Procès des attentats du 13 novembre 2015 Le Live Tweet - Semaine DEUX

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.

(© Photo "Salle d'audience" Sophie Parmentier |Twitter)




Semaine UNE Semaine DEUX Semaine TROIS Semaine QUATRE Semaine CINQ Semaine SIX Semaine SEPT Semaine HUIT Semaine NEUF Semaine DIX Semaine ONZE Semaine DOUZE Semaine TREIZE Semaine QUATORZE Semaine QUINZE Semaine SEIZE Semaine DIX-SEPT Semaine DIX-NEUF Semaine VINGT Semaine VINGT-ET-UNE Semaine VINGT-QUATRE Semaine VINGT-CINQ Semaine VINGT-SIX Semaine VINGT-SEPT Semaine VINGT-HUIT Semaine VINGT-NEUF Semaine TRENTE Semaine TRENTE ET UNE Semaine TRENTE DEUX Semaine TRENTE TROIS Semaine TRENTE QUATRE Semaine TRENTE CINQ Semaine TRENTE SIX Semaine TRENTE SEPT Semaine TRENTE HUIT Semaine TRENTE NEUF



Semaine DEUX

Jour Quatre - Lundi 13 Septembre - Lecture des charges pesant sur les accusés

L'audience reprend où elle s'est arrêtée vendredi soir, peu avant minuit. La lecture des faits avait été si longue que les avocats de la défense avaient demandé une interruption, acceptée à contrecœur. L'audience reprend avec les charges pesant sur les 20 accusés.

C'est l'une des deux magistrates, premières assesseures, qui lit les charges en ce moment. Une magistrate ultra-rodée aux assises, longue carrière derrière elle, très coquette. Elle énumère les charges criminelles "en bande organisée à l'encontre de Salah Abdeslam ".

"Salah Abdeslam étant lui-même muni d'une ceinture d'explosifs", rappelle-t-elle. Et parmi les charges criminelles, "tentatives de meurtres en bande organisée contre la BRI" qui a fait face à trois kamikazes en lien avec Abdeslam, dit-elle. 

La magistrate parle des "caches" dans lesquelles des explosifs avaient été entreposés. Et elle parle du projet Schiphol, aéroport d'Amsterdam qui devait être une cible comme Paris.

La magistrate détaille "la cellule terroriste structurée" entre la Syrie et la Belgique pour frapper Paris.

La magistrate parle de la Clio louée par Salah Abdeslam. Celle qui lui a servi à déposer les 3 terroristes du Stade de France le 13 Novembre et qu'il a garée dans le 18e arrondissement de Paris, où le lendemain, EI a revendiqué un attentat qui n'a pas eu lieu. Un des mystères.

Une 2e magistrate assesseure prend le relais de la 1ère pour poursuivre l'énoncé des charges contre les 20 accusés de ce procès 13 Novembre. La simple lecture des faits et charges a déjà duré près de 8 heures vendredi, déjà une heure aujourd'hui. A ce procès, tout est démesuré.

Dans leur grand box de verre, les 11 accusés jugés détenus écoutent en silence, tout comme les 3 accusés jugés sous contrôle judiciaire et assis sur un strapontin, juste derrière leurs avocats. Beaucoup d'accusés ont les bras croisés, d'autres sont têtes baissées.

La lecture du rapport avec les charges qui pèsent sur les 20 accusés est maintenant terminé. Cette lecture des faits et des charges aura duré au total près de dix heures, vendredi, et aujourd'hui.

Un des 3 avocats généraux souligne qu'avec plus de 300 avocats de parties civiles, voulant poser des questions à 14 accusés, 15 experts, 131 témoins, "il est permis de douter que cet usage soit envisageable dans un tel procès". Inversion des tours de parole préférée.

Dans cette inversion, la parole serait d'abord donnée à l'accusation -portée par trois avocats généraux du PNAT-, puis aux avocats de la défense, puis aux avocats de la défense puis aux avocats des parties civiles. Ordre inédit.

Me Nogueras, avocat de la défense : "On va entendre longuement les parties civiles, c’est essentiel. Mais il ne faut pas oublier que c’est un procès qui oppose l’accusation à la défense". La défense tient à répondre à l'accusation sans des dizaines d'avocats PC entre.

Sur les bancs de la défense, une autre avocate se lève et s'inquiète de tenter "quelque chose de nouveau que nous ne maîtrisons pas".

Lors du procès des attentats de Janvier 2015, les questions posées par des dizaines d'avocats de parties civiles avant les deux avocats généraux aux 11 accusés présents, avaient largement fait débat. D'où l'idée de cette inversion de tour de parole pour le procès.

Au procès des Attentats de Janvier 2015, un certain nombre d'avocats de parties civiles surtout, toujours les mêmes, avaient multiplié les questions qui avaient gêné l'accusation et la défense.

Me Morice, avocat de parties civiles 13 Novembre : "Il va de soi que si des avocats de la défense veulent prendre la parole juste après les avocats généraux, il y a une logique à ce que nous revenions aux usages" dans le tour de parole.

Me Morice : "On peut avoir une certaine rigueur à poser ces questions et ne pas les multiplier. Nous sommes en mesure de nous organiser. C'est inutile de poser des questions qui ont déjà été posées" martèle l'avocat à la longue carrière.

Me Olivia Ronen, avocate de Salah Abdeslam : "Il faut privilégier l’usage, faire confiance à nos confrères de parties civiles et à votre pouvoir de police, monsieur le président. C'est le plus raisonnable".

Le président de la cour, Jean-Louis Périès : "On a parlé de normes, j’ai été le premier à en parler". Le président précise qu'il a la police de l'audience, et qu'il y a une "règle sacrée : la défense à la parole en dernier".

Le président martèle qu'il veut "efficacité, maîtrise des débats, ça me semble plus important" et il suspend l'audience quelques minutes avant l'arrivée de l'enquêteur antiterroriste.

L'audience reprend. La cour doit entendre un enquêteur antiterroriste. Le président précise qu'il n'y a pas de projection de vidéos et photos aujourd'hui, mais plus tard cette semaine.

Le président prévient qu'à partir de jeudi 16 septembre, la cour visionnera des photos et vidéos, avec les constatations des scènes de crimes au Stade de France.

Le vendredi 17 septembre, il y aura photos, vidéos et "peut-être même une partie sonore dans la salle du Bataclan", prévient le président de la cour. Le massacre a été enregistré. Il y a une bande-son versée à l'enquête.

Le président de la cour prévient qu'il le redira, avant visionnage et écoute, notamment pour les personnes qui suivent le procès via la webradio.

Un enquêteur antiterroriste arrive à la barre, un policier de la SDAT, la sous-direction antiterroriste qui commence par rappeler la menace qui pesait sur la France avant le 13 Novembre 2015.

Il énumère les attentats de l'EI : janvier 2015; Ghlam; Thalys entre autres...

L'enquêteur antiterroriste dépose à la barre sans donner son nom. Mais il a retiré son masque. Parle devant les accusés qui l'écoutent dans le box.

L'enquêteur antiterroriste SDAT : "Au matin du 13 Novembre, nous sommes en train de rechercher les complices des Kouachi et Coulibaly (terroristes de Janvier 2015), de Ghlam et savoir comment Ayoub El- Khazzani s’est procuré ses armes pour entrer dans le Thalys »

L'enquêteur SDAT parle et Salah Abdeslam se met à crier dans son box. On n'entend pas ce qu'il crie. Le président lui laisse le micro coupé. Le président : "Monsieur Abdeslam, vous vous taisez sinon, je vous fais sortir du box"

Salah Abdeslam se calme aussitôt. En tout cas, il cesse de crier. Il est désormais assis, mains croisées sur ses genoux, tandis que l'enquêteur antiterroriste poursuit sa déposition à la barre.

L'enquêteur antiterroriste parle "d'attaques inédites et sophistiquées" le  13 Novembre 2015. Avec des terroristes "projetés de Syrie", "avec une base arrière en Belgique". Terroristes "passés à l’acte en 37 minutes".

L'enquêteur antiterroriste évoque les "constatations sans précédent sur huit scènes de crimes".

"Au début de ces constatations, nous sommes dans un schéma de course contre la montre, avec un risque de sur-attentat" dit l'enquêteur antiterroriste à la barre.

Première constatation au Stade de France, porte D, là où le premier terroriste s'est fait exploser : "corps fragmenté en dix morceaux" et autour, "des boulons, du scotch et sous le pied de ce kamikaze un passeport syrien" dit l'enquêteur SDAT.

L'enquêteur poursuit avec le deuxième terroriste qui s'est fait exploser au Stade de France : "deuxième corps disloqué, des cordelettes et piles électriques et quatre fragments issus passeport syrien".

Pour le 3e terroriste du Stade de France : "démembré en six morceaux, de la colle, des piles et du scotch" lors des constatations dit l'enquêteur SDAT

L'enquêteur parle de l'équipe des 3 terroristes à bord de la Seat qui ont tiré sur les terrasses des 10e et 11 arrondissements de Paris. Il note qu'ils ont fait feu, parfois en rafales, "de manière calme et détachée".

