Procès des attentats du 13 novembre 2015 - Le Live Tweet - Semaine DOUZE

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.

(© Photo "Salle d'audience" Sophie Parmentier |Twitter)


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Semaine DOUZE

Jour 47 – Mardi 23 novembre - Auditions des enquêteurs de la DGSI

Bonjour à tous, la 12e semaine d'audience débute au procès des attentats du 13 novembre 2015, 47e jour d'audience.

L'audience reprend. On débute, comme souvent, par de nouvelles constitutions de parties civiles. Puis, le président lance la connexion avec la salle de vidéotransmission où se trouve l'enquêteur de la DGSI qui va témoigner anonymement, sous le matricule 287SI.

Enquêtrice 287SI au sujet de Muhammad Usman, pakistanais

L'enquêtrice 287SI annonce qu'elle va diffuser un Power Point pour appuyer son propos ainsi que des vidéos "mais il n'y a pas d'images de violence", précise-t-elle. Enquêtrice 287SI : "je travaille comme enquêtrice à la DGSI depuis plusieurs années."

Enquêtrice 287SI : "Muhammad Usman est né le 15 mai 1993 au Pakistan, il est issu d'une fratrie de cinq enfants et vivait en famille dans un petit village du Penjab. Il décrit sa famille comme étant pauvre vivant de l'exploitation d'un terrain agricole où il a lui-même travaillé"

Enquêtrice 287SI : "dès le début 2016, on apprend qu'il serait artificier dans un groupe terroriste sunnite pakistanais, proche des Taliban et d'Al-Qaïda. Plus tard, en 2018, on apprend qu'il avait disparu de son village natal pendant près de 10 ans pour rejoindre les Taliban"

Enquêtrice 287SI : "monsieur Usman a toujours nié ces informations : que ce soit l'appartenance à un groupe djihadiste pakistanais tout comme le fait d'avoir été formé comme artificier. Malgré ses dénégations, monsieur Usman prend la décision de quitter son pays et rallier l'EI"

Enquêtrice 287SI : "sa première destination est l'Iran. Il emprunte, seul, un train jusque Karachi où il retrouve un premier passeur, lui verse la somme de 30 000 roupies. Il entre ensuite en Turquie, à pied, où il est récupéré par un passeur qui le conduit jusqu'à un village."

Enquêtrice 287SI : "il va prendre un bus jusqu'à Istanbul, puis un autre bus jusqu'à Gaziantep. A la tombée de la nuit, il est pris en charge jusqu'à la frontière turco-syrienne. Il est aussitôt récupéré par deux combattants de Daech."

L'enquêtrice 287SI passe au deuxième accusé dont il est question aujourd'hui : Adel Haddadi. "Il est né le 17 juillet 1987 en Algérie. Il est musulman sunnite mais déclare que lorsqu'il vivait en Algérie, il ne pratiquait pas. Il avait une passion pour les oiseaux."

Enquêtrice 287SI : "il explique qu'il n'a jamais eu de contact avec l'Etat islamique avant son départ, décide de s'envoler vers la Turquie, pour voir s'il pourrait s'installer sur place comme l'a fait, dit-il, un jeune de son quartier. Il quitte son pays sans prévenir sa famille"

Enquêtrice 287SI : "il va se laisser convaincre par un certain Abou Ali [de rejoindre les rangs de l'Etat islamique, ndlr]. Il est pris en charge par un passeur jusqu'à ce qu'il lui dise de continuer à pied. C'est comme cela qu'il rejoint les rangs de l'Etat islamique."

L'enquêtrice 287SI revient à l'accusé Muhammad Usman, une fois arrivé en Syrie. Après quelques jours, "il est conduit, contre sa volonté dit-il, à Falloujah en Irak. Il explique qu'il n'a entendu ni bataille, ni bombardement, qu'il n'a participé à aucun entraînement, ni combat."

L'enquêtrice 287SI cite des propos tenus devant les enquêteurs par Muhammad Usman au sujet de l'Etat islamique : "il n'y a rien qui m'a choqué, ce que j'ai pu voir là-bas c'est l'islam qui fonctionnait. Pour un adultère, la sanction c'est la lapidation …"

"... les homosexuels, on les monte au sixième et on les jette dans le vide. On coupe la main des voleurs. J'ai retrouvé là-bas toute la pureté de l'islam", a encore déclaré Muhammad Usman au sujet de l'Etat islamique, raconte l'enquêtrice de la DGSI.

Enquêtrice 287SI : "en août 2021, une information transmise par les renseignements américains, nous permet d'identifier Muhammad Usman. C'est une vidéo d'une durée de 6 minutes et 8 secondes dans laquelle apparaît Muhammad Usman après la bataille de la ville de Ramadi."

L'enquêtrice 287SI fait projeter cette vidéo sur laquelle on voit Muhammad Usman à deux reprises, dont un armé d'un fusil d'assaut type kalachnikov, au milieu d'une foule en liesse, pour célébrer, selon la propagande de l'Etat islamique, la chute de la ville de Ramadi.

Le président demande que soit rediffusé, au ralenti, les passages où apparait Muhamed Usman, armé, au milieu d'une foule de jeunes hommes, qui célèbrent la victoire de Daech, doigt levé vers le ciel, drapeaux de l'Etat islamique brandis.

Le président : est-ce que vous voyez ces photos monsieur Usman ? Muhammad Usman se lève dans le box. Mais son avocat, Me Edward Huylebrouck, intervient : "il sera entendu sur les faits en janvier et il s'expliquera à ce moment-là". Muhammad Usman se rassied sans dire un mot.

On repasse à l'accusé Adel Haddadi dont apparaît une photo, arme à la main, à côté d'un drapeau de l'état islamique. Enquêtrice 287SI : "Adel Haddadi a expliqué que la photo avait été prise à Raqqa, mais il dit que la kalachnikov ne lui appartient pas, qu'elle lui a été prêtée"

Enquêtrice 287SI évoque la formation, dans un appartement de Raqqa, du quatuor qui regroupe les deux kamikazes du Stade de France et les deux accusés Muhammad Usman et Adel Haddadi. "Une mission commune va leur être confiée : aller en France pour commettre une action-suicide."

Enquêtrice 287SI : "Adel Haddadi explique qu'il a été choisi parce qu'il est quelqu'un de bien, qu'il travaillait dur. Il comprend qu'il remplace une personne qui s'est désistée et qu'il est envoyé comme kamikaze en France."

L'enquêtrice 287SI explique que le commando passe plusieurs jours dans un appartement de Raqqa, reçoivent chacun 3000 euros, un téléphone pour communiquer avec le commanditaire lorsqu'ils seront sur la route des migrants pour rejoindre l'Europe, des vêtements, un faux passeport"

Enquêtrice 287SI : pour les quatre membres du commando, le départ de l'Etat islamique et "la traversée de la Turquie débute le 1er octobre 2015 jusqu'à Izmir, en passant par Kilis, Gaziantep et Adana."

L'enquêtrice 287SI poursuit le récit du voyage vers l'Europe des quatre djihadistes avec la traversée, en zodiac de la mer Egée jusqu''île grecque de Leros. Là, les quatre hommes sont enregistrés.

Enquêtrice 287 SI : "le 3 octobre 2015, quand ils sont enregistrés sur l'île de Leros, les autorités grecques les prennent en photo. Les irakiens vont poursuivre leur périple funeste mais Muhammad Usman et Adel Haddadi sont arrêtés, leurs faux passeports ayant été détectés".

L'enquêtrice 287SI détaille rapidement le trajet effectué par les deux kamikazes irakiens du Stade de France : Macédoine, Serbie, Croatie, Hongrie, Autriche et vraisemblablement Allemagne même s'ils n'y ont pas été enregistrés.

L'enquêtrice 287SI revient maintenant à Adel Haddadi et Muhammad Usman qui ont été arrêté à Leros et emprisonné sur l'île de Kos. "Ils vont être libéré le 28 octobre 2015, reçoivent de l'argent le 2 novembre 2015 et le 8 novembre 2015, ils prennent le ferry et rallient Athènes."

