La compétence de principe du juge judiciaire confirmée à propos d’un contrat de bail entre un propriétaire privé et une commune, commentaire sur l’arrêt du Tribunal des conflits du 3 juillet 2023
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Daniel Kuri, Maître de conférences hors classe de droit privé, Université de Limoges (O.M.I.J.) EA 3177
Novembre 2023
Il est surprenant que le Tribunal des conflits ait été appelé à trancher une question de compétence en principe fortement établie en jurisprudence. C’est pourtant ce qui s’est passé à la suite d’une décision de justice surprenante d’un juge du fond de l’ordre judiciaire. Quelques mots pour rappeler les faits à l’origine du litige.
Le 9 juin 2017, Mme B... et la commune de Baie-Mahault, représentée par son maire, ont signé un bail à usage professionnel. Conformément à l’article 3 du contrat de bail, les locaux loués avaient pour destination le redéploiement des services publics de la ville, à l’exclusion de toute autre activité commerciale, industrielle ou artisanale.
Le 27 novembre 2020, Mme B... a fait assigner la commune devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre pour voir constater la résiliation du bail, obtenir l'expulsion de la commune et la condamnation de celle-ci au paiement, d'une part, d'une somme provisionnelle à valoir sur l’arriéré de loyers majoré des intérêts de retard et de la cause pénale, d'autre part, d'une indemnité provisionnelle d'occupation jusqu’à la libération des lieux et, enfin, de dommages-intérêts au titre de la perte de chance et de la perte de revenus.
Par ordonnance du 19 février 2021, le juge des référés du Tribunal judiciaire s’est déclaré incompétent pour connaître de ces demandes.
Mme B... a alors saisi, par des demandes identiques, le Tribunal administratif de la Guadeloupe. Par jugement du 16 mars 2023, le Tribunal administratif de la Guadeloupe, a renvoyé au Tribunal des conflits, sur le fondement de l’article 32 du décret du 27 février 2015 [1] , le soin de décider sur la question de la compétence.
Dans son arrêt le Tribunal des conflits constate, tout d’abord, que « Le bail conclu le 9 juin 2017 entre Mme B... et la commune de Baie-Mahaut, qui avait pour objet l'accueil temporaire des services de la ville, n’a pas le caractère d'un marché public. »
Il relève, ensuite, que « Par ailleurs, le contrat ne comporte pas de clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. »
Enfin, le Tribunal constate que ce contrat de bail « a pour seul objet de répondre aux besoins de fonctionnement des services de la ville et non pas de confier à la cocontractante l’exécution d’un service public dont la commune a la charge ».
Ainsi, selon le Tribunal des conflits, « ce contrat ne revêt pas un caractère administratif. »
En conséquence, « Il appartient à la juridiction judiciaire de connaître du litige opposant Mme B... à la commune de Baie-Mahault. »
Par ces motifs [2] , la Haute juridiction « D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant Mme B... à la commune de Baie-Mahault.
Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre du 19 février 2021 est déclaré nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de la Guadeloupe est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 16 mars 2023.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B..., à la commune de Baie-Mahault et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. »
On ne peut qu’approuver l’arrêt du Tribunal des conflits qui, par des motifs sobres et rigoureux, remet le droit à l’endroit là ou des juges l’avaient mis à l’envers. Le contrat de location en cause ne revêtant pas un caractère administratif, il appartenait à la juridiction judiciaire de connaître du litige opposant Mme B... à la commune de Baie-Mahault.
On ne peut, à cet égard, que fortement critiquer le juge des référés du Tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre du 19 février 2021 qui s’était déclaré incompétent.
S’agissant du juge judiciaire de première instance, celui-ci a sans doute été sensible au fait que l’un des cocontractants était une personne publique et il ne s’est pas posé la question de savoir quel était l’objet du bail, si celui-ci comportait des clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliqueraient, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. Le juge des référés ne s’était pas interrogé, non plus, sur le fait de savoir si la « la cocontractante [s’était vue confier] l'exécution d'un service public dont la commune a la charge. »
Ces interrogations étaient pourtant essentielles et le juge aurait pu, en plus, s’inspirer d’un arrêt récent de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 4 juillet 2019 [3].
