Cession de brevet (fr)

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La cession de brevet

La cession stricto sensu de brevet est un contrat de vente (ou une donation si elle est à titre gratuit, hypothèse que nous n'envisagerons pas ici), régi, à ce titre par les dispositions particulières du Code de la propriété intellectuelle et les articles 1582 et suivants du Code civil. Chavanne et Burst relèvent que l'expression « cession de brevet » n'a en elle-même pas de sens, et relève de la pure convention de langage, car ce serait la cession d'un titre de propriété ! Précisons donc que la formule signifie en réalité « cession d'une invention brevetée ». Le caractère aléatoire, discuté par Pouillet, n'est pas reconnu par la jurisprudence (Cass.com. 3 mai 1978), et son caractère civil ou commercial (ou mixte) est fonction des règles de droit commun.

C'est une opération très courante, qui concerne 25% des brevets délivrés en France chaque année, soit environ 4000 actes. Par ailleurs, il faut relever que, comme pour les marques, le brevet peut être cédé non seulement isolément mais aussi avec un fond de commerce.

Remarque : en cas de cession mais sans brevet déposé, il s'agira d'un contrat de communication de savoir faire : le cessionnaire devra alors déposer lui-même le brevet (Paris 30/01/91, Ann., p.39)

L'étude de ce contrat concernera, classiquement, les conditions de formation de la cession de brevet, ainsi que ses effets.

Conditions de formation de la cession de brevet

Conditions de fond et de forme

Conditions de fond

Objet, prix et durée.

Le prix

Le contrat est à titre gratuit (donation) ou onéreux ; le prix doit être déterminé ou déterminable. Droit commun, donc, n'appelant pas ici de commentaire particulier. Le principe est celui de la liberté dans ses modalités de fixation ; il est souvent composé d'un 'cash' et d'une redevance établie en fonction des résultats de l'exploitation du brevet ou de chiffre d'affaire (cas le plus courant), ce qui entraînera, en logique, une obligation d'exploiter l'invention (obligation de moyen) faute de quoi le prix ne serait pas déterminable[1]. La clause d'échelle mobile devra respecter l'ordonnance de 1958, et le juge peut substituer un indice licite à un indice illicite, grâce à la commune intention des parties.

Remarque : la cession de brevet est, fiscalement, soumise au taux réduit sur les plus-values à long terme.

Objet

NB : le droit moral de l'inventeur, autrement dit son droit de figurer sur le titre et les documents en tant qu'inventeur, est incessible (com. 23 nov. 1964, Bull.civ. IV n°513).

On peut céder, en tout ou partie : un ou plusieurs brevets délivrés une simple demande de brevet déposée, puisque le droit du breveté naît de la demande. Dans ce cas, le rejet de la demande aboutira à l'annulation du contrat pour défaut d'objet. Il en est de même en cas de cession d'un brevet nul, expiré ou déchu : com. 13 juin 1978, D.B.78, VI, p.3. Dans le cas de l'annulation du brevet, l'initiative de cette demande ne peut appartenir au cédant (garantie d'éviction du fait personnel) mais au cessionnaire qui a intérêt à agir, sauf à avoir inséré au contrat une clause de non-contestation, dont la validité peut paraître douteuse au regard du droit de la concurrence[2], mais semble pour l'instant reconnue par la jurisprudence nationale[3]. La doctrine y est hostile[4]. La cession peut être évidemment totale, mais aussi partielle : Prérogatives : un usufruit est possible[5]. Objet : il est possible de céder une application particulière du procédé breveté, alors qu'il peut y en avoir plusieurs. La limitation peut aussi concerner le territoire

Durée et territoire

Aucune durée n'est à prévoir sauf si le contrat comprend un paiement par redevances. Le territoire est celui qui est couvert par le titre cédé. Les stipulations du titre emportent celles de la cession. On peut toutefois ne céder le titre que pour une exploitation limitée à une portion du territoire qu'il couvre. En cas de limitation à une partie du territoire, on se trouve dans un cas de copropriété : la quote-part est cessible, sous réserve du respect du droit de préemption (v. Galloux n° 267) ; il faut en outre être attentif à nouveau- au droit de la concurrence Il n'y a pas de cession automatique en cas de cession du brevet étranger correspondant à l'extension du brevet français. En revanche, il y a indépendance du droit de brevet et du droit de priorité unioniste (qui permet de bénéficier de la même date de dépôt de la demande dans un autre pays, à condition d'y déposer sa demande, assortie de ce droit de priorité, dans un délai d'un an). Si la cession du droit de priorité n'est pas expressément prévue, elle n'aura pas lieu, ce qui peut s'avérer ennuyeux pour le cessionnaire du brevet qui souhaiterait exploiter l'invention dans un autre pays. Conditions de forme et de publicité : Les opérations portant sur des brevets sont solennelles et ont des formes particulières.

