Protection des mineurs face à la télévision (fr)

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La télévision, média traditionnel et très populaire, représente un danger certain pour les mineurs. Face à ce constat, la France s'est dotée de normes et principes encadrant les œuvres télévisuelles dans une optique de protection de l'enfant et de l'adolescent. La préoccupation première est de protéger le public mineur des programmes nuisant à son épanouissement physique, mental ou moral. Le principe proportionnel est appliqué : le degré de protection et de mise en garde augmente avec la violence du programme. Il a fallu concilier cette préoccupation avec le principe fondateur de la communication audiovisuelle : celui de liberté de communication. Ainsi trois principes viennent encadrer la protection des mineurs à la télévision : la censure du programme a priori est interdite ; les chaînes classent leurs œuvres pour protéger le jeune public, et le Conseil supérieur de l'audiovisuel joue le rôle de régulateur après diffusion.


Histoire de la protection : les fondements juridiques

Les fondements textuels les plus nombreux ressortent sans conteste du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qui a fait de la violence, l'érotisme, la pornographie et la pression publicitaire ses préoccupations principales dans la logique de protection de l'enfance et de l'adolescence.

Fondements internationaux

La protection de l'enfance et de l'adolescence est consacrée dans Convention relative aux droits de l'enfant 20 novembre 1989[1]. On peut déduire de ce texte international un devoir de protection des mineurs face aux dangers de la télévision. La convention pose notamment le principe du respect du développement de l'enfant. La Directive européenne Télévision Sans Frontière du 3 octobre 1989 consacre le principe de protection des mineurs dans les médias Enfin c'est le principe européen dit « de précaution » qui s'applique en la matière. Il consiste à guider l'action des pouvoirs publics en matière de santé publique.

Fondements légaux et réglementaires français

L'article 15 de la loi du 30 septembre 1986[2] attribue au CSA un pouvoir important en matière de protection pour les services de communication audiovisuelle.

L'article 227-24 du Code pénal concerne la répression de la diffusion de messages à caractère pornographique ou violent portant gravement atteinte à la dignité humaine.

L'article 5 du Décret du 23 février 1990[3] invite les chaînes à prévenir les télespectateur que l'œuvre diffusée a préalablement fait l'objet d'une interdiction ou d'une inscription sur la liste des œuvres à caractère pornographique.

Recommandations et avis

Les fondements textuels de la protection des mineurs émanent en grande partie du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

  • Directive de 1989 : première pierre de l'édifice, consistant à inciter les chaînes à adapter leurs horaires de diffusions au public : les programmes familiaux étant diffusés en journée et en première partie de soirée.
  • Mise en œuvre d'un système commun de classification des œuvres en 1996 face à l'insuffisante efficacité de la directive de 1989 : création de la signalétique jeunesse.
  • La signalétique a été revisitée en 2002 pour l'ensemble des chaînes dans un objectif de meilleure compréhension par les téléspectateurs.
  • Recommandation du CSA du 17 décembre 2004 imposant des contraintes lourdes encadrant la commercialisation et la diffusion de programmes extrêmement violents ou à caractère pornographique.
  • Recommandation du CSA du 7 juin 2005 sur la signalétique jeunesse et la classification des programmes. (impose aux chaînes de diffuser annuellement la campagne de sensibilisation accompagnant la signalétique jeunesse).
  • Recommandation du CSA du 4 juillet 2006 encadrant la présentation d'œuvre ayant fait l'objet d'une restriction préalable aux mineurs
  • Délibération du CSA du 22 juillet 2008 visant à protéger les enfants de moins de 3 ans des effets de la télévision (les chaînes doivent diffuser els informations en la matière que le CSA lui fait parvenir)


Les instruments de la protection : une signalétique par catégories

Afin que la protection atteigne une efficacité maximale, cinq catégories ont été crées permettant de classer les œuvres diffusées à la télévision. A chaque catégorie correspond un pictogramme. Enfin des mentions légales doivent apparaître à l'écran pour fournir au téléspectateur tous les éléments d'information dont il a besoin pour prendre la décision de faire regarder, ou non le programme à son enfant mineur.

les catégories

Cinq catégories sont à comptabiliser.