Selon l'enquêtrice, les deux accusés suivent la même route que les kamikazes du Stade de France : Macédoine, Serbie, Croatie "puis le train direction la Slovénie le 14 novembre 2015. Et enfin, un bus direction l'Autriche". C'est en Autriche qu'ils seront finalement interpellés.

Enquêtrice 287SI : "pour terminer, j'adresse mon soutien aux parties civiles et toute ma compassion. J'en ai terminé." Le président la prévient qu'il y aura sans doute quelques questions "même si c'est très complet, depuis plusieurs jours on est entrés dans le cœur du dossier".

Sur questions du président, l'enquêtrice 287SI explique que c'est depuis la ville de Raqqa qu'ont été organisés les départs et les trajets des membres des commandos à travers la Turquie, puis l'Europe jusqu'en Belgique.

Camille Hennetier (avocate générale) remercie l'enquêtrice de la DGSI pour son exposé sur "cet aspect du dossier qui est, à mon sens, l'un des plus compliqué à appréhender".

Camille Hennetier : "Vous paraît-il crédible pour Adel Haddadi que quelqu'un qui est un cuisinier et n'a jamais combattu selon ses dires soit recruté pour une action suicide dans un tel projet ?" Enquêtrice DGSI : "non, on voit mal comme l'Etat islamique prendrait un tel risque ?"

Camille Hennetier interroge l'enquêtrice sur la carte d'identité reçue par les autorités pakistanaises pour Muhammad Usman qui indique qu'il est né en 1993, ce qui semble peu plausible. Enquêtrice 287SI : "pendant plusieurs auditions, il a d'abord indiqué être né en 1981".

Camille Hennetier : "que peut-on déduire du fait qu'Haddadi et Usman dès leur sortie de prison de Kos aient tout fait pour contacter Oussama Atar [le commanditaire des attentats, ndkl]" Enquêtrice 287SI : "ils décident d'obéir aux instructions et de reprendre le plan initial."

Me Chemla : "pour tous les auteurs morts dans l'attentat du 13 novembre 2015, il y a une vidéo de revendication ? Enquêtrice 287SI : "oui" - Ce qui permet de déduire que des vidéos étaient prêtes [pour Adel Haddadi et Muhamad Usman ndlr] mais n'ont pas été diffusées ? - Exactement.

Me Simon Clémenceau, avocat d'Adel Haddadi : "monsieur Haddadi a expliqué aux enquêteurs que [les deux kamikazes du Stade de France ndlr] étaient chargés de la logistique du quatuor. Cela vous paraît crédible ?" Enquêtrice 287SI : oui.

Me Simon Clémenceau poursuit ses questions pour souligner la collaboration de son client avec les services d'enquête. "Adel Haddadi a aidé à l'identification d'Oussama Atar ? [Le commanditaire des attentats du 13 novembre 2015, ndlr] Enquêtrice 287SI : "il y a participé, oui."

Me Léa Dordilly (Adel Haddadi) : "il a toujours déclaré avoir été cuisinier. Vous avez des éléments objectifs pour confirmer qu'il aurait été combattant ?" Enquêtrice 287SI : "vu le fonctionnement de l'EI et l'ampleur du projet, il est peu probable qu'il ait juste été cuisinier."

Me Léa Dordilly revient sur la vidéo de revendication des attentats du 13 novembre et souligne, contrairement à ce qui a été dit par l'enquêtrice, que tous les membres des commandos n'ont pas été filmés en train d'exécuter des otages : Brahim Abdeslam et Abdelhamid Abaaoud.

Me Edward Huylebrouck, avocat de Muhammad Usman : "quand situez-vous la séparation entre les Irakiens [kamikazes du Stade de France] et Usman et Haddadi ?" Enquêtrice 287SI : "au moment où ils sont enregistrés à Leros, 2 vont finir en détention et les 2 autres libérés après 24h"

Me Edward Huylebrouck (Muhammad Usman) soutient "qu'il y aurait eu le temps d'aller chercher messieurs Usman et Haddadi en Grèce" une fois ceux-ci libérés de leur prison de Kos. Il rappelle pour cela que la cellule belge a multiplié les allers-retours en Europe, dont la Grèce.

Me Edward Huylebrouck revient sur la date de naissance jugée peu plausible par l'enquêtrice. Enquêtrice 287 SI : "je ne veux pas offenser monsieur Usman mais il a les traits d'un homme plus âgé que né en 1993." - cela fait partie de vos méthodes d’enquêtes ? - non, pas du tout

L'audition de l'enquêtrice 287 SI est terminée. L'audience est suspendue avant l'audition du deuxième enquêteur de la journée.

Enquêteur 571SI au sujet des téléphones portables de Muhammad Usman et Adel Haddadi

L'audience reprend avec l'audition, toujours par visioconférence derrière une vitre opaque pour garantir son anonymat, de l'enquêteur de la DGSI 571 SI. "Dans le cadre des attentats du 13 novembre j'ai eu à exploiter les téléphones portables de Muhammad Usman et Adel Haddadi."

Enquêteur DGSI : "Adel Haddadi avait trois téléphones portables lorsqu'il a été interpellé en Autriche avec Muhammad Usman le 10 novembre 2015. Nous avons retrouvé des appels non effacés du 1er et 2 octobre 2015 avec quatre numéros turcs."

L'enquêteur 571 SI fait projeter des captures d'écran d'un téléphone d'Adel Haddadi. On découvre une conversation, via l'application Telegram alors qu'Adel Haddadi est en route vers l'Europe avec Oussama Atar, commanditaire des attentats du 13 novembre 2015 resté en Syrie.

Ces conversations, en octobre 2015, avec le commanditaire des attentats, sont truffées de termes codés. Il est question de "ma tante", "mon oncle" de "la nourriture qui est bonne". Mais aussi : "nous attendons le moment propice".

Dans une autre conversation via la messagerie Telegram projetée à l'écran par l'enquêteur de la DGSI, Adel Hadadi écrit : "nous sommes à la mer Egée. Tu m'as compris ?" Le commanditaire des attentats du 13 novembre 2015, Oussama Atar, lui répond alors : "oui, tais-toi".

L'enquêteur 571SI a également analysé le compte Facebook d'Adel Haddadi sur lequel a été postée une photo de lui, arme longue à la main, posant à côté d'un drapeau de l'Etat islamique, vraisemblablement en Syrie. Il porte un T-shirt bleu et un chapeau.

Camille Hennetier, avocate générale, revient sur une conversation en langage codé où Adel Haddadi dit au commanditaire : "pas encore le médicament n'est pas bon." "On sait ce qu'il veut dire par là ?" Enquêteur 571 SI : "non, je ne sais pas précisément à quoi il fait référence."

Me Chemla (parties civiles) évoque l'historique internet de Muhamad Usman, outre des sourates du Coran. Enquêteur 571 SI : "on peut remarquer qu'il consulte de nombreuses pages pornographiques".

Me Simon Clemenceau, avocat d'Adel Haddadi : "était-il le seul à se servir de ce téléphone ?" "Non, il était utilisé par d'autres personnes, notamment des migrants", reconnaît l'enquêteur de la DGSI.

Fin des auditions des enquêteurs de la DGSI. Et de l'audience pour aujourd'hui. "Nous reprendrons demain à 12h30", indique le président en se levant.

Jour 48 – mercredi 24 novembre – La cour retrace le parcours des frères Clain et auditionne un enquêteur autrichien

Jour 48 au procès du 13 novembre. La cour va retracer le parcours des frères Clain, voix de la revendication des attentats accusés présumés morts en Syrie.

Elle entendra aussi un enquêteur autrichien.

L'audience reprend avec Me Kempf, un des avocats de la défense, qui s'inquiète d'un léger changement de planning d'enquêteurs belges. Me Méchin a les mêmes inquiétudes. Ils ont peur que certains enquêteurs disent qu'ils ne peuvent pas répondre à leurs questions.

Les enquêteurs belges seront entendus à partir de demain. Notamment sur le départ en Syrie d'Abaaoud.