L'enquêteur rappelle qu'un terroriste portait des baskets oranges : Abaaoud, le coordonnateur. "Il a crié Allah Akbar en tirant" sur les terrasses, précise l'enquêteur.

L'enquêteur décrit ensuite la scène de crime au Bataclan, où les constatations ont commencé à 5 heures du matin. "Spectacle de désolation, des gens avaient agonisé", dit-il.

L'enquêteur SDAT précise que "250 étuis de cartouches 7.62" ont été découverts, 15 chargeurs de kalachnikov, au Bataclan. 

L'enquêteur SDAT rappelle la fouille du véhicule stationné devant le Bataclan à 2h du matin, la Polo louée par les terroristes.

Puis découverte dans une poubelle d'un téléphone avec ce SMS de 21h42 : "on est parti, on commence". Message des kamikazes du Bataclan, avant leur entrée dans la salle de spectacle à 21h47 le 13 Novembre 2015. Ce sms permettra aux enquêteurs de remonter jusqu'à la Belgique.

L'enquêteur évoque la revendication de l’EI le 14 novembre 2015, au lendemain des attentats du 13Novembre. Revendication lue/psalmodiée par les frères Fabien et Jean-Michel Clain, vétérans du djihad de la filière d'Artigat dans le sud-ouest de la France.

L'enquêteur SDAT note les "incohérences" sur lesquelles la police antiterroriste s'est appuyée : la revendication EI du 14 novembre 2015 évoquait 8 kamikazes et une cible frappée dans le 18e arrondissement, entre autres. "Or, il y a sept corps de terroristes".

L'enquêteur parle de la traque de Salah Abdeslam, qui a quitté Paris puis Montrouge pour la Belgique le 14 novembre 2015. "Nous sommes inquiets de savoir s'il ne va pas repasser à l'acte".

L'enquêteur SDAT : "Nous avons une chambre d'hôtel réservée le 17 novembre à Lille au nom de Brahim Abdeslam »(le grand frère de Salah Abdeslam / mort le 13Novembre en kamikaze) Les enquêteurs craignent que Salah Abdeslam ne frappe.

L'enquêteur parle aussi de la Seat Leon retrouvée à Montreuil. La Seat à bord de laquelle trois terroristes dont Brahim Abdeslam et Abdelhamid Abaaoud ont sillonné Paris et tiré sur les terrasses avec un 3e terroriste.

Dans cette Seat Leon, "on a retrouvé 17 chargeurs de kalachnikov, deux par deux, trois couteaux de boucher un petit drapeau français sur le tableau de bord" dit l'enquêteur SDAT.

Et l'enquêteur raconte la découverte du coordonnateur des attentats du 13 Novembre, Abaaoud, retrouvé grâce à une témoin-clé, amie avec la cousine d'Abaaoud. Abaaoud que tous les enquêteurs antiterroriste croient alors en Syrie.

"Découvrir Abaaoud en France serait un cataclysme", résume l'enquêteur SDAT. A ce moment-là, les enquêteurs antiterroristes ne veulent pas y croire.

Les enquêteurs se mettent alors à surveiller la cousine d'Abaaoud et découvrent le 17 novembre 2015 que des attentats projetés sur La Défense.

Cela fait maintenant plus de deux heures et demie que le policier antiterroriste à la barre parle. Très vite. Et presque sans jamais consulter les notes qu'il a sous les yeux. Il est très précis. Connaît par cœur les méandres de cette enquête colossale.

Le policier rappelle que Salah Abdeslam avait une fausse carte d'identité le 13 Novembre 2015.

Et alors que le policier antiterroriste poursuit son exposé, il est interrompu par un avocat belge de la défense qui trouve qu'il donne trop de détails sur son client avant un futur procès en Belgique...

Salah Abdeslam en profite pour prendre à nouveau la parole sans que la cour ne lui ait rien demandé. Le président, fermement : "Taisez-vous, Monsieur Abdeslam !" Abdeslam ne se tait pas. "Si vous me permettez de finir !", le coupe Jean-Louis Périès.

Le président, ferme : "Il va vous falloir vous armer de patience. Vous allez entendre cela pendant des mois. Vous allez entendre les témoignages des parties civiles de ces attentats, même si ça ne vous plaît pas. Vous pouvez vous rasseoir, Monsieur Abdeslam !".

L'enquêteur antiterroriste qui dépose à la barre anonymement sous le pseudo "SDAT99" est vraiment impressionnant. Cela va faire trois heures et demie qu'il détaille, quasi sans regarder ses notes, toutes les pistes de cette enquête complexe qui a abouti à ce procès.

Près de six ans après les attentats du 13 Novembre 2015, "nous ne savons toujours pas comment ils se sont procuré les armes", reconnaît le policier antiterroriste.

Le policier "SDAT 99" parle en conclusion d'une enquête "hors-normes avec une traque sans précédent". Et l'arrestation d'Abaaoud grâce à une "témoin protégée" qui a agi "au péril de sa vie".

Le policier antiterroriste : "Il a pu être identifié l’ensemble des auteurs, leurs complices, le commanditaire final en Syrie". Le policier parle du "commandement opérationnel de Oussama Atar" (un des 20 accusé jugés mais présumé mort en Syrie).

Le policier "SDAT 99" poursuit : "Sous le commandement opérationnel de Oussama Atar, 11 combattants projetés depuis la Syrie. Ces combattants étaient menés par deux hommes : Abdelhamid Abaaoud et Najim Lachraoui (artificier et "homme de confiance de Oussama Atar")

Najim Lachraoui est mort en kamikaze le 22 mars 2016 à l'aéroport de Zaventem-Bruxelles, lors des attentats perpétrés quatre jours après l'arrestation de Salah Abdeslam. A Zaventem, il y avait aussi "l'homme au chapeau", Mohamed Abrini, jugé à ce procès

Le policier "SDAT 99" parle aussi des "délinquants" qui ont participé à ces attentats dont les frères Abdeslam, dit-il.

Le policier antiterroriste se félicite que dans cette enquête, les auteurs aient été interpellés et identifiés, "mais aussi la structure logistique", les planques". "Enquête complète". Il dit que "c'est rare".

A l'instant, le président de la cour, Jean-Louis Périès suspend l'audience. Elle reprendra demain à 12H30 pour le jour 5.

Jour Cinq - Mardi 14 Septembre - Examen des faits

Semaine 2, journée d'audience 4 au procès des attentats du 13 Novembre 2015. Début de l'examen détaillé des faits aujourd'hui.

Bonjour à tous, la salle d'audience vient d'ouvrir avant la reprise prévue à 12h30. Aujourd'hui, la cour entend la juge d'instruction belge Isabelle Panou pour évoquer l'enquête du côté belge.

L'audience est reprise. Trois nouveaux interprètes s'approchent de la barre pour prêter serment. A noter que la barre a été abaissée et une chaise installée devant, à la demande de la juge d'instruction belge Isabelle Panou dont le témoignage doit être long.

Témoignage de Mme Isabelle Panou, juge d'instruction belge

La témoin du jour s'avance à la barre. "Vous m'autorisez à retirer le masque ?" demande-t-elle d'emblée. Oui. "Ah, je le retire. Je suis vaccinée". La juge d'instruction décline son identité : "Isabelle Panou, 53 ans".

A noter que c'est la première fois qu'elle apparaît publiquement en France. Isabelle Panou a déjà témoigné devant une cour d'assises française lors du procès de l'attentat du Thalys, mais par biais d'une visioconférence dont les écrans avaient été cachés au public.

Isabelle Panou : "j'ai dû réfléchir : comment exposer 5 ans d'instruction en quelques heures ? C'est ça, finalement, qu'on m'impose comme exercice. Je vais donc vous donner ma vision des choses. "

La juge d'instruction belge Isabelle Panou a posé devant elle son étui à lunettes et un épais dossier contenant vraisemblablement des notes, mais qui pour l'instant reste fermé.

Isabelle Panou : "c'est un dossier qui présente un caractère exceptionnel par son ampleur et par le fait qu'il a impliqué une collaboration entre les enquêteurs français et belges."

Isabelle Panou : "la fonction de juge d'instruction en Belgique est sensible la même qu'en France. Sauf sur la détention préventive. En Belgique, c'est le juge d'instruction qui décide de place les personnes sous mandat d'arrêt."

"on a travaillé de manière artisanale car si les juges d'instruction et les enquêteurs s'entendent, les ordinateurs ne collaborent pas. Donc ma greffière a dû faire une copie entière du dossier et elle a été transmise par camion à la France".

"autre chose qui est différente en Belgique et qui est très importante, c'est la co-saisine. Vous voyez que je comparais seule. En France, il y a eu six juges d'instruction dans ce dossier. Il n'y en même pas autant de juges en Belgique !"

