E-réputation : droit à suppression des avis et commentaires publiés sur internet en cas d’impossibilité d’identifier leurs auteurs, leur raison et leur authenticité

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Anthony Bem,avocat au barreau de Paris [1]
Mai 2022



Comment les sociétés et professionnels peuvent-ils obtenir la suppression des avis ou commentaires mensongers et/ou négatifs publiés sur internet ?


L’e-réputation d’une entreprise ou d’un professionnel peut être définie comme l’image transmise ou subie sur internet.


Dans l’ère du numérique, l’e-réputation est un enjeu crucial pour les entreprises.


Il ressort d’une enquête de l’IFOP que 88% des individus consultent des avis de consommateurs, des forums ou des blogs avant de réaliser un achat en ligne.


Ainsi les avis des clients et surtout les avis dénigrants et mensongers peuvent être très préjudiciables pour la vie ou la pérennité d’une entreprise ou d’un professionnel [2].


Face à la montée de ces nouvelles problématiques, un encadrement légal est prévu afin de protéger les sociétés et les consommateurs contre les faux avis publiés sur internet.


Les avis en ligne sont définis dans le code de la consommation comme l’expression de l’opinion d’un consommateur sur son expérience de consommation grâce à tout élément d’appréciation, qu’il soit qualitatif ou quantitatif.


Il importe peu que le consommateur ait ou non acheté le bien ou le service pour lequel il dépose un avis (article D111-16 du code de la consommation).


Les opérateurs de plateformes ayant pour objet la publication d’avis de consommateurs en ligne ont néanmoins une obligation de loyauté [3] prévue à l’article L111-7 et suivant du code de la consommation.


Ainsi, toute personne physique ou morale dont l’activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, à modérer ou à diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs est tenue de délivrer aux utilisateurs une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis en ligne.


Les plateformes doivent également préciser si ces avis font l’objet ou non d’un contrôle et, si tel est le cas, elles indiquent les caractéristiques principales du contrôle mis en œuvre.


Elles doivent afficher la date de l’avis et ses éventuelles mises à jour.


Le cas échéant, elles doivent indiquer aux consommateurs dont l’avis en ligne n’a pas été publié les raisons qui justifient son rejet.


Elles sont tenues de mettre en place une fonctionnalité gratuite qui permet aux responsables des produits ou des services faisant l’objet d’un avis en ligne de lui signaler un doute sur l’authenticité de cet avis.


De manière complémentaire, l’article D111-17 du Code de la consommation dispose que les plateformes visées à l’article L.111-7-2 ont l’obligation d’indiquer de manière claire et visible :

1° À proximité des avis :

a) L’existence ou non d’une procédure de contrôle des avis ;

b) La date de publication de chaque avis, ainsi que celle de l’expérience de consommation concernée par l’avis ;

c) Les critères de classement des avis parmi lesquels figure le classement chronologique.

2° Dans une rubrique spécifique facilement accessible :

a) L’existence ou non de contrepartie fournie en échange du dépôt d’avis ;

b) Le délai maximum de publication et de conservation d’un avis.


À cet égard, le Tribunal de commerce de Paris a condamné un site internet spécialisé dans la publication d’avis, à supprimer les pages visant une société victime d’une atteinte à sa réputation en raison de l’impossibilité d’identifier les auteurs des avis, leur raison et leur véracité (Tribunal de commerce de Paris, ordonnance de référé du 22 décembre 2021, Mac Assistance Ltd c/ Heretic).


En l’espèce, une entreprise proposant des services de dépannage à distance, notamment des produits de la marque Apple, a découvert la présence d’avis négatifs sur un site internet spécialisé dans l’information et la signalisation d’arnaques.


L’entreprise ciblée par les commentaires négatifs a alors intenté une action en justice afin d’obtenir leur suppression.


Le juge a considéré que le site internet mis en cause est une « plateforme communautaire qui permet aux internautes de signaler des arnaques ou de s’en informer ».


Il note, toutefois, que « si les avis allégués sont datés, les dates de l’expérience de consommation ne sont pas mentionnées », cela ne permet pas à l’entreprise ciblée par les avis négatifs de « répondre précisément aux allégations faute de ne pouvoir identifier ni l’auteur de l’avis, ni la raison de cet avis, ni les fautes éventuelles commises » par cette dernière.


En outre, le juge a considéré qu’il était nécessaire de faire intervenir un modérateur sur les plateformes « qui permettent la publication de textes qui peuvent détruire très rapidement la réputation d’une entreprise sans apporter la moindre preuve ».


Dans ce contexte, le juge a condamné le site internet à supprimer les pages litigieuses.

Il résulte de cette décision que les professionnels et entreprises peuvent faire supprimer plus facilement et efficacement les avis négatifs dont ils sont victimes.


Elle consacre ainsi, un nouveau tournant dans la protection de l’e-réputation des professionnels et des entreprises qui pourront davantage obtenir gain de cause en cas de contentieux judiciaire contre les sites d’avis en ligne.