Pour l'instant, c'est un enquêteur autrichien à la barre. Costume gris, cheveux argentés. Deux interprètes vont se relayer à ses côtés.

Enquêteur autrichien au sujet des accusés Haddadi et Usman

L'enquêteur se prénomme Thomas. Il vient parler de deux accusés : accusé Adel Haddadi et accusé Muhammad Usman, arrêtés en Autriche. Les enquêteurs pensent qu'ils devaient faire partie des commandos du 13 novembre

La cour s'est déjà penchée sur Haddadi et Usman hier.

L'enquêteur autrichien commence à parler. Le président demande à l'interprète si elle peut traduire simultanément. Des phrases s'enchaînent. L'interprète traduit, et raconte le jour de l'arrestation de Haddadi et Usman.

Les accusés Haddadi et Usman ont été arrêtés dans un camp de réfugiés en Autriche. Le 10 décembre 2015. Le lendemain, le commanditaire présumé des attentats, Oussama Atar leur écrivait un message codé : "et toi chéri comment vas-tu ?" Message resté donc sans réponse.

Muhammad Usman et Adel Haddadi ont été emprisonnés le 12 décembre 2015 en Autriche.

Muhammad Usman et Adel Haddadi étaient restés jusqu'au 3 décembre dans le camp de migrants. "A cause la situation, il n'y avait pas eu d'enregistrement de ces personnes, il était prévu qu'elles continuent vers l'Allemagne", dit l'enquêteur.

A l'époque, 6 000 migrants par jour en Autriche dit l'enquêteur.

Thomas, enquêteur autrichien : "Le 3 décembre, ils avaient fait une demande d'asile en Autriche"

Les accusés Muhammad Usman et Adel Haddadi étaient dans un camp de migrants à Salzbourg. Ont aussi dormi dans un ancien garage. Ils avaient de fausses identités.

A leur procès, dans le box, Adel Haddadi écoute et regarde l'enquêteur autrichien. Muhammad Usman baisse la tête, appuyé sur une main. Souvent, Muhammad Usman semble dormir derrière la vitre du box.

L'enquêteur autrichien décrit Usman "très contrôlé d'un point de vue émotionnel. Une fois il a dit qu'il se rendait en France pour tuer"

Usman a alors précisé aux enquêteurs autrichiens qu'il devait "tout faire ce que Abou Ahmad lui disait". Abou Ahmad était Oussama Atar, commanditaire présumé des attentats du 13 novembre

Haddadi a confié lors d'un interrogatoire en Autriche que "ce n'était pas facile de tuer des personnes". Et il a fondu en larmes, raconte Thomas, l'enquêteur autrichien à la barre de ce procès

En Autriche, Adel Haddadi a été auditionné 14 fois. Et Muhammad Usman 7 fois.

Lors du 1er interrogatoire, Haddadi a déclaré qu'il était parti d'Algérie le 15 octobre. Pour Istanbul. Objectif : se rendre en Allemagne, "dans la capitale, Francfort", a dit Haddadi. Qui n'était donc pas au point en géographie. Et a menti. Puisque parti de Raqqa.

Haddadi s'est aussi embrouillé sur son passeport. Il a dit qu'il l'avait perdu lors de "la traversée en mer". Dont il n'avait pas parlé avant.

Puis Haddadi a gardé le silence lors d'auditions suivantes. Puis a rappelé les enquêteurs. Et leur a dit alors qu'il "avait besoin d'aide, car les gens de Daech étaient très dangereuses". Dont Abou Ahmad (le commanditaire)

Et là, Haddadi a rectifié ses déclarations. A dit que pas parti d'Alger en octobre mais février 2015 via Rome. Et il a déballé son histoire dit l'enquêteur autrichien à la barre.

Haddadi a donc raconté son voyage depuis Alger. Rome. Gaziantep. Où il a rencontré un syrien (connu via Facebook fin 2014). "Ils avaient des passe-temps communs, l'élevage d'oiseaux par exemple"

Et Adel Haddadi a fourni des détails sur entraînement sportif, prières et manipulations des armes comme l'AK-47.

Adel Haddadi a dit à l'enquêteur autrichien que "selon les règles de Daech, il a oublié son nom, son passé".

On lui a donné une première kounya (nom de guerre), qui était déjà prise, alors on lui en a donné une autre : Abou Assem. C'était donc Adel Haddadi alias Abou Assem.

Adel Haddadi a parlé aux enquêteurs de Abou Ahmad alias Oussama Atar (commanditaire présumé des attentats du 13 novembre) et l'a décrit comme "svelte, avec une barbe 10 cm de long et un pistolet Glock"

Adel Haddadi a raconté comment il avait récupéré les passeports syriens falsifiés. Mais lors de cette 5e audition à sa demande, "finalement il n'a pas tout dit" estime l'enquêteur autrichien.

L'enquêteur autrichien redit que Haddadi a déclaré que c'était "pas facile de tuer". L'enquêteur autrichien pense que "massacrer" eût été un mot plus juste. Haddadi est resté sur "tuer", dit-il. "Aller à Paris et accomplir une tâche", a dit Haddadi.

Et l'enquêteur parle des "messages assez fleuris" entre Haddadi et Oussama Atar. "Mon cher oncle", pour Atar. Atar répondait "ma chère tante". Enquêteur autrichien : "pour nous, c'était évident que c'était un message codé"

Des messages échangés par sms sur des téléphones turcs embarqués depuis la Syrie pour Haddadi et Usman. Atar lui, toujours resté en Syrie.

L'enquêteur autrichien évoque maintenant l'accusé Usman qui leur a déclaré qu'il a quitté le Pakistan pour des problèmes d'héritage avec son frère. Le père est mort quand Usman était très jeune.

Usman leur a dit que Abou Ahmad (le commanditaire) leur avait dit "d'aller en France et de commettre cet attentat-suicide" dit l'enquêteur autrichien à la barre.

Usman a dit aux Autrichiens que s'il était resté avec Haddadi, c'est que "c'était sa mission"

L'enquêteur a expliqué qu’au moment de son interpellation, Haddadi a donné un objet à un Algérien dans le centre de migrants. L'enquêteur n'a pas donné plus de détails.

Une assesseuse de la cour finit par lui demander ce que Haddadi a donné ? L'enquêteur autrichien : "une pochette noire dans laquelle il y avait une carte SIM et le numéro d'un passeur"

Haddadi a ensuite dit que cette pochette ne lui appartenait pas. L'Algérien qui a récupéré cette pochette a lui été condamné par un tribunal autrichien pour participation à une organisation terroriste.

L'assesseuse demande qui était le meneur, et qui était le suiveur du duo Usman Haddadi ? Enquêteur autrichien : "Haddadi était le meneur".

Après une suspension, l"audience a repris avec des questions de l'avocate générale qui trouve étrange que Haddadi et Usman aient demandé l'asile avec de fausses identités.

L'avocate générale demande si la peur de l'EI qu'invoque Haddadi a semblé sincère alors qu'il est resté en contact avec le commanditaire Oussama Atar ? Enquêteur autrichien : "tout propos de M. Haddadi était réfléchi, il contrôlait ce qu'il disait"

Me Seban, avocat de parties civiles demande si réactions de Usman et Haddadi quand ils ont appris le nombre de victimes des attentats du 13 novembre ? L'enquêteur autrichien dit qu'ils n'ont eu aucune réaction émotionnelle. Ni compassion ni regrets affichés.

Léa Dordilly déclare qu’Adel Haddadi conteste certaines choses qui ont été dites et les conditions dans lesquelles ses propos ont été recueillis en Autriche.

Léa Dordilly souligne que Haddadi parlait algérien. Ses propos ont été traduits en allemand (en Autriche). Et les voilà traduits en français à la barre (par une interprète). Déperdition de nuances ? demande l'avocate à juste titre.

L'enquêteur en convient. "La traduction est un métier artistique", dit-il. C'est en tout cas ainsi que traduit l'interprète actuellement à ses côtés.

Léa Dordilly note qu'en procédure, il y a un appel téléphonique de Atar (le commanditaire) et quelques sms en décembre avec Haddadi. De quand date le dernier message d'Haddadi demande-t-elle ?