"les choses ne sont pas simples en Belgique. Rien n'est simple. Nous avons un Roi. Et un procureur fédéral qui, dès le 14 novembre m'a saisie. Pas parce que je suis un super juge. Mais parce que certains actes ne peuvent être posés que par un juge d'instruction"

"autre chose, on dit que les Belges font des petites auditions de garde à vue. Et bien c'est très simple, en tout on a 24 heures ! Pour tout faire. En France, en matière terroriste, cela monte à 4 jours"

"Bon, le législateur en a tenu compte. Maintenant, en Belgique on est passé à 48 heures de garde à vue. Mais dans tous les dossiers. Que ce soit pour le vol d'une pomme dans un supermarché comme en matière de terrorisme."

"en matière terroriste, c'est la police fédérale qui est compétente. Mais pendant quelques mois toute la police a été mobilisée. J'avais des enquêteurs en TVA qui se mettaient à faire de l'antiterrorisme ! Car il fallait faire avec ce qu'on avait."

"dès les premières minutes, la collaboration franco-belge était nécessaire. Je donne un exemple : le fameux GSM du Bataclan. Il y a une carte avec un numéro appelant et un entrant. Ce sont des numéros belges. Les Français sont bloqués."

"on entend souvent : pourquoi il a fallu 5 ans ? C'est long cinq ans ! C'est long pour la Belgique, pour la France, pour les victimes ... "

"... mais les dossiers qui ont été envoyés par camion de la Belgique vers la France, on compte entre 250 et 270 tomes de procédures. Et les éléments qui sont partis de la France vers la Belgique ... une demi-tonne de procédure; et encore ..."

"il y a une limite d'hommes. Parce que c'est bien gentil qu'on me donne les Facebook de tous les terroristes de la terre. Mais si je ne sais pas les lire et les analyses, ça ne me sert à rien ! Donc on a fait appel à des organismes européens".

"Je vais vous parler du dossier des attentats déjoués de Verviers. Les enquêteurs l'appellent le dossier Lidl, ne me demandez pas pourquoi ? Bref, les attentats de Verviers ..." Dans ce dossier, on retrouve déjà Abdelhamid Abaaoud, coordonnateur du 13 Novembre.

"Je me souviens quand j'ai eu une conversation avec Mohamed Abrini [l'un des principaux accusés de ce procès ndlr] dans mon cabinet. Il s'est un peu moqué. Il disait :"mais qu'est-ce que vous croyez ? On circule comme on veut. Et c'était vrai."

"Abdelhamid Abaaoud [coordonnateur des attentats du 13 Novembre 2015 mort dans l'assaut de Saint-Denis le 18/11/15], je l'ai traqué. Pendant des années, je l'ai traqué. Mais je ne l'ai jamais eu dans mon cabinet".

"Abdelhamid Abaaoud qu'est-ce qu'il vise ? Il vise à déstabiliser un Etat. Et comment on déstabilise un Etat ? La terreur et les symboles. En faisant un maximum de victimes."

Ce moment où la juge d'instruction belge Isabelle Panou évoque une Clio ... "enfin je crois que c'était une Clio. Vous m'excuserez, je ne m'y retrouve pas trop dans les différentes marques de voiture".

Isabelle Panou : "qu'est-ce qu'on apprend de l'attentat de Verviers ? C'est qu'ils se connaissent très bien. Ce sera la même chose à Paris. Je demandais : ils sont de la même famille ? Ils sont allés à l'école ensemble ? Ils ont été en prison ensemble ? C'était toujours un des trois"

"c'est parfois déconcertant les écoutes téléphoniques. Pour M. Bakkali, on a une série de communications qui parlent de tuyaux d'arrosage, de friteuses. On se dit : "on est pas dans le bon !" Et si, on peut être terroriste le lundi et vendre des tuyaux le mardi"

Isabelle Panou évoque les conversations retrouvées sur un ordinateur entre Najim Laachraoui et Ibrahim El-Bakraoui (deux kamikazes de Bruxelles) à un certain "abou Ahmed" en Syrie. "Je n'ai pas de conseil à donner à la cour, mais c'est intéressant de les entendre".

Isabelle Panou : "sur ces audios, Najim Laachraoui et Ibrahim El-Bakraoui s'adresse avec respect à Abou Ahmed. Ils lui font l'avancement des travaux en quelques sortes. Si vous les écoutez, vous reconnaîtrez cet accent typique du nord de Bruxelles".

Isabelle Panou explique qu'Abou Ahmed a finalement été identifié comme étant Oussama Atar (accusé dans ce procès et frère aîné de l'autre accusé Yassine Atar). Elle raconte comment il a été incarcéré en Irak et "la population belge s'est émue car il avait un problème au rein".

Isabelle Panou poursuit au sujet d'Oussama Atar : "mais bon, ce n'est pas un enfant de chœur. C'est un vrai combattant. Et c'est quelqu'un qui a cette aura, ses proches le disent, pour convaincre les gens. "

Isabelle Panou : "si je dois retenir 5 noms dans le dossier des attentats de Paris, il y a : Abdelhamid Abaaoud [coordonnateur, ndlr], Ibrahim et Khaled El-Bakraoui [logisticiens, ndlr], Oussama Atar [commanditaire, ndlr] et je rajoute Najim Laachraoui [artificier, ndlr]".

Isabelle Panou au sujet d'Ibrahim El-Bakraoui (logisticien du 13 Novembre et kamikaze du 22 Mars à Bruxelles) : "je pensais que c'était une caractéristique des prisons belges qu'on parle aisément. Mais manifestement en Turquie, on communique sans aucune difficulté en prison !"

Isabelle Panou jongle entre les différents dossiers dont elle a la charge : Verviers, Thalys, 13 Novembre. Elle cite de mémoire les protagonistes, leurs parcours, leurs déclarations : "Siraj, qu'on voit dans le dossier du Thalys, c'est lui qui m'a parlé de "H24 religion".

La juge d'instruction belge Isabelle Panou s'excuse : "je suis peut-être parfois un peu ironique, mais c'est une façon de faire passer les choses. Ce n'est pas évident de parler de tout ça comme ça, sur un ton comme si de rien était".

"je souhaiterais, c'est personnel, mais je voudrais dire quelques mots sur Molenbeek. Alors, on y va sur Molenbeek ! Je dis toujours : "tout le monde en parle, personne n'y va. Il y a même des chefs d'Etat qui en parlent".

"cela fait 18 ans que je suis juge d'instruction et 14 que je fais de l'antiterrorisme. Alors il y a peu de rues de Molenbeek que je n'ai pas perquisitionnées. Mais c'est un non-sens. Molenbeek c'est 6 km2 et c'est deux fois plus peuplé que les autres communes".

"Molenbeek c'est six quartiers. On parle en mètres, pas en kilomètres. C'est pas des tours comme vous pouvez avoir dans certaines banlieues. Non, ce sont des maisons unifamiliales, qui se touchent. Mohamed Abrini, la mosquée elle est quasiment dans son jardin"

"on vient me dire : à Molenbeek, il y a des mosquées. Bah oui ! Il y a une majorité de personnes qui pratiquent le culte musulman, c'est normal ! Ce qui est moins normal c'est qu'il y ait des mosquées où l'on prêche un islam qui n'est pas vraiment apaisé".

Petit flottement à l'audience. Isabelle Panou lance au président : "il faut m'arrêter monsieur le président. Il faut m'arrêter sinon je parle trop". Président : "terminez sur Molenbeek et on va faire une petite pause.""Ok, 5 minutes !"

Voici donc la pause promise. L'audience est suspendue 15 minutes.

L'audience reprend ... après plutôt 45 minutes de pause. Sans doute difficile de faire plus court avec les fouilles et portiques de sécurité à repasser pour toutes les personnes qui assistent à l'audience.

La juge d'instruction belge Isabelle Panou, elle, a passé le temps de suspension seule dans la salle des témoins, ainsi que le veut le code de procédure pénale.

Isabelle Panou indique qu'elle va maintenant aborder la manière dont s'est déroulée l'enquête sur ces attentats du 13 Novembre 2015 depuis la Belgique.

Isabelle Panou : "pourquoi on a mis tant de temps à localiser les caches [des terroristes ndlr] ? Bruxelles c'est quand même 1,2 million d'habitants, ce n'est pas si petit que ça. Les enquêteurs ont fait un énorme travail de terrain. Ca prend du temps."

"quand vous louez une cache, vous ouvrez des compteurs de gaz, électricité etc. Donc on a interrogé tout le monde en Belgique sur les ouvertures de compteurs. Et on a retrouvé certaines caches comme ça."

"les caches c'est un volet [de l'enquête ndlr] très importants car ça nous a permis d'investiguer sur les armes". Notamment dans la planque de la rue du Dries qu"'ils ont abandonnée telle qu’elle car ils ont fui".

La juge belge Isabelle Panou au sujet de la coopération internationale fondamentale dans ce dossier des attentats du 13 Novembre : "je crois qu'on n'a pas été destinataires de beaucoup d'informations venant du Pakistan. Donc il y a des pays avec lesquels ça ne collabore pas."

Isabelle Panou : "en Belgique, la présence de l'avocat à tous les stades de la procédure, c'est dans notre ADN. On a été suffisamment condamnés par la cour européenne des droits de l'Homme pour le savoir. Mais allez demander ça aux autorités turques, c'est délicat."

