Oubli d'un héritier: que peut faire cet héritier ?

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Murielle Cahen, avocat au barreau de Paris [1]
Septembre 2021




Le décès d'une personne ouvre de plein droit sa succession, qu'il s'agisse d'une succession légale, anomale ou testamentaire.


Le décès est une question de fait qui se prouve par tous moyens. Cette preuve résulte généralement de la production d'un acte de décès établi par l'officier de l'état civil du lieu du décès ou du dernier domicile du défunt (Code civil, article 78).


La cause du décès est indifférente pour l'ouverture de la succession mais elle peut parfois conduire à déclarer un héritier indigne de succéder.


Le successible doit être vivant à l'ouverture de la succession. La personne doit donc être née à ce jour. Mais l'enfant simplement conçu peut succéder à condition de naître vivant et viable (Code civil, article 725).


La date de conception est fixée à n'importe quel moment au cours de la période présumée de la conception (du 300e au 180e jour inclusivement avant la date de la naissance) en fonction de l'intérêt de l'enfant, sous réserve de la preuve contraire (Code civil, article 311).


L'enfant né vivant est présumé viable sous réserve de preuve contraire.


Le successible doit être toujours en vie à l'ouverture de la succession, ce qui pose éventuellement la question de l'absence de l'héritier et aussi celle de l'ordre des décès en cas de mort des deux personnes dans un même événement :


  • Le présumé absent est considéré comme vivant et peut donc recueillir une succession. En revanche, la déclaration d'absence est assimilée à un décès sous réserve de preuve contraire. Le jugement déclaratif d'absence n'a pas d'effet rétroactif, donc l'absent ayant recueilli une succession pendant la période de présomption d'absence la transmet à ses propres héritiers ;


  • En cas de décès dans un même événement de deux (au moins) personnes dont l'une est appelée à la succession de l'autre, l'ordre des décès peut être établi par tous moyens. À défaut, la succession de chacun des comourants est dévolue sans que l'autre y soit appelé (Code civil, article 725-1). Cependant, si l'un et/ou l'autre laisse des descendants, ceux-ci peuvent représenter leur auteur dans la succession de l'autre dans les cas où la représentation est admise.


C’est à ce moment également que tous les héritiers du De cujus rentrent en indivision en attendant le partage de tout le patrimoine de ce dernier.


Les droits et actions du défunt sont transmis de plein droit et par le seul effet du décès aux héritiers désignés par la loi.


Lorsqu'il y a plusieurs héritiers, chacun est saisi pour la totalité de la succession jusqu'au partage et non uniquement pour les droits auxquels il pourrait prétendre. Partant, chacun peut introduire ou poursuivre une action en justice [2].


Toutefois, il arrive que lors du partage successoral certains héritiers soient omis volontairement ou involontairement.


Cela peut s’expliquer souvent par la naissance d’un héritier d’un premier lit ou d’une relation adultère. Cette situation de dissimulation volontaire se traduit le plus souvent par le délit de recel de successions.


La qualité d'héritier permet de revendiquer le bénéfice d'une action née dans le patrimoine de son auteur dont il exerce les droits, cet exercice suppose, toutefois, que son auteur ait entendu réclamer le bénéfice de cette action à son profit [3].


Preuve de la qualité d'héritier

Preuve non contentieuse

D’abord, la preuve de la qualité d'héritier s'établit par tous moyens. (Article 730 du Code civil)


Ensuite, la preuve de la qualité d'héritier peut résulter d'un acte de notoriété dressé par un notaire, à la demande d'un ou plusieurs ayants droit.


L'acte de notoriété doit viser l'acte de décès de la personne dont la succession est ouverte et faire mention des pièces justificatives qui ont pu être produites, tels les actes de l'état civil et, éventuellement, les documents qui concernent l'existence de libéralités à cause de mort pouvant avoir une incidence sur la dévolution successorale.


Il contient l'affirmation, signée du ou des ayants droit auteurs de la demande, qu'ils ont vocation, seuls ou avec d'autres qu'ils désignent, à recueillir tout ou partie de la succession du défunt.


Toute personne dont les dires paraîtraient utiles peut être appelée à l'acte. (L. no 2007-1787 du 20 déc. 2007, art. 9) « Il est fait mention de l'existence de l'acte de notoriété en marge de l'acte de décès.» (Article 730-1 du Code civil)


L'acte de notoriété ainsi établi fait foi jusqu'à preuve contraire. Celui qui s'en prévaut est présumé avoir des droits héréditaires dans la proportion qui s'y trouve indiquée. (Article 730-3 du Code civil).


Les héritiers désignés [4] dans l'acte de notoriété ou leur mandataire commun sont réputés, à l'égard des tiers détenteurs de biens de la succession, avoir la libre disposition de ces biens et, s'il s'agit de fonds, la libre disposition de ceux-ci dans la proportion indiquée à l'acte. (Article 730-4 du Code civil).


