Procès des attentats du 13 novembre 2015 - Le Live Tweet - Semaine NEUF

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.

(© Photo "Salle d'audience" Sophie Parmentier |Twitter)



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Semaine NEUF

Jour 37 - Mardi 2 novembre – Début des interrogatoires de personnalité des accusés – Salah Abdeslam

Semaine 9, jour 37 au procès des attentats du 13 Novembre. Après cinq semaines de récits de survivants et endeuillés, place aux interrogatoires de personnalité des accusés. Premier interrogé : Salah Abdeslam. Qui vient d'arriver dans son box, gilet gris, chemise, masque noir.

Avant le début des interrogatoires, les accusés discutent avec leurs avocats. Beaucoup de robes noires côté défense parlent par l'interstice situé au milieu de la vitre de l'immense box des accusés.  

Dans le grand box des accusés, les gendarmes se tiennent debout en attendant le début de l'audience. Les gendarmes semblent un peu plus nombreux que d'habitude.  

L'audience reprend. Jour 37.

Elle reprend avec une nouvelle prestation de serment, de la part d'un interprète. Toujours de nombreux interprètes. Et une nouvelle constitution de parties civiles en ce jour 37.

Le PNAT émet un avis réservé à cette constitution d'une amie de Nathalie Jardin, "le périmètre des victimes par ricochet a une limite" dit l'un des trois avocats généraux.

Des avocats de la défense font savoir qu'ils ont fait verser au dossier ce week-end de nouvelles pièces, et même ce matin. Le président s'en agace, alors qu'ils avaient neuf semaines pour le faire... 200 pages viennent d'être versées pour l'accusé Kharkhach se plaint le PNAT.

Du coup l'interrogatoire de l'accusé Kharkhach prévu aujourd'hui devient incertain.

Le président : "Bien, nous allons aborder les interrogatoires de personnalité. Monsieur Abdelsam, vous voulez bien vous lever s'il vous plaît, on commence par vous, c'est l'ordre alphabétique".

Salah Abdeslam se lève, ôte son masque noir, cheveux ras, épaisse barbe noire, gilet de laine gris, chemise marron clair. L'accusé prend une petite voix.

Salah Abdeslam confirme sa nationalité, une seule, française : "Je suis d'origine marocaine, je suis né en Belgique, j'ai la nationalité française".

Salah Abdeslam explique que ses parents sont nés au Maroc, venus en France d'abord : "c'est pour ça que j'ai la nationalité française". Ensuite, ses parents sont partis en Belgique.

Salah Abdeslam : "Je suis le 4e d'une fratrie de 5, j'ai trois grands frères, une petite soeur". 13 Novembre

Le président : "Comment s'est passée votre enfance ?" Salah Abdeslam : ""Très simple, j'étais quelqu'un de calme, gentil"

Salah Abdeslam précise qu'il y a toujours une bonne ambiance dans sa famille.

Le président : "Au niveau de votre scolarité ?" Salah Abdeslam : "J'étais aimé de mes professeurs, j'étais un bon élève. J'ai suivi l'enseignement technique pour avoir directement un métier".

Le président : "Vous avez quitté la scolarité à quel âge ?" Salah Abdeslam : "18 ans", il a été engagé dans l'entreprise dans laquelle travaillait son père, pour la réparation des trams.

Le président lui parle de ses jobs étudiants. "Technicien de surface pour une société de nettoyage dans le métro ?" Salah Abdeslam : "J'ai  jamais fait ça".

Le président note que le grand frère de Salah Abdeslam a dit qu'il voulait faire chauffeur de taxi ? "Oui", dit Abdeslam. Il a abandonné. Ne sait plus dater ni préciser pourquoi.  

Le président demande pourquoi Salah Abdeslam n'a plus travaillé dans la société de transport . Salah Abdeslam : "J'ai été licencié". Le président : "Pourquoi ?" Abdeslam : "Parce que je suis rentré en prison".

Après, Salah Abdeslam a acheté une camionnette. En 2011. Pour faire le transport. Salah Abdeslam : "ça marchait pas bien, j'avais pas beaucoup de clients".

Peu avant, debout dans son box, Salah Abdeslam déclare "j'aimais bien travailler".

Abdeslam a poursuivi avec des travaux d'intérim. Le président commence à égrener des mentions au casier judiciaire belge. Amende de 100 euros avec sursis en 2011 par tribunal de Bruxelles pour défaut assurance véhicule.

Le président évoque des condamnations 2012 (roulage), 2013 : "jugement par défaut, vous n'étiez pas présent, conduite pour stupéfiants ?" Salah Abdeslam : "Je ne me souviens pas"

Le président :"Vous avez eu pas mal d'infractions dites de roulage" (terme belge) Salah Abdeslam : "J'aime la vitesse, c'est pour ça" Le président : "Enfin, il y a aussi blessures involontaires, vous avez eu un accident"

Le président a noté parmi les condamnations, une affaire de cambriolage avec Abdelhamid Abaaoud, coordonnateur présumé des attentats du 13 Novembre. Salah Abdeslam : "J'ai pas envie de m'étendre"

Le président lui parle d'une fiancée. "Avez-vous toujours des contacts avec elle ?" Salah Abdeslam : "Non"

Le président lui demande s'il a d'autres relations amoureuses. Salah Abdeslam préfère ne pas répondre : "c'est un petit peu personnel". Le président : "oui, mais c'est pour votre personnalité".

Et sans insister, le président dit qu'il n'est en effet pas obligé de répondre.

L'avocate de Salah Abdeslam souligne qu'il n'est pas obligé de répondre à tout. Le président : "Oui, on est dans un état de droit"

Le président interroge Abdeslam sur ses visites en prison. Qui vient le voir ? Sa mère, sa petite sœur et sa tante Habiba, répond Salah Abdeslam.

Le président note qu'il est à l'isolement en prison. "Vous n'avez de contact qu'avec votre famille, votre avocate, et c'est tout ?" Salah Abdeslam : "C'est tout"

Salah Abdeslam dit que ses contacts avec les surveillants "ça se limite à un bonjour au revoir, ça veut pas dire que je suis renfermé, si on discute avec moi, je discute"

Le président évoque un rapport qui parle d'un "comportement illégal" en détention, "en 2016, refus de vous soumettre à une fouille intégrale, bon", puis "des mots déplacés, vous vous rappelez de ça ?" Salah Abdeslam : "Non"

Le président : "en 2016, vous auriez traité les surveillants de SS et de chiens ? Puis en 2017, de mécréants ? Vous vous souvenez ? Et vous vous souvenez qu'à une période on souhaitait vous empoisonner ?" Salah Abdeslam : "Je ne souhaite pas en parler"

Le président note qu'en 2019, bon rapport de détention, précisant qu'Abdeslam parle facilement, ou parfois se ferme. Salah Abdeslam, dans son box : "Si on parle avec moi, si on commence la discussion, et ben je discute quoi !"

Le président note qu'en 2021, rapport de détention "tout à fait respectueux". Et il l'interroge sur ses activités sportives ? Salah Abdeslam : "J'aime bien les sports de combat, et le foot". Il aimait le foot avant le 13Novembre

Le président : "d'autres activités en prison ?" Salah Abdeslam : "A part la promenade et le sport, pas d'activité".

Le président lui demande quels accusés il connaissait. Salah Abdeslam : "Abrini, c'était mon voisin depuis 20 ans. On s'est connus jeune, treize ans peut-être. C'était une bonne famille, des gens très discrets"

Salah Abdeslam dit qu'il connaissait aussi Mohammed Amri, Hamza Attou, "Molenbeek, c'est petit, tout le monde se connaît. Attou était plus l'ami de mon frère. Je l'ai connu via Brahim. On mangeait, on buvait un verre, rien de spécial"

Salah Abdeslam : Oulkadi, c'était plus l'ami de mon frère, très gentil, on buvait un verre, je le respecte"

Salah Abdeslam : "Chouaa, c'est une simple connaissance. Bakkali, je le connais pas. Sofien Ayari, je le connais. On a été arrêté ensemble". Le président : "c'est vrai que c’est compliqué de dire que vous le connaissiez pas !"

Le président : "M. Kharkhach, vous le connaissiez ?" Salah Abdeslam : "Non je le connaissais pas, d’ailleurs, je sais pas ce qu’il fait ici"

Salah Abdeslam, interrogé par le président sur les verres qu'il buvait au restau : "Je suis né en Belgique, j’ai été imprégné par les valeurs occidentales"

Salah Abdeslam qui dit aussi qu'il était amateur de jeux dans les casinos, interrogé par une des magistrates assesseurs.

Les deux magistrates assesseurs ont pris le relais du président de la cour, au bout d'une heure d'interrogatoire très posé du président de la cour. Le président Périès, au ton presque doux. En face, même voix petite voix douce de Salah Abdeslam.

Salah Abdeslam qui a fait rire la grande salle d'audience, lorsque le président Périès lui a parlé de ses soirées en boîte avec Amri, jusqu'à 2014. Abdeslam : "Je dansais pas, je suis pas vraiment danseur"

Une des magistrates demande s'il a déjà fait des demandes de mise en liberté depuis son arrestation en mars 2016 pour les attentats du 13 Novembre ? Salah Abdeslam dit non. "Pourquoi ?" "Parce que c’est difficile à imaginer que vous allez me lâcher" répond Abdeslam, yeux rieurs.

Les magistrates de la cour qui interrogent Salah Abdeslam ont un ton beaucoup plus sec que celui du président Périès. L'une l'interroge sur ses liens avec ses frères. Salah Abdeslam : "Brahim c’est le frère que je préfère" - le kamikaze du Comptoir Voltaire le 13 Novembre

Salah Abdeslam sur son lien avec son frère Brahim : " L’amour n’a pas de logique, je peux pas expliquer ça, c’est comme ça, peut-être qu’il s’est plus occupé de moi quand j’étais petit"

Une magistrate : "Est ce que vous avez refusé un suivi psy en détention ?" Salah Abdeslam : "J'ai refusé" "Pourquoi" demande la juge. "Parce que j’en avais pas besoin" répond Abdeslam, toujours avec la même voix douce, depuis une heure. 13 Novembre

La même juge demande à Abdeslam s'il regarde la télé en prison ? Salah Abdeslam : "ça m'arrive"

Une autre magistrate demande s'il est allé en Ukraine début 2016 ? Salah Abdeslam nie, et d'un air amusé : "Si j’étais en Ukraine je serais pas revenu !"

La magistrate lui fait remarquer qu'avec des faux papiers, "ça doit passer", le retour. Salah Abdeslam du tac-au-tac : "si vous pouvez m'en fournir ?"

Interrogé par un avocat général du PNAT sur ses liens avec Abdelhamid Abaaoud, Salah Abdeslam dit qu'il le connaissait depuis ses 11 ans, mais ne le fréquentait pas. Il voyait surtout Abrini, adolescent.

Un avocat général du PNAT l'interroge sur sa fréquentation des salles de jeux ? Salah Abdeslam : "J’étais pas addict, j’allais là-bas comme on va boire un verre" 13 Novembre

Salah Abdeslam : "Je me motivais tout le temps pour aller travailler avoir une situation stable, j’étais fiancé" Un avocat général du PNAT : "fiancé depuis quand ?" Abdeslam ne sait pas répondre.

Me Chemla, avocat de parties civiles : "Vous nous avez indiqué que vous étiez travailleur. Pourquoi vous avez fait ce cambriolage ?" Salah Abdeslam : "J'ai pas fait de cambriolage". Tentative, précise son avocate Me Ronen.

Salah Abdeslam : "Ce jour-là je sortais avec des amis pour boire un verre et voilà, au final, on s’est retrouvé là au final à cause de l’alcool, c’était une erreur, on m’a pas éduqué comme ça, j’ai jamais volé qui que ce soit"

Me Chemla l'interroge sur les gens qui lui écrivent en prison. Salah Abdeslam : "Ça me fait plaisir, c’est tout, quand la majorité des gens vous détestent" Me Chemla : "Y a un certain nombre de jeunes femmes qui vous écrivent ?" Abdeslam : "Ça arrive."

Une autre avocate de parties civiles lui demande s'il a eu accès au dossier d'instruction 13 Novembre ? Salah Abdeslam : "J'ai eu accès, mais je ne l'ai jamais consulté".

Une autre avocate de parties civiles, voix doucereuse lui demande s'il a eu une éducation occidentale ? Ce qu'il a déjà dit. Salah Abdeslam ajoute qu'il a aussi été élevé dans une culture musulmane avec le prophète Mohamed.

Me Jean Reinhart, avocate de l'association

13onze15 , et dont le neveu Valentin a été assassiné au Bataclan demande d'une voix calme à Salah Abdeslam s'il joue toujours aux échecs ? "Non".