  • La catégorie 1 correspond aux programmes tout public, sans signalisation par pictogramme.
  • La catégorie 2 correspondra aux programmes comportant des scènes ou des sujets abordés risquant d'heurter la sensibilité des plus jeunes. Ces programmes pourront être diffusés dans la journée. La seule limite étant de ne pas les insérer dans une émission pour jeunesse.

Le pictogramme associé indique que le programme est déconseillé aux moins de 10ans.

  • La catégorie 3 comprendra les programmes déconseillés aux moins de 12 ans. Ce seront des programmes susceptibles de perturber les repères des enfants de moins de 12 ans par l'excès de violence ou d'évocation de la sexualité adulte. Ces programmes seront en principe diffusés sur les chaînes non payantes après 22h ; mais ils peuvent faire occasionnellement l'objet d'une diffusion à 20h30
  • La catégorie 4 est attribuée aux programmes risquant de perturber les repères d'un enfant de moins de 16ans. Ils sont notamment constitués de scènes érotiques ou de scènes de violence très impressionnantes. Sur les chaînes courantes, ces programmes ne pourront pas être diffusés avant 22h30.
  • La catégorie 5 regroupe les films pornographiques ou d'une très grande violence ui font l'objet d'une interdiction totale de diffusion. Ces programmes risquent de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des moins de 18 ans. Pas toutes les chaînes ne seront autorisées à diffuser de tels programmes. Seules les chaînes par abonnement ou par paiement à la séance pourront les programmer ; mais seulement entre minuit et 5h du matin ; et devront s'acquitter d'un système technique de verrouillage, protection supplémentaire permettant une protection quasi parfaite de l'enfant.

Les pictogrammes

Les pictogrammes ont fait l'objet d'une harmonisation en 2002 afin que le téléspectateur soit clairement informé du danger potentiel que représente un programme sur son enfant. Pour les programmes des catégories 3, 4 et 5, le pictogramme devra être présent à l'écran durant toute la durée de la diffusion. L'intérêt de cette signalétique est d'instaurer une responsabilité partagée entre le téléspectateur qui devra respecter les indications des diffuseurs, et les chaînes qui devront classer minutieusement l'ensemble de leurs programmes et leur attribuer une signalétique adaptée. L'efficacité de l'opération dépend ainsi de chacun.

Les mentions légales

Des mentions légales « déconseillé aux moins de … » seront automatiquement inscrites à l'écran durant les premières minutes du programmes durant un temps proportionnel à la durée de celui-ci. Elles viennent en complément du pictogramme, pour appuyer l'efficacité de la démarche


Les acteurs de la protection

Deux acteurs interviennent en théorie, même si un troisième serait justement comptabiliser : le téléspectateur – parent, responsable du mineur devant l'écran. Les deux acteurs sont les chaînes de télévision qui jouent un rôle très actif dans la protection. Et le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui vient contrôler le premier travail des chaînes.

Les chaînes avant diffusion

Critères

Quelques critères ont été donnés aux chaînes pour qu'elles effectuent une classification la plus appropriée. Parmi ces critères on trouve notamment : le nombre et la nature des scènes violentes, leur caractère indispensable au scénario, la violence envers les enfants, les actes sexuels, l'image dégradante de la femme, le caractère du héros (méchant héros, ou héros moral). la mise en scène et la bande sonore entrent également en compte. Cette liste est non exhaustive.

Classifications

Chaque chaîne dispose de comités de visionnages, elle décide de leur composition. Les membres de ces comités ont la mission de classer les œuvres et programmes que propose la chaîne, en étudiant au cas par cas chacun d'eux au travers des critères précédemment cités.