Les faits de l’espèce étaient en eux-mêmes très simples.
La commune de Boissezon avait donné à bail à la société Terre d’Hautaniboul un immeuble à usage commercial dépendant de son domaine privé.
À la suite de l’effondrement partiel du chemin rural desservant les locaux loués, un arrêté municipal y avait interdit la circulation.
Soutenant être dans l’impossibilité de poursuivre son activité et invoquant un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, la société avait saisi la juridiction judiciaire pour voir prononcer la résolution du contrat et obtenir le paiement de dommages-intérêts.
La commune de Boissezon avait alors soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative.
Après le juge judiciaire de première instance, la Cour d’appel de Toulouse, le 4 juillet 2018, rejeta cette exception d’incompétence aux motifs que « l’objet de l’action engagée par le preneur et ses ayants-cause, telle qu’elle résulte de l’acte introductif d’instance, est de sanctionner une violation prétendue du bailleur à son obligation de délivrance, par la résolution du bail commercial et d’obtenir l’indemnisation des préjudices en résultant pour les demandeurs ; que le bail commercial est un contrat de droit privé et l’immeuble loué dépend du domaine privé de la commune, quelque soit le statut de la voie qui le dessert et permet aux véhicules nécessaires à l’exploitation du fonds de commerce d’y accéder depuis le réseau routier ; qu’ainsi que l’a justement relevé le premier juge, il n’est soumis à aucune clause exorbitante du droit commun ».
Les conseillers ajoutèrent « que le litige a pour objet de sanctionner la violation par le bailleur de ses obligations contractuelles, dans le cadre déterminé par les articles 1719 et 1720 du code civil, et notamment de celles de délivrer au preneur le bien loué, puis de l’en faire jouir paisiblement pendant la durée du bail conformément à son usage, tel que les parties l’ont défini ; qu’il échappe ainsi à la compétence du juge administratif et [que]l’ordonnance sera nécessairement confirmée » ;
Enfin, adoptant les motifs du juge de première instance, la Cour d’appel estima que « s’agissant de l’exception d’incompétence de la présente juridiction civile au profit de la juridiction administrative, il convient de rappeler et de souligner que le présent litige ne vise que la résolution du bail commercial aux torts exclusifs du bailleur et non d’une action en responsabilité contre la commune, personne publique, en raison d’un manquement à son obligation d’entretien général d’un chemin rural ou d’un défaut d’exécution de travaux publics ; qu’il s’agit d’examiner uniquement la responsabilité de la commune en qualité de bailleresse envers le preneur pour inexécution de l’obligation de délivrance invoquée, consistant en l’impossibilité pour la société Terre d’Hautaniboul d’accéder au local loué ; qu’il s’agit donc bien de l’examen de la violation ou non d’un engagement contractuel du bailleur dans le cadre d’un bail incontestablement commercial, celui-ci faisant expressément références aux dispositions du décret du 30.9.1953, portant sur un local faisant partie du domaine privé de la commune (fait constant) et précision faite qu’il n’est soumis à aucune clause exorbitante du droit commun ; qu’il convient donc de rejeter l’exception d’incompétence soulevée » ;
À la suite du rejet de son exception d’incompétence, la commune s’était alors pourvue en cassation en faisant fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté cette exception.
Dans le moyen de son pourvoi, la commune de Boissezon soutenait, tout d’abord, que « la clause exorbitante du droit commun est celle qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ; [et] que, dans ses conclusions d’appel, la commune faisait valoir que le contrat de bail litigieux devrait être requalifié en contrat administratif, relevant de la compétence du juge administratif, si l’engagement de la commune à entretenir le chemin rural qui dessert le fonds donné à bail à la société était regardé comme incorporé au contrat dans la mesure où cet engagement constituerait une clause exorbitante du droit commun ; ».