Me Reinhart l'interroge sur ses lectures ? Salah Abdeslam : "avant je lisais que le Coran". Depuis son incarcération, il dit avoir fait de la lecture une passion. Toute lecture, "sauf que j'ai pas le choix"

Un autre avocat de parties civiles lui parle des valeurs de l'occident, ça lui évoque quoi ? Salah Abdeslam : "être un libertin sans se soucier de Dieu"

Son avocate, Me Ronen, avance à la barre pour l'interroger et l'appelle par son prénom, uniquement : "Salah..." Jusqu'à présent, chacun l'a appelé "Monsieur Abdeslam" ou Salah Abdeslam.

Me Olivia Ronen aborde ses conditions de détention, "vous dites ce que vous voulez"

Me Olivia Ronen : "Vous êtes placé à l'isolement, vous pouvez nous décrire votre cellule, votre quotidien ?" Salah Abdeslam : "Ma cellule elle fait 9 mètres carrés, y a deux caméras de surveillance, je peux rien faire"

Me Ronen : "Vous pouvez en sortir ?" Salah Abdeslam : "Non, je peux pas en sortir ?" Me Ronen : "Ma cour de promenade ?" Salah Abdeslam : "Elle est murée" Le président : "vous voyez pas le ciel ? Parce que moi je l'ai visitée"...

Me Ronen : "On a parlé des 2 caméras. C'était une possibilité pas prévue par notre droit, je sais pas si vous étiez au courant. Vous êtes le seul qui bénéficie de ce traitement." Salah Abdeslam : "J'espère que cela ne se reproduira pas pour les autres, parce que c'est injuste"

Le président lui demande s'il sait pourquoi ces deux caméras ? Oui, Salah Abdeslam sait que c'est pour éviter le suicide.

Abdeslam : "Vivre avec des caméras 24 h/ 24, moi je l’ai supporté, grâce à mon Seigneur, mais c’est quelque chose qui peut pousser au suicide. On les a placées pour m’empêcher de me suicider, mais y a aucune intimité, même les animaux ils sont pas traités comme ça"

Salah Abdeslam toujours en réponse aux questions de son avocate dit qu'il aurait aimé étudier, le français, les mathématiques, mais que c'est pas possible. Son avocate dit à la barre qu'il fait ses propres exercices de français.

Salah Abdeslam dit qu'il reste parfois trois jours sans parler à personne. "Si j’essaye de parler avec quelqu’un, on me met deux semaines au mitard"

Son avocate parle du comité contre la torture. Demande à Salah Abdeslam s'il peut voir le ciel de sa cellule, et sentir l'air frais sur son visage ? "Non". Il a été précisé qu'il y avait des trous dans le plexiglas pour laisser passer l'air.

Le président : "Vous connaissez les conditions de détention des autres détenus à Fleury ? Ils sont trois par cellules". Pas accès à leur propre salle de sport comme Salah Abdeslam qui est à l'isolement.

Le président Périès demande à Salah Abdeslam s'il a demandé des cours par correspondance, le CNED ? "Non"

Le 2e avocat de Salah Abdeslam, Me Vettes pose à son tour sa question mais lui ne dit pas "Salah", mais "Monsieur"... S'est-il déjà plaint de ses conditions de détention. Abdeslam : "Non, j'aime pas me plaindre"

Le président lui fait remarquer qu'il s'était plaint le premier jour de ce  en disant qu'il était traité "comme un chien" ! Salah Abdeslam dit que c'était surtout pour défendre un co-accusé, F. Kharkhach qui avait fait un malaise.

Ainsi s'achève l'interrogatoire de personnalité de Salah Abdeslam. Voix douce de bout en bout pour l'accusé le plus médiatique de ce , le seul membre encore en vie des commandos parisiens. Les faits reprochés seront abordés ultérieurement.

Salah Abdeslam se rassied, Mohamed Abrini se lève, même coupe de cheveux que son ami d'enfance, barbe moins épaisse. Abrini est né en décembre 1984 en Belgique. Il a un accent belge.

Mohamed Abrini est aussi celui que l'on a surnommé "l'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles, le 22 mars 2016. Il était incarcéré en Belgique jusqu'en juillet 2021, et depuis à "la merveilleuse prison de Fresnes" ironise Abrini qui téléphone seulement à sa famille depuis.

Le président lui demande s'il a des enfants ? Mohamed Abrini : "heureusement non" On entendra devant cette cour sa fiancée.

Le président lui demande s'il a des surnoms ? Sachant qu'il en a beaucoup. Mohamed Abrini : "Quand j’étais très très petit on m’appelait Spiderman". Le président : "Parce que vous alliez très vite ? C'est quoi, c'est l'araignée ?" Abrini : "Je grimpais aux murs"

Mohamed Abrini : "Après on m’a appelé Brioche vous le savez, et la Brink’s sans doute à cause de mon parcours criminel"... Le président corrige "délinquantiel" et ajoute "en référence à la société de transport blindé"

Mohamed Abrini : "Le meilleur des surnoms Abou Yaya"

Le président l'interroge sur ses frères et sœurs, grande fratrie. Mohamed Abrini parle de son petit frère Souleymane, "le meilleur d’entre nous, comme vous le savez il a été tué en Syrie"

Mohamed Abrini a arrêté l'école en 3e, "j'ai pas réussi à avoir de diplôme en mécanique" "Dès que j'ai arrêté l'école, je suis entré en prison à 17 ans", presque 18, à six jours sa majorité.

Le président : "Pourquoi ?" Mohamed Abrini : "vol avec effraction"

Mohamed Abrini tortille le micro entre son pouce et son index quand il répond aux questions. Le président : "Attention, vous allez m'arracher le micro !"

Mohamed Abrini parle de ses boulots "technicien de surface", "j'ai travaillé dans un Quick". Le président : "vous êtes pas obligé de le dire", il reprend "vous avez travaillé dans un fast-food"

Le président :"On a l'impression que vous aviez pas vraiment de but pendant cette période entre 2003 et 2014" Mohamed Abrini : "Je sais pas comment expliquer ça, à Molenbeek, y a pas de choix, certaines personnes réussissent", les autres, "on va voler"

Mohamed Abrini estime qu'à Molenbeek, 20% ont réussi, 80 "ont pas réussi, je fais partie de ceux qui ont pas réussi"

Mohamed Abrini : "J'ai oublié de vous dire, j'ai ouvert ma sandwicherie, ça s'est pas fait honnêtement, mais c'est un job", avec donc de l'argent sale convient l'accusé Abrini

Le président : "en gros, vous aviez pas de but précis dans votre vie, bon je vole un peu et après je retravaille, c'est ça ?" Mohamed Abrini : "c'est exactement ça, des déceptions"

Le président : "Pourquoi ça a pas marché le sport ?" Abrini : "En Belgique c'est pas comme en France, y avait beaucoup de racisme dans le sport"

Mohamed Abrini dit qu'il a joué à la roulette russe. Le président note que ça doit pas être celle-là "car ça laisse pas beaucoup de chances". Rires dans la salle.

Le président interroge Mohamed Abrini sur sa fiancée. Le mariage était prévu avant le 13 Novembre. Abrini confirme. Tout était prévu.

Le président : "sur le plan de votre santé vous avez eu un accident de moto ?" Abrini : "ouais c'est ça"

Abrini parle de la détention, évoque le mot "torture", "les premières années, privation de sommeil", "on a craché sur mon tapis de prière", il se demande même si on a pas "pissé sur mon Coran» ?

Auparavant, Abrini a précisé qu'il avait conscience que les victimes pouvaient avoir l'impression qu'il se plaignait, dit qu'il n'y avait pas de comparaison mais tient à dire ces conditions qu'il juge difficiles. Le président : "Vous êtes décrit comme un détenu modeste et poli"

Le président : "Lorsque vous sortez de prison en 2015, vous avez des projets particuliers ?" Mohamed Abrini : "c'est à une semaine de ma fin de peine qu'on me dit que mon petit frère a été tué en Syrie, j'ai plus envie de faire quoique ce soit à part aller en Syrie"

Abrini : "Monsieur, je voudrais revenir sur ce qu'il s'est passé". Il s'était emporté. "Jamais de la vie, ni moi ni personne ici on s'est moqué des accusés"... "des victimes pardon". Il dit deux fois accusés au lieu de victimes.

Abrini parle des conditions d'escorte qu'il estime difficiles : "la mise à nu" Le président : "pas de mise à nu ici", au palais de justice

Mohamed Abrini dit que "une main au cul" à l'accusé Kharkhach, s'emporte un peu. "J'ai entendu", le coupe le président qui a une question sur ses liens avec les co-accusés.

Mohamed Abrini dit de Salah Abdeslam qu'il est comme un frère. Notant que comme lui, il a perdu un frère. Le petit frère de Abrini mort en Syrie en 2015 Un grand frère de Abdeslam, Brahim Abdeslam, l'un des kamikazes des attentats du 13 Novembre

Abrini est interrogé par la cour sur sa sortie de prison en 2015, et donc il part en Syrie. Abrini redit qu'il a appris la mort de son petit frère, "un trou dans la tête", et pour expliquer qu'il lui était impossible de garder son calme, "vous avez beau être le dalaï-lama !"

Abrini sous-entend que même le dalaï-lama n'aurait pas réagi sagement. Ce qu'il dit sans le dire. Mohamed Abrini semble avoir plus de mal que Salah Abdeslam a répondre aux questions de la cour. Moins à l'aise en parlant. Moins calme.

Une juge de la cour l'interroge sur sa consommation des stupéfiants. Il tente d'expliquer que c'était occasionnel et Mohamed Abrini dit : "On n'est pas sorti du ventre de nos mères comme ça avec une kalachnikov dans les mains »

La juge l'interroge sur son accident de moto. Abrini : "j'ai eu un accident avec quelqu'un qui avait un quad, c'est lui qui était en tort, c'est quelqu'un que je connaissais" La juge : "donc pas de déclaration à l'assurance, d'accord on a a compris..."

Suspension.

"L'audience est reprise, Monsieur Abrini si vous voulez bien vous lever". C'est au tour du PNAT, le Parquet National Antiterroriste de poser des questions.

Quand ses parents sont-ils arrivés du Maroc en Belgique ?

Abrini ne sait pas. Sa mère a d'abord quitté l'Algérie pour le Maroc. Ils se sont connus au Maroc. Puis la Belgique.

Abrini, interrogé par une avocate de parties civiles : "A Molenbeek, c'est un peu comme au bled, tout le monde a des paraboles", et à la télé, il dit qu'il voyait "la guerre, la guerre", que la guerre.

Parmi les chaînes qu'il regardait beaucoup, Al Jazeera. "Je voyais des enfants se faire massacrer". Mohamed Abrini a précisé aussi que son père a tout fait pour lui, "payer le foot" qu'il aimait, et il aurait voulu que son père soit fier de lui.Pro

Une avocate de Mohamed Abrini, Me Marie Violleau prend la parole et projette un plan de Molenbeek, quartier de Bruxelles. On voit des points bleus pour montrer les adresses voisines. 9 accusés et un kamikaze du 13 Novembre étaient voisins.

Mohamed Abrini ne se voit pas comme un grand délinquant, "je suis pas Mesrine", dit Abrini.

La cour poursuit son interrogatoire avec Yassine Atar, né en 1986 à Bruxelles. Nationalité belge. Yassine Atar est le frère de Oussama Atar, co-accusé présumé mort en Syrie, Oussama Atar est le commanditaire présumé des attentats du 13 Novembre

Yassine Atar est debout dans le box, vêtu d'une chemise bleu ciel BCBG. Marié. Un fils. Agé de 6 ans. Il avait prénommé son fils Oussama, comme son frère. Le prénom a été changé. Mais la cour ne lui pose pas cette question, mais lui demande s'il peut les avoir au téléphone. "Oui"

Yassine Atar précise qu'il parle à son fils dès qu'il peut "parce que j'en ai besoin"

Yassine Atar : "Une enfance très heureuse, très épanouie, ce qui a bouleversé cette vue heureuse, c'est le départ de mon frère, après mes parents ils étaient dévastés"

Président : "Vous son départ en Irak, à l'époque, qu'est-ce que ça vous a fait ?" Yassine Atar : "Moi j'avais 14-15 ans, je pensais qu'il allait revenir, je pensais pas que j'aurais plus de frère pendant 20 ans, c'était en 2000" C'était son seul frère. Et des sœurs.

Yassine Atar a arrêté sa scolarité une année avant le BAC, "je voulais travailler, gagner ma vie", il a repris ses études en prison

Yassine Atar parle de son voyage à Tanger, où il rêvait de vivre avec sa femme.

C'est à Tanger qu'ils se sont mariés en 2013.

Ils se sont séparés en 2020, mais Yassine Atar explique à la cour qu'ils viennent de reprendre "contact" par téléphone.