Choix des logos et horaires

De cette classification découle l'adaptation à une catégorie, donc l'apposition au programme du pictogramme adapté. Mais la chaîne doit encore s'assurer de diffuser le programme dans une tranche horaires adaptée à la catégorie dont il relève.


Le Conseil Supérieur de l'audiovisuel a posteriori

Eu égard au principe de liberté de communication, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ne censure pas, il effectue son contrôle après diffusion du programme.

Son rôle préventif

Organisation de campagnes

Le CSA organise tous les ans des campagnes de sensibilisation. Ce travail est effectué en collaboration avec les chaînes qui ensuite diffusent le message pendant une quinzaine de jours afin d'attirer ‘attention des téléspectateurs - parents sur les dangers de la télévision sur les mineurs. A l'occasion du 20e anniversaire de la convention internationale des droits de l'enfant, le CSA a organisé en 2009 une campagne intitulée « La télévision n'est pas toujours un jeu d'enfant ». "la télévision n'est pas toujours un jeu d'enfant"

Personnel du CSA affecté à la mission de protection des mineurs

Le CSA comporte des unités de travail chargées d'étudier avec précision le problème de la protection de l'enfance : la Direction générale des programmes est une de ces formation. Un chargé de mission visionne les programmes déjà diffusés. Puis une commission de visionnage vient apporter un second point de vue et enfin un groupe de travail vient parfaire le jugement. Le CSA peut faire appel à des experts.

Bilans annuels

Chaque année le CSA publie un rapport annuel faisant état du comportement des chaînes et du degré d'attention porté au problème de la protection de l'enfance à la télévision. Le CSA, en rendant publics ses avis, décisions, recommandations et bilans attire l'attention de chacun sur l'importance de la protection des mineurs.

L'effectivité de son contrôle

Les étapes du contrôle

Le contrôle a posteriori par le Conseil se fait par étapes. Dans un premier temps le chargé de mission de la Direction générale des programmes va effectuer un repérage des programmes pouvant poser un problème. C'est à dire des programmes qui n'auraient pas respecter la signalétique en fonction des catégories ; qui aurait procédé à une mauvaise classification du programme ; ou encore qui ne l'aurait pas diffuser à un horaire adapté. Puis une commission de visionnage examine à nouveau les programmes litigieux. Enfin leur cas sera discuté par le groupe de travail « protection de l'enfance ».

Les avertissements

Le CSA intervient auprès de la chaîne pour lui indiquer les rectifications à apporter au programme : changement de l'horaire de diffusion, ou de la signalétique pour la prochaine diffusion de ce programme. Les interventions du CSA en ce sens sont nombreuses : en 2008 ce sont près de 40 lettres de mise en garde qui ont été envoyées aux chaînes tant publiques que privées pour non respect du dispositif de protection des mineurs.

Les sanctions

Si la chaîne, suite à un premier avertissement, récidive, ou si l'atteinte au dispositif est trop importante, une mise en demeure lui est adressée. Les neuf conseillers du Conseil se réunissent une fois par semaine pour décider de la suite à donner à la dérive litigieuse de la chaîne. Les décisions sont prises en assemblée plénière et sont rendues publiques.

Les alertes

Le CSA fonctionne également sur le principe des alertes des téléspectateurs : ceux-ci sont invités sur le site Internet du CSA à remplir un formulaire afin de prévenir l'instance de la diffusion d'un programme ne respectant visiblement pas la réglementation. Il les examine au même titre que les programmes repérés par la direction générale des programmes.

Cas particuliers de la protection

La protection classique passant par la signalétique ne s'applique pas à tous les programmes télévisés.

Les journaux télévisés

Dans le cas des journaux télévisés, la signalisation d'images difficilement soutenables ou de témoignages relatifs à des évènements dramatiques pouvant heurter le jeune public ne passe pas par la voie de la mention légale et du pictogramme mais c'est ici l'avertissement oral qui est privilégié. En effet le présentateur doit prévenir les téléspectateurs – responsables du caractère dangereux pour l'enfant de la séquence à suivre. Une signalisation écrite ne serait pas efficace au regard de la très courte durée de la séquence d'information.