La juge d'instruction belge Isabelle Panou évoque les investigations sur l'origine des armes. : "je ne veux pas choquer en disant ça mais ce qui a vraiment causé des dégâts terribles au niveau humain à Paris ce sont les armes. A Bruxelles, ce sont les explosifs."

"ce qui nous a permis d'avancer ce sont les déclarations d'Osama Krayem [accusé de ce procès, ndlr]. Il nous a dit que les armes venaient de Hollande".

Isabelle Panou au sujet de l'accusé Ali El Haddad Asufi : "soit il est évolutif, soit il est amnésique. Mais il évolue sur tout dans ses déclarations." Et la juge d'instruction de développer avec une multitude d'exemples issus d'auditions de l'accusé et citées de mémoire.

Isabelle Panou passe à l'accusé Abdellah Chouaa : "c'est une famille à problèmes. Le père est tellement radicalisé que sa propre femme le dénonce. Mais lui est-il radicalisé ?"

"c'est important de comprendre qu'il y a des personnes qui n'étaient pas sur les scènes de crime parisiennes. Vous les appelez comme vous voulez : logisticiens, tireurs de ficelles ... mais il faudra déterminer leur rôle sur le plan judiciaire."

Isabelle Panou évoque le "convoi de la mort". "Je ne fais que citer Mohamed Abrini ". Il s'agit des trois voitures qui ont transporté les terroristes depuis la Belgique vers Paris le 12 novembre 2015.

Isabelle Panou : "j'arrive vers la fin. Je ne sais pas s'il faut faire une pause ? ... "

Président : "allez-y. Terminez."

"j'en ai encore pour une petite heure …"

Exclamations dans la salle.

Président : "ah je croyais que c'était la conclusion. Essayez de synthétiser".

Isabelle Panou : "Salah Abdeslam est-il radical ? Je pense que les éléments laissent peu de doutes. Il y a des questions sur : a-t-il voulu déclencher sa ceinture ? J'ai envie de dire : et alors ? Vous avez une personne avec une ceinture explosive en plein Paris !"

"voilà, j'en ai terminé. Je sais que j'ai été longue. Mais je pense que les investigations nécessitaient un tout petit peu de temps ... Et je reste à votre disposition si nécessaire. Mais si ce n'est pas nécessaire, je ne reviens pas évidemment !"

Isabelle Panou revient sur les enregistrements retrouvés sur l'ordinateur des terroristes après les attentats de Bruxelles en mars 2016 : "c'est très impressionnant car vous entendez la voix de quelqu'un qui va se faire exploser. Je pense que pour lui plus rien de comptait".

Isabelle Panou interrogée sur les modes de financement des terroristes : "on les soupçonne d'avoir fait un vol de cigarettes, de la criminalité. Et puis il y a un financement international, d'Angleterre par exemple. Une chose certaine c'est qu'il y avait des sous !"

"cela ne posait aucun problème de payer à l'avance trois ou quatre mois de loyers. Ils abandonnaient des garanties locatives sans aucun problème. Il y a de l'argent, c'est certain. Il y a des trafics de stupéfiants ... plein de financements possibles".

Isabelle Panou interrogée sur son parcours : "en Belgique, les juges antiterroristes font de tout. Moi je suis de garde le vendredi, je fais du droit commun comme tout le monde. Et je trouve ça très bien."

Avocat général : "dès le mois d'août 2015, la cellule est totalement opérationnelle ?" Isabelle Panou : "oui, bien sûr. Le premier acte préparatoire je le situe en 2014, mais le moment où les choses se sont vraiment intensifiées c'est l'été 2015."

Me Seban (PC) : "pourquoi la France ?" Isabelle Panou : "c'est une question que je leur ai posée. Et les réponses sont parfois très étonnantes. Par exemple, Abrini vous dit : "c'est la politique de la France". Mais ils ont pas été capables de me dire grand chose".

Isabelle Panou poursuit sur les motivations des terroristes : "c'est très général. Et je n'ai pas été très avancée. On reste sur des dires "on viole les femmes et on tue les enfants". C'est peut-être le cas en Syrie. Mais c'est un peu faible comme explications."

"il semblerait que ce soit excessivement aisé de se procurer une kalachnikov, surtout depuis l'ouverture des frontières vers les pays de l'Est. Bon, moi on ne m'a jamais proposé d'armes."

Me Mouhou, avocat de parties civiles, tente de poser à la juge Isabelle Panou une très longue question sur un rapport parlementaire belge qui n'a pas été versé au dossier. Le président le recadre assez sèchement : "cela est contraire au respect du contradictoire !"

Me Mouhou (PC) pose une 2e question sur un élément qui n'est pas dans le dossier d'instruction. Le président intervient encore. Me Mouhou : "il va falloir laisser les avocats poser leurs questions !" Président : "ce n'est pas légal, ce n'est pas confraternel et ça ne sert à rien !"

Me Mouhou (PC) : "censurez, censurez, monsieur le président". Il se rassied. Un grand "oohhh" retentit dans la salle. Le président : "tout le monde appréciera".

Isabelle Panou : "Abdelhamid Abaaoud a échappé aux Français, il a échappé aux Grecs, il a échappé aux Belges. Hélas, triplement hélas. Mais l'Europe c'est le principe de la libre circulation. Mais dire qu'Abaaoud n'a pas fait l'objet de recherches des autorités belges est erroné".

Me Chemla (PC) : " il y a quand même à Molenbeek beaucoup de gens qui vont faire évoluer ce quartier vers un islamisme radical ..." Isabelle Panou : "ce serait malhonnête intellectuellement d'avancer des thèses sociologiques que je ne maîtrise pas.

Au sujet de l'accusé Mohamed Abrini, il est question du "dossier Brioche". Isabelle Panou : "on l'appelle le dossier Brioche en référence à sa profession de boulanger".

Isabelle Panou : "les autorités belges avaient Mohamed Abrini en observation car on le soupçonnait de vouloir rejoindre la Syrie. On a repéré les allées et venues de Mohamed Abrini. Mais on n'avait pas de connaissance de son implication dans les attentats du 13 Novembre ".

L'avocate de Mohamed Bakkali rappelle qu'il s'est lui-même présenté à la police : " ce n’est tout de même pas banal !" Isabelle Panou : "effectivement, il s'est présenté spontanément mais sans ses moyens de communication. C'est dommage. J'aurais aimé avoir ses GSM avec."

Fin des questions à la juge d'instruction Isabelle Panou. Président : "Je propose que demain en début d'après-midi, avant les premières auditions, les accusés nous fassent une intervention sur leur positionnement par rapport aux faits."

L'audience est suspendue jusqu'à demain 12h30. Bonne soirée à tous

Jour Six - Mercredi 15 Septembre - Première intervention des accusés au sujet des faits

Avant l'ouverture, les accusés discutent avec leurs avocats. Beaucoup portent aujourd'hui des chemises BCBG blanches ou bleu ciel.

Salah Abdeslam tout en noir.

On a vu passer il y a quelques minutes les trois avocats généraux du parquet antiterroriste, sous escorte policière, avant leur entrée dans la grande salle d'audience.

Jour 6, au procès des attentats du 13 Novembre 2015. 

Aujourd'hui le président Periès va commencer par donner la parole aux accusés pour qu'ils "fassent une intervention sur leur positionnement par rapport aux faits". L'audience va débuter à 12h30.

La sonnerie retentit. L'audience reprend. Jour 6.

Le président : "bien, nous allons donner la parole un bref instant à chacun des accusés pour qu'ils précisent leur position par rapport à la mise en accusation. Ce n'est pas un interrogatoire".

Le président précise : "Il ne s'agit pas de faire un discours".

Et le président commence par appeler Ali Oulkadi, accusé sous contrôle judiciaire. Il souffle : " j'attends cette audience depuis longtemps maintenant et je suis prêt à répondre à toutes les questions sur les faits qu'on me reproche " ; 

Accusé Abdellah Chouaa : "J'étais très choqué pour tous les attentats à Paris et Bruxelles, très ému. Je suis devenu marâtre avec ces accusations. J'ai rendu malade ma famille. J'ai 3 merveilleux enfants à la maison. J'espère que justice soit faite. Je suis innocent" 

Accusé Hamza Attou, lui aussi sous contrôle judiciaire : "Je reconnais avoir voulu chercher Salah Abdeslam. A aucun moment, je n'ai voulu faire du terrorisme". 

Dans le box, Osama Krayem, Suédois, répond en langue étrangère avec une interprète : "pour moi c'est prématuré de vous indiquer ma position des faits, je répondrai plus tard"

Accusé Farid Kharkhach : "Je suis coupable pour les faux papiers mais j'avais besoin d'argent. J'étais pas au courant de ce qui allait se passer. J’aurais jamais cru que des faux papiers amèneraient à ce massacre. Je suis désolé". 

Accusé Adel Haddadi : "Ça fait six ans que j’attends ce procès, je suis victime aussi. Je sais, j’ai fait des fautes, je vais les réparer. Je vais répondre à toutes les questions".

Accusé Sofian Ayari : "Monsieur le président, je n’ai pas de déclaration à faire aujourd'hui".