Première détention pour Yassine Atar, 2015, pour une affaire de stupéfiants.

Le président lit un rapport de détention, rapport positif. Yassine Atar n'est pas d'accord sur ses conditions : "ça fait 5 mois que je suis à Fleury, je fais du psoriasis, et on me donne pas la pommade de quelques euros.

Yassine Atar ajoute qu'il a mal aux dents depuis 5 mois et "on m'empêche de voir le dentiste"

Yassine Atar : "J'ai jamais entendu le nom Abdeslam avant ce procès"

Et l'audience s'achève avec l'interrogatoire de l'accusé Yassine Atar, particulièrement prolixe, très à l'aise. Un avocat général du PNAT a souligné son "excellente mémoire". Fin des interrogatoires pour aujourd'hui. Reprise demain à 12h30.

L'accusé Farid Kharkhach qui devait être initialement interrogé aujourd'hui, le sera vendredi. Ses avocats préférant un report après avoir fourni de nouvelles pièces pendant le week-end. 

Jour 38 - Mercredi 3 novembre – Poursuite des interrogatoires de personnalité des accusés

Jour 38, semaine 9 au procès des attentats du 13 Novembre. La cour va continuer des interrogatoires de personnalité d'accusés. Quatre des vingt accusés jugés doivent être entendus aujourd'hui.

Comme presque chaque début d'audience, un nouvel interprète prête serment.

Le président : "Monsieur Attou, approchez de la barre, s'il vous plaît". Hamza Attou, premier accusé interrogé aujourd'hui. Il est l'un des trois à comparaître sous contrôle judiciaire.

Hamza Attou, nationalité belge (sous contrôle judiciaire)

Hamza Attou est à la barre, visage allongé, cheveux courts, petite barbe, pull gris à rayures noires et jaunes. Il est né en 1994. "Je suis Belge".

Le président lui demande s'il a un emploi. Hamza Attou : "Malheureusement, c'est compliqué"

Le père de Hamza Attou est mort. Il avait 85 ans. Le président : "Ils avaient une différence d'âge importante" vos parents. Hamza Attou : "ça n'a jamais posé de problème, mes parents avaient trente ans d'écart". Le président : "C'est pas ce que j'ai dit, Monsieur"

Les parents de Hamza Attou étaient Marocains, ils sont arrivés en Belgique. Père travaillant dans la restauration, le bâtiment, le chemin de fer. Mère au foyer.

Hamza Attou : "J'ai 4 sœurs et j'avais un frère" A la barre, il paraît stressé. Evoque ses sœurs. Puis se met à pleurer en parlant de son frère. Le président : "Il est mort en décembre 2016 d'une crise cardiaque". Hamza Attou s'essuie les yeux avec un mouchoir. 13 Novembre

Hamza Attou dit que son frère, "il avait une femme dans sa vie quand même". Lui est né juste après ce frère. Le président : "Votre enfance, ça se passait bien ?" Hamza Attou : "Oui, j'ai eu une bonne enfance, ça se passait bien, en respectant la loi bien sûr" 1

Hamza Attou : "J'étais l'avant-dernier, j'étais chouchouté par mes sœurs". Il dit qu'il y a eu des "hauts et des bas". Le président l'interroge sur l'usage de cannabis. Hamza Attou : "Oui, c'est ça"

Le président : "Comment qualifier votre scolarité ?" Hamza Attou : "Au début, bien. J'ai eu la primaire". Il a arrêté l'école en 5e pro, en menuiserie.

Hamza Attou parle de ses échecs scolaires. Explique comment il a choisi la menuiserie. Puis changé d'école. "Mais je fumais toujours", dit-il d'une voix lasse. "Je dis pas que j'étais incompétent, mais je travaillais pas. J'ai réalisé plus tard".

Hamza Attou : "J'ai raté. Après j'ai eu largement le temps de réaliser plus tard". Mains derrière le dos, yeux rouges, Hamza Attou est au bord des larmes quand il parle de lui à la barre, face au président de la cour. 13 Novembre

Le président lui demande s'il fumait "jusqu'à 50 par jour ? C'est énorme". C'est plus tard, dit Hamza Attou.  

Hamza Attou dit que ses parents l'ont toujours encouragé à aller à l'école "parce qu'ils avaient pas eu la chance d'aller à l'école."

Hamza Attou travaillait le week-end, faisait les marchés, gagnait 25 euros par jour. "Ça suffisait pas, je fumais toujours de la résine de cannabis.

Hamza Attou a aussi travaillé dans un supermarché, puis dans un café. Le président : "Puis vous avez commencé à dealer" Hamza Attou : "C'est comme ça que je vivais, je vendais de la résine de cannabis. C'est pas moi qui achetais, c'est Brahim"

Hamza Attou : "C'est un délit, j'en suis pas fier, mais je me voyais pas cambrioler ou agresser des gens"

Hamza Attou n'a jamais été arrêté ni jugé pour ces faits. "Il y a eu des descentes, des perquisitions dans le café, mais ces jours-là, je n'étais pas là"

Hamza Attou a travaillé dans ce café jusqu'en août 2015. Le café de Brahim Abdeslam.

Hamza Attou est le plus jeune accusé de ce procès 13 Novembre. Il est célibataire, sans enfants. "Je voulais pas faire partager tout ça à une femme qui partagerait ma vie".

Hamza Attou précise qu'après août 2015, il rêvait de travailler dans les transports, continuait à dealer un petit peu.

Le président : "Dans le cadre de ce dossier 13 Novembre, vous avez été interpellé rapidement".. Hamza Attou : "Oui, le 14 novembre" Il est jugé ici pour avoir convoyé Salah Abdeslam de Paris à Bruxelles au petit matin du 14 novembre après les attentats.

Hamza Attou a été incarcéré puis est ressorti libre sous contrôle judiciaire. A essayé de faire une formation. "J'ai été mis à la porte gentiment". Il a ensuite vu une éducatrice pour l'aider à refaire son CV.

On lui a proposé de bosser, "magasinier de nuit, j'ai accepté directement, dans la vie fait bosser, pour alléger le fardeau de mes parents", il dit qu'il a bossé parfois 6 jours sur 7, pendant un an. On lui promettait un CDI, "j'y croyais"  

Hamza Attou : "Et puis entre temps, j'ai eu une maladie". Le président : "La maladie de Crohn". Hamza Attou : "Je me disais y a pire dans la vie, mais mon état se dégradait, j'avais perdu 20 kilos avant ma première hospitalisation en avril 2020"

Hamza Attou : "J'étais toujours intérimaire, je chargeais des semi-remorques, c'était assez physique, de nuit, mon médecin m'a déconseillé de reprendre après l'hôpital".

Hamza Attou : "J'ai eu un premier traitement par voie intraveineuse mais je faisais encore des crises, c'était insupportable. Quand je dis insupportable... ça rien à voir avec les familles, j'ai une pensée pour les familles qui ont perdu des parents"...

Hamza Attou : "Certes je suis dans le dossier, mais y a beaucoup de choses qu'on découvre"  

Hamza Attou : "Ma famille ils ont toujours respecté la loi, ils ont jamais posé de problème, moi c'est l'inverse"

Hamza Attou parle de son retour au travail après de nouvelles crises, "j'ai continué à travailler, même si le procès arrivait, beaucoup de personnes, mes avocats essayaient de me rassurer"

Hamza Attou explique qu'il a pris deux semaines de congés en janvier, et à ce moment-là, il a été mis fin à sa collaboration, pour cause officielle : maladie. "Depuis, je travaille plus"

Le président : "Vous êtes sous contrôle judiciaire depuis le 14 mai 2018" avec des obligations... Hamza Attou : "Je peux pas quitter Bruxelles" Le président : "De Belgique"  

Le président cite les obligations : ne pas aller au café et cybercafé, ne pas recevoir les accusés/témoins, interdiction de porter une arme et "y a eu quelques incidents, vous vous êtes retrouvé hors de chez vous en dehors de ces heures, conduite en état alcoolique"

Le président : "Comment vous expliquez ça ? C'est arrivé trois quatre fois" Hamza Attou : "C'est arrivé beaucoup plus Monsieur le président. Six fois." Le président : "Ha !"

Hamza Attou explique qu'il a mal vécu le contrôle judiciaire, "ce qui m'a plus posé problème, heures d'entrée / de sortie" Le président : "Oui, 2h du matin, 4h05"... au lieu de 23h Hamza Attou : "C'était un semblant d'une vie normale, faire abstraction de mon procès"

Le président : "Mais vous pouviez le faire la journée ?" Hamza Attou : "L'ambiance n'est pas la même le jour, je me voyais pas faire la fête le jour"...

Le président : "Vous aviez conscience que vous pouviez être incarcéré comme violation du contrôle judiciaire ?" Hamza Attou : "Souvent, j’agis et ensuite je réfléchis. C’est d'ailleurs ce qui m’a amené ici. J’aurais aimé ne pas être là."

Hamza Attou explique pourquoi il rentrait si tard : "Je me voyais pas rentrer bourré devant ma mère et mes soeurs. Ils savaient pas que je fumais, même s'ils avaient des doutes".

Le président résume : "Vous aimez bien la liberté quoi !" Hamza Attou : "Monsieur le président, je me suis rendu compte que la liberté n’avait pas de prix, se lever le matin, ouvrir sa porte…"

Le président évoque le casier judiciaire belge de Hamza Attou, retrait de permis provisoire, délit de fuite en 2021, alcoolémie en 2019, il devait effectuer des TIG qu'il n'a pas effectués.

Une magistrate de la cour reprend les questions, demande à Hamza Attou comment il a connu les Abdeslam ? D'abord Brahim, "et au bout de 6/7 mois, j'ai rencontré ses frères, Yazid, Mohammed, et Salah". Il les a vus au café.

La juge : "Pourquoi ?" Hamza Attou :"Il me faisait confiance", Brahim Abdeslam. "C'était mon ami, mais y avait toujours la relation patron-employé", au café Les Béguines.

La juge : "Et votre relation avec Salah Abdeslam ?" Hamza Attou : "Je me disais aussi que c'était mon ami, bien sûr, puisque c'était le petit frère de mon ami Brahim"

Hamza Attou : "Avec Salah, certes on a partagé quelques moments"

La juge l'interroge sur sa vie après la fermeture du café Les Béguines, août 2015. Hamza Attou : "Je continuais à dealer en petite quantité avec des clients, ils m’appelaient sur mon numéro, c’est comme ça que je vivais".

La juge : "Vous parlez d'addiction, est-ce que vous avez consommé d'autres produits que le cannabis ?" Hamza Attou : "Euh, non, à part la beuh. Et l'alcool. Sinon, la résine de cannabis".

La juge : "Et pendant la détention ?" Hamza Attou : "Ben, c'était dur, je fumais beaucoup de cigarettes".

Sur les quantités absorbées, j'ai écrit plus haut 50, mais la juge assesseur parle d'une consommation de 100g. Hamza Attou : J'ai été complètement dépassé par les événements"

Hamza Attou : "Moi, la loi je la respecte" Assesseur : "Pas là" Hamza Attou : "Ouais, mais ça n’a jamais été pour défier la loi", à propos des incidents sur son contrôle judiciaire.

Question sur sa mère, assesseur : "elle parle le français ? J'ai vu qu'elle avait besoin d'un interprète" Hamza Attou : "Avec ma mère, je parle l'arabe, l'arabe maison, avec accent de banlieue, mais c'est un arabe poli !"

Hamza Attou a demandé à la juge assesseur qui l'interroge s'il devait l'appeler présidente ? "Assesseure", a-t-elle répondu. Depuis, il enchaîne les "Madame, l'assesseur". Très poli. Epaules voûtées. Air stressé.

L'autre magistrate assesseur a une question, sur la date d'obtention du permis de conduire ? Hamza Attou : "2018, j'avais le A provisoire"

La juge : "Quels types de relations avec autres accusés du box ?" Hamza Attou : "Ben, Salah je le connais. Mohamed Amri aussi, je le connais, je l'ai rencontré au café. On buvait un verre, voilà, avant ça je l'avais jamais vu, jamais connu"

La juge : "Et ce voyage en Allemagne le 11 novembre, vous pouvez nous en parler" "Ben", commence Hamza Attou. Mais le président coupe son assesseur, magistrate de grande expérience : "On est un peu sur les faits là ?!" Elle : "Bon, on en parlera plus tard..."

Les interrogatoires d'accusés de cette semaine 9 ne sont en effet que des interrogatoires de personnalité. Les faits seront abordés plus tard dans le procès

Hamza Attou poursuit : "Abrini, je le connais aussi. Yassine Atar, ma famille connaît sa famille. Bakkali, je connais pas. Ali non plus. Les personnes sur la gauche (du box) je connais pas".