Conditions de forme et de publicité

Écrit

Un écrit est obligatoire et doit être publié, par le cessionnaire, au registre national des brevets, auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) (art.L.613-8, alinéa 5 CPI), formalité requise ad validitatem (com. 4 nov. 1996, PIBD III.224). Sans cet écrit, le contrat de cession sera nul, de nullité relative[6]: c'est à dire qu'elle ne pourra pas être soulevée d'office par le juge.

Publication

La publication se fait au Registre National des Brevets (RNB), art. L.613-9 al.1er. À noter, au titre de ces formalités, la confidentialité possible de certaines stipulations, notamment financières[7]. L'identification des parties reste, bien entendu, indispensable.

Les conséquences de ces formalités sont, à la manière de la publicité foncière, l'inopposabilité aux tiers ; mais aussi :

  • si le breveté cède son titre deux fois, le premier publié sera le titulaire des droits[8]
  • tant que le cessionnaire n'a pas publié la cession, il ne peut pas agir en contrefaçon, seul celui qui est inscrit à l'INPI peut, en effet, le faire ; la saisie-contrefaçon déjà réalisée sera déclarée nulle. Si les actes de contrefaçon ont commencé avant la publication et continuent après, les deux parties devront poursuivre le contrefacteur, chacune pour son temps, sauf si le contrat prévoit une délégation de poursuites dans cette hypothèse, ce qui est fréquent et recommandé, dans un souci de simplification des poursuites.

Déclaration (R.624-1 s.)

Enfin, s'il s'agit d'un contrat « avec l'étranger », il doit être spécialement déclaré auprès de l'INPI. Les autorités françaises disposent ainsi d'une information économique sur les mouvements transfrontaliers de transferts de technique, qui peut leur être utile pour les échanges avec l'extérieur.

Les effets de la cession de brevet

L'objet du contrat de cession de brevet est d'emporter le transfert de propriété du brevet des mains du breveté vers celles du cessionnaire. Droit commun de la vente. Cet effet appelle des commentaires particuliers en ce qui concerne les perfectionnements qui ont été pris à la suite du brevet cédé, mais avant la conclusion du contrat. Le problème peut être examiné de prime abord du point de vue terminologique : le "perfectionnement" peut être entendu dans un sens technique ou commercial ; Chavanne et Burst optent pour une définition technique qui consiste à entendre par "perfectionnement" une invention nouvelle. Mathély considère qu'il ne peut y avoir transfert de propriété, alors qu'une majorité considère que le transfert doit être reconnu, au moins dans le cas d'un certificat d'addition. Mais une clause expresse peut être stipulée, ce qui sera évidemment conseillé. En effet, leur transfert étant incertain, il convient de prévoir celui-ci dans le contrat de cession du brevet principal.


On étudiera successivement les obligations à la charge du cédant, et du cessionnaire.

Obligations à la charge du cédant

Obligations de délivrance et de garantie.

Obligation de délivrance

Le cédant est débiteur d'une obligation de délivrance : celle ci suppose le transfert matériel du titre, même s'il est moins nécessaire de l'effectuer rapidement, puisque le contrat a été conclu dans une forme solennelle. La délivrance de l'invention n'emporte pas pour l'inventeur l'obligation de céder son savoir-faire relatif à celle-ci, ni même une assistance technique. La jurisprudence considère que le brevet, s'il est valable, décrit suffisamment l'invention pour qu'un homme du métier puisse l'utiliser. Si le breveté a, par ailleurs, trouvé un moyen plus rapide ou plus efficace d'utiliser son invention, sans breveter ce nouveau moyen, son savoir-faire devra faire l'objet d'un autre contrat (et donc d'une autre rémunération).

Obligation de garantie

Vices cachés et éviction.

La garantie des vices cachés

Garantie légale de l'article 1641 du Code civil: Due sauf stipulations contraires du contrat. Le vendeur, cédant, doit garantir au cessionnaire une chose apte à l'usage prévu dans le contrat. Elle ne couvre toutefois que les vices liés à la conception de l'invention et non les vices de fabrication, que le cessionnaire pourrait avoir causés ni même les vices de commercialisation de l'invention. La jurisprudence exige une stipulation formelle non équivoque pour un achat aux risques et périls du cessionnaire. S'il s'avère, après cession que l'invention n'était pas brevetable, au cours d'une action en contrefaçon par exemple, il ne faudra pas raisonner en termes de garantie des vices cachés mais en termes de nullité du contrat pour absence de cause[9].