Accusé Ali El Hadad Asufi : "Monsieur le président, mesdames et messieurs de la cour, je n’ai pas participé à la préparation des attentats". 

Accusé Mohamed Bakkali : "Monsieur le président, je reconnais avoir commis certains actes et j’en conteste d’autres, voilà".

Accusé Yassine Atar : "Je condamne avec la plus grande fermeté. Toutes les victimes, je leur souhaite bon courage. Je sais que ce n’est pas facile pour eux d’être là". 

Il leur fait part de sa compassion.

Yassine Atar poursuit : "J’ai à cœur de m’expliquer. Je suis innocent, pour une fois. Moi je ne suis pas Oussama Atar". Oussama Atar est son grand frère, commanditaire présumé des attentats 13 Novembre et présumé mort en Syrie.

Yassine Atar conclut : "Je condamne avec la plus grande fermeté tout ce que j’ai entendu sur Oussama Atar".

Accusé Mohamed Amri : "On m’a collé une étiquette de terroriste alors que je ne suis pas un terroriste, monsieur le président".

Accusé Mohamed Abrini : "Monsieur le président, je reconnais ma participation aux attentats. Mais je ne suis pas Oussama Atar. Dans ce malheur qui a touché la France, je ne suis pas le commanditaire ni le cerveau. J’ai apporté aucune aide logistique financière".

​​

L'accusé Salah Abdeslam est le dernier appelé par le président de la cour, qui aurait pu lui donner la parole en premier, Abdeslam étant le plus proche de la cour dans le box, le premier nom par ordre alphabétique.

Abdeslam se lève et commence par "bonjour à tous".

Salah Abdeslam commence par parler en tournant le dos au président, dit que c'est cause du positionnement du micro, et se tourne finalement pour faire face à la cour et faire cette déclaration, très réfléchie.

Salah Abdeslam : "Moi je serai peut-être un peu plus long. Je voudrais d’abord faire une petite précision par rapport à ce qui s’est passé hier. La juge hier a parlé de terrorisme radical. Ces termes créent de la confusion. Il ne s’agit que de l’islam authentique"  

Salah Abdeslam poursuit : "Ces radicaux sont des musulmans. Alors moi je vous dis : on a combattu la France, on a attaqué la France, on a visé la population des civils, mais en réalité, on n'a rien de personnel vis-à-vis de ces gens-là. On a visé la France". 

Salah Abdeslam : "Les avions français ne font pas la distinction entre les hommes, les femmes et les enfants. On a voulu que la France subisse la même douleur que nous subissons."

Salah Abdeslam : "J’ai entendu François Hollande dire que nous combattons la France pour vos valeurs et vous diviser. C’est un mensonge manifeste".

Salah Abdeslam : "Quand François Hollande a pris la décision d'attaquer, il savait qu'à cause de cette décision, des Français allaient rencontrer la mort".

Salah Abdeslam : "En 2003, Jacques Chirac a refusé de donner son soutien aux Américains" (pour la guerre en Irak) sous prétexte d'une haine anti-Français et des attaques meurtrières. C’est exactement ce qu’il se passe aujourd’hui".

Salah Abdeslam : "Je sais que certains de mes propos peuvent choquer. Le but n'est pas de blesser les gens. 

Pas d'enfoncer le couteau dans la plaie. Mais être sincère envers ces personnes qui subissent une douleur incommensurable". 

Salah Abdeslam conclut : "On dit souvent que je suis provocateur mais moi je veux être sincère et ne pas leur mentir. Je vous remercie de m'avoir écouté. Je n'ai rien à ajouter".  

Et il se rassied dans l'angle du grand box de verre. 

Salah Abdeslam dont c'est aujourd'hui l'anniversaire. Il est né le 15 septembre 1989 à Bruxelles. Il a donc désormais 32 ans.

Parmi les 14 accusés présents, j'ai oublié de mentionner Muhammad Usman qui a dit : "Je ne sais pas pourquoi je suis ici. Je suis désolé pour toutes les victimes. Je suis très content de ne pas avoir participé à ce massacre. Je vais répondre à toutes les questions."

Après une suspension, l'audience reprend avec un enquêteur de la SAT, la section antiterroriste, qui vient raconter les voitures utilisées par les terroristes le 13Novembre. Voitures louées par Salah Abdeslam.

Le policier antiterroriste reprend chronologiquement les premières explosions au Stade de France.

A l'instant, le policier montre une vidéo extraite de la vidéosurveillance du métro Croix-de-Chavaux, le 13 Novembre 2015, à 22h15. On y voit Abdelhamid Abaaoud (coordonnateur) sauter une barrière de métro. Il a du mal. Un passant inconnu lui montre comment faire. Surréaliste.

Sur cette image de vidéosurveillance, Abaaoud est avec Akrouh. Tous 2 viennent de tirer à la kalachnikov sur les terrasses des 10e 11e arrondissements de Paris avec Brahim Abdeslam (qui se fera exploser). Les 2 terroristes en fuite dans le métro ont l'air détendu.

L'enquêteur à la barre explique que cette image a changé la direction de l'enquête. Les enquêteurs ont compris qu'ils avaient deux terroristes en fuite, après les massacres du 13 Novembre. Ces 2 terroristes seront tués dans l'assaut du RAID à St Denis le 18 novembre 2015.

La cour visionne aussi sur grand écran les véhicules qui ont servi aux terroristes le 13 Novembre. On voit les armes de guerre et trois couteaux dans la Seat Leon qui a transporté le commando des terrasses. La Polo qui était garée devant le Bataclan.

La cour voit aussi sur grand écran la Clio conduite par Salah Abdelslam. Garée dans le 18e arrondissement de Paris après avoir déposé les trois kamikazes du Stade de France. Dans sa revendication, l’EI évoquait le 18e arrondissement, qui n'a pas été frappé ce 13 Novembre 2015.

L'enquêteur antiterroriste à la barre rappelle que les terroristes du 13 Novembre avaient fait des recherches antérieures sur le Bataclan pas sur "Le petit carillon" ni aucune des autres adresses de terrasses visées ce 13 Novembre 2015.

Interrogé par Me Reinhart, avocat d'une centaine de parties civiles de l'association 13onze15 et ayant perdu lui-même son neveu, demande à l'enquêteur antiterroriste ce qu'il a ressenti ce soir-là sur les scènes de crimes.

"Un sentiment d'échec", en rentrant dans le Bataclan, reconnaît le policier antiterroriste, mais "on n'aurait pas pu tout empêcher".

Fin du témoignage de ce policier SAT. Demain, "nous aurons des vidéos sur les constatations au Stade de France, Le Carillon, Le Petit Cambodge et la Bonne Bière", précise le président. "Je préfère prévenir les parties civiles".

Avant de lever l'audience de ce jour 6, le président fait aussi cette précision : on ne pourra pas reconnaître de victimes sur les photos, plans larges de loin.

Le président de la cour ajoute que vendredi, la cour visionnera "des photos de la fosse" du Bataclan et  "on aura trente secondes de l’enregistrement du dictaphone, on entend la musique et les premiers tirs, je préfère prévenir", dit Jean-Louis Periès. 

Le président de la cour veut surtout prévenir les personnes qui ne suivent ce procès que via la webradio et il le redira demain. Fin de l'audience pour ce jour 6 au procès 13 Novembre.

Jour Sept - Jeudi 16 Septembre - Examen des scènes de crimes du Stade de France, des terrasses du Carillon, du Petit Cambodge, La Bonne Bière et Casa Nostra

Au programme aujourd'hui : l'examen dans le détail des scènes de crime du Stade de France, des terrasses du Carillon, du Petit Cambodge et de la Bonne Bière. Le président a prévenu que des photos seraient projetées à l'audience.

L'audience s'apprête à reprendre. Trois enquêteurs doivent être entendus aujourd'hui. Le premier devrait tout d'abord revenir sur les constatations du Stade de France.

Stade de France

Le premier témoin, Xavier Vo-Dinh, 48 ans qui n'a pas demandé à être anonymisé rappelle le président, s'avance à la barre. Il annonce qu'il fera "projeter des photos pour illustrer [s]on propos".

Le président rappelle qu'il y aura la projection de vidéos au Stade de France.

L'enquêteur explique qu'il arrive avec son groupe de la section antiterroriste de la brigade criminelle au Stade de France à 23h20. "On s'est vu confirmer que trois explosions avaient eues lieu autour du Stade de France. Le bilan est de 4 morts dont les 3 kamikazes".

A la barre, l'enquêteur rappelle que "la capacité d'accueil du Stade de France est de 80 000 spectateurs. Il était plein ce soir-là" avec autour "des bureaux, plusieurs restaurants, un magasin Decathlon notamment".

L'écran géant est abaissé derrière la cour. La première image projetée est "un plan assez large pour comprendre la situation du Stade de France". Les portes de A à J y sont renseignées. "La première explosion a eu lieu à hauteur de la porte D au niveau du restaurant Events".

Enquêteur : "à proximité du kamikaze, on va retrouver des morceaux de tissus rouge, jaune et noir déchiquetés. On va pouvoir reconstituer la tenue vestimentaire du kamikaze".