Hamza Attou parle de ceux qui sont sur les strapontins avec lui : "Chouaa, je connais pas. Oulkadi, je le connais via le café"

La juge a une question sur son avenir : "Ben, moi j'aime bien rouler. Pourquoi pas ouvrir une boîte de transport ? Passer mon permis camion. Tout dépend de la fin", mais il aimerait "reprendre une vie normale"

La parole est au PNAT. Un des 3 avocats généraux fait projeter un plan de Molenbeek pour qu'on visualise le café Les Béguines, le café de Brahim Abdeslam.

Hamza Attou passait tous ses étés au Maroc avec ses parents. Une de ses soeurs lui donnait de l'argent. "J'étais chouchouté", redit-il.

L'avocat général : aux Béguines, "vous restiez sur place à attendre les dealers ?" Hamza Attou : "Je restais pas que sur place, je vendais maximum 100 grammes par jour, c'était pas un gros point de vente"

Hamza Attou : "C'est moi qui avais la clé du café, tous les matins j'ouvrais le café", quand Brahim Abdeslam n'était pas là.

Me Negar Haeri, l'avocate de Mohamed Amri demande si Brahim Abdeslam avait de l'autorité ? Hamza Attou : "Oui, il avait 10 ans de plus que moi, c'était une autorité gentille, c'était un ami, il me rendait service, je le dépannais dans sa consommation"

Me Xavier Nogueras, autre avocat de Amri, a une question sur la consommation de son client. Hamza Attou : "C'était un gros fumeur comme moi, du matin au soir, après, j'ai jamais eu la stup dans le sang, je le dépannais".

Hamza Attou : "On est d'ailleurs allé plusieurs fois en Hollande pour aller chercher de quoi fumer" et aussi, "on faisait une balade nocturne, on se promenait en voiture, on fumait un joint ou deux, parfois avec un verre"

Hamza Attou parle de sa détention en Belgique, "c'était atroce, j'étais menotté à chaque mouvement, de la cellule à la douche, la douche menotté, je me tapais une fouille à nu même lors de mes parloirs avec mes proches alors qu'ils étaient vitrés"

Il a demandé à être transféré de cette première prison, où il subissait des fouilles à nu après le passage de son avocate, "même si je vous l'ai pas dit", dit-il à son avocate. Il a été transféré. Toujours à l'isolement mais conditions plus humaines.

Hamza Attou : "Un matin, on me réveille, je sors la tête du lit, j'avais mis mes chaussures parce que je pouvais pas sortir en claquettes !" On lui annonce qu'il va être transféré en France.

Hamza Attou : "J'ai été transféré en France le 29 juin" 29 juin 2016, précise son avocate Me Delphine BOESEL

Jusqu'en 2018 puis contrôle judiciaire.

Hamza Attou : "Le premier jour, c'était une horreur, mais je suis pas là pour me plaindre... mais la cellule était dégueulasse". Il était toujours à l'isolement.

Hamza Attou a ensuite été en régime normal. S'est inscrit à l'école, sport, et psy "je sais pas si c'est une activité " ?

Me Delphine BOESEL: "Vous êtes présenté par votre famille comme naïf, généreux, tout le temps serviable" Hamza Attou : "Malheureusement, ça m’a pas porté chance"

Hamza Attou retourne s'asseoir. Mohamed Bakkali se lève, dans son box, cerné par une escorte de gendarmes derrière lui. Bakkali porte un pull marron clair col rond, barbe épaisse et taillée, crâne rasé, voix très grave.

Mohamed Bakkali, nationalités belge et marocaine (en détention)

Bakkali est né en 1987 à Verviers. Nationalités belge et marocaine. Trois sœurs et deux frères. Son frère arrivé en Belgique dans les années 70.

Mohamed Bakkali a été marié une première fois. Il a une fille née en 2011. S'est séparé de la mère en 2012. A épousé une deuxième femme en 2013. Avec laquelle il a eu deux enfants en 2015 et 2017.

Le président : "J'imagine que vous avez eu des visites en détention ? " Bakkali : "mes trois sœurs, beaux-frères, neveux, mes parents" Le président : "votre épouse aussi ?" Bakkali : "Oui, et les enfants aussi". Tous ses enfants sont venus.

Président : "Et depuis que vous êtes en France ?" Bakkali : "J'ai pas eu de parloirs pendant 1516 mois, c'est moi qui ai pas fait les démarches. A la fin, j'ai commencé à avoir des parloirs de ma mère, ma fille, mon épouse". Passé par Meaux, Nanterre, Lille-Sequedin.

Le président : "Votre enfance ?" Bakkali : "Un bel endroit" Le président : "Au milieu de la forêt et des champs"... Il aimait aussi partir chaque année au Maroc.

Le président : "Votre parcours scolaire ?" Bakkali était un bon élève en primaire. A raté la troisième, "j'ai changé d'établissement, ai été dans une école chrétienne", puis raté encore, entré dans une école technique, "diplôme marketing technicien commercial"

Avec ce diplôme, il voulait ouvrir un commerce. Il avait alors 20 ans. Puis "j'ai arrêté, j'étais pas très motivé, je voulais gagner ma vie" Président : "Alors effectivement, vous entrez dans la vie active, du travail plus ou moins déclaré, plutôt moins que plus."

Bakkali : "J'achetais des voitures, je les vendais dans la casse, puis le recyclage des métaux, puis la contrefaçon, vêtements, baskets, montres, parfums…"

Président : "Et vous étiez seul ?" Bakkali : "J'ai rencontré un Turc"... Président : "Et puis vous avez travaillé avec Khalid El Bakraoui"... (un des auteurs des kamikazes des attentats de Bruxelles le 22 mars 2016) Bakkali : "C'est pas si simple que ça..."

Le président : "Parmi les accusés vous connaissez qui ?" Bakkali : "Je connais Yassine Atar, et Ali El Haddad Asufi, les autres je les connais pas"

Le président : "Comment vous avez occupé votre jeunesse ?" Bakkali : "J'habitais dans une petite cité pavillonnaire, pas de voiture, je faisais beaucoup de football, je jouais en club, y avait la bibliothèque communale, je lisais beaucoup quand j'étais enfant"

Bakkali : "Et puis j'ai consommé un peu de cannabis de mes 17 à 20 ans. J'ai jamais bu d'alcool. Jamais fréquenté les casinos. Eu une éducation religieuse de base. C'était pas très bien vu par la famille"

Question sur son premier mariage. Bakkali : "Pour résumer, on était jeunes tous les deux, un peu butés, ça s'est effrité"

Le président : "Vous êtes décrit par votre entourage comme quelqu'un de tranquille, de calme" Bakkali : "c'est plus tout à fait le cas" Le président : "Ah bon ? Pourquoi ?" Bakkali : "L'isolement…"

Comme d'autres accusés avant lui, Bakkali dit : "C'est pas pour me plaindre… Ça n’entre pas en opposition avec la souffrance des victimes. L’isolement, c’est être tout seul tout le temps. A un moment donné, ça impacte sur notre psychisme"

Mohamed Bakkali ne va plus en promenade en détention. "Je me sens comme un hamster"

Bakkali dit encore : "Moi j’ai appris à m’adapter". En cellule, il dit qu'il fait son sport, qu'il a sa console.

Mohamed Bakkali : "Qu’on le veuille ou non, l’être humain est un être social. Si on lui enlève sa sociabilité on lui enlève son humanité, c’est comme ça"

Le président a une question sur un incident en détention récent. Bakkali invoque "le décalage entre cette souffrance qu’on entend, on doit l’encaisser" - lors des dépositions des parties civiles "et quand on voit des personnels décalés qui font leur travail comme un robot" dit-il.

En détention, Bakkali a repris des études. Il vient d'obtenir une licence en sociologie.

Mohamed Bakkali qui a été condamné par une autre cour d'assises parisienne spécialisée dans les affaires de terrorisme pour l'attentat du Thalys. Condamné à 25 ans de réclusion. Il a fait appel. Procès en appel en novembre 2022.

Mohamed Bakkali est actuellement interrogé par le PNAT sur sa première épouse. "Quels sont les désaccords dont vous faisiez état tout à l'heure ?" Bakkali se fâche. Sans élever la voix : "Je sais où vous voulez en venir"

L'avocat général : "Plutôt que de commenter mes questions, je vous demande d'y répondre" Bakkali : "Ça n'est pas des désaccords religieux". Il dit que ce sont des questions de domicile.

Mohamed Bakkali parle d'une voix très grave. Ton ultra posé. Très calme. Ultra maîtrisé.

Bakkali : "J'ai découvert la sociologie que j'ai appréciée, j'ai préféré faire ça plutôt que de rien faire", mais au départ il voulait faire de l'ethnologie, pour découvrir les Berbères.

L'avocat général a des questions sur les cours d'arabe. Bakkali dit qu'il est allé en Egypte prendre des cours d'arabe.

Depuis la filière d'Artigat, dans l'histoire du terrorisme français, de Merah aux Clain, beaucoup d'accusés jugés pour des attentats sont passés par la case cours d'arabe en Egypte.

Interrogé sur ses interrogatoires devant le juge d'instruction, Bakkali que lors du premier "j'ai raconté un peu n'importe quoi"

Me Daphné Pugliesi avocate de parties civiles a des questions dont une sur le voyage en Egypte de 2012. Bakkali dit qu'il avait besoin de se changer les idées après son divorce. Elle lui fait remarquer que Merah en Egypte en 2012. Mais le président dit qu'on est sur le fond…

Question de Me Chemla, avocat de parties civiles, que lui apportent la sociologie "en trois phrases". Bakkali : "En 3 phrases ?" Et posément : "Ça m’a permis de complexifier ma notion des choses. J’étais en train d’apprendre ce que je ne vivais plus, les relations sociales"...

Et Me Chemla enchaîne sur une autre question avant la 3e phrase. Bakkali répond, toujours avec ce calme, ce ton posé impressionnant.

Me Mouhou arrive, dit à Bakkali qu'en tant que Berbère, et se met à parler de liberté... et Le président, ironique : "On devrait avoir une question, je pense"... Et la question arrive : "votre définition de la liberté" ? Bakkali : "Chacun fait ce qu'il veut"

Me Kempf, avocat de Bakkali a une question encore à la limite du fond, mais s'énerve en affirmant que le PNAT a aussi été sur le fond... Question sur Yassine Atar. Bakkali : "C'était un copain, je dirais pas un ami"

Suspension d'audience.

Sofien Ayari, nationalité tunisienne (en détention)

L'audience reprend. Le président : "On continue avec Monsieur Ayari, levez-vous !" Sofien Ayari : "Ca va ? Vous m'entendez ?" Président : "Vous avez besoin d'un interprète ?" Sofien Ayari : "Elle va rester à côté".

Sofien Ayari, 28 ans, de nationalité tunisienne. Arrêté le 18 mars 2016 à Bruxelles, avec Salah Abdeslam. Sofien Ayari porte un survêtement Adidas noir, cheveux ras brun, yeux noirs, barbe très épaisse soigneusement taillée.

Sofien Ayari a grandi à Tunis. Troisième d'une fratrie de quatre. Le président : "Comment vous qualifiez votre enfance ?" Sofien Ayari : "Ouais, ça s'est toujours bien passé avec mes parents". Père comptable dans le port de Tunis, mère au foyer.

Sofien Ayari jouait au foot. "C'était un hobby" Pas un projet de carrière. Habitait une petite maison en Tunisie.

Sofien Ayari : "J'ai eu mon BAC en 2012, sciences techniques. Ensuite génie électrique, câblage, tout ça" Président : "Pour être électricien ?" Sofien Ayari : "Tout ce qui a un lien avec les circuits en général, les machines, tout ça"

C'était alors dans une université à Djerba. Puis est reparti. A bossé dans une boutique de vente. "J'ai vu mon père il était déçu, il avait une crainte que j'abandonne mes études"

Le président : "quels sont les accusés que vous connaissez ?" Sofien Ayari : "Y a Salah avec qui j'ai été arrêté, y a Abrini que j'ai croisé dans une maison, Krayem avec qui j'ai fait le voyage, c'est dans le dossier"

Le président rappelle une condamnation en Belgique pour la fusillade sur des policiers belges, le 15 mars 2016, dans une planque de Bruxelles d'où il a réussi à fuir avec Salah Abdeslam avant leur arrestation le 18 mars 2016. Condamné à 20 ans d'emprisonnement.

Le président évoque un rapport pénitentiaire, Sofien Ayari "fermé", l'an dernier et souvent "vêtu de noir". Sofien Ayari : "C'est moins salissant"

Le président : "Vous n'avez pas de visite en détention ?" Sofien Ayari : "Non, j'ai pas de parloirs" Le président : "Personne vient vous voir ?" Son frère Hamza pourrait venir de Suisse, mais il n'a que de contacts téléphoniques

Une juge assesseur : "Vous avez dit que vous avez eu une relation de lycée" mais "pas d'enfant" ? Non. Sofien Ayari se dit célibataire sans enfant.