L'enquêteur autrichien fronce le sourcil. Atar ? Il ne comprend pas ce nom. Ne semble le connaître que sous le nom de Abou Ahmad (nom de guerre du commanditaire). Les questions-réponses ne sont décidément pas fluides à la barre en ce 48e jour.

Léa Dordilly demande si "les individus projetés" (pour les attaques suicides) ont pu se désister parce que le projet était trop précis ? Possible, répond l'enquêteur.

Me Simon Clemenceau, autre avocat d'Adel Haddadi est arrêté le 10 décembre 2015. Terrorisme, répond l'enquêteur. L'avocat est surpris. Parle de faux documents trouvés ? Enquêteur autrichien : "on n'avait pas de faux documents"

Me Merabi Murgulia, l'un des avocats de Muhammad Usman, note de son côté qu'en Autriche, Usman (qui parle pakistanais) a eu un interprète indien... pendant 7 mois.

Me Edward Huylebrouck, autre avocat de Usman prend la parole à son tour. Et commence par remercier l'enquêteur autrichien à la barre "d'être venu physiquement alors que l'Autriche est confinée"

Et Me Edward Huylebrouck le remercie de témoigner à visage découvert (avec son masque) et sous son identité, "à la différence des enquêteurs français et belges". Il lui parle de "bravoure".

Et Me Edward Huylebrouck revient sur la problématique de la date de naissance de Usman. 93 comme il dit ? Ou 81 comme sur son faux passeport ? Il paraît plus vieux que ce qu'il dit, mais...

Mais Me Edward Huylebrouck demande à l'enquêteur autrichien s'il sait dequel calendrier Usman parlait. Le calendrier hégérien qui tient compte des cycles de la lune ? Ou le grégorien ? Et si Usman avait mélangé en convertissant ? tente l'avocat.

L'enquêteur autrichien avait dit que Usman avec sa barbe paraissait avoir plus de 15 ans. Me Huylebrouck : "Et vous avez rencontré des pakistanais de 15 ans sans barbe, si oui combien ?"

Me Huylebrouck : "il semble que l'âge de la puberté chez les garçons soit compris entre 14 et 16 ans"

Me Huylebrouck qui n'a pas souligné que de toute façon, même né en 93, Usman n'aurait pas eu 15 ans en 2015 lors de son arrestation en Autriche...

Et ainsi s'achève cette longue audition... qui a duré presque 7 heures... Le président à l'enquêteur autrichien : "J'espère que vous avez passé une après-midi pas trop inconfortable"...

Et le président Périès, à l'enquêteur autrichien : "Merci beaucoup ! Danke schön, si je peux me permettre !" Ainsi s'achève ce 48e jour de procès 13 novembre L'audition de l'enquêtrice DGSI sur les frères Clain est à nouveau reportée en raison de l'heure tardive...

Jour 49 – jeudi 25 novembre - Auditions des enquêteurs belges

Bonjour à tous, c'est aujourd'hui le 49e jour d'audience du procès des attentats du 13 novembre 2015.

Aujourd'hui, c'est le début des auditions des enquêteurs belges. Elles doivent durer jusqu'au 9 décembre prochain.

L'audience tarde à débuter car plusieurs des accusés, dont Salah Abdeslam, refusent de venir s'installer dans le box. Logiquement, un huissier devrait prendre acte de leur refus afin que le procès puisse reprendre.

Un quatrième accusé, Osama Krayem vient à son tour de quitter le box. L'audience n'a donc toujours pas repris.

Les quatre accusés (Abdeslam, Abrini, Ayari et Krayem) qui refusent aujourd'hui de venir à l'audience protestent contre le fait que les enquêteurs belges qui doivent être entendus à partir d'aujourd'hui le soit de manière anonyme et en visioconférence depuis Bruxelles.

L'audience reprend. "Nous pouvons constater qu'il nous manque quatre accusés dans le box", déclare le président. "Il s'agit d'Osama Krayem, de Salah Abdeslam, de Sofien Ayari et de Mohamed Abrini".

Me Olivia Ronen, avocate de Salah Abdeslam, prend la parole : "Salah Abdeslam a joué le jeu de l'audience. Il a compris la nécessité de s'y présenter et d'y participer. Mais aujourd'hui, il fait un refus d'extraction car il y a des choses que l'on peut peiner à comprendre."

Me Olivia Ronen : "si l'on constate qu'un enquêteur autrichien se déplace et vient déposer pendant plus de 5 heures, on peine à comprendre qu'une décision de votre cour permette que des enquêteurs belges témoignent de manière anonyme et en visioconférence".

Président : "la question a été tranchée. Moi je constate qu'ils ne sont pas là. Point"

Camille Hennetier, avocate générale : "la défense s'est insurgée contre la lettre du procureur belge et j'entends aujourd'hui les mêmes arguments et le même mécanisme. C'est non-comparution contre non-comparution. Je trouve ces procédés assez insolites."

Président : "je vais confier le soin à un huissier de faire sommation aux quatre accusés qui ne souhaitent pas se rendre dans la salle d'audience. Il faudra des interprètes pour messieurs Ayari et Krayem". L'audience est suspendue pendant ce temps.

L'audience reprend. Le président : "après sommation de comparaître délivrée par huissier aux accusés qui refusaient de venir dans la salle d'audience, les quatre réponses ont été négatives. Nous passons outre aux débats à l'absence de ces quatre accusés."

Les débats se poursuivent donc avec 7 accusés présents sur 14. "Nous allons procéder à l'audition du témoin 446.906.682", indique le président qui lance la connexion avec Bruxelles et trois personnes installées dans une salle de visioconférence apparaissent à l'écran.

Enquêteur belge :"l'enquête belge relative aux attentats de Paris a démarré pour nous le 14 novembre 2015." Il annonce débuter sa déposition avec la présentation d'Abdelhamid Abaaoud. "Il a pris part aux préparatifs des attentats de Paris mais aussi à leur exécution."

Enquêteur belge : "Abdelhamid Abaaoud est né le 8 avril 1987 à Anderlecht, une commune du sud de Bruxelles." L'enquêteur cite les membres de la fratrie d'Abdelhamid Abaaoud, dont "Younès, né en 2000 et présumé mort". Il avait été emmené en Syrie par Abdelhamid Abaaoud.

Enquêteur : Abdelhamid Abaaoud a été détenu dans des établissements pénitentiaires belges entre 2006 et 2012 pour des courts séjours de trois mois maximum. Précisons qu'il a été impliqué dans un vol avec Salah Abdeslam. Ils ont été condamnés pour ce fait à an de prison."

Abdelhamid Abaaoud a aussi été condamné à une peine de 20 ans d'emprisonnement en 2015 comme dirigeant d'un groupe terroriste. Puis, en juillet 2016, à 20 ans de prison pour l'attentat de Verviers, poursuit encore l'enquêteur belge.

Selon l'enquêteur belge, "Abdelhamid Abaaoud se serait radicalisé après sa sortie de prison de Forest", notamment lors d'un séjour au Caire en 2012. "Il a intégré l'Etat islamique et a cherché à financer la cause par des cambriolages commis en Belgique."

L'enquêteur belge évoque également Khalid Zerkani qui "a oeuvré au recrutement et à l'acheminement vers la Syrie de ressortissants belges". Sur un plan projeté à l'audience, on aperçoit les domiciles de Khalid Zerkani et Abdelhamid Abaaoud, assez proches l'un de l'autre.

Sur un autre plan de Molenbeek, on découvre les domiciles d'Abdelhamid Abaaoud, de Salah Abdeslam, de Mohamed Abrini et de Chakib Akrouh. "L'ensemble de ces individus se retrouvent concentrés sur quelques centaines de mètres", précise l'enquêteur belge.

L'enquêteur belge explique encore que c'est avec Ayoub el-Khazzani, l'assaillant du Thalys (attentat d'août 2015), qu'Abdelhamid Abaaoud est rentré en Europe, en utilisant tous les deux de fausses identités. Ils passent tous les deux par la Grèce, puis la Serbie en juillet 2015.

