Rupture conventionnelle : des exigences s’imposent à peine d’annulation : La rupture conventionnelle doit notamment être signée par les 2 parties, et un exemplaire doit impérativement être remis au salarié (fr))

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Franc Muller, avocat au barreau de Paris
Juillet 2019




La conclusion d’une rupture conventionnelle répond à certaines exigences déterminantes qui, lorsqu’elles font défaut, ont pour conséquence d’entrainer son annulation.
C’est le message de fermeté que vient de rappeler par deux fois la Chambre sociale de la Cour de cassation à destination de Cours d’appel qui, sans doute entretenues par la jurisprudence très favorable[1] de la Haute juridiction relative aux conditions dans lesquelles les parties peuvent recourir à ce mode de rupture, avait considéré que ces irrégularités n’entachaient pas la validité de la rupture conventionnelle elle-même.


La rupture conventionnelle est établie au moyen d’un formulaire administratif CERFA (ici [2]) contenant, entre autres, l’énumération des renseignements suivants :


  • Déroulement des échanges pour convenir de la rupture conventionnelle,
  • Montant brut de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle,
  • Date envisagée de la rupture du contrat de travail,
  • Date de fin du délai de rétractation


Elle est datée et signée par chaque partie.


Celles-ci disposent d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires, à compter de la date de signature, pour exercer leur droit de rétractation (article L 1237-13 du Code du travail).


A l’issue de ce délai, la partie la plus diligente (autant dire l’employeur) adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture, qui dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande pour homologuer, ou non, la rupture conventionnelle (article L 1237-14 du Code du travail).


Dans la première affaire, la convention n’avait pas été signée par l’employeur.


Le salarié demandait en conséquence à la juridiction prud’homale de prononcer son annulation [3], celle-ci produisant, on s’en souvient, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel avait refusé d’accéder à sa demande, estimant que nonobstant l’absence de signature de l’employeur, l’intéressé avait toujours la possibilité d’exercer son droit de rétractation dans le délai imparti.


Décision censurée par la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui juge que « seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause » (Cass. Soc. 3 juill. 2019 n° 17-14232 [4]).

C’est à notre connaissance la première fois que la Cour régulatrice énonce que la signature des deux parties constitue une condition de validité de la rupture conventionnelle.


Dans la seconde affaire, le salarié poursuivait également l’annulation en soutenant qu’il n’avait pas été destinataire d’un exemplaire de la convention.


Il pouvait s’appuyer sur la position des Hauts magistrats qui ont déjà eu l’occasion [5] de s’exprimer à ce sujet et considèrent que la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention (Cass. Soc. 6 fév. 2013 n° 11-27000 [6]).


La Cour d’appel avait cependant retenu une approche différente, en se fiant au formulaire CERFA qui mentionnait qu’elle avait été établie en deux exemplaires, et poussant plus loin, avait estimé que quand bien même il n’est pas indiqué que chacun des exemplaires a été effectivement remis à chaque partie, il doit être présumé que tel a bien été le cas.


Cette motivation ouvrait la voie à toutes les dérives en faisant reposer sur le salarié la nécessité de combattre une telle présomption.


Fort heureusement la Chambre sociale ne cautionne pas l’analyse des juges du fond et leur reproche de ne pas avoir constaté qu’un exemplaire de la convention de rupture avait été remis au salarié, ce dont il résulte que la rupture conventionnelle devait, ici aussi, être annulée (Cass. Soc. 3 juill. 2019 n° 18-14414 [7]).