L'enquêteur poursuit les projections des photos des alentours du Stade de France, cette fois au niveau de la porte H où a eu lieu la 2e explosion. Sur un plan, il montre "la zone de dispersion : on va retrouver des débris de l'engin explosif jusqu'à 50m de l'épicentre".

L'enquêteur passe à la description du 2e kamikaze : "le corps du kamikaze compte la tête et le haut du buste avec le bras gauche sans la main". La jambe gauche et la jambe droite, "dans un survêtement du Bayern de Munich" sont retrouvées à plusieurs mètres l'une de l'autre.

L'enquêteur poursuit la description des éléments du corps du kamikaze retrouvés éparpillés : "un morceau de côte", "un morceau de pouce", "un morceau de chair humaine". "Nous avons retrouvés des morceaux de fils électriques, un bouton poussoir etc."

L'enquête poursuit avec "les constatations rue de la Cokerie", située à 150 mètres du Stade de France, où a eu lieu l'explosion du troisième kamikaze.

Là encore, des impacts de boulons sur les voitures et camions qui étaient garés à proximité du lieu de l'explosion. Enquêteur : "je vous présente ces véhicules pour avoir une idée du pouvoir vulnérant de l'engin explosif. On retrouve des impacts sur les vitres jusqu'au 4e étage"

L'enquêteur indique sur un plan des lieux : "on va retrouver une jambe gauche derrière la Mercedes et la jambe droite derrière la Clio. Le visage du kamikaze est celui d'un homme de 18 ans."

Enquêteur : "pour les 3 kamikazes, les conclusions du légiste attestent d'une mort instantanée par fragmentation. S'agissant de la victime, lors de l'autopsie, onze écrous vont être découverts sur le corps dont un au niveau du poumon et qui est à l'origine du décès de la victime"

A l'écran, plusieurs photos des différents éléments des ceintures explosives des kamikazes retrouvés sur les lieux : fils électriques, bouton poussoir, morceaux de plastiques etc.

On passe à la projection de photos partielles des corps des kamikazes. On y distingue les vêtements déchirés qu'ils portaient ce soir-là, en l'occurrence des survêtements à l'effigie du Bayern de Munich, baskets et drapeaux allemands.

Enquêteur : "après les premières constatations, nous sommes retournés au service au petit matin et on a fait le lien avec les équipes en charge des vidéos. On va retrouver les deux kamikazes des porte D et H ensemble" sur des images de vidéosurveillance.

L'enquêteur poursuit l'analyse des images de vidéosurveillance du Stade de France : "on voit le kamikaze qui se déplace de la buvette Events jusqu'à un groupe pour se fondre dans ce groupe. On voit aussi le 2e kamikaze isolé et qui va rejoindre un autre groupe".

Fin de l'audition de l'enquêteur. Avant le tour de questions habituel, le président fait projeter une vidéo. "Ce sont des extraits de vidéosurveillance", précise le président.

La première vidéo, qui dure 5 minutes 39 secondes, montre l'explosion du deuxième kamikaze, au niveau de la porte H du stade de France, l'arrivée des premiers secours, de la police etc. Même scène, sous un autre angle, dans une deuxième vidéo.

L'enquêteur donne des éléments pour tenter d'expliquer le lieu et l'heure de la 3e explosion : "on le voit se diriger vers le RER B, peut-être a-t-il espéré trouver plus de monde au RER ? En tous cas, il a marché jusqu'à trouver un groupe pour faire le plus de victimes possibles"L'enquêteur en réponse à une question de la première assesseure : "les écrous [des ceintures explosives ndlr] n'ont pas été décomptés, je n'ai donc pas le nombre exact mais on parle de plusieurs centaines d'écrous."

Président : "les 2 premières explosions ont lieu à 3 minutes d'intervalle, à peu près dans le même secteur, alors que la 3e explosion a lieu une demi-heure plus tard, complètement en dehors du Stade de France." Enquêteur : "je n'ai pas d'explication au déclenchement plus tardif".

Me Berger-Stenger (PC) relève que des gardes républicains étaient sur place et que l'enquêteur ne l'a pas mentionné : "ils étaient primo-intervenants. C'est eux qui sont intervenus en premier, ils ont porté secours. Et personne ne les a contactés pour être entendus."

Me Berger-Stenger (PC) poursuit au sujet des gardes républicains présents au Stade de France : "l'une d'entre eux a croisé et parlé avec un des terroristes, Bilal Hadfi. Il lui a demandé où se trouvait le MacDo et en partant il lui a dit qu'elle avait de beaux yeux".

Me Mouhou (PC) interroge l'enquêteur sur le fait que les kamikazes se font exploser à des endroits où il y a peu de monde : "la question est savoir si ce sont des cibles par défaut au motif que les terroristes voulaient se faire exploser avec la foule qui attendait d'entrer"

Fin de l'audition de l'enquêteur. L'audience est suspendue avant les constatations des scènes des crime des terrasses.

« Les terrasses »

L'audience reprend. Deux nouveaux enquêteurs doivent être entendus au sujet des constatations effectuées après les fusillades des terrasses du Petit Cambodge, du Carillon et de la Bonne Bière.

Mais avant cela, une avocate de la défense souhaite alerter sur "une nouvelle difficulté liée au menottage : les accusés qui sont assis, restent dans le box et ne vont pas aux toilettes ont été menottés." "Je vais clarifier cela avec le service d'ordre" promet le président.

L'enquêteur qui s'avance à la barre souhaite rester anonyme. Il explique qu'il travaillait pour la section antiterroriste de la brigade criminelle et est intervenu sur la première scène de crime des terrasses, en l'occurrence le Petit Cambodge et le Carillon.

Enquêteur : "tous les enquêteurs de notre groupe sont des enquêteurs expérimentés qui avaient vu beaucoup de scènes de crimes, de corps. Mais les premiers instants c'était de la sidération : en voyant cet enchevêtrement de corps, le sang, le matériel médical abandonné."

Enquêteur : "puis, on a mis de côté l'aspect humain et nos émotions pour se concentrer sur le professionnel." Sa voix se raffermit et il entame son exposé sur les constatations effectuées ce soir-là, photos à l'appui.

Enquêteur : "Voilà à quoi ressemble la scène de crime au moment où nous avons commencé nos constatations : une scène de guerre tout simplement". Sur la photo : les deux terrasses du Petit Cambodge et du Carillon. On y voit, de loin, plusieurs corps à terre. "Il y avait 13 morts"

L'enquêteur s'exprime un peu difficilement, on perçoit son émotion : "11 victimes se trouvaient sur la voie publique. Il n'y avait aucune victime à l'intérieur du Carillon même s'il y avait énormément de trace de sang. Il y avait deux corps à l'intérieur du Petit Cambodge."

L'enquêteur cite, une à une chacune des victimes identifiées sur cette certaine de crime : "nous avons pu identifier le corps de Amine Mohamed Ibnolmobarak". Il poursuit avec "la jeune Nohémi Gonzales de nationalité américaine".

Enquêteur : "pour la victime suivante, il s'agit d'une erreur que j'ai commise personnellement. Il a été difficile de faire une identification juste dans un premier temps. Je m'excuse également auprès de toutes les personnes blessées car je ne connais pas leur identité."

Enquêteur : "La 3e victime, la jeune femme, ne portait pas de pièce d'identité dans sa veste, mais elle est tombée sur un sac à main. J'ai regardé la pièce d'identité et dans l'obscurité j'ai vu que le visage, jeune et jolie, pouvait correspondre".

L'enquêteur s'est en réalité trompé de personne. Il s'agissait de Chloé Boissinot. Il répète encore : "je m'en excuse". Il explique être allé lui-même à l'IML corriger son erreur au sujet "de cette jeune femme au manteau moutarde".

L'enquêteur poursuit l'identification des victimes des terrasses du Petit Cambodge et du Carillon : "les soeurs jumelles Charlotte et Emilie Meaud, les soeurs Marion Petard-Lieffrig et juste à côté d'elle Anna". Il continue : "Alva Berglund, Asta Diakite, Raphaël Hilz ...."

L'enquêteur poursuit encore, citant une à une chacune des victimes décédées : "Justine Moulin, Sébastien Proisy, Stella Verry" Il raconte aussi les objets personnels retrouvés sur place, les nombreuses douilles.

L'enquêteur indique : "nous avons pu travailler dans de bonnes conditions, les policiers avaient sécurisé la zone, personne n'est venu nous déranger. La seule chose qu'on entendait c'étaient les portables qui sonnaient sur les corps".

Une nouvelle photo montre des impacts de balles sur les vitres du Petit Cambodge : "je vous laisse voir comment les tireurs ont tiré sur les vitres pour atteindre les personnes à l'intérieur. Je précise que les restaurants étaient pleins", poursuit l'enquêteur.

Enquêteur : "au total, pendant toute la nuit de constatations, nous avons saisis 121 douilles percutés sur cette scène de crime [du Carillon et du Petit Cambodge, ndlr]. Cela correspond à plus de 4 chargeurs de kalachnikov".