Toutefois, celui qui, sciemment et de mauvaise foi, se prévaut d'un acte de notoriété inexact, encourt les pénalités de recel prévues à l’article (L. no 2006-728 du 23 juin 2006, art. 29-16o) «778, sans préjudice de dommages et intérêts [ancienne rédaction : 792, sans préjudice de dommages-intérêts] ». — La loi du 23 juin 2006 entre en vigueur le 1er janv. 2007. (Article 730-5 du Code civil).


De plus, le certificat d’hérédité est un certificat de propriété sur des biens meubles de la succession. Il peut être établi par le maire, le notaire ou par un juge unique (du tribunal de justice le plus proche), à la demande d’un héritier en cas de petites successions sans biens immobiliers.


Ce certificat ne peut être délivré, que pour les successions n’excédant pas le montant forfaitaire de 5335 euros, et ne contenant pas d’immeubles. Cependant, ces certificats sont la plupart du temps, refusés par les maires, qui n’ont qu’une simple faculté en la matière.


Il permet de prendre possession de créances publiques ou privées ou de titres nominatifs (actions, obligations, rente sur l’État) sans avoir besoin de recourir aux actes coûteux comme l’acte de notoriété ou l’intitulé d’inventaire.


Il donne aux héritiers la qualité d’héritier apparent, mais ses effets sont limités au recouvrement des biens dont il certifie la propriété.


Enfin, l’intitulé d’inventaire définit comme le : « préambule de l’inventaire dans lequel sont précisées l’identité, la qualité et l’étendue de la vocation successorale des personnes qui requièrent l’inventaire. Ce document peut servir ainsi aux intéressés de pièce justificative lorsqu’ils ont а prouver leur qualité de successeur ».


L’intitulé d’inventaire fait ainsi partie de l’acte de succession contenant l’inventaire du patrimoine du défunt. Cet acte peut être dressé par un notaire, mais également par un commissaire-priseur ou un huissier, à la demande des héritiers.


En en-tête d’acte, l’officier public indique quels sont les héritiers ayant demandé l’établissement de l’inventaire en question.


Après vérification des pièces justificatives, le préambule mentionne la qualité (parenté exacte de l’héritier ou légataire universel ou à titre universel) et les droits successoraux des intéressés.


L’intitulé d’inventaire a les mêmes effets que l’acte de notoriété. Il permet d’établir une présomption simple d’héritier, mais également d’’héritier apparent, à l’égard des tiers [5].


Preuve contentieuse : la pétition d’hérédité

  • Demandeurs


La pétition d'hérédité peut être exercée par toute personne qui estime avoir été tenue à tort à l'écart d'une succession.

Le demandeur à l'action, qui peut être un héritier légal (ordinaire ou anomal), un légataire, voire un institué contractuel, doit alléguer une vocation successorale universelle ou à titre universel.


Le demandeur n'a pas à établir qu'il a préalablement accepté la succession. Cependant, s'il a laissé prescrire son droit d'accepter la succession, l'action se trouve éteinte par la perte de la qualité héréditaire qui en est l'objet.


Ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation en 1986, ceux dont le droit d'option est prescrit ne sont « plus recevables pour exercer l'action en pétition d'hérédité, qui implique la qualité d'héritier ».


La pétition d'hérédité est une action offerte à l'héritier pour défendre sa qualité et les droits qui y sont attachés. Il est naturel qu'elle soit, comme toutes les actions successorales, subordonnée de l'existence de la saisine.


Plus précisément, elle « n'est donnée qu'aux héritiers ou légataires universels saisis de plein droit et aux autres successeurs universels ou à titre universel après l'envoi en possession ou la délivrance ».


  • Défendeurs


Possesseurs pro herede (c'est-à-dire à titre d'héritier). La pétition d'hérédité peut être exercée contre toute personne qui détient, en qualité de successeur universel ou à titre universel, des biens successoraux. Il s'agira fréquemment d'un membre de la parenté qui, dans l'ignorance des droits du demandeur (parent plus proche en ordre ou en degré), s'est mis en possession des effets de la succession ; ou bien d'un parent de même ordre et de même degré, qui invoque une possession exclusive de l'hérédité.


Mais l'action peut également être intentée contre un légataire, dont le titre fera l'objet d'une contestation (nullité ou fausseté du testament ; caducité ou révocation du legs). Toutefois, si le défendeur allègue sa qualité de légataire à titre particulier, c'est une action en revendication, et non une pétition d'hérédité, qui devra être exercée contre lui.


Sans surprise, la pétition d'hérédité est aussi admise contre un cessionnaire de droits successifs, qui, comme son auteur, prétend à une vocation successorale universelle.


En revanche, l'acquéreur d'un bien déterminé, ayant cause à titre particulier, ne pourra être menacé que par une action en revendication.


Conformément au droit commun, il appartient au demandeur de rapporter la preuve de la qualité de successeur universel à laquelle il prétend.


S'agissant d'une dévolution légale, il doit démontrer qu'il est un héritier de rang préférable, ou tout au moins égal, à celui de son adversaire.


S'il invoque l'existence d'une transmission universelle par libéralité, il devra produire l'acte qui l'institue (testament ou institution contractuelle).


La force probante de cet instrument est susceptible de varier en fonction de sa forme ; à la différence d'un acte authentique, un acte sous seing privé – tel qu'un testament olographe – ne fait pas foi par lui-même de son origine.


