Prescription : la troisième chambre civile maintient le cap.

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
France  > Droit privé > Droit commercial >

Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

Décembre 2022


Depuis plusieurs mois, les chambres de la Cour de cassation marquent une nette opposition quant à l'article L. 110-4 du Code de commerce.

Point n'est besoin ici de retracer le débat avec force détail (sur le sujet, v. notamment L. Thibierge, "Prescription de l'action en garantie des vices cachés : la troisième chambre civile s'entête", RDC 2022/3, p. 40).

Rappelons simplement les forces en présence.

D'un côté, la première chambre civile et la chambre commerciale. Toutes deux considèrent que l'article L. 110-4 C. com. institue une sorte de délai-butoir, lequel court à compter du contrat. Voir par ex. Cass. civ. 1, 16 janvier 2019, n° 17-21477 : "l'action en garantie des vices cachés (...) est enfermée dans le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 C. com., qui court à compter de la vente initiale". Voir également Com., 9 septembre 2020, n° 19-12728.

De l'autre, la troisième chambre civile qui, contre vents et marées, maintient son cap. A ses yeux, le point de départ de l'article L. 110-4 doit être fixé au jour où le titulaire d'un droit a connu les faits lui permettant de l'exercer. La solution, dégagée en mai (Civ. 3, 25 mai 2022, n° 21-18218) était - maladroitement selon-nous - justifiée par la loi portant réforme de la prescription (loi du 17 juin 2008), laquelle...ne précise rien quant au point de départ de l'article L. 110-4, ce que la Cour avait pourtant relevé. Une révolution copernicienne qui ne disait pas son nom, en quelque sorte.

La solution vient d'être réitérée (Cass. civ. 3e, 14 décembre 2022, n° 21-21305, à paraître), sans aucune autre motivation que l'autocitation, par la troisième chambre civile, de sa jurisprudence antérieure.

On pourra regretter que, dans un système qui ne connaît pas la règle du "précédent" et alors même qu'un vif débat anime les différentes chambres de la Cour de cassation, l'on ne donne au justiciable plus de motivation sur un point si technique et si crucial. La réunion d'une chambre mixte serait d'une indéniable utilité.