Selon ses proches, Bilal Hadfi était un jeune lambda, explique encore l'enquêteur "qui ne s'est mis à prier qu'une semaine avant son départ pour la Syrie". Mais un de ses amis évoque sa vive réaction après l'attentat de Charlie Hebdo, "on se doutait qu'il était un peu pour"

Sur sa page Facebook également, l'enquêteur belge retrace plusieurs publications signes de la radicalisation de Bilal Hadfi. Sur l'une d'elles, on peut lire : "préparer vos gillets par balles ! L'heure est arrivée les frères".

C'est seul que Bilal Hadfi voyage vers la Syrie : un vol vers Antalya tout d'abord, quelques nuits dans un hôtel turc puis "il a disparu en abandonnant ses effets personnels et son téléphone portable dans sa chambre", explique l'enquêteur belge.

Une nouvelle photo de Bilal Hadfi, en Syrie cette fois, est projetée à l'audience : on le voit vêtu d'un treillis militaire, bonnet noir, l'index levé vers le ciel, le visage souriant et toujours aussi juvénile.

Depuis la Syrie, Bilal Hadfi reste en contact avec ses proches : sa mère à qui il dit être à Raqqa, sa tante à laquelle, selon l'enquêteur belge, il déclare : "pour moi c'est soit la victoire ou le martyr, dans les deux cas c'est toujours la victoire".

L'enquêteur belge fait projeter d'autres photos de Bilal Hadfi à l'audience. Sur l'une, il porte une kalachnikov. "Il appelle sa kalachnikov son bébé", précise l'enquêteur. En mai 2015, il demande à l'un de ces amis de prier pour lui car il compte mourir en martyr.

L'enquêteur belge cite encore une conversation de Bilal Hadfi avec sa sœur. Celle-ci lui dit qu'elle aimerait le revoir. Mais Bilal Hadfi répond : "bah tu peux toujours oublier cette envie parce que ... moi honnêtement j'ai pas envie. Moi je suis là moi …" 1/2

Dans sa conversation avec sa sœur, Bilal Hadfi poursuit : ... "je resterai là jusqu'à ma mort. Inch Allah. Jusqu'à où je suis "Chahid" [martyr ndlr]. Je veux pas revenir. Le jour où je viendrai, faire une attaque ici mais c'est pas pour revivre avec vous." 2/2

Enquêteur belge : "le 9 août 2015, Bilal Hadfi envoie via Facebook à l'un de ses contacts : "faut tout péter bientôt inshallah". Puis le 19 août 2015, il envoie un message à sa sœur. Il explique être à l'entraînement et demande à Allah à faire de lui un martyr".

L'enquêteur belge évoque le voyage de Bilal Hadfi vers l'Europe. Il est en compagnie de Chakib Akrouh, futur membre du commando des terrasses, dont il est maintenant question. "Il est né le 27 août 1990 à Berchem Sainte-Agathe, en Belgique".

Selon l'enquêteur belge, Chakib Akrouh est parti en Syrie. Sur place, il épouse une Guinéenne avec laquelle il a un fils. Lui aussi est lié à la filière de Khalid Zerkani, déjà évoquée par l'enquêteur au sujet d'Abdelhamid Abaaoud.

Enquêteur belge : "selon son père, Chakib Akrouh s'est radicalisé avant de partir pour la Syrie en 2013. Il n'a jamais pensé que son fils pourrait être lié aux attentats de Paris."

Ce moment où l'enquêteur belge, qui s'exprime depuis maintenant deux heures s'emmêle dans le nom d'un des assaillants du 13 novembre 2015 : "Chakouh Akrib ... euh ... Chakib Akrouh pardon".

C'est en janvier 2013 que Chakib Akrouh quitte la Belgique pour la Syrie, en passant lui aussi par la Turquie. "La disparition de Chakib Akrouh est signalée par son oncle le 10 janvier 2013", précise l'enquêteur belge. Sur place, il rejoint le bataillon des émigrés.

À la suite des attentats du 13 novembre 2015, Chakib Akrouh apparaît dans la vidéo de revendication des attaques par l'Etat islamique. "Apparaît un message de Chakib Akrouh qui égorge ensuite un prisonnier", détaille l'enquêteur belge.

L'enquêteur belge poursuit sa présentation avec le 5e des 6 protagonistes dont il est question aujourd'hui : Najim Laachraoui, artificier présumé des attentats du 13 novembre 2015 et kamikaze des attentats de Bruxelles le 22 mars 2016.

Enquêteur belge : "à l'école primaire et secondaire, Najim Laachraoui était qualifié d'élève brillant. Il a effectué des études supérieures d'ingénieur, puis réorienté en électronique, année qu'il n'a pas non plus réussi".

Enquêteur belge : "selon son père, c'est à partir de sa majorité de Najim Laachraoui a commencé à avoir des positions plus radicales." Il cite une audition du père Laachraoui : "mon fils a été endoctriné à Molenbeek, dans une mosquée. Je pense qu'on lui donnait des cours"

C'est en 2013 que Najim Laachraoui s'envole vers la Turquie. "Il rejoint ensuite la Syrie via un passeur", explique l'enquêteur belge. "Plus tard, il dit à son père qu'il se trouve dans la région d'Alep, qu'il fait partie d'un groupe d'insurgés."

Enquêteur belge : "nous avons relevé de nombreux contacts avec sa famille. Najim Laachraoui leur demandait s'ils étaient de bons musulmans. Il disait que dès que sa sœur aura grandi, il fera tout pour la marier avec un musulman sur zone" [irako-syrienne ndlr]

Enquêteur belge : "Najim Laachraoui est très idéologiquement impliqué. Plusieurs contacts le prennent comme référence. Il semble également avoir une très bonne maîtrise de la langue arabe."

L'enquêteur ne poursuit pas sa phrase ... ou plutôt la liaison avec la Belgique est déconnectée. "Vous êtes le seul participant connecté" déclare une voix préenregistrée. L'image revient. "Vous revenez parmi nous", indique le président.

Enquêteur belge : "en septembre 2014, Najim Laachraoui suit une formation. Il dit avoir appris à monter et démonter des armes et cite la "kalach". Il a aussi joué un rôle médiatique lorsqu'il est blessé au combat, il met à profit le temps de sa convalescence".

Enquêteur belge : "fin 2013, début 2015, Najim Laachraoui est apparu dans les enlèvements de journalistes en Syrie, étant établi qu'il a été l'un des geôliers des otages, aux côtés de Mehdi Nemmouche. Il a été membre de la cellule des opérations extérieures de l'Etat islamique."

Enquêteur belge : "nous n'avons pas d'éléments concrets sur le retour de Najim Laachraoui, mais il est établi qu'il est arrivé en Hongrie le 5 décembre 2015 avec Mohamed Belkaïd". Mohamed Belkaïd est le dernier protagoniste présenté par l'enquêteur belge.

Enquêteur belge : "Mohamed Belkaïd est né en Algérie le 9 juillet 1980. Il aurait demeuré en Suède à partir de 2010." Mohamed Belkaïd est mort lors d'une fusillade avec les forces de l'ordres dans une planque de Bruxelles, le 15 mars 2016.

Enquêteur belge : "en mars 2016, des médias font état que la chaîne britannique Skynews est en possession de plusieurs documents de l'Etat islamique portant sur 22 000 djihadistes". Parmi ces fiches, celle de Mohamed Belkaïd avec son état civil mais aussi "fabricant en sucre"

Enquêteur belge : "Selon un article de propagande de Daech, Mohamed Belkaïd a rejoint un groupe de combattants connu pour son jeûne, ses prières toute la nuit. C'est quand il a entendu que Najim Laachraoui se préparait à faire quelque chose en Europe qu'il a voulu le rejoindre."

Fin de la présentation de l'enquêteur belge. Le président annonce une suspension d'une demi-heure avant les questions à l'enquêteur.

L'audience reprend avec la suite de l'audition de l'enquêteur belge 446.906.682. Interrogé sur la radicalisation d'Abdelhamid Abaaoud, l'enquêteur reprend : "c'est à sa sortie de sa prison de Forest qu'il se serait radicalisé. Et un élément clé est son séjour en Egypte."

