Cautionnement et sous-cautionnement : de la distinction entre couverture et règlement
France > Droit privé > Droit civil > Droit des sûretés
Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris
La distinction entre obligations de couverture et de règlement, mise en lumière par la doctrine (v. Ch. Mouly et Vincent Mazeaud) a fait l’objet d’une consécration par l’ord. du 15 septembre 2021.
Au risque de schématiser, l’obligation de couverture est celle de couvrir le risque d’impayé par le débiteur. L’obligation de règlement, quant à elle, consiste à payer ce que doit le débiteur. A l’expiration ou la résiliation du cautionnement, la caution est libérée pour l’avenir de son obligation de couverture, mais reste tenue au titre de son obligation de règlement d’acquitter toutes les sommes dues à cette date.
Un arrêt rendu (Cass. Com., 9 février 2022, n° 19-21942 [1]) est l’occasion pour la Cour de rappeler les contours de ces obligations.
Dans le cadre d’un contrat de promotion immobilière, le GFC (Groupement Français de Caution) consent une garantie d’achèvement (traitée comme un cautionnement), contre-garantie par des cautionnements. Le GFC désintéresse les créanciers puis se retourne contre les sous-cautions.
Les sous-cautions soutenaient que leur cautionnement ne saurait être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. Il en résulterait que, dès lors que les sommes avaient été réclamées après l’expiration de leur cautionnement, elles n’en étaient pas tenues. La Cour de cassation rejette l’argument au terme d’un syllogisme.
Majeure : « L'obligation de garantie de la caution, qui ne devient exigible que dans l'hypothèse où le débiteur principal ne remplit pas ses obligations envers son créancier, a pour objet de couvrir les dettes que le débiteur a contractées pendant la période de couverture de cet engagement. Elle prend donc naissance à la date à laquelle le débiteur principal contracte ces dettes. L’obligation de la sous-caution (…) prend naissance à la même date et couvre l'intégralité de ces sommes, peu important la date de leur exigibilité et le fait que les paiements ont été effectués par la caution après l'expiration de la période de couverture de l'engagement de la sous-caution ».
« Ce n'est pas la date à laquelle le paiement a été réclamé aux cautions qui doit être prise en compte pour dire si elles sont tenues ou pas, mais celle de la naissance de l'obligation garantie ».
Mineure : « la date de naissance de l’obligation couverte par la garantie d’achèvement, cautionnée par (les sous-cautions) correspondait à celle des contrats de VEFA couverts par la garantie d'achèvement du GFC, dont il n'était pas contesté qu'ils étaient antérieurs au 30 septembre 2012 ».
Déduction : dès lors que l’obligation couverte par la caution est antérieure à l’expiration de son engagement, la caution en est tenue, et la sous-caution également, par effet réflexe, peu important qu’elle ait été actionnée après l’expiration de son engagement.