Perturbateurs endocriniens : adoption des critères de définition par les Etats membres (eu))

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Auteurs : Guillaume Pezzali et Rafaële Raymond
7 juillet 2017


Tandis que la question de la thématique des perturbateurs endocriniens se fait de plus en plus présente sur la scène médiatique, l’attente entourant l’approbation par les Etats membres des critères de définition proposés en juin 2016 par la Commission européenne s’est muée en véritable suspens. En effet, voués à fonder la règlementation à venir sur les perturbateurs endocriniens, ces critères vont avoir un rôle primordial à jouer. C’est dans ce contexte que, le 4 juillet dernier, le suspens a pris fin par un vote positif des Etats membres. Ainsi, la France s’est rangée du côté de la Commission au grand dam de la Suède et du Danemark. Pour autant, le sort du texte n’est pas encore définitivement scellé, puisqu’il doit encore être examiné par le Conseil et le Parlement européen. Néanmoins, il se pourrait bien qu’à l’avenir, nous nous souvenions que la définition juridique des perturbateurs endocriniens est née un 4 juillet. Retour sur le contenu et les suites attendues d’un texte dont l’approbation marque, pour la Commission européenne « a great success ».


“A major step towards protecting citizens and environment”

C’est ainsi que la Commission européenne qualifie le vote d’approbation des Etats membres du 4 juillet dernier sur les critères de définition juridique des perturbateurs endocriniens. L’enthousiasme de la Commission est compréhensible dans la mesure où l’Union européenne est en attente d’une telle définition depuis près de quatre ans.

En effet, pour rappel, la Commission était tenue d’adopter les critères de définition des perturbateurs endocriniens depuis le 13 décembre 2013, en application Règlement (UE) n° 528/2012 du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides. Or, il avait fallu attendre une condamnation (TUE 16 décembre 2015, Suède c/Commission, aff. T-521/14) pour obtenir les premiers projets en juin 2016.

Dès lors, pour les Etats membres, après un an de discussions et trois ans de retard, il s’agissait donc se positionner rapidement, les critères adoptés devant servir de pierre angulaire pour tous les autres pans réglementaires concernés par les perturbateurs endocriniens.


Les critères de définition retenus

En substance, les critères proposés en juin 2016 ont été repris. Ainsi, prenant pour appui la définition scientifique des perturbateurs endocriniens que l’on doit à l’Organisation mondiale de la santé (« une substance ou un mélange exogène altérant les fonctions du système endocrinien et induisant de ce fait des effets indésirables sur la santé d’un organisme intact, de ses descendants ou au niveau des (sous)-populations »), aux termes du texte adopté, pour qu’une substance active soit considérée comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien, les trois critères suivants doivent être remplis :

- Premièrement, la substance doit avoir des effets indésirables sur un organisme vivant (ex : un changement dans la morphologie, la physiologie, la croissance ou le développement) ;
- Deuxièmement, la substance doit présenter un mode d’ « action endocrinien », c’est-à-dire avoir une capacité à interagir ou à interférer avec un ou plusieurs composants du système endocrinien (ex. : thyroïde ; ovaires ou glandes surrénales) ;
- Troisièmement, il doit exister un lien de causalité entre l’effet indésirable et le mode d’action endocrinien (ex. : absence de développement des organes génitaux dû à une déficience hormonale).

Pour autant, la Suède et le Danemark continuent de marquer leur désapprobation face au texte adopté, et du côté de la société civile des voix s’élèvent, soixante-dix organisations-non-gouvernementales européennes ayant manifesté leur désaccord par rapport au vote opéré (EDC Free Europe). Ce faisant, le texte ne fait toujours pas l’unanimité parmi les Etats membres et suscite autant la controverse au sein de la société civile.


Les suites attendues

L’enthousiasme du communiqué de presse de la Commission européenne ne doit pas faire oublier que le texte qui a été approuvé le 4 juillet n’est pas encore définitivement adopté. En effet, même si la Commission exprime le souhait d’une finalisation rapide du processus législatif, le texte doit encore passer un dernier examen devant le Conseil européen et le Parlement européen. En outre, s’il devait être adopté, le texte n’entrerait pas en vigueur immédiatement, mais six mois après sa publication, le temps de laisser à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), le soin de rédiger des lignes directrices sur la mise en œuvre des critères retenus.

En tous les cas, indépendamment du sort du texte du 4 juillet 2017 devant le Conseil et le Parlement européen, la Commission européenne a promis, dans le cadre du projet Horizon 2020, d’investir 50 millions d’euros dans la recherche sur les perturbateurs endocriniens. Pas question, donc, pour l’Union européenne de laisser de côté la question des perturbateurs endocriniens qui va donc rester plus que jamais d’actualité et obliger les entreprises à modifier leurs pratiques dans les mois et les années à venir.