Pour la troisième fois, en réponse aux questions du président, l'enquêteur belge indique : "ce sera détaillé ultérieurement par un collègue". Notons que neuf policiers judiciaires belges doivent encore se succéder à l'audience d'ici au 9 décembre prochain.

Sur question de l'avocat général Nicolas Le Bris, l'enquêteur belge indique que deux des planques des terroristes Abdelhamid Abaaoud et Ayoub El-Khazzani (assaillant du Thalys) à Bruxelles n'ont pas été localisées par les enquêteurs.

Enquêteur belge : "Abdelhamid Abaaoud est arrivé en coordonnateur et les autres protagonistes ont suivi le même modus operandi, avec les mêmes faux-papiers, utilisés les mêmes routes, les mêmes failles du système."

Ce moment où, sur question de l'avocate générale, l'enquêteur belge s'emmêle les pinceaux entre différentes vidéos de revendication de Daech. "Veuillez excuser ma confusion au sujet de la vidéo, j'en ai vu tellement ..."

Petite passe d'armes entre Me Chemla (PC) et le policier belge qui témoigne. A plusieurs reprises, ce dernier indique : "je n'ai pas d'informations à communiquer sur ce point", au sujet de l'arrestation manquée d'Abdelhamid Abaaoud en Grèce ou encore le décès de son frère Younès.

Me Chemla (PC) s'agace et se tourne vers la cour : "monsieur le président, est-ce qu'on peut rappeler au témoin qu'il a juré de dire la vérité, toute la vérité ?" Président : "vous sous-entendez qu'il ne dit pas la vérité".

Me Chemla (PC) : "est-ce que je dois comprendre que vous n'avez pour mandat que de donner le résumé de ce qui est déjà au dossier ? Cela va perdre beaucoup de son intérêt" Enquêteur belge : "je pense qu'il faut arrêter d'insinuer que je ne veux pas vous donner d'éléments".

Me Kempf (défense) s'interroge quant à l'identité des deux autres personnes qui apparaissent à l'écran aux côtés de l'enquêteur belge. "C'est une bonne question", reconnaît le président. L'enquêteur indique alors qu'il s'agit d'un magistrat et une juriste du parquet.

Mais l'enquêteur indique encore qu'un technicien est présent dans la salle, qui penche alors la tête et fait un petit coucou à l'écran. Rires dans la salle.

Me Kempf (défense) : "Je me demande qu'elle peut-être la fiabilité du témoignage de l'enquêteur en présence de deux membres de ce parquet fédéral. Surtout quand on sait que le parquet fédéral a tenu des propos diffamatoires à l'égard de mon client".

Me Kempf (défense) est très agacé par l'absence de réponse de l'enquêteur belge au sujet des relations entre son client, Yacine Atar, et Abdelhamid Abaaoud. Le président : "j'ai posé la même question et je n'ai pas non plus eu de réponse. On est donc à égalité sur ce point"

Enquêteur belge : "ce que je voulais vous dire, sans m'énerver pour ma part, c'est que ça a fait l'objet d'une discussion de mon collègue qui viendra vous parler de Yacine Atar et vous répondra sur ce point. Ce n'est pas un manque de question, c'est une question d'organisation"

Me Kempf agacé par un nouveau refus de répondre de l'enquêteur belge : "je défends un homme qui se trouve dans le box sur la base des procès-verbaux que vous avez rédigé. Donc comment je fais pour exercer mon métier correctement ?" "C'est un peu problématique", admet le président.

Me Jonathan de Taye (défense) : "je ne vais pas continuer longtemps parce que je sens que je commence à vous taper sur le système, monsieur le président ..." 1/2

"... mais c'est quand même un problème d'avoir un enquêteur qui se censure à une question sur deux parce qu'il est dans les locaux du parquet fédéral avec l'œil de Moscou dans le bureau", poursuit Me de Taye. "C'est pas très gentil pour le parquet fédéral" relève le président.

Fin de l'audition de l'enquêteur belge 446.906.682. L'audience est suspendue jusqu'à demain 12h30 avec trois autres enquêteurs de la police judiciaire belge attendus à l'audience.

Jour 50 – Vendredi 26 novembre - Suite des auditions des enquêteurs belges

Jour 50 au procès des attentats du 13 novembre. L'audience n'a pas encore repris. Aujourd'hui, ce sont 5 accusés qui ont décidé de ne pas comparaître. Mohamed Bakkali s'ajoute au quatuor Salah Abdeslam, Mohamed Abrini, Sofian Ayari, Osama Krayem (ces 4-là absents déjà hier).

Les 5 accusés refusent de comparaître pour protester contre la non-présence physique des enquêteurs belges, qui sont en visio et en partie anonymes.

L'huissier est parti leur faire des sommations à comparaître. C'est la procédure légale quand un accusé refuse de comparaître. L'huissier doit constater le refus. Et l'audience peut ensuite reprendre, à condition que l'accusé soit représenté par un avocat.

L'audience reprend. Président : "suite à la sommation, les 5 accusés ont maintenu leur souhait de ne pas comparaître à l'audience et M. Bakkali a joint une lettre que je verse aux débats, sur les policiers belges en visio".

Des avocats s'avancent à la barre pour de nouvelles constitutions de parties civiles. Chaque jour c'est le cas. On en est à presque 2500 constitutions de parties civiles. Un peu moins. Chiffres évolutifs, certaines n'ayant pas confirmé.

Président : "Bonjour messieurs dames". Sur le grand écran, quatre personnes dans le bureau du parquet fédéral belge. Témoins enquêteurs en visio. Ce que dénoncent donc certains accusés et leurs avocats qui auraient voulu les voir physiquement à la barre.

Aujourd'hui, les enquêteurs vont parler de Brahim Abdeslam, grand frère de Salah Abdeslam. Brahim Abdeslam né en 1984 à Bruxelles. Mort le 13 novembre 2015 après avoir déclenché sa ceinture explosive au Comptoir Voltaire (il avait fait avant partie du commando des terrasses).

L'enquêteur belge qui parle de Brahim Abdeslam : "cet individu a vécu toute sa vie en Belgique. Au moment des faits, il vivait au domicile familial à Molenbeek"

Enquêteur belge : "Brahim est issu d'une famille de 5 enfants. Marié en 2006 en Belgique. Divorcé en 2014. A fréquenté ensuite une autre femme. 2e mariage au Maroc. Divorce au bout de 3 mois".

Enquêteur belge : "Brahim Abdeslam tenait le café Les Béguines à Molenbeek". On voit une photo, façade de briques rouges, et à l'intérieur mur peint en rouge, banquettes de cuir et chaises de bois, et un flipper.

L'enquêteur parle du trafic de drogue dans ce café, "un repaire". Il parle du passé de petite délinquance de Brahim Abdeslam. A fait de la prison pour escroquerie et faux et usage de faux en écriture.

L'enquêteur belge explique que le 28 janvier 2015, Brahim Abdeslam aurait appelé son frère Salah depuis la frontière turco-syrienne, et lui aurait dit qu'il allait la franchir.

Pendant que l'enquêteur belge parle dans le grand écran, on entend des sirènes derrière sa voix. Sirènes belges dans les rues de Bruxelles.

L'enquêteur présente les comptes Facebook de Brahim Abdeslam, des numéros de téléphones. Dont l'un utilisé pour louer une des voitures d'un commando du 13 novembre.

L'enquêteur montre les photos de ceux qui étaient en lien avec Brahim Abdeslam. L'accusé Mohamed Amri était en lien. Il avait acheté la Golf de Brahim Abdeslam en août 2015 et dit "se sentir redevable". Il a travaillé aux Béguines en 2015, derrière le bar.

Brahim Abdeslam était aussi en lien avec Hamza Attou, qui vendait des stupéfiants dans le café Les Béguines.