Ainsi, « en se bornant à énoncer, pour rejeter l’exception d’incompétence soulevée, que le bail n’était soumis à aucune clause exorbitante du droit commun, sans expliquer, comme elle y était invitée, si elle considérait que l’engagement de la commune à entretenir le chemin rural était, ou non, incorporé au contrat et, ainsi, sans mettre la Cour de cassation en mesure de connaître les clauses qu’elle a examinées pour retenir cette solution, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ; »
La commune de Boissezon estimait, également, « que, subsidiairement, la clause exorbitante du droit commun est celle qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ; [et] que, dans ses conclusions d’appel, la commune faisait valoir que le contrat de bail litigieux devrait être requalifié en contrat administratif, relevant de la compétence du juge administratif, si l’engagement de la commune à entretenir le chemin rural qui dessert le fonds donné à bail à la société était regardé comme incorporé au contrat dans la mesure où cet engagement constituerait une clause exorbitante du droit commun ; »
En conséquence, la commune de Boissezon soutenait qu’« en se bornant à énoncer, pour rejeter l’exception d’incompétence soulevée, que le bail n’était soumis à aucune clause exorbitante du droit commun, sans expliquer, comme elle y était invitée, en quoi l’engagement de la commune à entretenir le chemin rural pouvait être regardé comme incorporé au contrat, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ; »
Enfin, la commune de Boissezon considérait « que, tout aussi subsidiairement, la clause par laquelle une commune s’engage à entretenir un chemin rural, appartenant à son domaine privé et ouvert à la circulation publique, constitue une clause exorbitante du droit commun ; qu’en retenant que l’engagement de la commune à entretenir le [...], qui appartient à son domaine privé et est ouvert à la circulation publique, ne constitue pas une clause exorbitante du droit commun, la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; »
La Cour de cassation rejeta le pourvoi de la commune de Boissezon en réaffirmant plusieurs principes qui, selon les Hauts magistrats, avaient bien été appliqués par les conseillers de la Cour d’appel de Toulouse.
La Haute juridiction affirma tout d’abord – dans un motif qui a des allures de principe – « qu’aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; que cette obligation légale lui impose de délivrer un local conforme à la destination contractuelle » (premier considérant).
Elle considéra ensuite que, dans la présente affaire, « […] c’est à bon droit et sans avoir à procéder aux recherches visées par les deux premières branches du moyen, qu’après avoir relevé que l’action engagée par la société tendait à voir sanctionner la violation, par la commune, de son obligation de délivrance, en raison de l’impossibilité d’accéder aux locaux loués, la cour d’appel a retenu que le litige avait pour objet la résolution d’un contrat de bail portant sur un immeuble dépendant du domaine privé et dépourvu de clause exorbitante du droit commun et relevait, par suite, de la compétence de la juridiction judiciaire ; que le moyen n’est pas fondé ; » (second considérant).
Ainsi, cet arrêt rappelait bien, dans ces deux considérants, l’importance de l’obligation de délivrance de « la chose louée » dans le contrat de bail (premier considérant), pour appliquer ensuite cette obligation en prenant en compte le contexte juridique de l’affaire (second considérant).
À cet égard, la Cour relevait, avant toutes choses, que la commune de Boissezon avait fait cette location sur son domaine privé.
La Cour en déduisait que lorsqu’une commune procède à une location sur son domaine privé, le régime juridique de celle-ci dépend entièrement de l’article 1719 du Code civil, en particulier en ce qui concerne l’obligation de délivrance.
En l’espèce, la Cour soulignait ainsi fortement la primauté du droit commun des baux lorsqu’ une commune loue des biens appartenant à son domaine privé.
Un autre intérêt de l’arrêt était de rappeler que si les dispositions du droit civil s’appliquant au bail de droit commun ont, en principe, un aspect supplétif, tel n’est pas le cas de l’obligation de délivrance qui s’applique à l’ensemble des baux et présente un caractère d’ordre public.
A ce propos, même si le loyer est un élément essentiel du contrat de bail, sans lequel ce dernier ne saurait exister [4] , l’obligation de délivrance fait, elle aussi, intrinsèquement partie du bail.
En conséquence, le fait que l’obligation de délivrance ne figure pas expressément dans le contrat de bail ne signifie aucunement que cette obligation ne doive pas s’exécuter [5] .
La Cour ajoutait, d’ailleurs, que « cette obligation légale » impose au bailleur de remettre au locataire « un local conforme à sa destination contractuelle [6] » .