Sofien Ayari l'interroge sur son refus de parler de son identité face aux juges d'instruction ? Sofien Ayari dit qu'il était "cagoulé, menotté, désorienté, musique à fond pendant le transfert, j'avais pas envie de parler de moi".

L'avocate générale : "Mais vous n'avez pas parlé non plus devant les juges français ? C'est une stratégie ?" Et elle lui parle de ce rapport pénitentiaire sur son changement de comportement et tenues noires

Sofien Ayari commence à répondre, l'avocate générale ajoute un point, et d'un ton autoritaire il lui lance : "Vous me laissez terminer, je vous ai pas coupée !" Regard noir, voix calme.

Question de Me Gultasar, l'un des avocats de Sofien Ayari. "J'ai envie de vous regarder Monsieur Sofien !" et il commence ses questions, à quelques centimètres de lui, vitre entre eux, et répète plusieurs fois "Monsieur Sofien"

Me Gultasar veut le faire parler de la révolution en Tunisie, et de la répression. Sofien Ayari a quitté la Tunisie en 2014.

Me Gultasar : "dès que votre isolement a été levé, vous avez travaillé en prison..." Sofien Ayari : "c'est important de travailler en prison, travailler pour gagner de l’argent !"

Me Gultasar lui demande de "mettre de côté cette carapace", "comment vous le vivez, pas de visite pendant 5 ans ?" Sofien Ayari : "J'ai toujours mal vécu la séparation, c'est très difficile, j'ai envie que mes parents, ils voient juste les côtés positifs"

Me Maallaoui, autre avocat de Sofien Ayari, sur le port des tenues noires, "couleur judiciaire", tente-t-il, en regardant sa robe noire, "y en a qui dénotent" ajoute-t-il face à la cour. "Comment ça qui dénotent ?" sourit le président Périès, robe rouge et hermine.

Me Maallaoui ne cesse d'appeler son client "Monsieur Sofien Ayari".

Monsieur Chouaa Abdellah, nationalités belge et marocaine (sous contrôle judiciaire)

"Monsieur Chouaa Abdellah" est appelé à la barre. Chemise blanche, veste grise, baskets, cheveux gominés, lunettes classiques, il est aussi un accusé sous contrôle judiciaire.

Abdellah Chouaa est né en 1981. Belgo-Marocain, famille de 10 enfants. Il est le 3e.

Ses parents sont divorcés, en conflit.

Abdellah Chouaa : "Mon père il est arrivé en Belgique en 1970, mille neuf cent septante" dit l'accusé, avec un petit accent belge

Abdellah Chouaa a arrêté l'école en seconde. Puis a travaillé en intérim. "Delacre, les biscuits, puis une usine de lait en poudre" Puis sur les marchés.

Puis il a eu un CDI à l'aéroport de Zaventem, pour mettre les glaçons dans les avions, pour conserver les repas. "J'ai passé l'examen pour avoir l'autorisation d'aller sur les tarmacs"

Abdellah Chouaa a été incarcéré du 24 novembre 2015 à avril 2016, depuis il est sous contrôle judiciaire. Il s'est remis à travailler après. Livreur et préparateur de repas. "Dans cette entreprise, y a des candidatures pour Top Chef, je sais pas si vous connaissez ?"

Abdellah Chouaa explique que pour ce procès, ça n'a pas été simple de trouver un logement à Paris. Son avocat l'a aidé. Il explique qu'il fait un peu de black pour payer. Le président : "J'ai pas entendu !" Chouaa répète vaguement. Le président : "Bref"

Abdellah Chouaa a trois enfants de deux unions différentes.

Le président : « Ça posait pas un problème d'avoir à la fois un café et de travailler dans un aéroport ?" Chouaa : "Je sortais beaucoup" Président : "ça répond pas du tout à ma question" Chouaa : "Y avait rien d'illégal, en complémentaire" Président : "Bref"

Le président lui demande quels accusés il connaissait ? Chouaa : "Abrini, Salah (Abdeslam), Ali El Haddad"

La cour lui demande s'il a des problèmes de santé ? Abdellah Chouaa : "Je suis diabétique. Quatre piqûres d'insuline par jour"

Une juge égrène des amendes pour "roulage", défaut d'assurance, "vous avez un permis de conduire, Monsieur ?" Rires. Chouaa : "J'étais pas trop ordonné dans mes papiers"

Et ce jour 38 s'achève avec cet interrogatoire d'Abdellah Chouaa. Reprise demain à 12h30.

Jour 39 - Jeudi 4 novembre - Interrogatoires de personnalité des accusés : Adel Haddadi, Mohammed Amri, Osama Krayem, Muhammad Usman

Jour 39 au procès des attentats du 13 Novembre. La cour va continuer les interrogatoires de personnalité. Quatre accusés doivent encore être entendus aujourd'hui.

La cour doit aussi sa décision sur les demandes de constitution de parties civiles des personnes morales, Bataclan, Ville de Paris Saint Denis, entre autres.

Président : "Il apparaît prématuré de statuer sur la recevabilité des parties civiles contestées par le ministère public, personnes morales ou physiques". Recevabilité du Bataclan, de la ville de Paris, SaintDenis, LaBelleEquipe, Le Carillon, LePetitCambodge pas tranchée.

Recevabilité pas tranchée non plus pour une vingtaine de personnes physiques. Qui peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle en attendant. La décision sera rendue à l'audience sur les intérêts civils, annonce le président Périès.

Le président commence l'interrogatoire de Adel Haddadi. Il essaye de parler en français. "J'ai été très touché par toutes les victimes. Ça m'a brisé le cœur" dit-il avec un fort accent. Il est né en 1987 en Algérie.

Adel Haddadi a un visage rond, des lunettes rectangulaires, crâne un peu dégarni, petite barbe de trois jours couleur châtain. "J'ai 6 frères et une grande sœur".

Adel Haddadi porte un haut de survêtement noir. A les mains appuyées sur le bois du box. Il détaille sa fratrie à la cour. Il est l'avant-dernier de la famille. Famille kabyle.

Depuis qu'il est incarcéré en France, Adel Haddadi n'a pas visite. Sa famille ne savait même pas, dit-il, au début.

Le président lui demande quelle langue il parle à part le français ? Adel Haddadi : "Je parle arabe". Le président demande s'il a appris le français à l'école ? Adel Haddadi : "J'étais nul en français" Président : "On dirait pas" Haddadi : "J'ai appris en prison"

Le président lui demande de parler de son enfance. Enfance heureuse. Dans une grande famille "pleine d'amour". Les vacances en Kabylie. Avec les animaux que Adel Haddadi adorait.

Adel Haddadi raconte que l'un de ses frères est un jour devenu "nerveux", l'a tapé, a aussi un jour mis le feu à des papiers et lui a jeté au visage. "Ça m'a brûlé les yeux pendant des jours". Il a ensuite eu une vision altérée.

Le président : "Votre frère a été violent d'autres fois avec vous ?" Adel Haddadi : "A chaque fois qu'il allait pas bien, il cherchait des excuses" pour s'en prendre à lui, en somme, dit-il. Pendant un temps. Il assure que ça va mieux.

Adel Haddadi parle d'une "famille solidaire". Malgré tout.

Son père était couturier, puis s'est mis à réparer les machines des cafés. "On ne manquait de rien", dit Adel Haddadi. "On s'habille normal. Jamais j'ai été faim".

Président : "Vous êtes décrit par votre mère comme quelqu'un de pacifiste, sociable, qui aime la famille et les voisins". Adel Haddadi confirme.

Le président l'interroge sur sa scolarité. Adel Haddadi : "J'avais des problèmes de yeux, je voyais pas bien au tableau" Président : "Mais ça c'était à 14 ans !" Haddadi : "J'étais un élève moyen" Il a arrêté l'école à 16 ans.

Adel Haddadi : "J'ai commencé à faire formation pâtisserie. J'étais apprenti. J'ai arrêté parce que je gagnais pas ma vie. Après, j'ai travaillé dans les restaurants, je faisais la préparation, et la plonge, plonge, plonge. Et serveur".

Président : "et après ?" Adel Haddadi : "J'ai trouvé un autre travail qui gagne mieux, quatre ans dans le transport"

Pendant quatre ans, il a travaillé comme "receveur dans un bus", note le président, il vendait les tickets. Puis il a commencé à travailler avec son frère qui avait un fast-food.

Son dernier travail, "j'ai travaillé 8 mois dans un hôtel et après j'ai quitté l'Algérie". Il y était cuisinier et faisait la plonge. Le président note qu'il n'avait avisé personne de son départ, mais le départ sera évoqué plus tard dans le procès

Le président note qu'il a toujours donné une partie de son argent à sa famille. Toujours, confirme Adel Haddadi.

Adel Haddadi ajoute qu'il était aussi "passionné des oiseaux"

Adel Haddadi a été incarcéré dans plusieurs prisons français depuis son arrestation en 2016. Il est actuellement à Fleury-Mérogis. Isolement. Pas d'incident en prison.

Président : "Pas de mention de votre casier judiciaire, vous n'avez jamais été condamné ni en Algérie ni en France"

La cour l'interroge sur sa passion des oiseaux. Il en faisait aussi un élevage pour se faire de l'argent. "Par exemple 5000 dinars, je vendais 8000 dinars, par exemple l'oiseau qui s'appelle chardonneret" Les oiseaux lui rapportaient en plus de son emploi Sodexo.

Une assesseuse : "Est-ce que votre mère sait que vous êtes en prison ? Elle vous croyait en centre de rééducation ?" Adel Haddadi assure que maintenant elle le sait.

Une autre assesseuse s'inquiète qu'il ait pas eu d'échange téléphonique pendant des mois. "Pardonnez-moi, ma famille a changé de numéro de téléphone, je savais pas"

La magistrate l'interroge sur une lame de rasoir trouvée en cellule de prison ? Il nie. Son avocate dit qu'il n'y avait que le cache et pas la lame.

La magistrate lui demande pourquoi il n'a pas fait son service militaire en Algérie ? "J'avais pas le temps" Au départ, il pensait mettre en avant ses problèmes de vue, mais on lui a dit que né en 1987 = pas de service.

L'avocate générale note que lors de son périple entre la Syrie et l'Autriche où il a été arrêté en 2016, Adel Haddadi a donné plusieurs identités.

L'avocate générale note que plusieurs frères de Adel Haddadi ont été condamnés. Pour Salem, "terrorisme, mais il a rien fait", assure Adel Haddadi. Sofiane aurait "pris 20 euros à un voisin". "Et terrorisme ?" ajoute le PNAT. Pour Mourad, "délinquant", du shit.

Me Daphné Pugliesi rebondit sur une question à propos du service militaire. "Exempté ? C'est pas obligatoire en Algérie ?" Adel Haddadi fait une réponse embrouillée. Une assesseuse a dit précédemment qu'il avait livré plusieurs réponses sur un même point.

Me Simon Clemenceau, l'un de ses avocats a une question sur son enfance, promiscuité dans le F3 familial, "on était 10 dans le F3, 6 dans une chambre".

Me Simon Clemenceau a une question sur les co-accusés, qui connaît-il ? Adel Haddadi : "Personne, à part Usman" avec qui il a fait le voyage depuis la Syrie en 2015.

Me Léa Dordilly, son autre avocate l'interroge sur le fait que aucun incident en détention durant cinq ans ? Adel Haddadi : "Je suis un homme correct"

Me Léa Dordilly : "Comment vous avez appris le français ?" Adel Haddadi : "Au début, je comprends rien la télé, après j'ai fait l'école, du travail dans ma cellule, après j'ai passé l'examen de français, elle m'a dit la prof, le brevet, je l'ai gagné"

Me Léa Dordilly : "Un jour vous allez sortir de prison, comment vous envisagez la suite ?" Adel Haddadi : "Retourner en Algérie, revoir ma mère, faire une famille, avoir des enfants, une vie simple, ma vie d'avant était une vie de rêve"

Mohammed Amri est interrogé à son tour. Nationalité belge et marocaine ? "Je confirme", dit-il au président. Amri a les cheveux rasés, petite barbe naissante, chemise bleu ciel. 4e enfant d'une fratrie de 6.

Président : "Vous vous entendiez bien ? Vos parents ? frères et soeurs ?" Mohammed Amri : "Moi je suis né au Maroc" Président : "Vous êtes arrivé en Belgique en 2005 ?" Mohammed Amri : "Mon père était arrivé dans les années 70 à l'âge de 14 ans"

Son père a été routier et en 2003 est entré au SAMU Social à Bruxelles. Sa mère était femme au foyer. "Elle s'est occupée des enfants notamment" dit le président.

Mohammed Amri dit qu'il a eu une "enfance heureuse".