Autre accusé en lien : Ali Oulkadi. Qui disait que Brahim Abdeslam était surnommé "Brahim poulet" dans son café Les Béguines. 13 novembre

Ali Oulkadi disait de Brahim Abdeslam en décembre 2015 : "c'était quasi mon meilleur ami, je le voyais tous les jours". Il l'a d'ailleurs accompagné à l'aéroport pour la Syrie.

Autre accusé en lien : Ahmed Dahmani (accusé incarcéré en Turquie, mais jugé à ce procès) Dahmani ne reconnaît pas ses liens avec Brahim Abdeslam, mais d'autres disent qu'il était tout le temps dans son café.

Mohamed Abrini connaissait aussi Brahim Abdeslam. C'est lui qui dit que le surnom de Brahim était "poulet"

L'accusé Abrini lors d'un interrogatoire devant les policiers belges : "Brahim et Salah Abdeslam étaient mes voisins, leur maison était collée à la mienne depuis 25 ans, j'étais ami avec les 2 mais plus proche de Salah, Brahim était plus âgé"

Mohamed Abrini qui avait dit aux policiers belges que dans le café Les Béguines, parfois il entendait parler de EI "et voilà "

L'enquêteur belge parle du profil FB de Brahim Abdeslam. Compte Abdel créé en octobre 2015, une nuit.

L'enquêteur parle de Rafik E. meilleur ami de Brahim Abdeslam, qui "aurait pu partir en Syrie avec lui" mais a renoncé au dernier moment à l'accompagner sur intervention de sa mère.

L'enquêteur dit que Brahim Abdeslam regardait des vidéos de propagande EI café avec Attou, Amri, Oulkadi, "ils venaient surtout le soir"

Rafik a dit aux enquêteurs que "Brahim était fier de ce que Abaaoud accomplissait en Syrie. Il a commencé à avoir des propos radicaux. Il disait qu'il fallait aller aider des gens là-bas et qu'on était dans un pays de mécréants".

L'accusé Oulkadi lui a dit que Brahim Abdeslam s'est rapproché de la religion, "je ne sais pas comment ni pourquoi car je le voyais tout le temps au café"

Puis l'enquêteur explique que Brahim a commencé à parler suicide, mais pas par désespoir, "un suicide pour Dieu", "on lui disait qu'il était fou".

L'enquêteur explique que Brahim Abdeslam avait montré la vidéo du pilote jordanien brûlé vif dans une cage. En résumé, il disait qu'il méritait cette atroce exécution, après avoir jeté des bombes depuis des avions.

A ce procès, on a vu cette vidéo presque dans son intégralité (la scène de l'agonie du pilote jordanien a été écourtée). Exécution d'une effroyable barbarie avec une insoutenable mise en scène.

L'enquêteur belge explique qu'en juillet 2014, Abaaoud incite Brahim Abdeslam à venir "rejoindre l'armée d'Allah".

L'enquêteur belge explique qu'en juillet 2014, Abaaoud incite Brahim Abdeslam à venir "rejoindre l'armée d'Allah".

Le 23 janvier 2015, Brahim Abdeslam réserve un billet aller-retour jusqu'au 3 février (payé en espèces), Bruxelles Istanbul. Avec son ami Rafik. Rafik n'y va pas. Brahim Abdeslam va finalement jusqu'en Syrie.

Rafik a expliqué qu'en janvier 2015, la mère Abdeslam est venue chez sa mère, et a dit que c'était de sa faute si Brahim partait. La mère de Rafik a confisqué le passeport. Rafik pas parti, mais il a redit à la police "Brahim c'était mon ami, j'aurais pu suivre le même chemin"

Rafik a dit aux enquêteurs belges que les accusés Oulkadi et Attou ont dit au revoir à Brahim Abdeslam. Rafik lui a écrit : "tu vas me manquer à fond, ça va être dur sans toi"

Brahim Abdeslam n'a pas pris le vol retour prévu, mais est revenu. Interpellé pour excès de vitesse (roulage). E, février 2015. Mais il dit alors aux enquêteurs : "je suis croyant mais je fume du shit"

Interrogé par les enquêteurs belges sur son voyage, Brahim Abdeslam les embobine. "Je pense que le djihad c'est le bon comportement, se combattre contre soi-même avant de faire quelque chose de mal" Il parle du djihad-effort dans l'islam. Et non du djihad armé.

Le président demande à l'enquêteur interrogé en visio s'il avait l'impression que Brahim Abdeslam pratiquait la ... "je ne sais plus le nom, oui, la taqiya"... La taqiya = la dissimulation des terroristes par ruse (apparence normale pour masquer sa radicalisation)

Le premier terroriste islamiste des années 2000 à pratiquer cette taqiya : Mohamed Merah. Qui a tué 7 personnes lors de trois attentats en mars 2012 à Toulouse et Montauban. Merah devenu une icône pour tant de djihadistes partis rejoindre EI Daech en Syrie.

Me Olivia Ronen, l'avocate de Salah Abdeslam demande si Brahim Abdeslam a été interpellé en février 2015 ou par hasard ? Enquêteur : "contrôle de roulage", donc pas hasard.

Me Olivia Ronen, l'avocate de Salah Abdeslam : "Lorsqu'on saisit un téléphone c'est dans quel intérêt ?" Enquêteur : "l'analyser" Me Ronen : "ça n'a pas été fait"...

Me Olivia Ronen, l'avocate de Salah Abdeslam : "On peut penser que les choses se seraient passées différemment si le fil avait été tiré autrement" La liaison avec l'enquêteur belge coupe. Me Ronen éclate de rire : "Ben il est parti !"

Me Negar Haeri s'étonne que les policiers belges aient cru si vite qu'il était juste "un fumeur de shit" de retour de son voyage soi-disant en Turquie.

Me Olivia Ronen, l'avocate de Salah Abdeslam : "Je pense qu’il a fui monsieur le président !" Président : "Non non, vous vous êtes trompée, vous voyez, il est là !" L'enquêteur est à l'écran. Me Ronen continue à l'interroger.

Me Ronen évoque une conversation de juillet 2014 entre Abaaoud (en Syrie) et Brahim Abdeslam (toujours à Molenbeek), il est question de djihad et de "déchirer des kouffars" (mécréants). Et si le téléphone de Brahim Abdeslam analysé dès février 2015 lors de l'interpellation ?

"Si cette conversation avait été récupérée par le système informatique de l’époque, la décision du magistrat aurait été différente" bafouille l'enquêteur belge depuis Bruxelles.

Me Orly Rezlan, avocate de Bakkali, pose une question sur le mariage de Brahim Abdeslam été 2014, pas de tenues radicales dit-il, le marié en costume, la mariée épaules nues et maquillée... Enquête belge : "il a divorcé trois mois après !"

Me Judith Lévy, avocate de Ali Oulkadi a une question sur le café Les Béguines, où l'enquêteur a dit que pièce dédiée pour converser avec Abaaoud en Syrie : "vous n'avez pas fait de photo de cette pièce en perquisition ?" Enquêteur : "non"...

Et elle met en exergue un propos de Rafik (meilleur ami de Brahim Abdeslam) dont l'enquêteur a longuement parlé. Mais le propos évoqué et qui est pourtant extrait de l'audition selon l'avocate, ne dit rien à l'enquêteur !

Deuxième jour d'audition d'enquêteurs belges. On en est au 2e enquêteur, et les avocats s'agacent des réponses évasives, floues, ou du renvoi de balles vers un autre enquêteur...

Me Negar Haeri, avocate de Mohamed Abrini revient sur les propos de l'enquêteur qui a très longuement cité les auditions de Rafik le meilleur ami de Brahim Abdeslam. "Comment est-il possible que vous lui accordiez autant de crédit ?" alors qu'il a aussi failli partir en Syrie ?

Et Me Haeri demande même ce qui fait qu'il n'est pas dans ce box ? Pourquoi pas lui et d'autres ? sous-entend-elle. "Ce n'est pas de mon ressort" dit l'enquêteur.

Me Negar Haeri revient sur l'audition de Brahim Abdeslam en février 2015 par la police belge. "On l’avait sous la main cet homme, on l’avait sur un plateau d’argent, mais on n’a pas su s’en servir. Ça fait froid dans le dos rétrospectivement"

Me Negar Haeri s'étonne que les policiers belges aient cru si vite qu'il était juste "un fumeur de shit" de retour de son voyage soi-disant en Turquie.