En l’espèce, rappelons-le, il n’était pas possible d’accéder aux locaux loués !
De façon plus générale, la Cour de cassation assimile, d’ailleurs, la non-conformité de la chose louée à sa destination contractuelle à un manquement à l’obligation de délivrance [7] .
Au-delà de la primauté du droit commun des baux lorsqu’une commune procède à une location sur son domaine privé, et du caractère d’ordre public de l’obligation de délivrance (premier considérant), l’arrêt soulignait aussi l’éviction de l’application des règles de droit public lorsqu’une commune fait une location sur son domaine privé (second considérant).
Rappelons que la commune de Boissezon, dans la procédure engagée contre son locataire, et notamment dans son pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse du 4 juillet 2018, tentait d’appliquer les règles – dérogatoires – tenant à sa qualité de commune.
La Cour rejeta donc très fermement les moyens d’un pourvoi pourtant fortement argumenté.
Il était, en effet, soutenu par les auteurs du pourvoi, dans les deux premières branches du moyen, « que le contrat de bail litigieux devrait être requalifié en contrat administratif, relevant de la compétence du juge administratif, si l’engagement de la commune à entretenir le chemin rural qui dessert le fonds donné à bail à la société était regardé comme incorporé au contrat dans la mesure où cet engagement constituerait une clause exorbitante du droit commun ; »
Par ailleurs, dans la troisième branche du moyen, les auteurs du pourvoi soutenaient « que, tout aussi subsidiairement, la clause par laquelle une commune s’engage à entretenir un chemin rural, appartenant à son domaine privé et ouvert à la circulation publique, constitue une clause exorbitante du droit commun ; »
La Cour, pour rejeter ces prétentions, considéra – sans aucune réserve – « […] que le litige avait pour objet la résolution d’un contrat de bail portant sur un immeuble dépendant du domaine privé et dépourvu de clause exorbitante du droit commun et relevait, par suite, de la compétence de la juridiction judiciaire ; » (second considérant).
Comme nous l’avions souligné, « ce rappel, par la Cour de cassation, de l’objet du litige, des faits de l’espèce, et de leur qualification juridique, était opportun car il serait commode – pour une commune désirant s’affranchir des obligations les plus classiques d’un bailleur – d’invoquer des règles dont l’application n’a aucun sens s’agissant de locations concernant le domaine privé communal.[8] » .
En définitive, cet arrêt était une invitation à ne jamais oublier que le droit commun des baux, toujours régi par les textes initiaux du Code civil de 1804, a une vocation de principe à s’appliquer en l’absence d’hypothèses ou de dispositions spécifiques.
Pour revenir à l’arrêt du Tribunal des conflits du 3 juillet 2023, l’intérêt essentiel de cette décision est de rappeler qu’une solution identique doit être appliquée lorsqu’une commune est « locataire »d’un particulier, en l’espèce par le biais d’un bail à usage professionnel ayant pour objet l’accueil temporaire des services de la ville, dans la mesure où ce bail n’avait pas le caractère d’un marché public [9] .
Par ailleurs, selon le Tribunal « le contrat ne [comportait] pas de clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs.[10] »
Ces motifs rappellent fortement ceux où la Cour de cassation, dans son arrêt du 4 juillet 2019, considérait « […] que le litige avait pour objet la résolution d’un contrat de bail portant sur un immeuble dépendant du domaine privé et dépourvu de clause exorbitante du droit commun et relevait, par suite, de la compétence de la juridiction judiciaire ; »
Enfin, ne négligeant aucun cas de figure et envisageant l’hypothèse éventuelle d’une délégation de service public, le Tribunal constate que ce contrat de bail « a pour seul objet de répondre aux besoins de fonctionnement des services de la ville et non pas de confier à la cocontractante l’exécution d’un service public dont la commune a la charge »[11] .
Le Tribunal des conflits en conclut que « ce contrat ne revêt pas un caractère administratif. »
En définitive, il nous semble – au regard de cette question de compétence en principe solidement établie en jurisprudence – que cet arrêt du Tribunal des conflits aurait pu facilement être évité si le juge judiciaire de première instance avait mieux raisonné en la matière, en s’inspirant – tout simplement – de la solution clairement dégagée par la Cour de cassation dans son arrêt du 4 juillet 2019, qui confirmait d’ailleurs un arrêt d’une Cour d’appel et d’un Tribunal de première instance. Nous osons dire, de manière assez paradoxale, que notre commentaire aurait du ne pas exister !
