De l'intérêt de la compensation
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris
30 juin 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 21-10.272 [1]
Mécanisme intuitif, la compensation consiste à éteindre deux dettes réciproques à hauteur de la plus faible d'entre elles. Primus doit 100 euros à Secondus tandis que Secondus doit 30 à Primus ? Les deux dettes s'éteignent à hauteur de 30. Primus ne devra plus que le reliquat, soit 70 euros.
Mécanisme simplificateur, la compensation évite de procéder à deux paiements croisés.
Mécanisme de garantie, elle permet également - lorsque les dettes sont connexes car procédant d'une même source - à un créancier d'être payé en dépit de l'interdiction faite au débiteur de payer ses dettes antérieures. Par le jeu de la compensation, l'on se replace avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, permettant ainsi au créancier d'être payé. On pourrait penser que, mutatis mutandis, le même raisonnement prévaudrait en matière de surendettement des particuliers, le cousin éloigné du redressement judiciaire. Il n'en est pourtant rien. En témoigne un récent arrêt (Cass. civ. 2, 30 juin 2022, n° 21-10272).
Le débiteur surendetté, comme l'entreprise en difficultés, se voit interdire de payer toute dette antérieure (art. L. 722-5 C cons.). Aucune réserve n'est faite pour la compensation des dettes connexes (à la différence de l'art. L. 622-7 C. com. pour la sauvegarde).
Au cas d'espèce, un créancier prétendait néanmoins être payé grâce à une compensation entre ce qu'il devait au débiteur surendetté et ce que celui-ci lui devait. La compensation était-elle possible en dépit de la prohibition fulminée par l'art. L. 722-5 ?
Oui, dit la Cour de cassation : « ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la dette d'un débiteur admis à une procédure de surendettement soit éteinte par l'effet de la compensation, lorsqu'elle est invoquée par le créancier, cette opération n'aggravant pas l'insolvabilité de ce débiteur et ne constituant ni un paiement, mais l'extinction simultanée d'obligations réciproques, ni un acte volontaire de disposition de son patrimoine ».
Si l'on peut se réjouir de cette compensation, la motivation ne convainc pas pleinement. Que la compensation provoquée par le créancier ne soit pas un acte de disposition volontaire du débiteur tombe sous le sens.
Mais affirmer que la compensation n'est pas un paiement peut surprendre. La compensation est fréquemment présentée comme un "double paiement".
Du reste, qu'est-ce à dire que la compensation est "l'extinction simultanée d'obligations réciproques" ? Cette extinction ne procède-t-elle pas d'un paiement ?
Faudrait-il alors admettre les compensations conventionnelles en période suspecte, au motif qu'elles ne sont pas des paiements ? Voilà qui semble peu logique.