Cession de contrat : de la prise d’acte

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

14 septembre 2022


Un récent arrêt (Cass. com., 9 juin 2022, n° 20-18490) offre à la Cour de cassation l’opportunité de préciser la notion de « prise d’acte » au sens de l’article 1216 du Code civil. Rappelons que le texte prévoit que la cession de contrat est opposable au cédé, lorsque celui-ci a donné son consentement par avance, soit lorsque la cession lui est notifiée, soit lorsqu’il en prend acte.

En l’espèce, un contrat de location financière est conclu en avril 2017. Le « nouveau » droit des contrats issu de l’ordonnance du 10 février 2016 était donc applicable. Le même jour, le bailleur cède sa position contractuelle (l’arrêt dit qu’il « cède le contrat ») à une tierce société.

Le preneur ayant cessé de payer ses loyers, le cessionnaire l’assigne en paiement. Notre débiteur cédé conclut alors au défaut de qualité à agir du cessionnaire, motif pris de ce que la cession ne lui avait pas été notifiée. Notre preneur soutenait donc ne rien devoir au cessionnaire (ce qui n’explique pas comment il pourrait se trouver ne rien devoir au cédant, la cession n’étant pas une libération !).

Le consentement à la cession avait été donné par anticipation, une clause du contrat autorisant sa cession au profit d’un tiers. La cession n’avait, il est vrai, fait l’objet d’aucune notification au cédé.

Cependant, en suite d’une mise en demeure délivrée par le cessionnaire, le cédé avait payé entre ses mains le loyer du mois de juillet. Il s’en infère, comme le relève la Cour, « qu’en payant un loyer entre les mains du cessionnaire, le cédé avait pris acte de la cession ». La cession était donc, logiquement, opposable au débiteur cédé, et le cessionnaire avait parfaitement qualité à agir.

La solution paraît d’une incontestable logique. La règle de l’article 1216 n’a été instaurée que pour éviter au débiteur cédé de payer en de mauvaises mains (celles du cédant). Pas pour lui permettre d’échapper à ses obligations alors même qu’il a parfaitement connaissance de la cession.