Que dire, enfin et surtout, du temps perdu par les parties, notamment le bailleur, dans le règlement d’un « petit litige ».
On ne peut que déplorer, dans cette affaire, le mauvais exercice du Service public de la Justice, notamment par le juge judicaire qui a fait « dérailler » initialement la « chaîne » fragile de la Justice .[12]
Notes
- ↑ Décret du 27 février 2015, article 32, « Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal. »
- ↑ Le Tribunal des conflits n’utilise pas cette formule traditionnelle, comme d’ailleurs de nombreuses décisions de justice aujourd’hui. Elle avait pour avantage, notamment pour les profanes, de clairement dissocier les deux parties de la décision et de bien marquer la construction du syllogisme judiciaire.
- ↑ Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 4 juillet 2019, 18-20.842, Publié au bulletin ; D. 2019, p. 1451. De façon malencontreuse, cet arrêt figure dans la rubrique « Droit administratif » alors même que la Cour de cassation confirme la compétence du juge judiciaire en la matière… Voir notre commentaire, D. Kuri, « Une commune louant un bien de son domaine privé est tenue de l’obligation de délivrance de l’article 1719 du Code civil, commentaire sur l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 4 juillet 2019 » (fr), htpp://lagbd.org (fr)
- ↑ Voir sur ce point l’article 1709 du Code civil.
- ↑ Le caractère impératif de l’obligation de délivrance – énoncé avec vigueur par la Haute juridiction – était, en tout cas, un rappel salutaire que les dispositions, en principe supplétives du Code civil dans le bail de droit commun, peuvent comporter des exceptions à propos d’obligations à ce point importantes qu’elles présentent un caractère d’ordre public.
- ↑ On rappellera, pour mémoire, que l’obligation de délivrance étant, en elle-même, essentielle à la formation du contrat de bail, aucune disposition contractuelle ne peut en exonérer le bailleur La jurisprudence est abondante et constante sur cette question. Voir notamment Civ. 1ère, 11 octobre 1989, Bull. civ. I, n° 317.
- ↑ Tel sera, par exemple, le cas lorsque l’immeuble ne répond pas aux normes de sécurité et empêche ainsi l’utilisation des lieux pour la destination contractuellement autorisée, en ce sens, Civ. 3ème, 18 mars 2008, n° 07-18.303.
- ↑ D. Kuri, article précité.
- ↑ On rappellera, à contrario, que le Tribunal des conflits a considéré, le 10 janvier 2022, que « Le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l'action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé et que le litige concerne l'exécution de ce contrat », Tribunal des Conflits, 10/01/2022, C4231.
- ↑ On peut, à ce propos, rappeler que le Tribunal des conflits considère, depuis un arrêt du 13 octobre 2014, que la clause exorbitante du droit commun pouvant justifier qu’un contrat soit qualifié d’administratif doit être identifiée comme étant celle qui implique, « dans l’intérêt général, que le contrat relève du régime exorbitant des contrats administratifs ». L’arrêt donnait, à titre d’illustration, les stipulations reconnaissant à la personne publique contractante des prérogatives dans l’exécution du contrat, Tribunal des conflits, 13 octobre 2014, Société AXA France IARD c/ MAIF, n° C3963.
- ↑ Pour un exemple où le Tribunal des conflits avait considéré qu’il y avait une délégation de service public, on peut regarder l’arrêt du Tribunal des conflits du 15 octobre 2012. Le Tribunal « Considérant que le litige, portant sur le recouvrement d'un trop perçu par la société Avenance Enseignement et Santé de la part de la commune de Vierzon, oppose la commune délégante à son délégataire du service public [avait déclaré] ; que, dès lors, la juridiction administrative est compétente pour en connaître », Tribunal des conflits, 15 octobre 2012, C3866.
- ↑ Article dédié à la mémoire de mon fils Virgile Kuri, trop tôt disparu le 2 juin 2021.