Pas d'établissement stable en France, le tribunal administratif décharge Google du redressement fiscal de 1,115 milliard d'euros (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.

France >

Fr flag.png

Auteur : Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris
16 juillet 2017


Google respire mieux depuis le 12 juillet 2017, sauvé par la notion devenue bien désuète de l'établissement stable.

La société Google Ireland Limited contestait les redressements fiscaux dont elle avait fait l’objet en matière d’impôt sur les sociétés, retenue à la source, TVA, cotisation minimale de taxe professionnelle et cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, à raison des prestations de publicité qu’elle facture à ses clients français.

Accusé d’échapper aux impôts sur la période 2005 à 2010, Google s’était en effet vu imposer un redressement fiscal en France de 1,115 milliard d’euros.

Cette société irlandaise Google Ireland Limited (GIL), filiale du groupe américain Google Inc., commercialise, en France notamment, un service payant d’insertion d’annonces publicitaires en ligne, « AdWords », corrélé au moteur de recherche Google.

La société française Google France (GF), également contrôlée par Google Inc., fournit, aux termes d’un contrat conclu avec GIL, assistance commerciale et conseil à la clientèle française de GIL, constituée d’annonceurs ayant souscrit à son service « AdWords ».

Suivant les concluions du rapporteur public, le tribunal administratif a donné raison à la société GIL en prononçant la décharge des impositions contestées, estimant que Google n'avait pas d'établissement stable en France.

S’agissant de l’impôt sur les sociétés et de la retenue à la source, l’administration fiscale s’était fondée sur l’alinéa 9-c de l’article 2 de la convention fiscale franco-irlandaise qui prévoit l’imposition en cas de présence d’un établissement stable en France.

Le tribunal administratif a jugé que GIL ne disposait pas en France, en la personne morale de GF, d’un tel établissement stable. En effet, l’existence d’un tel établissement stable est subordonnée à deux conditions cumulatives : la dépendance de GF vis-à-vis de GIL et le pouvoir de GF d’engager juridiquement GIL. Or, le tribunal a estimé que GF ne pouvait engager juridiquement GIL car les salariés de GF ne pouvaient procéder eux-mêmes à la mise en ligne des annonces publicitaires commandées par les clients français, toute commande devant en dernier ressort faire l’objet d’une validation de GIL.

S’agissant de la TVA, la jurisprudence communautaire soumet l’imposition à l’existence d’une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à réaliser des prestations de manière autonome. Le tribunal a jugé que tel n’était pas le cas de GF, qui ne disposait ni des moyens humains (le personnel de GF n’a pas le pouvoir de mettre en ligne les annonces publicitaires commandées par les clients français), ni des moyens techniques (absence, notamment, de serveurs en France) la rendant à même de réaliser les prestations de publicité en cause.

S’agissant de la cotisation minimale de taxe professionnelle et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, le tribunal a jugé que GIL ne disposait en France d’aucune immobilisation corporelle placée sous son contrôle, utilisable matériellement pour la réalisation des prestations de publicité litigieuses. Il a, en effet, estimé que les locaux de GF étaient utilisés pour les besoins de sa propre activité d’assistance et de conseil et que son matériel informatique ne permettait pas à lui seul la réalisation des prestations publicitaires de GIL en France.

Gérald Darmanin, le ministre de l’action et des comptes publics, a aussitôt annoncé dans un communiqué que l’administration fiscale étudiat la possibilité de faire appel de la décision dans le délai de deux mois http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/22564.pdf

Il serait peut-être également temps de revoir la notion d'établissement stable, totalement inadaptée à la nouvelle réalité des entreprises du web. Il s'agit en effet d'un principe séculaire posé par le législateur dès 1917 pour l’imposition des bénéfices industriels et commerciaux à l’impôt sur le revenu et ll n’existe par ailleurs aucune définition en droit interne d’un établissement stable. Le seul texte sur le quel s’appuie la jurisprudence est l’article 209 B du CGI ainsi que sur les traités internationaux.


> Lire le jugement n°1505113/1-1 du 12 juillet 2017

> Lire le jugement n°1505126/1-1 du 12 juillet 2017

> Lire le jugement n°1505147/1-1 du 12 juillet 2017

> Lire le jugement n°1505165/1-1 du 12 juillet 2017

> Lire le jugement n°1505178/1-1 du 12 juillet 2017