Une enfance au Maroc. Une scolarité chaotique. "J'ai pas de diplôme, j'ai arrêté en 3e avant le BAC" en Belgique. Il regrette de ne pas avoir poursuivi. "Une erreur de jeunesse", mais "jamais trop tard pour reprendre mes études.

Mohammed Amri : "Avec mes parents, on parle en rif, en berbère". Il ne parle pas l'arabe littéraire, dit-il, et a fait de gros progrès en français. Parle le français couramment lors de son interrogatoire, avec un accent beaucoup moins fort que Haddadi.

Un cri émane du box. C'est Abrini. Qui crie. "Vous pouvez demander aux gendarmes qu'ils arrêtent de faire la police sanitaire, ils demandent aux avocats de la défense de mettre leurs masques et pas aux avocats de parties civiles !"

Le président, parlant fort : "Maintenant, M. Abrini, vous vous rasseyez, c'est pas à vous de faire la police de l'audience !" Et le président en profite pour dire que les nouvelles sanitaires sont alarmantes, le port du masque obligatoire pour tout le monde.

L'interrogatoire de Mohammed Amri. "Où on en était ?" demande le président. Et Amri commence à expliquer comment il est entré au SAMU Social, son père l'a fait entrer, "on faisait des maraudes, pour voir si des gens ont besoin de nourriture, de couverture"...

Président : "D'après le responsable du SAMU Social, vous étiez dans des équipes mobiles notamment en tant que chauffeur". Emploi qu'il a gardé jusqu'à son interpellation.

Président : "Et vous avez travaillé dans le café Les Béguines, le café de Brahim Abdeslam" Mohamed Amri : "Je vous parlais que de ce qui était déclaré Monsieur le président"... Il dit qu'il y a travaillé de avril à juin 2015.

Mohamed Amri : "Mohamed Abrini et Salah Abdeslam je les connaissais depuis que je suis installé, on habitait le même quartier", à Molenbeek.

Il les connaît depuis 2005. Président : "alors, vous fréquentiez le café de Brahim Abdeslam, on y buvait pas que des cafés, on y vendait des choses illicites ?" Amri : "Bien sûr, j'étais au courant, mais ça ne relève pas du fond du dossier ?"

Le président, rieur, comme la salle : "Vous n'avez peut-être pas d'avocat finalement !" Et il le rassure. "On ne pas rajouter un chef de poursuite, on est pas saisi de trafic de stupéfiants"

Mohamed Amri avoue que lui aussi consommait du cannabis. "Moins que Attou peut-être ?" demande le président. Amri a commencé à fumer au Maroc à 14 ans. Président : "c'est peut-être plus facile de s'en procurer là-bas..." Rires dans la salle.

Mohammed Amri dit qu'il lui est aussi arrivé de consommer de l'alcool, est rentré une fois "bourré", son épouse n'était pas ravie, "ah ça..." dit le président.

Mohammed Amri est marié depuis 2013. Président : "Vous avez des enfants ?" Amri : "Pas encore" Son épouse est puéricultrice dans une crèche.

Question sur les parloirs. Le dernier en janvier 2021. Il n'a plus eu de visite depuis, dit Mohammed Amri. A cause du COVID, "c'était compliqué pour passer les frontières", il était alors à la prison de Lille, désormais à La Santé pour le procès

Rapport pénitentiaire correct, sauf juin 2017, "procédure pour outrage et menaces". Mohammed Amri : "Ce que je veux dire, c'est qu'ils me l'ont faite à l'envers, on peut en parler si vous voulez"

Le président lit les propos d'Amri selon le rapport péninentiaire, à un surveillant : "T'as de la chance que je suis pas énervé, moi quand je suis énervé, je tire à la kalachnikov et je fais des trous" Mohammed Amri : "Ce ne sont pas mes propos, M. le président"

Mohammed Amri dit qu'il s'est énervé alors que c'était la fin d'un parloir prolongé avec ses parents, qu'un surveillant lui disait de se presser, le menaçait de stopper les prochains parloirs...

En commission disciplinaire, Mohammed Amri avait reconnu les propos mais disait que c'était pour rigoler.

Le président l'interroge sur ses activités en détention. "Je fais des étagères pour Michel & Augustin, des étagères en carton" Le président Périès semble ne pas connaître.

Le président note que depuis avril 2018, Mohammed Amri n'est plus à l'isolement en détention.

La cour note qu'il a été condamné pour des faits de roulage et vol avec effraction, une peine de prison et des travaux d'intérêt général qu'il n'a pas effectués. Il dit qu'il n'a jamais été convoqué.

Une assesseuse lui demande quelle relation il avait avec Brahim Abdeslam. "Un ami ?" Amri : "On dit plutôt copain, pote, frère, que ami quoi !"

L'assesseuse : "Est-ce qu'on peut dire que y avait une confiance entre vous ?" Amri : "Moi il me faisait peut-être confiance parce j'étais pendant trois mois derrière le bar, derrière la caisse"

Question de la juge sur le casino. Mohammed Amri : "Au casino, on gagne jamais de l'argent, mais je sais pas, j'aimais bien jouer, peut-être que c'était une addiction"

Assesseuse : "Vous êtes titulaire du permis de conduire, Monsieur ? Depuis quand ?" Amri : 2009. Assesseuse : "Vous auriez pu vendre des véhicules à Brahim Abdeslam ?" On en reste là, sur la question, s'éloignant de la personnalité...

Autre assesseuse : "Vous n'avez jamais gagné d'argent au casino ?" Amri : "Si ça m'est arrivé" Assesseuse : "Vous avez dit tout à l'heure que vous n'aviez jamais gagné... Et vous jouiez à quoi ?" Amri : "un peu tout"

Assesseuse : "Si on vous demandez votre comportement ?" Mohammed Amri : "Respectueux, gentillesse, serviable"

La juge parle d'une dispute avec Brahim #Abdeslam, "Oulkadi dit que vous êtes allé vous cacher dans la cave". Amri dit que Brahim Abdeslam était autoritaire, il le respectait, "c'était comme un grand frère"

La juge : "Vous êtes allé à son mariage ?" Amri : "Non, j'étais pas au courant"

Un avocat général du parquet national antiterroriste l'interroge sur ses rapports avec des accusés qui habitaient le même quartier de Bruxelles. Amri : "Je sais pas si vous connaissez un peu le quartier ?"

Son avocate Me Negar Haeri veut lui faire dire un mot de Molenbeek : "rôder", pour rouler, en voiture. Il aimait rouler et "était serviable" insiste l'avocate. Sachant que Mohammed Amri est l'un de ceux venus chercher Salah #Abdeslam en voiture à Paris après le 13 Novembre

Me Xavier Nogueras, son autre avocat, veut lui parler de son père. "Il s'est rapproché de vous en prison, vous confirmez ?" Mohammed Amri : "Euh... Oui", presque inaudible, "c'est pas facile d'aller voir son fils en prison"

Me Nogueras lui demande si à l'école il était rapporteur, "votre père dit une petite balance". Mohammed Amri : "Me traitez pas de balance !" Me Nogueras : "Non, non, je vous traite pas de balance !"

Me Nogueras : "On a une petite lucarne, quelques heures pour parler de votre personnalité, après on sera que sur les faits, ce sera beaucoup plus brutal !"

Me Nogueras demande à Amri de détailler la musique qu'il écoute. Du RAP. "Pas de rock", précise Amri. Et d'une voix très lente, il donne des noms de groupes qu'il écoute : "Jul, Lacrim et Kamikaz"... Rires. Me Nogueras ne semblait pas s'attendre à cette réponse.

Amri répond à son avocat qu'il fume 1 ou 2 g de shit par jour. 10 euros le gramme à Molenbeek. Amri parle de plus en plus lentement au fur et à mesure qu'il répond. Actuellement, mains dans les poches.

Mohammed Amri veut ajouter un mot pour les victimes : "Je veux avoir une pensée sincère, avec toute cette tristesse que j'ai entendue, ça m'a bouleversé, c'était dur et je leur souhaite de réussir d'aller mieux, merci M. le président"

Suspension.

L'audience reprend. Le président : "Monsieur Krayem, si vous voulez bien vous lever". Osama Krayem, longs cheveux bruns, sweat gris clair se lève. Et dit son nom. Une interprète est à ses côtés pour traduire. Il est Suédois. A 29 ans.

Osama Krayem est né d'un père syrien, d'une mère palestinienne. Le président note que le père disait que né dans un camp palestinien. Osama Krayem a une grande soeur de 31 ans qui travaille à l'hôpital et un petit frère de 27 ans, "actuellement, il est emprisonné".

Président : "emprisonné pour quoi ?" Osama Krayem :"Peut-être pour de la drogue"

Osama Krayem parle de son "enfance toute simple", "heureuse". Il jouait dans un club de foot avec son petit frère.

A la maison, Osama Krayem parlait tantôt en arabe, avec ses parents. Et en suédois, avec son frère et sa soeur.

Le beau-frère de sa soeur (le frère de son mari) parti combattre les Israéliens au Liban, serait mort en combattant.

Osama Krayem a grandi dans un quartier avec que des étrangers, pas de Suédois, "par la suite vous avez dit comparable à Molenbeek". Osama Krayem dit qu'il n'a jamais vécu à Molenbeek. Président : "A Bruxelles, quand même !"

Osama Krayem a étudié jusqu'à 19 ans, dans le domaine de la construction, pour travailler, pour la commune de Malmö. "Je travaillais comme constructeur routier, je construis les routes". Pendant un an et demi.

Puis il a transporté des tables, pendant un an.

Osama Krayem est célibataire sans enfant. Il a eu une histoire d'amour pendant deux trois ans. A rompu six mois avant de partir en #Syrie Président : "un rapport entre les deux ?" Aucun, dit Krayem.

Osama Krayem a joué au foot jusqu'à 15/16 ans. Président : "Vous avez même dit que vous avez participé à un film ?" Krayem : "Ce film-là, comment une personne étrangère peut s'intégrer en Suède via le football" Président : "donc vous étiez un exemple !"

Président : "Est-ce que vous vous sentiez bien intégré dans la société suédoise à ce moment-là ?" Krayem : "Non. J'habitais dans un endroit, y avait même pas de suédois dedans" Président : "Pourquoi avoir participé à ce film alors ?"

Le président lui demande s'il allait dans les cafés, buvait, se droguait ? Osama Krayem : "Oui, je faisais tout sauf la drogue"

Le président lit un rapport pénitentiaire "vous êtes décrit comme quelqu'un de soigné, sportif, ne faisant pas appel aux services médicaux", a pu apparaître "mélancolique"

Osama Krayem a été arrêté en Belgique en avril 2016 -après les attentats du 22mars à Bruxelles / transféré en France en 2019 / à Fleury depuis l'été 2021 pour ce procès.

Osama Krayem est considéré comme l'un des plus gradés de l'EI parmi les accusés présents à ce procès

Osama Krayem a été identifié lors de l'insoutenable vidéo de EI montrant l'exécution d'un pilote jordanien, brûlé vif dans une cage en 2015.

Le 13 Novembre, il a fait un mystérieux voyage à l'aéroport de Schiphol, que les enquêteurs pensent avoir été une cible des terroristes, qui n'ont finalement pas commis d'attentat là-bas ce jour-là.

Osama Krayem est interrogé sur des blessures chimiques. Dit qu'il y avait un voisin qui travaillait sur le nettoyage des camions, "je l'ai aidé, je me suis brûlé les mains avec"

Une assesseuse a une question sur "l'humanitaire" auquel Osama Krayem s'intéressait. "Je m'occupais des orphelins en Palestine, en envoyant de l'argent tous les mois à deux enfants de Gaza"

L'avocate générale lui demande pourquoi il ne nomme pas certains amis et petites amies ? Osama Krayem : "Dans cette affaire-là, ils peuvent avoir des problèmes avec la justice, c'est une affaire de terrorisme quand même"

Me Chemla, avocat de parties civiles lui demande s'il a de la famille en Syrie ? A Deir Ez-Zor, selon Osama Krayem. Des aïeux selon lui.

Le père Krayem a en tout cas déclaré aux enquêteurs qu'il était né dans un camp de réfugiés palestiniens au Liban.

