Réfugiés, Déclaration UE-Turquie, Notion d’« accord international », Recevabilité du recours en annulation (Ordonnance du Tribunal de l’Union européenne) (eu)

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Date: Juin 2017




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Saisi d’un recours en annulation contre la déclaration signée par l’Union européenne et la Turquie (ci-après « la déclaration UE-Turquie ») du 18 mars 2016, le Tribunal de l’Union européenne (ci-après « le Tribunal ») s’est prononcé sur la recevabilité de celui-ci, par voie d’ordonnance.

Le requérant, ressortissant pakistanais, est entré sur le territoire grec et y a introduit une demande d’asile, en raison des pressions exercées par les autorités nationales et afin d’éviter d’être refoulé vers la Turquie, en application de la déclaration UE-Turquie, avec, le cas échéant, le risque d’y être placé en rétention ou d’être expulsé vers son pays d’origine.

Il soutenait que les pressions résultaient de la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie, laquelle constitue, selon lui, un acte attribuable au Conseil européen matérialisant un accord international conclu entre la Turquie et l’Union européenne et dont il contestait la légalité. Il estimait que la déclaration devait être considérée comme un acte du Conseil européen, puisque, en l’espèce, les Etats membres de l’Union auraient agi collectivement à l’intérieur de ladite institution et n’auraient pas exercé de compétences nationales en dehors du cadre institutionnel de l’Union. Par ailleurs, le requérant affirmait que le Conseil européen et la Commission européenne avaient activement participé à la préparation et à la négociation dudit acte.

Le Conseil européen soutenait au contraire qu’aucun accord n’avait été conclu estimant que la déclaration UE-Turquie n’est que le fruit d’un dialogue international entre les Etats membres et la Turquie et n’est pas destiné à produire des effets juridiques contraignants ou à constituer un accord ou un traité. Partant, il invoquait l’incompétence du Tribunal.

• Saisi dans ce contexte, le Tribunal a décidé de statuer sur sa compétence à connaître du recours, sans engager le débat au fond.

A titre liminaire, il rappelle que le recours en annulation prévu à l’article 263 TFUE est ouvert à l’égard de toutes les dispositions prises par les institutions, organes et organismes de l’Union, indépendamment de la nature ou de la forme de celles-ci, à condition qu’elles visent à produire des effets de droit.

À cet égard, la circonstance que l’existence d’un acte destiné à produire des effets juridiques à l’égard des tiers ait été révélée par la voie d’un communiqué de presse ou qu’il ait pris la forme d’une déclaration ne fait pas obstacle à la possibilité de constater l’existence d’un tel acte, ni, partant, à la compétence du juge de l’Union pour contrôler la légalité d’un tel acte.

En revanche, il souligne que le juge de l’Union n’est pas compétent pour statuer sur la légalité d’un acte adopté par une autorité nationale ni des actes adoptés par les représentants des Etats membres, réunis physiquement dans l’enceinte de l’une des institutions de l’Union et agissant, non pas en qualité de membres du Conseil ou de membres du Conseil européen, mais en leur qualité de chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats membres de l’Union.

• Afin de déterminer la compétence du juge de l’Union, il convient de ne pas s’attacher à la qualification de l’acte mais à son contenu et à l’ensemble des circonstances dans lesquelles l’acte en question a été adopté.

A cet égard, le Tribunal constate que la déclaration UE-Turquie est l’aboutissement de trois réunions. Or pour les deux premières réunions, les représentants des Etats membres ont participé en leur qualité de chefs d’Etat et de gouvernement et non en tant que membres du Conseil européen.

Malgré l’ambiguïté des termes utilisés dans le communiqué de presse, le Tribunal admet que les documents officiels afférents à la réunion du 18 mars 2016, produits par le Conseil européen à la demande du Tribunal, démontrent que deux événements distincts, la session de cette institution et un sommet international, ont été organisés de manière parallèle selon des voies distinctes sur les plans juridique, protocolaire et organisationnel corroborant la nature juridique distincte de ces deux événements.

Par ailleurs, le Tribunal précise que la circonstance que le président du Conseil européen et celui de la Commission, non formellement conviés, aient été également présents lors de cette rencontre ne saurait permettre de considérer que, en raison de la présence de tous ces membres du Conseil européen, la réunion du 18 mars 2016 aurait eu lieu entre le Conseil européen et le Premier ministre turc.

Partant, le Tribunal considère qu’en dépit des expressions « membres du Conseil européen » et « UE », figurant dans la déclaration UE-Turquie telle que diffusée au moyen d’un communiqué de presse, ladite déclaration doit s’entendre comme des mesures opérationnelles en vue de rétablir l’ordre public, essentiellement sur le territoire grec, adoptées par les chefs d’Etat ou de gouvernement de l’Union qui, comme lors des première et deuxième réunions des chefs d’État ou de gouvernement se sont réunis avec leur homologue turc.

Dès lors, le Tribunal conclut que la déclaration UE-Turquie ne peut pas être considérée comme un acte adopté par le Conseil européen, ni d’ailleurs par une autre institution, un organe ou un organisme de l’Union, ou comme révélant l’existence d’un tel acte et qui correspondrait à l’acte attaqué. Partant, il se déclare incompétent et rejette le recours.

(Arrêt du 28 février 2017, NF / Conseil européen, aff. T-192/16)