Souffrance au travail et mesures insuffisantes de l’employeur pour y remédier (Cass. soc. 07/02/2018 n°16-19456) (fr)

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Stéphane Vacca, Avocat au Barreau de Paris
Mars 2018


Cass. soc. 07/02/2018 n°16-19456


Un salarié formateur d’une association « Faculté des métiers de l'Essonne », établit une fiche d'incident, expliquant qu'un jeune élève de sa classe l'avait traité deux ou trois fois d'«espèce de petit bouffon » après qu'il lui eut demandé de ranger son téléphone portable, ajoutant : « je ne le recevrai plus jamais dans mes cours ».


Le jour même, la direction de l'école écrit au salarié formateur que le jeune élève avait reconnu être allé trop loin dans ses propos et qu’il comptait présenter ses excuses, qu'il ferait l'objet d'un avertissement et passerait une journée en exclusion temporaire, avec information de son maître d'apprentissage, et qu'elle adressait aux parents du jeune élève une lettre en ce sens.


Le salarié répondit que le jeune élève l'avait injurié à trois reprises et que la veille, il avait raillé son accent.


L’association produisit une lettre d'excuse pré-imprimée signée l’élève.


Par courriel, la direction informa le salarié de la réintégration du jeune dans son cours dans 12 jours.


Le salarié répondit que ces prétendues excuses ne le rassuraient pas et qu'il refusait de le recevoir dans son cours.


Mais l’association convoqua le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, lui reprochant de refuser de recevoir en cours l’apprenti.


Entre-temps, par courriel, le salarié réitérait son refus, ajoutant que l’élève lui jetait des regards provocateurs qu'il ne supportait pas et demandait à nouveau qu'il fût retiré de sa classe.


En séance, les membres du CHSCT relevaient que la situation relatée semble douloureuse humainement pour leur collègue, que la souffrance à laquelle leur collègue était confronté devait être traitée le plus rapidement possible, et renvoyaient l'examen de l'affaire à une autre séance.


Par courriel, le salarié fit part à l'employeur de sa souffrance et de son impossibilité d'aller travailler et lui transmit un arrêt de travail pour maladie.


Par courriel, il exprima à nouveau sa souffrance et déclara n'avoir pu supporter la convocation à l'entretien préalable, expliquant de victime, il était rapidement devenu coupable.


Par lettre, le salarié déclara prendre acte de la rupture aux torts de l'employeur.


En séance, le CHSCT constata que leur collègue ayant rompu son contrat, une enquête interne ne pourrait pas se réaliser mais déclarait se réserver le droit de mener une enquête a posteriori, pour déterminer des mesures de prévention à mettre en place.


L’ex-salarié saisit la juridiction prud'homale.


La cour d’appel jugea que la rupture du contrat de travail imputable à l’employeur et le condamna à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.


L’employeur forma pourvoi en cassation.


La Cour de cassation confirme l’arrêt : « attendu qu'ayant relevé que l'association n'avait pas tenu compte de la souffrance morale et psychologique exprimée par le salarié ni pris de mesures suffisantes pour y remédier, malgré la demande en ce sens des membres du CHSCT lors de la séance du 30 octobre 2014, alors qu'il n'était pas allégué que le salarié avait habituellement des difficultés relationnelles avec ses élèves et qu'elle avait préféré s'engager vers la voie de la sanction à son encontre ».