Les publicités télévisées

Le CSA ne joue ici qu'un rôle subsidiaire puisque l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a déjà effectué un contrôle sur le contenu des séquences publicitaires. Toutefois le CSA reste vigilent sur le point de la trop forte pression publicitaire sur les enfants.

Les œuvres cinématographiques à la télévision

Ici le CSA a le délicat devoir d'adapter la restriction des salles à la télévision. La commission de classification, attachée au ministère de la culture et de la communication délivre des visas aux films avant leur projection en salle. Certaines de ces œuvres sont accompagnées d'interdictions aux moins de 12 ans, de 16 ans ou de 18 ans. Mais le travail de la commission d'arrête à la diffusion en salle. C'est donc au CSA de s'assurer que les chaînes, lors de leur classification des programmes, ont effectivement reproduit la signalisation d'origine, voire l'ont adaptée aux circonstances : il est d'usage d'augmenter la limite d'âge entre le passage en salle et le passage à la télévision afin de prendre toutes les précautions quant à la protection du jeune public qui n'aurait pas pu accéder aux salles obscures mais qui peut facilement se retrouver devant l'écran télévisé.


Les lacunes du système de protection

Absence de définition des termes

La définition du terme « violence » paraît incontournable en la matière. L'avantage serait de permettre à toutes les chaînes de fonder leur décision de classification sur une notion dont les contours seraient nets. Différents degrés de violence pourraient être déterminés et cela constituerait une base de critères nouveaux et objectifs.

Absence de critères communs

Si une liste de critères a été donnée, celle-ci reste non exhaustive. Le principe étant que tout examen des programmes doit se faire avec minutie au cas par cas, et qu'il n'existe ainsi pas de critère unique ou automatique. Le résultat direct de cette lacune est une classification cohérente dans l'ensemble mais pas réellement uniforme d'une chaîne à l'autre. Or en matière de protection des mineurs, l'approximation est exclue.

Intérêt d'une autorité commune

Au regard de ces absences évidentes dans le système de protection et de la convergence des médias, il est envisageable de créer une instance de régulation qui éditerait des critères fixes et définis avec précision sur lesquels les chaînes de télévision, les stations de radio, les sites Internet etc. pourraient fonder une classification plus juste. Ceci éviterait des incohérences lors de désaccord entre la commission de classification et la Direction générale des programmes par exemple. Pour une meilleure efficacité du système de protection des mineurs sur l'ensemble des médias, le rapporteur du Conseil d'État invite à la création d'une instance commune. Dans son rapport de 2002, le collectif interassociatif Enfance et Média évoque la possible création d'un pôle commun qui permettrait aux associations de s'exprimer d'une même voix et de jouer un rôle de vigilance par rapport au public mineur.


La comparaison internationale

Le Royaume Uni s'est doté d'une instance compétente pour l'ensemble des médias : télévision, radio, Internet : le British Board of Film Classification (BBOFC)[4]. La Nouvelle-Zélande s'est doté elle d'une instance du même ordre, mais cette fois également compétente pour les publications écrites : l'Office of Film and Literature Classification (OFLC)[5]


Voir aussi

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Liens externes

Références

Notes

  1. Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée et ouverte à la signature, ratification et adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 44/25 du 20 novembre 1989 Entrée en vigueur le 2 septembre 1990, conformément à l'article 49
  2. Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard), JORF du 1 octobre 1986 page 11755
  3. Décret n° 90-174 du 23 février 1990 pris pour l'application des articles 19 à 22 du code de l'industrie cinématographique et relatif à la classification des oeuvres cinématographiques, JORF n°48 du 25 février 1990 page 2450
  4. Voir le site du British Board of Film Classification
  5. Voir le site de l'Office of Film and Literature Classification