Vice caché : comment le prouver ?

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Article rédigé par Nolwenn Dohet, stagiaire LBA Avocat, sous la direction de Me Louise BARGIBANT [1]
Novembre 2021



La garantie des vices cachés est une garantie légale liée à la vente d’un bien.


Elle protège l’acheteur des défauts, d’une certaine gravité, qui affectent l’usage du bien et qui n’étaient pas visibles lors de son acquisition.


L’applicabilité de cette garantie est conditionnée à la preuve, à la charge de l’acquéreur, de l’existence du défaut antérieurement à la vente ainsi que de sa dissimulation par le vendeur.


Après l’acquisition d’un bien immobilier, vous vous sentez lésé par la découverte d’un vice ? Vous souhaitez solliciter l’annulation de la vente ou la réduction de son prix ?


L’étape cruciale de votre démarche, après la découverte du vice, sera de réunir les éléments de preuve qui augmenteront vos chances d’obtenir gain de cause.


Retour sur le vice caché et son mode de preuve à travers cet article.


Qu’est-ce qu’un vice caché ?

La garantie des vices cachés profite à l’acheteur.


Elle est prévue par les articles 1641 à 1648 du Code civil.


La qualification de « vice caché » n’est pas anodine et doit répondre à trois conditions strictes :


Un défaut non apparent

Le vice est réputé caché lorsqu’un acquéreur non-professionnel en a ignoré l’existence après avoir examiné le bien avec une attention normale.


En effet, selon l’article 1642 du Code civil, le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.


Aussi, le vice ne peut être considéré comme caché lorsqu’un acquéreur profane en matière immobilière pouvait s’en rendre compte lors de vérifications normales.


D’après la jurisprudence en la matière, un examen sommaire doit être réalisé par l’acheteur.


En effet, le vice ne sera pas considéré comme « caché » si le Juge estime que les acheteurs auraient pu s'en convaincre en effectuant des diligences normales et en procédant à un examen attentif du bien vendu sans avoir pour cela à effectuer des investigations techniques.


Il a été jugé à ce titre qu’il ne pouvait être reproché à l’acquéreur de ne pas s’être fait assister d’un Expert (Cass. 3e civ. 3 nov. 2011 n° 10-21.052).


Attention toutefois, les Juges se montrent parfois sévères vis-à-vis de l’acquéreur si par exemple ils estiment qu’il a fait preuve d’une légèreté certaine en n’effectuant qu’une seule visite avant d’acquérir les lieux et de signer l’acte authentique de vente.


Un défaut qui affecte une chose et qui la rend impropre à l’usage auquel elle était destinée

Le vice doit également un défaut, une anomalie ou altération de la chose qui nuit à son bon fonctionnement et la rend impropre à l’usage auquel elle est destinée.


Il faut donc pour les acquéreurs apporter la preuve de l’existence d’un vice caché rendant l’immeuble impropre à sa destination ou en diminuant tellement son usage qu’ils ne l’auraient pas acquis ou en auraient donné un prix moindre s’ils l’avaient connu.


Les juges du fond apprécient souverainement si la chose vendue est impropre à sa destination.


A titre d’illustration, il a pu être jugé que les nuisances sonores, au sein d’un appartenant, provenant de la machinerie de l’ascenseur, ne rendaient pas l’immeuble impropre à sa destination (Cass. civ. 3e, 25 janvier 2011, n°10-30201). La Cour relevait alors que le respect des normes réglementaires devait être apprécié en fonction d’un usage normal et, non pas subjectivement, en fonction du mode de vie des occupants.


Il a pu au contraire être jugé que le défaut d’étanchéité du bassin rendaient une piscine impropre à sa destination (Cour d’appel d’Agen, du 17 juin 2002, 00/380) ou encore que les tuiles d’un immeuble recouvertes par des plaques d’amiante rendaient la toiture impropre à sa destination puisque la moindre intervention sur le toit disperserait les fibres d’amiante, exposant les occupants de l’immeuble à un risque grave pour leur santé (Cour d’appel de Montpellier, 7 septembre 2017, 14/4204).