Enquêteur : "On a pu retracer que la Seat s'est arrêtée, les trois auteurs sont descendus et chacun a fait feu sur chaque côté : les personnes attablées, celles qui partaient ... je ne peux pas vous dire qui a tiré sur quelles victimes. "

L'enquêteur achève son exposé, toujours très ému : "il y a eu des victimes qui avaient 36 plaies par armes à feu." Place au tour de questions.

L'enquêteur explique comment l'une des victimes a été tuée au volant de sa voiture : "la Clio s'est malheureusement engagée derrière la Seat qui a stoppé net et d'où sont descendus les trois auteurs."

L'enquêteur de la section antiterroriste de la brigade criminelle qui est en train de témoigner à la barre explique avoir travaillé sur cette scène de crime avec 7 collègues. Ils y sont arrivés vers 23 heures. "Et je suis le dernier à être parti, il était 8h30 du matin".

L'enquêteur donne un nouveau chiffre pour rendre compte de la rapidité de cette première attaque, par les trois terroristes du commando des terrasses : "121 cartouches ont été tirées en l'espace de deux minutes et 31 secondes exactement."

Me Reinhart (PC) demande à l'enquêteur s'il peut qualifier la tuerie. Celui-ci répond : "il ne m'appartiens pas de le faire. Je peux juste vous dire que nous avons 36 orifices par balle sur une victime, 22 sur une autre, 14 sur une troisième. Je vous laisse vous-même qualifier."

Fin de l'audition de l'enquêteur. Le président demande à faire entrer "le 3e et dernier témoin" de la journée. Il s'agit d'un autre enquêteur qui doit relater les constatations effectuées sur la terrasse de la Bonne Bière.

L'enquêteur arrivé à la barre et commandant de police à la brigade criminelle, a lui aussi souhaité témoigner de manière anonyme. Il annonce qu'il fera diffuser des photographies et deux vidéos. "Sans le son", précise le président "pour prévenir les parties civiles sur ce point".

Enquêteur : "le 13Novembre tous les membres de la brigade criminelle ont été rappelés. On s'est armés. Et on s'est rendus sur les lieux [de la Casa Nostra et de la Bonne Bière, ndlr]. A 23h15, je suis arrivé avec mon équipe, soit moins de deux heures après les faits."

L'enquêteur explique qu'à son arrivée sur place, "on nous communique le bilan : 5 décédés, 8 personnes en urgence absolue et 11 en urgence relative. Les décédés sont restés sur place. Les blessés ont été évacués."

L'enquêteur explique que "ce soir-là, notre priorité a été de nous attacher aux personnes décédées", et à identifier les cinq corps retrouvés au niveau du restaurant La Bonne Bière. Cinq personnes tuées en "56 secondes" précise le témoin à la barre.

L'enquêteur annonce qu'il va montrer une vidéo de 35 secondes : "elle est très violente. Derrière les images que vous allez voir, il y a 5 personnes qui vont être assassinées. Je suis désolé pour les familles". Il s'agit d'images de vidéosurveillance de la ville de Paris.

Le président prévient : "s'il y a des gens qui veulent sortir, ils peuvent le faire." La projection de la vidéo démarre. On voit les terroristes descendre de voiture, tirer en rafales. Les personnes en terrasses s'effondrer. Une autre ramper vers l'intérieur du restaurant.

L'enquêteur poursuit avec la projection de photos de l'intérieur de La Bonne Bière, où ont été tirés les corps des personnes assassinées. Elles sont identifiées par des cavaliers, ces marqueurs de plastique jaune porteurs des lettres A, B, C ...

L'enquêteur chargé des constatations au café La Bonne Bière raconte à son tour, ému, "les téléphones qui n'arrêtaient pas de sonner : On avait tous envie de répondre mais on ne pouvait pas." Il se racle la gorge, avant de poursuivre son récit et la projection des images.

Enquêteur : "au vu des impacts [de balles ndlr], les tireurs ont tiré sur les personnes assises [en terrasse ndlr] et les impacts au sol montrent qu'ils ont également tiré sur les personnes au sol. La volonté de tuer est manifeste."

A son tour, l'enquêteur cite une à une les victimes assassinées sur cette scène de crime : "Milko Pierre Jozic, Elise Dogan, Kheir Eddine Sahbi dont on a retrouvé les documents dans l'étui à violon près de lui, Lucie Dietrich où on a retrouvé sept passages de projectiles …"

Enquêteur : "... et il y a un jeune homme qu'on ne peut pas identifier. On note un maximum de signes distinctifs, il avait un tatouage. Il s'agit de monsieur Nicolas Degenhardt".

L'enquêteur annonce la projection d'une deuxième vidéo, qui provient de la pizzeria Casa Nostra située juste en face : "elle dure 56 secondes, elle est violente également. Choquante. Comme pour l'autre vidéo, je m'en excuse de la diffuser mais c'est important pour comprendre." 

La vidéo débute. On y voit l'intégralité de l'attaque, depuis l'intérieur de la Casa Nostra. Les terroristes tirer. Les personnes en terrasses tombent. Une autre parvient à se réfugier dans la pizzeria. Puis un des terroristes s'approchent et achève une victime au sol.

A plusieurs reprises, l'enquêteur est invité à préciser le nombre de terroristes auteurs de ces attaques des terrasses. Il est formel : ils sont trois. Il lève le doute, sans aucune hésitation, sur les faits que ce commando ne comptait pas quatre personnes.

Fin de l'audition de l'enquêteur. L'audience est suspendue pour aujourd'hui jusqu'à demain 12h30.

Jour Huit - Vendredi 17 Septembre - Visionnage des images de la scène de crime au Bataclan et diffusion de la bande sonore

Jour 8 au procès des attentats du 13 Novembre 2015. Aujourd'hui, la cour va visionner des images de la scène de crime au Bataclan et diffuser la bande-sonore des trente premières secondes de l'attaque.

Dans leur grand box de verre, les accusés discutent. En attendant la reprise de l'audience.

La sonnerie retentit. La cour arrive. L'audience reprend. Jour 8.

Le témoin arrive à la barre. Il est enquêteur à la police judiciaire parisienne. Brigade criminelle. Costume cravate. Il a l'habitude de témoigner devant les cours d'assises, mais là, c'est "hors-normes" prévient-il.

Le policier à la barre parle d'une "scène d'une ampleur inédite sur notre territoire" avec un "bilan humain catastrophique".

Le policier va parler de la scène de crime au Bataclan. "Scène très large, comme un crash aérien" dit-il.

Le policier expérimenté de la brigade criminelle : "Veuillez m’excuser si transparaît dans mon propos d’un peu d’émotion".

Ce policier a été désigné "coordonnateur de la scène du Bataclan" ce vendredi 13 Novembre 2015

Le policier : " Pour la première partie, monsieur le président, je vais avoir besoin d’une projection". Il montre sur grand un plan dessiné du Bataclan, de l'extérieur.

L'enquêteur parle de sa "sidération" quand il est arrivé autour du Bataclan. "Il n'y a pas d’autre mot en langue française. Vous vous retrouvez au milieu de victimes qui crient, qui hurlent, c’est terrible".

Ce policier arrivé pour les constatations parle "d'informations chaotiques" quand il arrive. Avant l'assaut de la BRI, des gens aperçus sur le toit du Bataclan. "Nous avons l’arme au poing et nous devons confiner dans la rue les gens"

Le policier parle d'un lieu transformé en chapelle ardente au 26 rue Oberkampf.

Il raconte les corps qui gisent. "Nous avons repéré un corps sur une civière qui gît au 11 boulevard des filles du Calvaire. Nous prenons ce corps dans les locaux d’une laverie". Puis ambulance. Il n'a pas survécu.

Le policier décrit les constatations au Bataclan : "Nous arrivons dans la salle. L’ambiance est saisissante. Lugubre. C’est un endroit très haut. Aspect cathédrale. Les corps sont enchevêtrés. On n’avait jamais vu ça".

Le policier de la brigade criminelle poursuit : "Nous marchons dans du sang coagulé. Au milieu de morceaux de dents, de téléphones qui sonnent. Et des corps, et des corps, et des corps". Sa voix s'étrangle.

Le policier de la brigade criminelle : "Et nous nous rendons dans la zone où ont été indiqués les corps des deux kamikazes. Des projections de sang et de résidus organiques partout du sol au plafond".

Le policier : "Procéder à des constatations criminelles dans cette salle du Bataclan c’est une gageure. Les constatations, c'est Sherlock Holmes avec sa loupe. Ce soir-là, le scénario n’est pas celui-ci. C'était une scène de guerre. On n'a jamais vécu ça"

Le policier parle de "71 corps dans le Bataclan" pour les constatations. La scène, si vaste, découpée en zones, de A à J. L'enquêteur montre le plan et les zones. Zone K : l'entrée. Zone B : le bar. Zone J : où 2 terroristes ont gardé 11 otages dans un couloir.

Le policier livre des descriptions cliniques, difficiles : au balcon "une main encore charnée dont le majeur a été fraîchement amputé. Cette partie de corps humain a volé consécutivement à l'explosion du terroriste sur scène, c'est vous dire la portée".

