Du droit à la vérification d'écriture

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris


Lorsqu’une partie conteste avoir signé ou rédigé un acte, le juge ne peut la condamner à exécuter cet acte sans avoir procédé à une vérification de signature ou d’écriture.

Tel est, en substance, l’enseignement d’un arrêt récent (Cass. Civ. 3e, 9 mars 2022, n° 21-10619 [1]).

Au cas d’espèce, une personne physique s’était portée caution des loyers dus dans le cadre d’un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989. L’article 22-1 de ladite loi prévoit qu’à « peine de nullité de son engagement, la personne qui se porte caution pour l'exécution du contrat de bail, doit faire précéder sa signature, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte, et de la reproduction manuscrite du texte législatif applicable ». La loi Dutreil n’était pas sans inspiration…

Actionnée en paiement, notre caution ne conteste pas avoir signé l’acte de cautionnement, mais réfute être le scripteur de la mention manuscrite. Qu’importe, pour les juges du fond (Aix-en-Provence, 29 octobre 2020) : estimant que la caution ne rapporte pas la preuve de ce que la mention n’était pas de sa main, elle condamne la caution à payer le créancier.

C’était sans compter la vigilance de la Haute juridiction, qui censure les juges du fond au visa combiné de la loi de 1989, de l’article 1373 du Code civil et des articles 287 et 288 du Code de procédure civile.

Si le juge bénéficie d’une certaine latitude, l’article 287 CPC l’autorisant à ne pas vérifier l'écrit contesté s’il peut « statuer sans en tenir compte », tel n’était visiblement pas le cas en l’espèce. L’on n’est pas ici dans un pur système accusatoire, où le juge, depuis l’Olympe, jugerait insuffisante la preuve rapportée par le prétendu scripteur. Au contraire : les articles 287 et 288 mettent à la charge du juge le devoir de procéder à la vérification d’écriture, sauf si celle-ci est inutile. A n’en pas douter, l’absence de preuve soumise par le prétendu scripteur n’équivaut pas à l’inutilité de la mesure de vérification, bien au contraire !