Effet déclaratif du partage et copropriété

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris


Le partage a un effet déclaratif. Chacun des anciens indivisaires est réputé avoir toujours été propriétaire de son lot, et n’avoir jamais eu de droits sur les autres lots.

Cette fiction de rétroactivité est exprimée par l’article 883 al. 1er du Code civil, lequel dispose « chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession ».

Comme toute fiction, la rétroactivité – qui n’existe pas à l’état naturel – est un artifice.

Cet artifice cède-t-il devant certaines dispositions spéciales propres au droit de la copropriété ?

C’est la question qui était posée à la Cour de cassation, dans un arrêt rendu hier (Cass. Civ. 3e, 9 février 2022, n° 20-22159 [1]).

Au cas d’espèce, par acte du 29 août 2014, un frère et sa sœur, propriétaires indivis de plusieurs en lots en copropriété agissent en nullité d’une décision d’une assemblée générale des copropriétaires du 23 juin 2014.

Le 6 juin 2016, l’indivision prend fin par un partage, qui attribue au frère la propriété exclusive des lots litigieux.

La cour d’appel (Paris, 23 septembre 2020) déclare l’action en nullité irrecevable, au motif que les dispositions spéciales de la loi du 10 juillet 1965 imposant que l’action soit introduite par un copropriétaire dans les deux mois de la notification du PV d’assemblée générale primait sur le droit de l’indivision et sur l’article 126 CPC, qui permet de régulariser les fins de non-recevoir avant que le juge ne statue.

Les juges du fond ignorent l’effet déclaratif du partage de 2016 et retiennent que, faute pour notre copropriétaire d’avoir régularisé sa situation dans les deux mois, il n’est pas recevable à agir.

La censure est prononcée au visa de l’article 883 précité et du droit la copropriété.

Pour la 3e chambre civile, la régularisation est rendue inutile du fait de l’effet déclaratif du partage : « par l'effet rétroactif du partage, M. [T] est censé être seul propriétaire des lots de copropriété depuis le décès de son auteur et agir seul en annulation de l'assemblée générale sans qu'il y ait lieu à régularisation de l'acte introductif d'instance ».

Où l’on voit que la fiction de rétroactivité conserve toute sa verdeur.