Me Chemla : "Vous êtes un meneur ou un suiveur ?" Osama Krayem : "Un suiveur"

Me Chemla a une autre question, parle de son "aura" sur les autres détenus dans un rapport de détention de 2018. Osama Krayem : "J'ai aucune autre relation avec les autres détenus"

Me Margaux Durand-Poincloux , brillante avocate, se lève pour Osama Krayem qu'elle défend avec d'autres. Elle pose une question sur sa famille. Il répond brièvement. Elle : "vous aimez les réponses courtes" Krayem : "je n'aime pas les détails"

Me Durand-Poincloux parle de la stigmatisation dont est victime son père dans le quartier de Malmö où il vit toujours, "oui et c'est à cause de moi, j'en suis conscient" dit Osama Krayem

Osama Krayem dit qu'il a beaucoup changé "après la guerre". Président : "Quelle guerre ?" Krayem : "Pas de détails" Président : "Ah ben non, quelle guerre, la guerre de 39-40 ? Il me semble pas que ce soit celle-là..." Krayem : "La guerre en Syrie, 2014"

Le président lui fait remarquer qu'il peut enlever son masque, il est le seul accusé à ne pas l'avoir ôté lors de son interrogatoire de personnalité. Président : "C'est quand même bien de voir le visage !" Krayem enlève son masque bleu. On voit sa barbe.

Et il se rassied. C'est au tour de Muhammad Usman d'être interrogé. Lui aussi a besoin d'une traductrice. Elle parle ourdou. La langue nationale du Pakistan. Usman est Pakistanais.

Usman dit qu'il a deux noms. Président : "Votre véritable pièce d'identité, on ne l'a jamais vue !" Muhammad Usman : "Le passeport est faux, mais la carte d'identité est une vraie !" Président : "Laquelle ?" Rires dans la salle.

Muhammad Usman qui se met soudain à parler un peu en français "nous avons deux maisons" et il poursuit dans sa langue, et le président s'embrouille sur les adresses et a du mal à prononcer les noms de lieux pakistanais.

Muhammad Usman a quatre frères et une soeur. L'interprète traduit, "le premier est couturier, le deuxième pour l'Etat, le troisième est à la mosquée" Usman la coupe, "le troisième c'est moi !" Rires, excuses.

Muhammad Usman a perdu son père enfant. Il ne sait pas donner la date. Dit juste : "Je me rappelle même pas son visage"

Muhammad Usman parle vite, en ourdou. Crâne chauve, reste des cheveux rasés, barbe taillée, chemise blanc cassé sur pull Ralph Lauren assorti, et une grosse marque sur le front.

Muhammad Usman a fait des études coraniques dans une madrasa au Pakistan.

Président : "Est-ce que vous avez eu des contacts avec votre famille ?" Usman dit que oui, par téléphone. Président : "Vous avez des visites sinon ?" Usman : "En 2018 ça a commencé, des visiteurs de prison, mais pas de famille"

Le président l'interroge sur son problème aux yeux, un strabisme divergent. Usman s'explique : "quand j'étais jeune, j'adorais la moto, j'ai eu un accident"

Le président enchaîne sur une question sur sa vie sentimentale. Usman est célibataire, sans enfant.

L'avocate générale l'interroge sur sa date de naissance. 1981 sur des faux papiers, et sur d'autres 1993. "Il y a quand même un écart !" Quelle est la vraie date de naissance ?

Muhammad Usman dit que la vraie date c'est 1993. L'avocate générale fait remarquer qu'il a l'air plus vieux... Usman : "c'est l'isolement !", en prison

Un avocat de parties civiles : "qui connaissez-vous dans le box" Usman désigne Haddadi : "J'ai voyagé avec lui, je connais que lui" "Comment le considérez-vous ?" "Comme un frère", répond Usman.

Une autre avocate de parties civiles : "Pourquoi Haddadi c'est un frère ?" Usman : "C'est un musulman, un musulman c'est un frère"

A de nombreuses questions, la réponse est stoppée net, car on est dans les interrogatoires de personnalité, et dès qu'on déborde sur les faits, le président coupe court : "on verra ça plus tard". Phrase maintes fois répétée depuis le début de la semaine.

Et justement, Me Maktouf veut rebondir sur le fait que Usman dit ne connaître que Haddadi. "Et ce courrier à Salah #Abdeslam ?" dit tout bas Me Maktouf. "On verra ça plus tard", sourit-elle. "On verra ça plus tard", confirme le président, "on a le temps".

Me Edward Huylebrouck, avocat de Muhammad Usman lui demande ce qu'il aimait quand il était plus jeune ? "La moto, et le cricket, j'étais bon en cricket"

Muhammad Usman qui dit que la détention est dure. Surtout l'isolement. Et puis "à Fresnes, y a beaucoup de souris" et les surveillant l'appellent "terroriste" et lui dit "mais moi j'ai rien fait !"

Muhammad Usman dit que lors du voyage en avion entre l'Autriche (où il a été arrêté avec Haddadi en 2016) et la France, il aurait été battu frappé "dans les parties intimes" dit l'un de ses avocats.

Me Merabi Murgulia a une question sur la détention, avec 20 euros par mois, il peut appeler combien de temps sa famille au Pakistan ? "Avec dix euros, 27 minutes". Donc, parfois, plusieurs jours sans appeler. Car avec les 20 euros, il achète d'autres choses parfois.

Me Murgulia parle des progrès que Usman a fait en français, il n'en parlait pas un mot en 2016, comprend maintenant, ne comprenais rien au début à la télé. Sur un banc des parties civiles, quelqu'un dit "on va pas chouiner".

Me Murgulia veut des détails sur la cicatrice sur le front. Usman a parlé d'un "bouton". Un "abcès" opéré après la naissance dit son avocat.

Me Murgulia interroge son client sur son avenir. "Ma famille m'attend, je veux repartir chez moi, rester avec ma famille et me marier, refaire ma vie".

Fin de l'audience jour 39.

Jour 40 - Vendredi 5 novembre - Interrogatoires de personnalité des accusés : Ali Oulkadi, Farid Kharkhach, Ali El Haddad Asufi

Jour 40 au procès 13 Novembre. L'audience n'a pas encore commencé. L'un des accusés qui doit être interrogé aujourd'hui, Ali Oulkadi a fait un malaise. Il a été ausculté par un médecin. Vient de revenir sur son strapontin -il est sous contrôle judiciaire.

La cloche retentit. L'audience reprend. Jour 40.

L'accusé Ali Oulkadi arrive à la barre. Il souffle dans le micro. Paraît stressé, mains derrière le dos. Il a fait un malaise il y a moins d'une heure. "Crise de panique" a-t-on entendu dans le prétoire.

Ali Oulkadi, cheveux bruns, barbe poivre et sel, sweat noir sur lequel il est écrit "Explore more". L'accusé Oulkadi est né en 1984. Marié. A trois enfants. Le petit dernier a deux ans.

Ali Oulkadi a été arrêté en novembre 2015, puis placé en détention provisoire entre 2016 et 2018, puis sous contrôle judiciaire. Il dit qu'il ne l'est plus.

Durant ce procès 13 Novembre, Ali Oulkadi qui est français et vit en Belgique, n'a pas trouvé de logement. Il navigue entre hôtel et chez sa tante qui habite dans l'Oise.

Ali Oulkadi est l'aîné d'une famille de 5 enfants. Son enfance : "que des bons souvenirs qui me viennent à l’esprit", avec des parents qui ont "toujours été là pour nous, que du positif"

Ali Oulkadi, comme d'autres accusés, dit qu'il était un bon élève, qui aurait pu faire encore mieux, mais "j’ai toujours été un exemple par rapport à ma famille, des bonnes notes et un bon comportement"

Ali Oulkadi a eu un diplôme d'électricien. Et une formation pour se spécialiser dans la signalisation des chemins de fer.

En 2013, il a aussi eu un incendie chez lui, devait une forte somme à l'assurance du propriétaire. A travaillé au noir pour compléter. Depuis sa sortie de prison : livraison, le rail, les transports en commun bruxellois. Contrat rompu à l'amiable avant le procès

Le président note qu'il s'est éloigné de la psychologue lors de son contrôle judiciaire ces derniers mois. Ali Oulkadi : "Je m'enfermais dans le boulot, du mal à penser à tout ça (le procès)"

Le président l'interroge sur sa consommation de stupéfiants. Jusqu'à 1 gramme, avant. "Et actuellement ?", demande le président Périès. "Juste un joint pour dormir" jure Ali Oulkadi.

Le président lui demande qui il connaissait ? Ali Oulkadi connaît Salah Abdeslam, Mohammed Amri, Mohamed Abrini, Hamza Attou. Oulkadi est jugé pour avoir aidé Salah Abdeslam dans sa cavale après son exfiltration de Paris après le 13Novembre

La cour veut qu'il détaille ses relations. Ali Oulkadi : avec Salah Abdeslam, "ça nous est arrivé de jouer aux cartes, aux échecs mais pas quelqu’un que je fréquentais"

Ali Oulkadi : "Amri, c'était le barman. Abrini, pas quelqu’un que je fréquentais. Hamza Attou, ça nous arrivait de manger un morceau", au café Les Béguines de Brahim Abdeslam, le grand frère de Salah Abdeslam.

Ali Oulkadi est interrogé sur sa relation avec Brahim Abdeslam ? "Je le considérais comme un très très bon ami. On s’est connu quand j’ai fréquenté le café Les Béguines. La première fois, pour fumer à l’intérieur, dehors, il faisait froid, j’ai aimé l’ambiance"

Au café Les Béguines, Ali Oulkadi écoutait du rap français. "Lacrim", en discutant, en fumant, en buvant.

La cour lui demande si Brahim Abdeslam était autoritaire ? Il a été décrit ainsi par des accusés. Ali Oulkadi : "Pas avec moi, mais il avait une grosse voix, impressionnante"

Une magistrate de la cour demande quelle était l'ambiance dans le café Les Béguines ? Ali Oulkadi : "On rigolait" La cour : "Que des hommes dans le café ?" Ali Oulkadi : "Non, non, y avait des jolies filles"

Une avocate de parties civiles lui parle des traits de caractère que donne sa famille "intelligent" et "naïf". Ali Oulkadi dit "ma famille exagère un petit peu sur mon intelligence, j'avais de très bonnes notes, c'est vrai, j'aimais bien les maths"

Ali Oulkadi : "Si je pouvais retourner en arrière, je continuerais mes études"

Une avocate de parties civiles lui demande s'il a essayé d'arrêter de consommer des stupéfiants. Ali Oulkadi : "Ma femme, elle me casse tout le temps la tête avec ça Si j'avais moins de soucis en tête, ça m'aiderait à arrêter".

Me Maktouf lui demande dans quels pays il s'est rendu ? Ali Oulkadi : "Espagne, Egypte, Angleterre quand j'étais petit et Allemagne" Me Maktouf : "en quelle année l'Egypte ?" Ali Oulkadi : "2013" Elle se rassied, air satisfait.

Ali Oulkadi : "J'ai jamais été quelqu'un qui a fait de la politique"

L'une de ses avocates, Me Lévy, se lève et l'interroge sur la prison. Ali Oulkadi : "c'était très difficile, on m'a coupé de ma famille, mon fils avait 8 mois, j'ai raté beaucoup de moments avec lui, je réalisais même pas"

Ali Oulkadi parle de l'isolement, "la prison dans la prison, on m'a appelé le terroriste, des coups de couteau dans le cœur à chaque fois, mon père ça l'a bousillé, ma mère aussi". Il est au bord des larmes à la barre.

Ali Oulkadi voudrait "reprendre ma vie comme elle était, profiter de mes enfants, ma femme veut acheter une maison avec un jardin, travailler, comme avant"

Son autre avocate Me Marie Dosé, veut le faire réagir sur ce qu'il vient d'entendre au procès 13 Novembre en octobre. Ali Oulkadi : "J’ai écouté attentivement les témoignages des victimes. J’ai même noté leurs noms, les témoignages qui m’avaient marqué"

Ali Oulkadi : "Ils m’ont vraiment ému, et je veux aussi dire que je les ai trouvés courageux. Aussi ce qui m’a marqué, c’est que une majorité d’entre eux, ils expriment pas de haine, et j’oublierai jamais"

C'est au tour de l'accusé Farid Kharkhach, qui lui, avait fait un malaise au premier jour de ce procès

Farid Kharkhach a revêtu une chemise rose pour son interrogatoire de personnalité. Il a enfilé un débardeur noir en laine à poche dessus. Cheveux gominés courts mais avec une drôle de mini queue de cheval derrière. Petite barbe poivre et sel. Lunettes rectangulaires.

Farid Kharkhach est né en 1982, père commerçant agriculteur au Maroc, mère au foyer. Le président : "Elle avait de quoi s'occuper ! Vous avez une grande famille !" Farid Kharkhach : "Onze enfants, avec mon frère qui est mort"

Président : "Votre père habite toujours au Maroc ?" Farid Kharkhach : "Il est mort" Président : "Excusez-moi" Ses fiches ne sont pas toutes à jour. Le père Kharkhach est mort l'année dernière.

Farid Kharkhach est incarcéré en France. Peu de visites familiales. Le président évoque un incident en cellule, un téléphone en prison ? Farid Kharkhach : "Si je peux m'expliquer là-dessus"...

