Homologuer évite-t-il la nullité ?

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

21 septembre 2022


Une transaction homologuée peut-elle être contestée sur le fond ?

Telle était la question posée à la Cour de cassation dans une récente décision (Cass. Civ. 1re, 14 septembre 2022, n° 17-15.388[1]). Question cruciale, puisqu’elle renvoie à l’office du juge de l’homologation.

Pour reprendre les mots de Ph. Théry, «  Si l'homologation correspondait à quelque chose de précis, il serait sans doute facile de répondre à cette question. Malheureusement, c'est peu dire que l'homologation est une des notions les plus incertaines de la procédure. Il en existe certes une définition » (Ph. Théry, « Homologation des transactions : quel contrôle du juge ? », RTD civ. 2015, p. 695 ; L. Mayer, « Précisions sur le contrôler ‘léger’ exercé par le juge homologateur d’une transaction », Gaz. Pal. 2015, n° 167 ; L. Thibierge, Rép. Civ. Dalloz, V° « Transaction »).

Au cas d’espèce, une transaction est conclue en 2007, puis homologuée en 2009.

L’une des parties n’honorant pas ses obligations au titre de la transaction. Celle des parties qui s’était engagée à régler la dette n’honore pas son engagement. Actionnée en paiement, elle excipe de la nullité de la transaction, motif pris de l’absence de concessions réciproques. D’où la question, essentielle : le fait que la transaction ait été homologuée fait-il obstacle à une action ultérieure en nullité ? Pour les juges du fond (Versailles, 26 janvier 2017), une réponse affirmative s’impose.

Cassation, au visa de l’article 2052 ancien (dans sa rédaction antérieure à la loi J21 du 18 novembre 2016) : « lorsque le président du tribunal de grande instance statue sur une demande tendant à conférer force exécutoire à une transaction, son contrôle ne porte que sur la nature de la convention qui lui est soumise et sur sa conformité à l'ordre public et aux bonnes moeurs et n'exclut pas celui opéré par le juge du fond saisi d'une contestation de la validité de la transaction ».

La ratio decidendi est incontestable : le contrôle opéré par le juge de l’homologation est léger. Il se borne à vérifier la nature de la convention (est-ce une transaction ?) et sa conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Puisque ce contrôle est léger, formel, minimum, il ne porte que sur l’évidence.

Reste que la formule retenue peut interpeller. Lorsque la Cour évoque un contrôle sur la « nature de la convention », ne pourrait-on considérer que ce contrôle porte sur l’existence des concessions réciproques ? Dès lors que l’existence de concessions réciproques est consubstantielle à la notion même de transaction, le juge qui contrôle la nature ne devrait-il pas s’assurer de l’existence desdites concessions ? Si l’argument peut porter, il reçoit immédiatement une limite : un contrôle léger peut-il porter sur la réalité de ces concessions ?