En résumé, il faut que les désordres soient suffisamment graves pour être qualifiés de vice caché (ne sont pas des vices cachés : un carrelage cassé, une porte qui ferme mal, une tringle de rideau abîmée…).


Un défaut antérieur à la vente

Enfin et fort logiquement, pour que le vice puisse remplir les conditions du vice caché, il faut encore qu’il ait préexisté à la vente.


Il appartient à l’acquéreur d’en apporter la preuve.


Le vice allégué doit être antérieur à la vente ou tout au moins être en germe au moment de celle-ci et s’être développé ultérieurement.


Ne pas confondre la garantie des vices cachés avec l’obligation de délivrance conforme

Attention à ne pas confondre la garantie des vices cachés avec l’obligation de délivrance conforme laquelle sanctionne la non-conformité de la chose vendue à des dispositions spécifiquement convenues entre les parties (retrouvez mon article sur l’obligation de délivrance : Vente immobilière : l’obligation de délivrance conforme, c'est quoi ?).


Que faire en cas de clause d’exclusion de la garantie des vices cachés ?

Si le législateur offre une grande protection à l’acheteur en considérant que le vendeur demeure tenu des vices cachés même s’il ne les a pas connus (article 1643 Code civil), il donne néanmoins au vendeur la possibilité d’exclure contractuellement cette garantie légale de l’acte de vente par le jeu de la clause exclusive de garantie des vices cachés.


La clause d'exclusion de la garantie des vices cachés est présente dans la plupart des contrats de vente d’un bien immobilier.


Dans ce cas, selon la jurisprudence, la clause d’exclusion de la garantie légale pourra être inapplicable s’il s’agit d’un vendeur professionnel ou encore si le vendeur non-professionnel est de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il avait connaissance du vice caché affectant le bien vendu mais qu’il n’en a volontairement pas informé son acquéreur.


A titre d’illustration, le vendeur est de mauvaise foi lorsqu’il a été prouvé qu’il ne pouvait ignorer la dégradation des bois de charpente, eu égard aux travaux réalisés avant la vente alors que l'état des bois était à cette époque nécessairement identique à celui découvert par l’acquéreur, constaté par l'Expert, et corroboré par les photographies annexées au rapport.Ainsi, la clause de l’acte de vente stipulant une exonération de garantie des vices cachés au profit des vendeurs ne pouvait recevoir application (CA Douai, 14 mai 2007, n°06-00422).


Le vendeur pourra encore être considéré de mauvaise foi s’il est prouvé que le vendeur a colmaté et repeint le plancher dans le but de dissimuler la présence de termites, qu’il a procédé à la pose d’un lambris afin de cacher un problème d’humidité ou encore lorsque pour masquer une chape et des carreaux fissurés le vendeur a placé un parquet flottant premier prix.


C’est ainsi que l’acquéreur devra apporter la preuve que le vendeur avait connaissance du vice au jour de la vente afin de mettre en œuvre la garantie légale et écarter la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés.


Comment prouver la mauvaise foi du vendeur ?

Les preuves grâce à l’expertise judiciaire

L’Expert va permettre d’établir des preuves techniques sans toutefois donner un avis juridique (son rôlé étant de se limiter à l’aspect technique d’un dossier).


Ses constatations seront essentielles en présence de vice caché allégué car il va pouvoir étudier les désordres, déterminer les causes et origines du désordre (accident, condensation, problème structurel d’aération, humidité, stabilité du bâtiment…), la date approximative de la survenue du vice ainsi que sa dangerosité.


L’Expert pourra également proposer des remèdes aux désordres (travaux de rénovation, création d’une fenêtre, renforcement d’un mur porteur, réfection d’une charpente…) et faire chiffrer le coût des réparations.


Son avis ne s’impose pas au juge qui reste libre.