Le policier décrit les trois chargeurs de kalachnikov. "Deux sont vides. Deux sont scotchés avec de l’adhésif noir, têtes-bêches". Les terroristes voulaient ainsi se réarmer au plus vite, précise-t-il.

Le policier : en zone J, là où 2 terroristes ont donc retenu 11 otages et où a eu lieu l'assaut final de la BRI. "52 étuis percutés de calibre 7.62 dans la zone J". 7.62, calibre de kalachnikov.

Le policier : en zone A, "corps coupé en 2. Un homme type nord-africain. Bas du corps constitué du bassin et des jambes. L’explosion de toute évidence a eu lieu sur la 2e marche de cet escalier". Corps d'un des kamikazes qui se fait exploser à l'assaut final.

L'enquêteur estime que les deux terroristes se sont fait exploser comme un "baroud d'honneur" face à l'assaut de la BRI Mais ils n'avaient plus de munitions quand ils se sont jetés dans l'escalier au bout du couloir.

L'enquêteur passe à la zone H : "Scène de chaos en trois dimensions. Tête désolidarisée de tout corps. Arrachée à la base du cou. Les traits du visage sont intacts". Le premier terroriste qui a explosé, sur scène. Visé par deux policiers de la BAC avant 22h.

Le policier à la barre parle de "l'épicentre de l'explosion, on voit un petit cratère. Une jambe droite, quasi complète. Nous trouvons le troisième fusil d’assaut, en contrebas de la scène".

L'enquêteur passe à la zone H : "Scène de chaos en trois dimensions. Tête désolidarisée de tout corps. Arrachée à la base du cou. Les traits du visage sont intacts". Le premier terroriste qui a explosé, sur scène. Visé par deux policiers de la BAC avant 22h.

Le policier à la barre parle de "l'épicentre de l'explosion, on voit un petit cratère. Une jambe droite, quasi complète. Nous trouvons le troisième fusil d’assaut, en contrebas de la scène".

Le policier montre à l'écran le plafond du Bataclan, "le plafond en placoplâtre défoncé par les spectateurs pour se cacher".

Le policier raconte "toute la hantise qui m’a guidé pendant ces constatations, passer à côté d’une victime blessée qui se serait mise dans un trou de souris".

L'enquêteur décrit ensuite la zone C, avec le plan sur grand écran. Pas d'image autre que le plan. Il décrit le "corps d’une victime féminine à côté de sa valise", 15 corps au total dans cette zone.

Dans cette zone C, l'enquêteur raconte : "15 corps. 8 corps enchevêtrés, entremêlés, superposés. 8 corps saisis par la mort en même temps. Les victimes sont tombées les unes sur les autres. Ca a fait écho à ce qu’on avait vu à CharlieHebdo »

Le policier à la barre parle de "l'épicentre de l'explosion, on voit un petit cratère. Une jambe droite, quasi complète. Nous trouvons le troisième fusil d’assaut, en contrebas de la scène".

Le policier évoque aussi une "victime collatérale" qui n'avait pas de lien avec le Bataclan, Stéphane H.

Le policier de la brigade criminelle qui a fait les constatations au Bataclan toute la nuit du 13 Novembre raconte la découverte, le 14 novembre 2015, dans une poubelle, de ce téléphone portable qui a été si précieux pour l'enquête.

Le policier : "Un téléphone portable de marque Samsung Galaxy, avec une batterie désolidarisée, dépourvu de carte Sim. Nous découvrirons six clichés de l'affiche du concert du Bataclan, du programme et du plan de sortie de secours".

Le policier précise que via ce téléphone, un sms le 13 Novembre. Un sms à 17h40 : "appelle-moi" Un autre à 21h42 : "on est partis, on commence" "Les deux sms adressés au même numéro belge"

Sur le grand écran apparaît : "exploitation du dictaphone". "C’est pour moi le moment le plus délicat. Je dis pour moi mais, pour vous, les parties civiles. Cette partie audio est très courte. Elle ne permettra pas d'identifier la tessiture des cris".

Le policier, gorge nouée, annonce le dictaphone d'un spectateur du Bataclan. On ne va entendre que les premières secondes de cet enregistrement qui dure plus de 2h30. Ici "ça ne dure que 22 secondes qui durent une éternité".

Le policier lance la bande-son qu'il veut faire écouter. 22 secondes. La salle retient son souffle. On entend la musique du concert Eagles of Death Metal. Puis des tirs. Des tirs en rafales. Des tirs. Encore des tirs. Puis le silence.

Le policier précise que les "tirs ont été mis à faible distance". Les terroristes ont tué leurs victimes en les visant de près.

Le policier évoque maintenant la zone D : "Les victimes frappées aussi rapidement que zone C"

Zone B, près du bar : "Quatre hommes et trois femmes. Cinq victimes côté salle. On a l’impression d’une exécution individuelle de ces victimes l’une après l’autre. Nous avons des corps enchevêtrés, côté droit", dit l'enquêteur.

L'enquêteur poursuit : "La fosse". Il souffle en prononçant ce mot. "La zone la plus macabre. La plus ensanglantée. 44 corps".

L'enquêteur précise que la fosse est une zone si vaste pour les constatations que séparée en trois zones E, F, G. "La zone G contient les corps les plus gravement impactés par les terroristes. Les tirs des premières rafales. La distance la plus courte".

L'enquêteur à la barre a commencé à montrer quelques photos de la salle du Bataclan, mais pour l'instant, seulement des photos d'un pilier impacté par un boulon, ou l'entrée, avec un vêtement à terre. Entrée, zone K.

Le policier a évoqué aussi à la barre, "énormément de traces ensanglantées dans les sanitaires, le bleu vert du carrelage" avait disparu sous le sang séché.

Les nombreux survivants ou proches de victimes du Bataclan ont retenu leur souffle. Sont restés très calmes. Juste avant la diffusion de la bande-son, la cour a rappelé qu'il y avait des psychologues, aussi pour les gens qui écoutent la web radio.

Pendant la diffusion de cette bande-son du Bataclan, Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos parisiens du 13 Novembre, seul accusé à avoir assumé les attaques, a écouté, dans son box, regardant droit devant lui.

A la barre, le policier lit des extraits de la suite de la bande-son. Il dit les revendications des trois terroristes du Bataclan. Dit leurs ordres : "couche-toi ou je tire" Ou encore : "Nous, on est des hommes, on bombarde ici sur terre, on n'a pas besoin d'avions".

Le policier rappelle que les terroristes ont dit qu'ils étaient là pour se venger des frappes en Syrie. Les terroristes ont parlé de François Hollande.

Le policier dit que 12 minutes après le début de l'attaque, il y a les tirs de 2 policiers de la BAC contre un 1er terroriste sur scène. Samy Amimour a alors explosé. Juste après, les deux autres terroristes ont "psalmodié Allahou Akbar", dit le policier à la barre.

L'enquêteur montre à l'écran des images de la salle du Bataclan refaite. Sur les images, il montre chaque zone. Sur chaque zone, des points bleus incrustés. Chaque point représente une victime. L'enquêteur lit le nom de chaque victime. Silence recueilli.

Au-dessus de la fosse, sur scène, un point rouge représente le premier terroriste. Une jambe d'un terroriste a été retrouvée au bout de quatorze jours, précise l'enquêteur. Les enquêteurs de la Crim sont venus chaque jour pendant des semaines au Bataclan après le

A l'écran, l'enquêteur montre le couloir très étroit où les deux autres terroristes ont retenu onze personnes en otages pendant deux heures jusqu'à l'assaut de la BRI. Puis l'escalier où ces deux terroristes ont explosé.

Puis, sur le grand écran derrière les magistrats de la cour d'assises spécialement composée, apparaît la liste, complète, des 90 victimes mortes sous les balles des terroristes qui ont attaqué le Bataclan le 13Novembre 2015

Le policier : "Je voudrais terminer en disant que je m’associe de tout cœur aux parties civiles et que je leur souhaite énormément de courage pour la suite de ce procès". Le policier de la Crim qui vient de témoigner est au bord des larmes.

Courte suspension.

Philippe Duperron, père de Thomas, mort au Bataclan, et président de l'association 13Onze15 a été éprouvé par ces diffusions, néanmoins nécessaires à ses yeux.

Stéphane Sarrade, père de Hugo, mort au Bataclan, a été éprouvé lui aussi, mais c'était important pour lui de voir à quel endroit de la salle de spectacle son fils de 23 ans avait été tué.

Bruno, survivant du Bataclan estime lui que ce qui a été montré, diffusé, était "édulcoré" par rapport à la réalité. Il pense que la cour aurait dû visionner plus d'images de la scène de crime, aussi terribles soient-elles.

L'audience a repris avec l'enquêteur qui répond à quelques questions des magistrats, de la cour, puis du PNAT, le parquet national antiterroriste.

Et après une petite heure de diverses questions, pas toutes pertinentes, le président de la cour, Jean-Louis Périès suspend l'audience de ce jour 8. Fin de la deuxième semaine de ce procès des attentats 13 Novembre 2015.