Quelques précisions sur la rémunération variable d’un salarié : La rémunération variable, lorsqu’elle est contractuelle, ne peut être modifiée sans l'accord du salarié (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


France > Droit privé > Droit social >  Droit du travail 

Fr flag.png

Franc Muller, Avocat au Barreau de Paris
Janvier 2018



La rémunération variable d’un salarié est susceptible de générer de nombreuses difficultés survenant soit en cours d’exécution du contrat de travail, soit à son terme, donnant lieu aux interrogations suivantes, qui reviennent régulièrement : l’employeur peut-il à sa convenance procéder à une modification de la rémunération variable ? le salarié peut-il prétendre au versement de sa part variable en cours d’année, s’il est licencié ou s’il démissionne ? les modalités de son calcul de la rémunération variable peuvent-elles être établies discrétionnairement par l’employeur ?


Nous tenterons ici de présenter les réponses apportées par la jurisprudence à ces questions.


  • 1- Rappelons tout d’abord que la licéité d’une clause du contrat de travail prévoyant la rémunération variable du salarié est subordonnée au fait qu’elle soit : (1) fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur, (2) qu’elle ne fasse pas porter le risque d’entreprise sur le salarié et (3) qu’elle n’ait pas pour effet de réduire la rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels (Cass. Soc. 2 juill. 2002 n° 00-13111).=


On sait en outre que la rémunération est un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié ; il en résulte que l’employeur ne peut supprimer unilatéralement la partie variable de la rémunération d’un salarié.


Ainsi dans une affaire, un salarié engagé en qualité de chef des ventes avec un salaire de base complété par une rémunération variable composée de diverses primes avait été promu directeur commercial avec augmentation de sa rémunération fixe et suppression de la partie variable.


Licencié pour motif économique, l’intéressé avait saisi la juridiction prud’homale de demandes portant notamment sur un rappel de primes.


La Chambre sociale de la Cour de cassation énonce, lui donnant raison, que la disparition de la partie variable de sa rémunération était constitutive d’une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié, et constatant qu’il n’avait pas exprimé son consentement à cette modification, considère que la demande de rappel de primes était justifiée (Cass. Soc. 8 juin 2016 n° 15-10116).


De jurisprudence constante en effet, la rémunération contractuelle d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que le nouveau mode de rémunération soit supérieur au salaire antérieur (Cass. Soc. 25 janv. 2017 n° 15-21352).


  • 2- Au cours de la relation de travail, l’employeur peut-il payer au salarié la partie variable de sa rémunération sans lui préciser quelles sont les bases de calcul qu’il a retenues ?


La rémunération variable devant être fondée sur des éléments objectifs, le salarié est en droit de vérifier l’exactitude de la rémunération qui lui est versée par rapport aux modalités prévues par le contrat de travail, de sorte que l’employeur ne pourrait valablement refuser de répondre à un salarié qui l’interrogerait à ce sujet (Cass. Soc. 18 juin 2008 n° 07-41910).


Il est donc important que le salarié exige dans la mesure du possible, lors de son embauche, que le contrat de travail contienne des précisions relativement aux modalités de détermination de la part variable.


En outre, en cas de litige, le juge doit rechercher si les conditions d’attribution de la rémunération variable prévues dans le contrat de travail ont bien été respectées (Cass. Soc. 31 mai 2017 n° 15-27790).


L’employeur ne peut davantage refuser de communiquer les éléments indispensables au calcul de la rémunération variable du salarié, la Chambre sociale de la Cour de cassation considère en effet que lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire (Cass. Soc. 20 oct. 2015 n° 14-17473, Cass. Soc. 1er mars 2017 n° 15-14267).


  • 3- Alors que le contrat de travail prévoit que les objectifs, dont la réalisation détermine le paiement de la part variable du salaire, seront fixés annuellement en début d’exercice, l’employeur s’abstient de fixer des objectifs au cours d’une année X, ainsi que les années suivantes. Quelle est la rémunération due au salarié en dépit de cette défaillance ?


En l’absence de fixation des objectifs, il appartient au Juge de déterminer le montant de la rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes (Cass. Soc 14 avril 2016 n° 14-13305).


Les années antérieures, au cours desquelles les objectifs avaient été définis précisément, servent donc de critère de référence.


Cette solution est identique lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et à défaut d’un accord entre l’employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération (Cass. Soc. 4 juin 2009 n° 07-43198).

Le salarié dont les objectifs n’ont pas été fixés au cours d’une année doit donc bénéficier de la rémunération variable qui lui avait été payée l’année antérieure, lorsque des objectifs lui avait été valablement fixés (Cass. Soc. 27 sept. 2017 n° 16-13522).


  • 4- Reste à envisager la situation d’un salarié bénéficiant d’une rémunération variable, quittant l’entreprise en cours d’année (à la suite d’une démission, d’un licenciement ou d’une prise d’acte). A-t-il droit au paiement prorata temporis de sa rémunération variable ?


La réponse est affirmative dès lors la partie variable de la rémunération est fixée en fonction d’un objectif annuel réalisé personnellement par le salarié ; il en ressort que le salarié ne peut être privé d’un élément de rémunération versé en contrepartie de son activité auquel il pouvait légitimement prétendre au prorata de son temps de présence.


Ainsi, si les objectifs assignés au salarié présentent un caractère personnel (et non collectif), et que celui-ci les a atteints, il est fondé à en obtenir paiement en proportion de son temps de présence dans l’entreprise au cours de l’année en cause.


A titre d’illustration, dans une affaire où le contrat de travail d’une salariée stipulait que la rémunération variable fera l’objet de paiements trimestriels (avec un trimestre de décalage) sous forme d’avances et d’une régularisation annuelle en fin d’exercice sur la base du chiffre d’affaires annuel effectivement réalisé, ajoutant en outre que si la salariée prend l’initiative de la rupture du contrat, l’employeur n’aura pas à lui verser la part variable de sa rémunération si elle n’est pas présente dans l’effectif le jour de sa mise en paiement.


La salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail un 29 juin.


La Cour de cassation approuve une cour d’appel d’avoir jugé que la partie variable de la rémunération était fixée en fonction du chiffre d’affaires annuel réalisé personnellement par la salariée, et l’intéressée, qui avait quitté l’entreprise avant la fin de l’année civile, ne pouvait être privée d’un élément de rémunération versé en contrepartie de son activité auquel elle pouvait prétendre au prorata de son temps de présence (Cass. Soc. 15 mars 2017 n° 15-19528).