Toutefois, il est très rare que le juge n’admette pas les propositions du technicien, et c’est en cela que les éléments de son rapport sont des preuves pertinentes dans la mise en œuvre de la garantie des vices cachés.


Si vous souhaitez en savoir plus sur le déroulement d’une expertise judiciaire, n’hésitez-pas à lire mon article : « IMMOBILIER-CONSTRUCTION : comment se déroule une expertise judiciaire ? [2]».


Les preuves grâces aux recherches de l’acquéreur

Afin d’étayer les éléments techniques mis en lumière lors de l’expertise judiciaire et de concourir à la caractérisation d’un vice caché, d’autres modes de preuves sont admis par la jurisprudence.


Aujourd’hui, l’accès aux outils numériques peut permettre d’obtenir des informations déterminantes en matière de preuves de vices cachés grâce à l’accès au cadastre, à Google Earth (photographies aériennes), aux archives photographies.


La sollicitation d’un Huissier de Justice par l’acquéreur peut également être nécessaire dans le cadre d’une procédure en garantie des vices cachés. Les constatations de l’Huissier font foi jusqu’à preuve contraire et le constat d’Huissier, même non contradictoire, peut valoir dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties (CA Aix-en-Provence, 07 juillet 2020, n° 18/10588).


De plus, les témoignages peuvent être importants dans la procédure (Cass. civ. 3, 27 sept. 2000, n° 99-10.297). Ainsi le demandeur peut produire des attestations du voisinage confirmant des éléments utiles à l'appui de la demande en garantie des vices cachés du bien, dont l'acquéreur n'a pas eu connaissance à la signature de l'acte de vente et qui ont eu lieu par le passé (incendie, accident, travaux de rénovation, inondation …).


Attention, pour que l'attestation de témoin soit une preuve recevable devant les juridictions il est nécessaire de faire remplir un document CERFA « Attestation de témoin » (vous pouvez pour ce faire télécharger ce formulaire CERFA).


De même, un devis avec avis technique d’un entrepreneur peut être une preuve supplémentaire pour le juge. Ce dernier pourra se baser sur l'avis de l'artisan, ainsi que son estimation des réparations à prévoir, pour apprécier l'ampleur du dégât lié au vice.


Enfin, l'acquéreur ne doit pas négliger les recherches dans les documents dont il dispose, il est fréquent de retrouver des justificatifs, des archives photographies ou des factures qui peuvent être considérés comme des pièces déterminantes de la mauvaise foi du vendeur.


Si les preuves produites par le demandeur sont en théorie à son avantage, il doit veiller à ce que celles-ci ne lui soient pas défavorables.


Ainsi, a contrario l’absence de vice peut être révélée par la production de photographies anciennes combinée au « caractère de notoriété publique » (Cass 3e civ., 10 septembre 2008, n°07.170.86). Tel est le cas par exemple lorsque l’acquéreur ignore délibérément un élément connu de tous tel que la pollution d’un terrain.


Quel est le délai pour agir en garantie des vices cachés ?

Cette garantie doit être mise en œuvre par l'acquéreur dans le double délai de deux ans à compter de la découverte du vice et du délai de droit commun de cinq ans à compter de la signature de l’acte de vente (CA Versailles, 08 avril 2021, n°19/04283).


En définitive, les preuves de la mauvaise foi du vendeur conduisant à l'application de la garantie d'un vice caché seront fondamentales si vous envisagez de mobiliser la garantie des vices cachés.


Dès lors, vous pouvez les apporter de différentes manières. Ces preuves n'ont certes pas toutes la même valeur, mais elles peuvent se révéler significatives dans le dossier, il ne faut donc en négliger aucune.


Il faut donc envisager une expertise judiciaire et, en parallèle, être proactif dans les recherches de preuves


Vous pouvez regrouper un maximum d'éléments grâce aux constats d'Huissier, photographies, devis de réparation, attestations du voisinage ou encore grâce aux outils Internet afin de prouver que votre vendeur ne pouvait pas ignorer le vice caché.