoi d'un courrier recommandé devant comporter certaines informations conditionne donc le prononcé de la déchéance du terme par la banque.

Le cas échéant, les modalités de notification de la mise en demeure de règlement sont aussi un argument que peuvent utilement invoquer en défense les emprunteurs contre leur banque afin de ne pas être condamnés à payer la totalité de leur crédit malgré des mensualités impayées.

Concrètement, il convient de vérifier que la mise en demeure adressée par la banque à l'emprunteur ne soit pas viciée et qu'elle ait bien été reçue par l'emprunteur débiteur défaillant.

L'emprunteur a ainsi fait valoir avec succès dans l'affaire précitée qu'il ressortait que la signature figurant sur l'accusé de réception de la mise en demeure adressée par la banque n'était manifestement pas la sienne.

Or, malgré le fait que la vérification de la signature figurant sur l'accusé de réception n'était pas celle de l'emprunteur, les juges d'appel avaient cru pouvoir considérer que l'assignation en justice de celui-ci valait déchéance du terme.

La Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel en jugeant :

« Qu'en statuant ainsi, alors que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Il résulte donc de cette décision que l'assignation en justice ne vaut pas en tant que telle déchéance du terme du prêt permettant à la banque de réclamer valablement le remboursement intégral du crédit et des intérêts et que celle-ci ne peut se passer du respect du formalisme imposé par le contrat de prêt.