Farid Kharkhach : "C'est quelqu'un qui était libérable, il m'a passé son petit téléphone, je l'ai pris pour appeler ma femme mes enfants, c'était plus fort que moi, je suis désolé". Il a été condamné à deux mois pour ça.

Le président : "Y a eu d'autres fois où on a trouvé des objets dans votre cellule ?" Kharkhach : "Ouais M. le président, c'est pas pour me chercher des excuses, un peu de l'acharnement... Un jour, quelqu'un qui m'aimait pas trop a dit que vol de pulls Ralph Lauren"

Un vol qui aurait eu lieu à l'atelier. Puis on l'aurait désigné plus tard, un jour où il portait un pull Ralph Lauren, "mais il était à moi, ça se voyait qu'il était vieux !"

Farid Kharkhach a commencé à travailler tôt, informatique très tôt. Spécialisé en réparation d'ordinateurs. A ouvert un magasin, a donné des cours, s'est mis aussi aux écrans plasma de Playstation.

Le président : "Et vous arrivez en Belgique ?" Où habitait son frère Mourad. Et il a rencontré Gaëlle. "On est tombés amoureux, on s'est mariés". Leur couple a volé en éclats au bout de trois ans. "On s'entendait pas très bien". Ils se sont quittés. "J'étais perdu"

Farid Kharkhach dit qu'il était "perdu" parce que "j'ai tout quitté pour elle", il ne se voyait pas retourner au Maroc, ne voulait pas être lourd pour sa famille, mais a été un peu SDF avant de retrouver du travail

Puis il a rebondi. Retrouvé une autre femme, "je la remercie d'ailleurs". Ils se sont mariés. Il a multiplié les boulots : HBAC, facteur, construction, imprimerie de tee-shirt, pompier intérimaire, des garages...

Farid Kharkhach : "C'est là que la malchance, elle a commencé dans ma vie. Un contrat pas déclaré (à son insu, dit-il). La police elle a fermé le garage"

Farid Kharkhach : "Après, j'ai commencé le transport entre la Belgique et le Maroc, le transport des sacs non accompagnés". Le président, interloqué : "Le transport de quoi ?!" Kharkhach explique : les sacs envoyés sans personne. Rires dans la salle.

Et Farid Kharkhach raconte ses aventures avec ses "sacs non accompagnés". Et une fois, contrôle de police. Kharkhach : "vous avez pas le droit de faire ça, c'est des sacs non accompagnés ! Y a des pistaches !"

Kharkach dit qu'il a alors tout perdu. Dû recommencer à zéro. Raconte la poisse qui l'a poursuivi plusieurs fois. Il tente les brocantes et croise des pickpockets. Se lance dans le commerce des voitures de luxe. "La poisse, rebelote"

Kharkhach raconte la fois où il a conduit une voiture de luxe. Un autre conducteur au volant de la 2e. Accident. "J'ai perdu les 2 voitures". Rires. Il sourit de sa poisse. Président : "C'est bien de sourire" Kharkhach : "Enfin, je veux pas vous embêter avec ça !"

Farid Kharkhach parle de sa femme, Myriam, et leurs deux enfants. Sa femme avec qui il a fait un "petit break" de 4-5 ans. Ils ont aujourd'hui un garçon et une fille. "Ma fille, elle a 5 ans, elle est née je suis rentré en prison".

Le président lui demande quels liens il a avec ses enfants depuis la prison. Farid Kharkhach : "Je les appelle tous les soirs, même avant d'enlever mes chaussures, j'appelle les enfants !"

Farid Kharkhach explique que ses liens avec sa femme sont plus forts qu'avant : "la prison c'est un mal pour un bien"

Farid Kharkhach a eu des épisodes dépressifs dans sa vie. Le président lui demande s'il a vu récemment des psys ? Kharkhach en a vu un mais "un Syrien, il déteste les terroristes", dit-il.

Kharkhach qui explique à la cour qu'il prend un traitement, pour "décompresser". Kharkhach qui parle à toute allure depuis le début de son interrogatoire. Et beaucoup.

Une assesseuse l'interroge sur sa vie sentimentale : "Vous avez voulu vous marier à 13 ans et votre père s'y est opposé ?" Kharkhach : "Euh... 13 ans ? Non, c'est une faute de frappe, je crois. C'était 17 ans. C'est le juge Teissier ?" (qui écrit ça, sous-entendu)

L'assesseuse : "Bon, c'est une faute de frappe alors. Et elle l'interroge sur d'autres déclarations antérieures. Et il invoque que ce n'est pas ce qu'elle dit. Elle, sèche : "Une faute de frappe encore ?" Kharkhach : "Non, mais je sais que vous dites la vérité !"

Assesseuse : "dans votre portefeuille, on a trouvé une photo où vous portez un uniforme de police !" Kharkhach : On parlait une fois avec mon fils, il voulait savoir ce que je faisais comme métier, j'ai dit commerçant. Il me dit pourquoi tu veux pas être policier ?"

Sa femme explique que Kharkhach "ne peut pas" être policier. Alors Kharkhach dit que pour faire plaisir à son fils, il a acheté un déguisement de police pour son anniversaire. Assesseuse : "un déguisement d'adulte ?"

Rires

Et elle lui parle d'un pistolet. Lui dit que c'était un pistolet en plastique. Qu'il a ensuite jeté. Flou.

Un avocat général l'interroge sur son activité de trafic, de faux ? Une avocate de Kharkhach : "Désolée, c'est le fond" Le fond du dossier pas à l'ordre du jour cette semaine. Seulement la personnalité, mais sans les questions sur la religion. Espace restreint.

Et le président répète cette phrase maintes fois répétée cette semaine : "On verra ça plus tard !"

S'ensuit une question avortée. Encore sur le fond du dossier. Kharkhach lui est prêt à répondre : "Parce que j'aime pas passer pour un menteur" Mais on remet donc à plus tard.

Son avocate Me Marie Lefrancq arrive avec ses questions. "Votre activité florissante c'était l'informatique, pourquoi avoir arrêté ?" Kharkhach : "l'informatique ça se démode vite, faut toujours être à jour, si je vous dis que j'ai travaillé sur Windows 98"

Son avocate lui parle de ses TOC en prison. Sur le ton de la confidence, moins tchatcheur, il parle de la difficulté pour lui de vivre en détention. "Je vis ça très mal, c’est un peu une double peine"

Elle l'amène à évoquer ses maux en prison. Il confie une "pelade", à cause du stress. Farid Kharkhach dit que sa coupe de cheveux, "c'est un cache-misère"

Farid Kharkhach est au bord des larmes au moment de parler de la mort de son père, et préfère ne pas en parler. "Je comprends", dit son avocate.

A propos de la mort de son père, qu'il a apprise en prison, il se souvient qu'un surveillant lui a serré la main, sincèrement, et lui a parlé 15 minutes, un geste qu'il n'oubliera jamais, dit-il.

Farid Kharkhach dit de son incarcération pour le 13 Novembre : "C’est une affaire qui a cassé ma vie, qui a détruit ma vie, alors que je pensais jamais être séparé de ma famille"

Farid Kharkhach a peu de visites en prison, aurait aimé voir plus ses frères par exemple mais "je leur en veux pas", il sait que le terrorisme fait peur, "le terrorisme c’est plus que le coronavirus, plus que le sida" dit Kharkhach.

Farid Kharkhach a longtemps espéré sortir de prison vite, pensant "mon rôle, il est bidon dans cette histoire". Farid Kharkhach est accusé d'avoir fabriqué des faux papiers qui ont servi aux terroristes du  13 Nevembre.

Farid Kharkhach espérait tant sortir vite qu'il a menti à son fils qui disait "papa policier, je pouvais pas dire papa est passé de l’autre côté, côté criminel, ce mensonge a grandi et je pouvais pas non dire à mon fils"... Il voulait le protéger pour l'école.

L'autre avocate de Farid Kharkhach qui a pris le relais des dernières questions est en train de s'énerver sur le président de la cour qui l'a stoppée dans une question tirée d'une expertise qu'il veut garder pour plus tard.

Elle lui tient tête pendant cinq bonnes minutes, sur un ton à la limite de l'insolence, le coupant beaucoup.

Président : "C'est pénible d'être interrompu tout le temps".

La salle commence à souffler contre l'avocate qui ne cesse de tenir tête au président sur un ton hautain et assez stupéfiant. Elle dit au président : "Vous allez trop loin !" Lui crie presque dessus.

Le président, excédé : "Ah bah si c'est moi qui vais trop loin, très bien !"

Et l'avocate énervée, Me Fanny Vial, pose une dernière question à son client sur un ton tout doux, et elle se rassied. Pause, suspension d'audience.

Reprise d'audience.

Ali El Haddad Asufi est le dernier accusé interrogé. Belgo-Marocain. Famille originaire de Tanger. Né en 1984. Habitait Schaerbeek à Bruxelles. Il travaillait à l'aéroport de Zaventem.

Son père est mort quand il avait 6 ans. "J'ai des flashs" mais peu de souvenirs. La mère les a élevés seule. Il est "le petit dernier" d'une fratrie de 4.

Ali El Haddad Asufi a les cheveux courts, barbe à peine naissante, pull blanc. Il parle d'une "enfance heureuse", tout se passait bien, même s'il y avait "le manque du père"

Ali El Haddad Asufi n'a pas été un élève modèle, plusieurs redoublements, "je me suis pas acharné", puis chauffeur-livreur pour des colis, chômage, puis livreur de plateaux repas dans les avions. Licencié depuis la détention

Président : "Vous êtes un meneur ?" citant un collègue. Ali El Haddad Asufi : "Je suis normal, ni meneur ni suiveur"

Président : "Stupéfiants ?" Ali El Haddad Asufi : "Au début je fumais le soir, pas beaucoup". Puis davantage. Puis plus du tout depuis son interpellation.

Président : "Vous êtes célibataire ?" Ali El Haddad Asufi : "J'ai une compagne" Depuis février 2016. Peu avant l'interpellation. Président : "Vous avez eu le temps de vivre ensemble ?" Ali El Haddad Asufi : "Non" Elle vient toujours le voir au parloir. A appelé hier

Rapport de détention depuis son arrivée à la prison de Bois d'Arcy : comportement "irréprochable"

Il voit l'isolement comme "la double peine" et "conteste les faits depuis le début"

Quels accusés connaît-il ? Yassine Atar, Bakkali. Abdellah Chouaa "travaillait dans la même société que moi', mais ils ne se connaissaient pas vraiment. Ali El Haddad Asufi affirme aussi qu'il ne connaissait pas les frères Abdeslam ni le café Les Béguines.

Une assesseuse lui demande s'il a vu un psy ? Oui. Car il était à l'aéroport de Bruxelles au moment des attentats du 22mars 2016.

L'assesseuse : "des passions ?" Ali El Haddad Asufi égrène ciné, musique, foot. La juge : "Pas de passion pour les armes ?" Non, dit-il.

Questionné par un avocat général, Ali El Haddad Asufi avoue qu'il a vendu de la drogue, dont de "la cocaïne au détail".

Question de l'avocat général sur un voyage en Egypte. Ali El Haddad Asufi : "ouais, c'était pas cher, un voyage de 10 jours, un hôtel, y avait des boîtes de nuit, on s'est bien amusés et on est revenus"

Me Helena Christidis, avocate de parties civiles : "vous avez des surnoms ?" Ali El Haddad Asufi : "Non" "Pourquoi vous ne mettez pas votre nom sur votre compte Facebook ?" "Ah, FB ? Je poste rien, j'y vais juste pour regarder, je prends des noms de footballeur"

Me Kempf, avocat de Yassine Atar a une question. "Monsieur Atar vous avait enregistré sous le nom de Ali Schizo ?" Ali El Haddad Asufi : "Ha ?!"

Ali El Haddad Asufi parle de la prison à l'isolement : "y a un double grillage aux fenêtres". Il se demande si les prisons devraient pas payer une amende puisqu'on lui dit que c'est interdit. La vue baisse avec cette faible luminosité. "Y en a y mettent des lunettes"

Son avocate Me Arab-Tigrine lui demande s'il sait de quoi son père est mort ? "D'une maladie, mais je sais pas laquelle". Elle lui demande si c'était tabou dans la famille ? "Non, c'était pas tabou mais on n'en parlait pas", répond-il.

Me Méchin, autre avocat de Ali El Haddad Asufi dit qu'il n'a jamais eu d'enquête de personnalité depuis son arrivée en détention en France.

Ali El Haddad Asufi qui est accusé d'avoir fourni des armes aux terroristes du 13 novembre

Ainsi s'achève cette audience. Jour 40.

L'interrogatoire de personnalité des 14 accusés présents est terminé. Outre Dahmani, incarcéré en Turquie, il y a cinq autres accusés dont on n'a pas parlé. Cinq accusés présumés morts en Syrie dont les frères Clain et Oussama Atar, commanditaire présumé du 13 Novembre.