La garantie d'éviction

Article 1625 et suivants du Code civil: le vendeur doit assurer au cessionnaire une possession paisible de la chose (ici, le brevet). Le vendeur ne peut pas évincer le cessionnaire de la propriété du brevet. Il ne peut donc plus l'exploiter lui-même ni agir en contrefaçon contre le cessionnaire. En ce qui concerne les tiers, le cédant n'est pas garant des troubles de fait, l'action en contrefaçon appartenant, dès publication du contrat, au cessionnaire. En revanche, il est garant des troubles de droit, autrement dit des actions en revendication, en contrefaçon, ou encore en revendication de possession personnelle antérieure que pourrait subir le cessionnaire de la part de tiers mécontents. Ces hypothèses donnent fréquemment lieu à des clauses limitatives, qui sont régies par le droit commun des contrats.

Obligations du cessionnaire

Il doit payer le prix stipulé au contrat. Si le contrat prévoit une redevance, il sera tenu d'une obligation d'exploitation du brevet. Il doit aussi, dès le moment où le transfert de propriété du brevet est intervenu, s'acquitter des charges relatives à ce dernier (notamment redevance annuelle INPI) Le contrat peut évidemment prévoir des obligations annexes concernant la communication des perfectionnements, leur confidentialité, etc.

Le non respect de ses obligations par l'une ou l'autre des parties emportera résolution judiciaire du contrat, ou bien résolution de droit (autrement appelée résolution automatique) si cela a été prévu au contrat.

Sanctions

Nullité, et résolution du contrat.

Nullité du contrat de cession

La disparition du brevet entraîne la nullité. Mais en cas de disparition partielle, l'annulation peut elle-même être partielle, et une révision de prix sera possible. Dans le cas d'une clause, expresse et stipulée de bonne foi, "aux risques et périls de l'acheteur", le contrat pourra être qualifié d'aléatoire : le cédant garde le prix et ne versera pas de dommages-intérêts. Qui peut agir ? v. supra.

Résolution du contrat

Hypothèse où une des partie n'exécute pas ses obligations, ou bien où l'on remplit une condition posée par une éventuelle clause résolutoire. On se référera ici à l'article 1184 du Code civil.

Bibliographie élémentaire:

  • J. Foyer et M. Vivant, « Le droit des brevets », PUF, 1990, pp. 413 et s.
  • J. Schmidt-Szalewski et J-L. Pierre, « Droit de la propriété industrielle », Deuxième édition, Litec, 2001, pp.97 et s.
  • J-C. Galloux, « Droit de la propriété industrielle », Dalloz, les cours de droit, série droit privé, 2000.
  • J. Azema, « Propriété industrielle », in Lamy commercial, rééd. annuelle.
  • J. M. Mousseron, Rép. Com. Dalloz, Vis Savoir faire, n° 66
  • F. Pollaud- Dulian, « Droit de la propriété industrielle », Montchrestien, 1999.


Notes et références

  1. TGI Paris, 13 avril 1988.
  2. CJCE, 27 septembre 1988 (JCPE 1990.II.15712 n°7) : « Une clause de non-contestation dans un accord de licence de brevet peut, en fonction du contexte juridique et économique, avoir un caractère restrictif de la concurrence au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité. » La solution parait à l’évidence applicable à la cession.
  3. Com. 11 mars 1986, Bull. civ. IV, n.43.
  4. voir, notamment, Foyer et Vivant p. 418 ; J. Schmidt-Szalewski et J-L. Pierre, p.104 : « ces clauses s’analysent en une renonciation au droit d’agir en nullité ; or, s’agissant d’une nullité absolue, pareille renonciation n’est pas concevable au regard du droit commun des nullités. »
  5. v. Foyer et Vivant p.418
  6. Cass.com. 17 juillet 1957 D. 1958, som. p.10., Chavanne et Burst n°2787; contrat nullité absolue- : Lamy n°17868, Cass. Com. 4 nov. 1976, Bull. civ. IV n°278, p.233
  7. v. art. R.613-53 à 59, not. R.613-55 et 56 du Code de la propriété intellectuelle
  8. Com. 27 oct.1980
  9. mais il s'agit ici de technique juridique, ce qui vous intéresse peu, l'essentiel est de savoir que la nullité du brevet sera sanctionnée au niveau du contrat de cession et que le cessionnaire n'en sera pas trop lésé.

Liens externes

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