Charte "Réseaux sociaux" (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Auteurs : Stéphane Astier, avocat à la Cour
et Marion Pinson, juriste, du cabinet HAAS Avocats
Publié le 03/02/2014 et 29/01/2014 sur le blog du cabinet HAAS Avocats


PARTIE 1 : « ENCADREMENT DE L’USAGE PERSONNEL DES RÉSEAUX SOCIAUX »

Complément naturel du Règlement Intérieur encadrant l’utilisation des outils de communication de l’entreprise, la Charte dédiée aux réseaux sociaux apparaît aujourd’hui comme un outil indispensable au service des Directions de la communication et des Ressources Humaines.

Formidables outils de communication grande échelle, Facebook, Twitter, LinkedIn, MySpace et autres réseaux sociaux ne s’arrêtent pas aux portes de l’entreprise. Leur attractivité est en effet telle que les salariés les utilisent régulièrement au travail, que cela soit à titre professionnel ou à titre récréatif.

Le développement et la généralisation de l’usage de ces media s’accompagne pourtant de dérives que l’employeur ne peut se permettre d’ignorer. La gravité des risques liés à l’utilisation des réseaux sociaux et la percussion des sphères personnelle et professionnelle doivent en effet encourager les directions des ressources humaines et de la communication à sensibiliser les salariés de l’entreprise aux enjeux et risques de leur utilisation des réseaux sociaux.

Cette utilisation est en effet source de difficultés.

Dans un arrêt du 18 décembre 2013, la Chambre sociale de la Cour de cassation a par exemple considéré que le salarié qui avait envoyé à ses collègues de travail à partir de l’ordinateur mis à sa disposition par l’entreprise cent soixante dix-huit courriels accompagnés de vidéos à caractère sexuel, humoristique, politique ou sportif, avait commis une faute grave qui pouvait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, peu importe que cette faute n’ait pas causé de préjudice réel à l’employeur (Pour un commentaire de cette décision Cf. http://www.haas-avocats.com/actualite-juridique/de-linteret-des-chartes-dutilisation-dinternet-et-des-reseaux-sociaux/).

Cette décision illustre l’intérêt d’encadrer l’utilisation des réseaux sociaux par les salariés durant leurs heures de travail. Au-delà des questions de productivité ou encore de fuite d’informations sensibles, l’e-réputation de l’entreprise peut être sérieusement écornée.

Au regard de ces enjeux et risques, l’employeur est parfaitement légitime à définir un encadrement spécifique et à sanctionner le non respect de ses règles essentielles. Ce pouvoir résulte, du reste, directement des dispositions de l’article L. 1121-1 du Code du travail qui permet à l’employeur d’apporter des restrictions aux droits et libertés du salarié si ces restrictions sont « justifiées par la nature de la tâche à accomplir » et « proportionnées au but recherché ».

L’usage personnel que font les salariés des réseaux sociaux au travail peut être encadré à double titre : l’employeur peut réglementer l’accès à ces outils, d’une part, et le contenu qui y est publié, d’autre part.


I. L’accès aux réseaux sociaux à des fins personnelles durant les heures de travail

L’article L. 1121-1 s’oppose à ce que l’employeur interdise de manière générale tout accès aux réseaux sociaux sur le lieu de travail. Il ne serait en effet ni justifié ni proportionné d’interdire aux salariés d’accéder aux réseaux sociaux via leur Smartphones.

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur est toutefois en mesure d’interdire l’accès aux réseaux sociaux à des fins non professionnelles à partir des postes de travail.

La CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés) rappelle toutefois qu’« une interdiction générale et absolue de toute utilisation d’internet à des fins autres que professionnelles ne paraît pas réaliste ». Elle recommande ainsi « un usage raisonnable, non susceptible d’amoindrir les conditions d’accès professionnel au réseau ne mettant pas en cause la productivité ». (Cf. www.cnil.fr) L’employeur pourra ainsi faire le choix de ne pas interdire l’accès aux réseaux sociaux à partir des postes de travail en optant pour une limitation de l’utilisation personnelle.


II. L’encadrement du contenu publié sur les réseaux sociaux

L’employeur est en droit de rappeler les règles afférentes aux publications qui seront émises sur les réseaux sociaux par ses salariés. La liberté d’expression de ces derniers pourra en effet trouver des limites selon la nature de la diffusion et de la teneur des propos tenus, même si ceux-ci ont été publiés à titre personnel.

Sur ce point, rappelons que l’employeur peut contrôler le contenu dont la diffusion est publique. Or, comme l’a précisé la Cour de cassation, le caractère privé ou public d’une diffusion dépend principalement des paramétrages de confidentialité choisis par l’utilisateur du compte de réseau social (Cf. Cass. 1ère civ 10 avril 2013). Il conviendra donc d’être vigilant sur ce point.

A partir du moment où la diffusion quitte la sphère privée du salarié, l’employeur peut en effet contrôler et sanctionner les propos illicites. Il en va ainsi des propos diffamants, dénigrants ou injurieux portant atteinte à l’e-réputation de l’entreprise, mais également des propos violant les obligations de confidentialité et de discrétion opposables aux salariés. Il est ainsi pertinent de mettre en garde ces derniers et de les sensibiliser sur leurs obligations, obligations qui trouvent également à s’appliquer dans le cadre d’une utilisation personnelle des réseaux sociaux.



