Cautionnements solidaires de deux époux : comment s’apprécie la disproportion
France > Droit privé > Droit civil > Droit des sûretés
Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris
Un récent arrêt (Cass. civ. 1re, 2 février 2022, n° 20-22938 [1]) permet à la Cour de cassation de préciser les modalités d’appréciation de la disproportion des cautionnements donnés par des époux.
Les faits de l’espèce étaient les suivants : un prêt de 300.000 euros est consenti par la Société Générale à une société. Le prêt est garanti par deux cautionnements solidaires : un époux s’engage à hauteur de 273.000 euros ; son épouse à hauteur de 117.000 euros. La solidarité est stipulée à hauteur de l’engagement de l’épouse, soit 117.000 euros. Les deux époux étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts (aussi appelée « communauté légale »).
Actionnées en paiement, les cautions opposent à la banque la disproportion de leur engagement.
La cour d’appel (Rennes, 23 octobre 2020) accueille l’argument. Elle retient que le montant cumulé des deux engagements (390.000 euros) était excessif au regard des biens, revenus et charges communs, s’élevant à 207.000 euros.
Le pourvoi introduit par la banque consistait pour l’essentiel à soutenir que la disproportion ne devrait pas s’apprécier à l’aune de l’engagement cumulé des époux, mais séparément, époux par époux. La première branche du moyen affirmait ainsi que « lorsque des époux communs en biens se sont portés cautions solidaires d'une même dette à hauteur de montants différents, la disproportion manifeste de leurs cautionnements s'apprécie au regard du montant de l'engagement le plus élevé des deux, et non pas au regard du montant cumulé des deux engagements ».
La première chambre civile rejette le pourvoi. Elle approuve les juges du fond, ayant jugé « à bon droit » que « la disproportion des engagements de cautions mariées sous le régime légal doit s'apprécier au regard de l'ensemble de leurs biens et revenus propres et communs ».
Dit autrement, la disproportion des cautionnements s’apprécie de manière globale, et non séparément, époux par époux.