Enquêteur belge : "Monsieur le président, moi j’ai dit que j'étais informé du dossier le 14 novembre, j’ai pas dit la DR3 !"

Et je rectifie encore ici. Me Negar Haeri est bien l'une des avocats de Mohammed Amri et non d'Abrini. Mohamed Abrini a notamment pour avocats Me Marie Violleau et Me Eskenazi.

Après une courte suspension, l'audience reprend. Avec un autre enquêteur. Qui lui va parler de l'accusé Dahmani. Ahmed Dahmani est un des 6 accusés absents depuis le 8 septembre. 5 sont présumés morts en Syrie, lui est incarcéré en Turquie.

Dahmani est né en 1989. "Va faire usage de fausses identités" dit l'enquêteur. "Et des surnoms". GG. Ou aussi Redouane. Ou encore Ahmed Gérard. Également Kays Rayan. Mais encore Mazen Mohammad Ali.

Dahmani est né au Maroc. Arrivé en Belgique à 4 ans. A perdu sa mère à 14 ans. Juste après, il est tombé dans la délinquance, à Molenbeek.

Il était connu des services de la sûreté de l'Etat depuis 2009. Liens avec Sharia4Belgium, groupuscule belge qui a été recruteur de djihadistes.

Une des sœurs de Dahmani a dit à la police que son frère connaissait Salah Abdeslam, qu'elle avait déjà croisé à la maison.

L'enquêteur rappelle que Ahmed Dahmani a fui la Belgique dans la nuit du 13 novembre 2015. Cap sur la Turquie. Où il a été interpellé trois jours plus tard, le 16 novembre 2015.

L'un des accusés Ali Oulkadi a déclaré aux policiers qu'il pensait que Dahmani avait radicalisé Salah  Abdeslam.

Dahmani était un ami d'enfance de Mohamed Abrini, "ils ont grandi ensemble dans le même quartier"

L'enquêteur explique qu’une photo de Abaaoud retrouvée dans le téléphone de Dahmani. "Je n'ai aucun lien avec cet individu", a d'abord dit Dahmani, "je ne partage pas d'amitié avec ces individus" partis en Syrie.

Dahmani déclarait aux enquêteurs : "Je n'ai aucun lien avec ces individus qui ont mené des actions au nom de ces organisations" terroristes ou encore "je n'ai rien à voir avec Daech, dans mon cercle d'amis, personne n'a de lien avec Daech"

Dahmani a passé la soirée du 13 novembre au café le TIME OUT, explique l'enquêteur. Parmi ces personnes qui fréquentaient ce lieu et "qui étaient dans le trip de EI" il y avait Mohamed Abrini, les frères Abdeslam

L'enquêteur explique que Dahmani s'est rendu en Syrie en février 2015. Comme tant d'autres, il a d'abord pris un billet pour la Turquie. Puis on voit sur son profil Facebook un paysage désertique, et des images de combattants, et de lui index levé vers le ciel.

L'enquêteur parle ensuite d'une conversation. Où il est question de "poulet" et "vieux poulet". Il est question que "poulet appelle" disait Dahmani. En fait, "poulet" serait Salah Abdeslam et "vieux poulet" serait son grand frère Brahim Abdeslam, dit l'enquêteur.

L'enquêteur montre ensuite des messages de Dahmani à son arrivée. Parmi ces messages : "avec ce qui se passe la Gloire à Allah, je me sens intouchable" (sic)

L'enquêteur situe donc l'arrivée de Dahmani en Syrie en février 2015, 1ère quinzaine. “Il demande que vieux poulet le contacte !”Puis "il rentre en Europe le 24 février, crée un nouveau profil Facebook et la 1ère personne avec qui il va rentrer en contact est Brahim Abdeslam

Entre mars et août 2015, Salah Abdeslam et Ahmed Dahmani "entrés dans les mêmes casinos"

Et au passage, l'enquêteur dit : "on a plus de 150 personnes sur notre territoire qui portent le nom Abdeslam "

Me Ronen, avocate de Salah Abdeslam dit que le surnom "poulet" ne correspond pas à son client. "Poulet" et "vieux poulet" : c'est le même, c'est Brahim Abdeslam, dit-elle, affirmant que c'est "objectivé" par les magistrats. Le policier belge : "je peux répondre ? Je conteste"

Le PNAT précise et appuie le propos du policier belge. "Dans le téléphone de Dahmani, le nom de Salah Abdeslam associé à "poulet" Le policier : "je peux répondre encore ?"

Le policier belge : "Poulet c'est un truc générationnel, poulet pour les amis de Salah, et vieux poulet pour Brahim" (plus vieux) Il y a donc débat autour de qui était appelé "poulet".

Et on passe au dernier enquêteur, venu parler de Khalid El Bakraoui, considéré comme l'un des "opérationnels" ayant piloté les attentats du 13 novembre depuis Bruxelles avec son frère Ibrahim. Tous les deux sont morts en kamikazes le 22 mars 2016 dans les attentats de Bruxelles.

Les deux frères El Bakraoui étaient les cousins de Oussama Atar, commanditaire présumé des attentats du 13 novembre (accusé présumé mort en Syrie) Et donc les cousins de Yassine Atar, accusé présent aujourd'hui dans le box.

Les frères El Bakraoui était des multi délinquants archi connus en Belgique. Braquages avec armes et gilets pare-balles dès la fin des années 2000.

Osama Krayem (accusé de ce procès) aurait dit que les frères El Bakraoui se seraient vantés d'avoir tué une personne âgée en lui tirant une balle dans la tête en pleine rue. Mais les policiers belges n'ont pas pu le prouver.

Khalid El Bakaroui suspecté avoir apporté une aide à Abaaoud, El Khazzani, Chatra pour l'attaque du Thalys. L'été avant le 13 novembre 2015

L'enquêteur dit que Oussama Atar a rendu visite en prison à Khalid El Bakraoui quasiment chaque semaine, pendant plusieurs mois avant de partir en Syrie

Et quand il est sorti de prison, Khalid El Bakraoui lui aussi est allé en Syrie, "rencontrer les émirs", "préparer une attaque", a dit un des accusés de ce procès, l'accusé Krayem.

Khalid El Bakraoui qui a laissé une lettre d'amour et de pardon à sa femme après les attentats du 13 novembre et avant de se faire exploser à Bruxelles en mars 2016 : "pardonne-moi, tu sais pourquoi je suis rentré du Sham, frapper l'ennemi d'Allah, jusqu'à libérer la Palestine"

Batterie de questions de l'avocat général, d'avocats de parties civiles, de la défense. Ribambelle de réponses évasives du témoin.

Arrive Me Kempf, qui réclamait la venue des enquêteurs belges et regrettait leur anonymat, avec un numéro d'enquêteur associé. Il se demande pourquoi l'enquêteur du jour a remplacé un autre qui était prévu initialement ? L'enquêteur, embarrassé : "euh, pour raison médicale"...

Me Kempf : "est-ce que Khalid El Bakraoui a été placé sur écoute avant son interpellation le 21 octobre 2015 ?" Enquêteur : "je ne sais pas" Me Kempf s'impatiente. Comme une partie des avocats depuis hier. Qui n'ont pas les réponses aux questions qu'ils posent.

Enquêteur : "Khalid el Bakraoui est entré dans notre dossier en décembre 2015, c'est tout ce que je peux vous dire"

L'audience s'achève à l'instant. En ce 50e jour, les enquêteurs belges ont maintes fois répété qu'ils ne savaient pas répondre. Suscitant l'exaspération d'avocats. Des parties civiles aussi s'offusquent publiquement. Comme [Arthur Dénouveaux] sur son fil twitter.

L'audience reprendra mardi avec des enquêteurs belges. Sur leurs comptes, les associations de parties civiles [13onze15] et Arthur Dénouveaux le président de [life for Paris] expriment leur déception sur ce qu'ils ont entendu depuis hier.