En toute hypothèse, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain « pour apprécier la valeur et la portée des documents produits » [6].


Pour prouver son appartenance à la famille du défunt, il est normalement requis de l'héritier prétendu qu'il produise les actes (actes de naissance, actes de mariage, reconnaissances, jugements d'état) qui justifient légalement sa filiation ou son alliance.


Cependant, cette règle n'est pas toujours suivie ; elle apparaît trop rigoureuse lorsqu'il s'agit d'une parenté éloignée dans le temps.


Distinguant alors la preuve de l'état de celle de la généalogie, la jurisprudence permet de déterminer par tous moyens la continuité de la chaîne familiale.


La Cour de cassation explique, à cet égard, que la dérogation « aux principes qui régissent la démonstration d'une filiation n'est admissible que dans les questions de généalogie, c'est-à-dire dans les cas où, d'une part, il s'agit de relations de parenté remontant à des temps éloignés et dont les preuves régulières sont, par suite impossibles à réunir, et où, d'autre part, l'état du successible n'étant pas en jeu, il y a seulement lieu de déterminer son degré de parenté avec le de cujus »' (Cass. civ., 9 mars 1926 : DP 1926, 1, p. 225, note A. Rouast ; S. 1926, 1, p. 337, note H. Vialleton).


De ce qui précède, après avoir prouvé sa qualité d’héritier, l’héritier pourra contester tout testament fait en violation de ses droits en saisissant la justice contre le recel successoral.


Qu’est-ce-que le recel successoral ?

Condition du recel successoral

En ce qui concerne l’élément matériel - On retrouve ici l’utilisation d’un faux. La falsification de document qui conduit à modifier le partage au profit de l’héritier. La présentation d’un faux testament instituant l’héritier légataire [7].


Il peut s’agir également de la dissimulation. En effet, toute dissimulation de biens ou droits de succession (Code civil, article 778) est susceptible d’être qualifiée de recel.

Il en va notamment de :


  • De la dissimulation d’une dette envers le défunt ;
  • De la suppression de livres de commerces, factures et tout autre document afin de masquer la valeur d’un bien successoral ;
  • De la destruction de tout testament instituant un tiers légataire universel ou à titre universel.


Il en va également de l’omission intentionnelle d’héritier. La dissimulation d’un héritier ne constituait pas, traditionnellement un recel, l’article 792 du Code civil ne concernant, pour la Cour de cassation, que les effets de la succession et non la personne d’un cohéritier.


La connaissance était contraire au bon sens : comment admettre que soit sanctionné celui qui détourne l’héritier, mais non celui qui dissimule l’existence d’un héritier ? Cette conception restrictive a fort heureusement été abandonnée par la réforme de 2006, l’article 778 du Code civil assimilant désormais au recel d’un bien la dissimulation de l’existence d’un héritier.


Pour ce qui est de l’élément intentionnel – Le recel successoral suppose une intention frauduleuse de l’héritier qui entend rompre à son profit l’égalité du partage.


Mais cette fraude aux droits de ses cohéritiers n’est pas la seule retenue. Le recel peut supposer également une fraude aux droits des créanciers successoraux dont un élément de gage est distrait par l’acte de recel.


Ainsi, allégué par des cohéritiers ou des créanciers, le recel ne peut être qualifié que si l’héritier a agi dans un dessin frauduleux et de mauvaise foi.


La preuve de cet élément intentionnel parait d’autant plus décisive que la jurisprudence interprète de façon libérale l’élément matériel du recel. Et en tout hypothèse, cette preuve doit être rapportée, positivement, l’intention frauduleuse ne pouvant se présumer.


Sanction du recel successoral

Tout héritier qui détient des biens et valeurs ayant dépendu de la succession doit les révéler à ses cohéritiers.


A défaut, il se rend coupable de recel successoral, ce qui le conduit d'une part à être déchu du droit d'accepter à concurrence de l'actif net, d'autre part à être privé de tout droit dans les valeurs recelées.


Les sanctions du recel peuvent s'appliquer à tout donataire quelle que soit la forme de la donation. Il en ira ainsi dans le cas d'un don manuel alors même que le gratifié prétendait avoir été dispensé du rapport[8].


Une différence apparaît cependant entre les donations rapportables et celles faites hors part successorale ; pour ces dernières, les sanctions du recel ne s'appliqueront que dans la mesure où compte tenu de l'actif successoral elles seraient effectivement réductibles [9].


L’article 778, alinéa 2 du code civil prévoit expressément que le recel peut porter sur une donation rapportable ou réductible, mais cette disposition ne peut s'appliquer qu'en présence d'héritiers réservataires.


Le recel peut cependant exister en l'absence de tels héritiers si l'un des légataires a conservé des sommes provenant des comptes du défunt, dès lors qu'il n'est pas établi que ce dernier avait entendu lui en faire donation [10].


L'obligation de révélation et la sanction du recel ne visent cependant que les biens dépendant de la succession ce qui n'est pas le cas d'un contrat d'assurance-vie [11].