Appréhender l’utilisation à des fins personnelles des réseaux sociaux suppose, pour les entreprises, de prévoir une Charte dédiée incluant les conditions et restrictions d’accès à ces outils de communications spécifiques. Référentiel pertinent en cas de litige, cette Charte aura également une vocation pédagogique : prévenir un usage abusif et inapproprié des réseaux sociaux et inclura ainsi nécessairement une sensibilisation adéquate et pertinente des salariés sur leurs droits et obligations perdurant à l’extérieur de l’entreprise au sein de la sphère virtuelle communautaire.



Partie 2 : « ENCADREMENT DE L’USAGE PROFESSIONNEL DES RÉSEAUX SOCIAUX »

Les réseaux sociaux, de par leur généralisation et leur force médiatique, attirent de plus en plus les entreprises. Avec le soutien de Community Managers, les entreprises s’attèlent à optimiser leur e-réputation en assurant la promotion de leurs produits et services.

Les communautés de fans s’entretiennent, la relation entre la marque et ses clients évolue rapidement, tout comme les problématiques juridiques induites par ce type de communication.

A l’instar de l’utilisation personnelle des réseaux sociaux évoquée dans la première partie de cet article (Cf. http://www.haas-avocats.com/non-classe/charte-reseaux-sociaux-mode-demploi-pour-un-bon-menage-a-trois/), les risques juridiques induits par l’utilisation professionnelle de ces médias doit conduire les directions de la communication mais également des ressources humaines à se doter d’un outil d’encadrement performant : la Charte « Réseaux Sociaux » peut à ce titre s’avérer particulièrement utile.


I. L’utilisation professionnelle des réseaux sociaux, source de risques pour l'entreprise

Suivant les règles classiques de notre droit, l’entreprise peut, d’une manière générale, et dans certaines circonstances être tenue responsable des actes de ses salariés. Ce principe de responsabilité inclut naturellement l’utilisation des réseaux sociaux à des fins professionnelles.

En clair, lorsqu’un Community Manager ou tout salarié diffuse, dans le cadre de ses fonctions, des contenus sur une plateforme web communautaire, lesdits contenus pourront conduire à l’engagement direct de la responsabilité de l’entreprise en cas d’atteinte aux droits des tiers (concurrence déloyale, contrefaçon, diffamation, atteinte au droit à l’image, pratique commerciale trompeuse etc.).

Cette responsabilité prévue au niveau civil (Cf. Art. 1383 et 1384 du Code civil) peut également être recherchée au niveau pénal (Cf. Art. 121-2 du Code pénal), ce qui doit conduire à la plus grande prudence.

Or, en pratique, la communication sur les sites communautaires peut rapidement se transformer en véritable casse tête par exemple lorsque la page prévoit une zone de commentaires pour les fans de la marque ou de l’évènement. Quel statut aura l’entreprise s’agissant de ces propos ? Celui d’éditeur engageant sa responsabilité de plein droit ? Celui d’hébergeur qui devra simplement retirer promptement tout contenu manifestement illicite porté à sa connaissance ? Comment contrôler les contenus publiés par les fans ? Un tel contrôle aura-t-il des répercussions ?

Les questions sont nombreuses et imposent une réflexion menée en amont afin de fixer une stratégie digitale Web 2.0 opérationnelle, cohérente et sécurisée juridiquement.

La Charte « Réseaux Sociaux », annexe naturelle de la Charte « Utilisateurs des SI », constitue le pilier de cette stratégie.


II. Les réponses apportées par une charte "Réseaux sociaux"

Une telle Charte aura pour premier objectif de tracer la frontière entre les usages professionnels et personnels des réseaux sociaux autorisés au sein de l’entreprise. Cette distinction présente un intérêt tant pour le salarié, qui se voit sensibilisé sur ses droits et obligations, que pour l’entreprise qui fixe sa stratégie en vue de cantonner les risques juridiques induits par cet outil.

La Charte peut également définir l’utilisation professionnelle des réseaux sociaux en encadrant à la fois le droit d’accès à ces outils et leurs modalités d’utilisation.

Définir les droits d’accès consiste à déterminer les catégories de salariés autorisés à publier des contenus sur les réseaux sociaux au nom de l’entreprise. Cette politique d’habilitation doit respecter les dispositions du Code du travail (Cf. principe de non discrimination) en fixant les modalités d’accès et d’identification.

Définir les conditions d’utilisation des réseaux sociaux consiste à préciser quelles plateformes doivent être utilisées et dans quel cadre. Cela suppose de définir une Charte éditoriale spécifique, des conditions de validation préalables ou encore une chaîne de responsabilités…


Appréhender l’utilisation à des fins professionnelles des réseaux sociaux suppose donc, pour les entreprises, de prévoir une Charte dédiée incluant les conditions et restrictions d’accès à ces outils de communications spécifiques. Référentiel pertinent en cas de litige, cette Charte aura également une vocation pédagogique : prévenir un usage abusif et inapproprié des réseaux sociaux constituera ainsi un gage de sécurité pour l’entreprise et son développement sur la Toile.

Voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.