De la promotion très relative des modes alternatifs de règlement des différends

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris


Alors que le législateur français invite, à l’instar de l’Union européenne, au développement des modes alternatifs de règlement des différends, un récent arrêt semble témoigner d’une défiance à l’endroit de la conciliation.

Au cas d’espèce (Cass. Civ. 3, 19 janvier 2022, n° 21-11095 [1]), un propriétaire confie à un entrepreneur le soin de réhabiliter une ancienne cave pour en faire un logement d’habitation. Se plaignant de malfaçons, le maître assigne l’entrepreneur en exécution des travaux et réparation de ses préjudices.

La cour d’appel (Besançon, 24 novembre 2020) juge son action irrecevable au motif que le contrat stipulait que « les parties s'engageaient, en cas de litige sur l'exécution de ce contrat, à saisir la commission de conciliation de l'association Franche-Comté Consommateurs avant toute procédure judiciaire ».

A première vue, rien de bien surprenant. La Cour de cassation ne juge-t-elle pas que le non-respect d’une clause de conciliation préalable constitue une fin de non-recevoir (Ch. mixte, 14 février 2003, n° 00-19423 [2]) ?

Pourtant, la solution semble différer en raison de la qualité de consommateur du maître de l’ouvrage. Pratiquant l’art de l’auto-citation, la Cour de cassation affirme dans l’arrêt commenté que, selon sa propre jurisprudence, « la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte que l'arrêt qui, à défaut de cette preuve contraire, fait produire effet à une telle clause doit être cassé (1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-16.197 [3]) ».

Ce qui était vrai pour la médiation est alors appliqué à la conciliation : « la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire ».

Au surplus, la Cour affirme qu’il appartient au juge de relever d’office le caractère abusif de cette clause de conciliation préalable. On pourra s’étonner que la clause de conciliation préalable soit ainsi considérée avec défiance, au visa de l’article R. 212-2 C. Conso., laissant entendre qu’elle a « pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ».

Où l’on voit que ce qui est encouragé en droit commun devient une entrave suspecte en droit de la consommation.

Vérité en-deçà des Pyrénées …